n° 22615 | Fiche technique | 9539 caractères | 9539 1543 Temps de lecture estimé : 7 mn |
04/09/24 |
Résumé: Lorsqu’elle défie ses parents pour retrouver son amie, une adolescente découvre le pouvoir de choisir sa propre voie. Entre rébellion et premier amour, ce texte explore le chemin initiatique vers l’émancipation et l’affirmation de soi. | ||||
Critères: ff amour nonéro | ||||
Auteur : Maryse Envoi mini-message |
Projet de groupe : Les premières fois |
Alex ! Le souvenir de son amie s’imposa à son esprit. Celle-ci avait transformé le cours de son existence, jusque-là toute tracée, en lui faisant vivre des moments d’une intensité sans égale. Pourtant, tout les séparait.
Elle était la fille unique d’une famille respectée. Elle vivait une existence minutieusement orchestrée par ses parents, où chaque moment était exploité pour la faire progresser. Jeune fille modèle, elle n’envisageait alors pas d’autre alternative que de suivre scrupuleusement les attentes familiales, de parfaire son éducation et d’adopter une vie conforme aux valeurs de son milieu.
Alex menait une existence à l’opposé de la sienne. Elle habitait, avec sa mère, une petite chaumière au milieu des champs. Les deux cultivaient des plantes aromatiques, fabriquaient des objets artisanaux et vivaient au rythme des saisons. Alex semblait connaître chaque recoin de la campagne avec laquelle elle vivait en symbiose.
Leur rencontre bouleversa son monde jusque-là bien policé, en initiant au fond d’elle, une réaction en chaîne qui prit progressivement de l’ampleur et qui l’amena à remettre en cause toutes les certitudes sur lesquelles se fondait son existence d’alors.
Elle se souvenait de ce jour précis où Alex était apparue dans son jardin alors qu’elle y flânait. Pendant un bref instant, elle avait eu la sensation que tout s’était illuminé. L’insouciance, le sourire malicieux, les yeux pétillants et le charme de cette dernière l’avaient littéralement subjuguée. Alex personnifiait la liberté qu’elle n’avait jamais connue. Ce jour-là, pour la première fois, elle avait pressenti qu’il existait une autre voie que celle à laquelle on la destinait. Une nouvelle voie où tout devenait possible.
Le monde inédit et inespéré qu’incarnait la jeune fille n’avait fait que décupler son attrait et sa fascination pour elle.
Chaque jour passé avec son amie la rapprochait un peu plus de cet ailleurs rêvé, cet espace de liberté où tout semblait possible. Elles riaient ensemble, se confiaient des secrets et imitaient avec impertinence les adultes qui les entouraient. Grâce à Alex, elle découvrait une vie qu’elle n’avait jamais imaginée : une vie où l’on pouvait être soi-même, sans se soucier des regards, des attentes ou du jugement des autres.
Ce fut une période stimulante et excitante, durant laquelle elle commença à remettre en question tout ce qu’on lui avait jusque-là inculqué. Elle ne découvrait pas seulement l’amitié, mais s’éveillait, sans en avoir véritablement conscience, à de nouveaux sentiments : l’envie de liberté, d’indépendance, et quelque chose de plus profond qu’elle n’arrivait pas à définir.
Leur rencontre ne passa pas inaperçue. Ses parents, inquiets de l’influence d’Alex, décidèrent de mettre fin à leur relation. Ils lui interdirent tout contact avec son amie, sous prétexte que celle-ci avait une mauvaise influence sur elle, la faisait négliger ses devoirs et compromettait son avenir. Elle se révolta intérieurement. Pour la première fois, elle trouva la force de désobéir. En secret, elle continua de la voir, portée par une nouvelle détermination : s’affranchir du carcan familial.
La punition ne tarda pas. Un jour, alors qu’elles se cachaient dans un recoin du jardin, à échanger des promesses d’amitié éternelle dessinées sous forme de cœurs sur leurs poignets, sa mère les surprit. Le visage marqué par la déception, elle ne prononça pas un mot, et dans un silence glacial, la ramena manu militari, la tirant violemment par le bras.
Son père, tout aussi furieux, exigea une explication. Elle refusa de la donner. Pour la première fois de sa vie, elle ne s’excusa pas, ne chercha pas à se justifier. Silencieuse, les bras croisés, l’expression butée, le regard défiant, elle ne fit qu’exacerber la fureur contenue de son père.
Elle endura la remontrance interminable sans broncher. On lui rappela le bien-fondé de l’autorité parentale, le devoir d’obéissance, la nécessité de respecter les règles. Puis la sanction tomba : elle fut renvoyée dans sa chambre, avec l’interdiction d’en sortir, menacée même d’internat si elle continuait à se rebeller. Sa mère, d’ordinaire plus clémente, n’en démordit pas et approuva sans réserve la punition décidée par son mari.
Ce jour-là, le respect et la confiance aveugle qu’elle accordait jusque-là aux adultes volèrent en éclat. Ce qu’elle jugeait être de la rigidité et du manque de compréhension délita irrémédiablement l’image idéalisée qu’elle se faisait de ses parents et, pour la première fois, elle perdit la foi absolue qu’elle leur vouait.
