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20/09/24
Résumé:  Ce matin, j’ai acheté une femme. Cela n’a pas été simple et je ne sais pas si j’ai fait le bon choix. Elle sera livrée tout à l’heure.
Critères:  #humour #aventure fffh
Auteur : Amateur de Blues            Envoi mini-message
L'île des femmes

Ce matin, j’ai acheté une femme. Cela n’a pas été simple et je ne sais pas si j’ai fait le bon choix. Elle sera livrée tout à l’heure. Je suis vraiment impatient de la voir.


J’avais pris la décision hier soir. J’en ai marre de dormir seul. D’ailleurs, le plus souvent, je ne dors pas. J’ai vu tous les films de cul de la chaîne câblée et je n’arrive même plus à me masturber.


Je suis allé dans un magasin spécialisé. Il y a bien des femmes en vente dans les supermarchés, mais je voulais quelque chose de bien. C’est un investissement important et il ne faut pas se tromper. En entrant dans la boutique, je pensais trouver des femmes exposées, différents modèles, mais le vendeur était seul derrière son comptoir et cela m’a un peu déstabilisé. Mais il avait l’habitude et il m’a tout de suite expliqué qu’on ne peut pas toucher la marchandise.



Et très vite, il m’a montré un modèle sur son ordinateur, Intelligence Artificielle haut de gamme, chair reconstituée en laboratoire à partir de calamars sur une ossature en titane, humidité vaginale garantie et conversation dans soixante-quinze langues avec un contrat d’entretien et une garantie de dix ans. J’étais abasourdi. Je venais chercher une femme et on me proposait un robot. J’en ai déjà vu chez des amis. Elles font illusion cinq minutes et il paraît qu’au lit elles sont très actives, mais je n’ai pas été convaincu. Le copain chez qui j’étais n’a d’ailleurs jamais voulu me la faire essayer, sa Ferrari (c’était la marque).


Ce matin, j’ai donc expliqué à mon vendeur qu’il se trompait, que je voulais une vraie femme. Il m’a regardé bizarrement et m’a répondu qu’ « effectivement, nous possédons aussi ce genre de modèles, mais vous devez savoir, Monsieur, que ce sont des articles extrêmement onéreux et que nous ne les présentons qu’à nos clients offrant des garanties financières importantes. » Au moins, c’était clair. Je lui ai donc expliqué que j’avais gagné à l’Euromiyon et que j’avais donc toutes les garanties nécessaires.


Je jouais chaque semaine au boulot, avec les collègues, sans y croire et finalement, j’ai gagné une grosse somme. J’ai regardé ce que je pouvais m’offrir avec ça. C’était un appartement, un yacht ou une femme. Hier soir, je me suis décidé pour une dame. Le vendeur a tout de suite vu à qui il avait affaire et il m’a fait des courbettes pour me dire que son directeur était seul habilité à vendre des vraies femmes et qu’il allait le prévenir tout de suite.


Le bureau du directeur était confortable. Heureusement, car il a fallu plus d’une heure d’explications pour que je sache dans quoi je m’engageais. Il devait d’abord me dire comment sa société était en possession de femmes. Ah, vous ne savez peut-être pas, mais depuis la Grande Séparation, nous vivons dans un monde sans femmes.


Il y a eu une période de cohabitation difficile, le féminisme, le patriarcat, vous connaissez peut-être tout ça, mais après il y a eu la guerre et ce n’était plus drôle du tout, des émasculations, des viols à la télévision pour montrer l’exemple, affreux, et cela jusqu’au traité de Lesbos qui a acté la Grande Séparation. Des zones sans hommes ont été créées et donc fatalement, dans les autres zones, il n’y a pas de femmes. Pour l’Europe, les négociateurs ont fait simple : les hommes au Nord, les femmes au Sud. Personnellement, j’ai assez mal vécu la séquence, car j’ai dû quitter le Midi de la France pour venir habiter ici, sur les bords de la Baltique. Je peux vous dire que malgré le réchauffement climatique, je passe des hivers difficiles.