Enfermée dans sa chambre, elle resta longtemps allongée sur le lit, les bras en croix, anéantie à l’idée de ne plus jamais revoir Alex et de perdre cette part d’elle-même qu’elle venait à peine de découvrir. Nourri par son profond chagrin, quelque chose de nouveau grandissait en elle : un sentiment d’injustice, une révolte contre la vie qu’on lui imposait, et un désir ardent de se libérer de cette autorité tyrannique. La vision de son avenir, déjà balisée malgré elle, devenait floue, et pour la première fois, elle ressentait une farouche envie de s’affranchir.
Ce fut en pleine nuit qu’Alex réapparut. Elle lança des petits cailloux contre la fenêtre pour attirer son attention. Lorsqu’elle la vit dans le jardin, lui faisant de grands signes pour qu’elle la rejoigne, elle sentit tout son être se réveiller. Alex était là, fidèle et lumineuse sous les rayons de la lune. À cet instant, elle sut que, quoi qu’il arrive, elle ne renoncerait plus à ce qu’elle avait de plus précieux : son libre arbitre, le pouvoir de choisir sa vie, de suivre ses aspirations et de combler ses propres désirs.
Elle ouvrit précipitamment la fenêtre et se pencha dehors :
Elle perçut une nouvelle gravité dans le timbre de la voix d’Alex, ce qui ne fit qu’amplifier son désir de la rejoindre. Sans plus réfléchir, elle quitta sa chambre, descendit les escaliers sur la pointe des pieds, son cœur battant à tout rompre. À chaque craquement de marche, elle redoutait d’être surprise.
Elle arriva sans encombre dans la cuisine. Une nouvelle poussée d’angoisse la saisit : que penserait Alex de la voir ainsi, avec sa chemise de nuit fripée, son visage tiré, ses yeux gonflés et ses cheveux en désordre ? Mais son impatience de retrouver Alex fut plus forte.
Elle poussa la porte de la cuisine, derrière laquelle sa merveilleuse et indéfectible amie l’attendait. Dès qu’elle l’aperçut, un magnifique sourire aux lèvres et les yeux miroitant dans la pénombre, elle se jeta dans ses bras avec une telle précipitation qu’elles faillirent tomber à la renverse.
Leur étreinte, à la fois maladroite et pleine de ferveur, déclencha un tourbillon de sensations indescriptibles en elle. Par un phénomène mystérieux, leurs deux corps réunis semblaient n’en former plus qu’un : elle ne savait plus où elle finissait et où Alex commençait. À travers Alex, elle ressentait pour la première fois toute la richesse que la vie pouvait offrir : intensité, chaleur, désir, et le vertige du bonheur.
Aussitôt, elle éprouva une envie soudaine et impérieuse d’embrasser son amie adorée. Ce qu’elle fit vivement, sans réfléchir. Le contact de la peau tiède et satinée sur ses lèvres la ramena brutalement à la réalité, et dans un sursaut de timidité, elle recula précipitamment, le visage rougissant. Alex la rassura d’un sourire bouleversant, plein de promesses. Après un court moment d’hésitation, qui lui parut une éternité, son amie lui entoura le cou de ses bras et, posant ses lèvres contre les siennes, l’étreignit à son tour. Un baiser inédit, passionné, presque désespéré, qui fit tout oublier. Seuls comptaient Alex et ce qu’elles étaient en train de partager. Bouleversée et émerveillée, savourant intensément ce moment incomparable, sa bouche s’entrouvrit et, répondant à la caresse d’une enivrante douceur, offrit toute la profondeur de son âme. Seuls subsistaient leurs deux corps soudés, s’épousant à la perfection, et ce baiser partagé qui la ramenait à la vie.
Alors qu’elles étaient étroitement lovées l’une contre l’autre, ne formant plus qu’un seul être dont le cœur battait au rythme de leur désir, une lumière crue inonda la cuisine. Elles sursautèrent, leurs souffles se suspendirent tandis que la réalité les rattrapait de plein fouet. La voix grondante de son père retentit comme un coup de tonnerre :
La magie du moment disparut définitivement. Leurs corps, encore rivés l’un à l’autre, semblaient figés dans une ultime communion silencieuse, essayant de profiter de cette dernière seconde pour se transmettre tout ce qu’elles n’avaient pas eu le temps de se dire.
Puis, elles furent cruellement arrachées l’une de l’autre. Chassée violemment par son père, Alex disparut dans l’obscurité de la nuit. Ce fut la dernière fois qu’elle la vit. Mais cette dernière fois laissa en elle une trace indélébile, un souvenir chéri et brûlant de cette nuit où, pour la première fois, elle avait désobéi et aimé…
L’événement marqua un tournant décisif dans sa vie. Il lui ouvrit les yeux et lui donna la force de s’assumer telle qu’elle était, quelles qu’en fussent les conséquences.
Cette « première et dernière fois », grâce aux enseignements qu’elle en tira, guida ses choix futurs, lui faisant comprendre que la voie du cœur et celle de la raison ne se croisent pas toujours et qu’il faut savoir écouter ce qui résonne en nous…