Pour les bébés, on se débrouille. En gros, on envoie du sperme et elles nous refilent les garçons. Il paraît que tout le monde est plus heureux comme ça, mais ce n’est pas vrai. Moi, tout seul dans mon lit, je ne dors plus. Mais, pour en revenir à mon magasin et à mon directeur, comment une société ayant pignon sur rue peut-elle proposer de vraies femmes alors qu’on ne peut pas entrer dans leurs territoires sous peine de mort ?


Eh bien, d’après le directeur, il y a des zones sur terre qui n’ont pas été définies par les négociateurs du traité parce qu’elles étaient difficiles d’accès ou trop peu peuplées pour intéresser qui que ce soit. Il y a des déserts, des jungles et des montagnes, principalement. Et dans ces secteurs, dans une montagne en particulier que le directeur ne pouvait pas me nommer, car c’était un secret commercial, il y avait encore des femmes sauvages qui vivaient comme on vivait autrefois, tranquilles, sans se prendre la tête.


Depuis toujours, des marins les visitaient, leur faisaient des gosses et repartaient contents. Les femmes étaient contentes aussi. Les gosses devenaient des marins et ainsi de suite. J’ai compris que c’était une montagne sur une île, c’est tout ce que je peux vous dire. Ce qui a changé, c’est que la société de mon directeur a besoin de femmes pour satisfaire ses clients exigeants comme moi. Aussi, il envoie des marins salariés de la société qui capturent des femmes sauvages et les ramènent chez nous. En toute légalité, puisque ces idiotes n’ont pas pensé à mettre leur île sur la liste des territoires féminins.


Bien sûr, elles arrivent dans les entrepôts de la société dans un état pas très présentable, c’est le moins qu’on puisse dire. Elles sont donc lavées, épilées et reconditionnées.



Le directeur m’a rassuré. La société a engagé les meilleurs psychiatres pour que ces femmes acceptent et comprennent la chance qu’elles ont et la nouvelle vie qui s’offre à elles. C’est-à-dire appartenir à un homme comme moi. Cela me semblait tout à fait bien et j’ai confirmé que je voulais bien une de ces femmes sauvages reconditionnées.


Je souhaitais aussi savoir si je pouvais choisir, parmi toutes ces femmes, celle que je désirais. C’était compliqué. Je n’ai pas très bien compris pourquoi il n’avait pas un fichier avec des photos des différentes femmes en sa possession, mais c’était ainsi et je pouvais tout de même avancer quelques critères. J’ai choisi une rousse avec des gros seins et des lunettes. Mon ancienne femme, qui a gardé notre maison dans le Midi, était brune et plate comme la Belgique. Pour les lunettes, je ne sais pas, c’est un fantasme que j’ai depuis longtemps, peut-être une institutrice à l’école primaire qui me faisait beaucoup d’effet.


J’ai prêté ma carte bancaire au directeur, signé un contrat, et l’affaire était conclue. Deux anciens Hell’s Angels sont entrés avec un carton imposant.



Je l’ai remercié et j’ai essayé de soulever le carton, mais c’était impossible.



Je désirais une livraison. C’est pourquoi j’attends avec impatience que ma nouvelle femme soit livrée.



&&&



Je parle doucement parce que ma chérie dort encore. Nous avons vécu mille aventures et pour finir une nuit comme je n’en avais jamais connue. Le directeur m’avait vanté les qualités des femmes sauvages, mais il ne mentait pas.


Tout a bien commencé. La livraison n’a posé aucun problème. Les gros tatoués sont arrivés à l’heure dite avec leur carton géant et me l’ont laissé dans le hall d’entrée de mon appartement. Vite, j’ai tiré sur les languettes, déchiré suivant les pointillés, et la femme sauvage que j’avais commandée est enfin apparue. Elle était magnifique, merveilleuse, mieux même que ce que j’avais imaginé.


Elle n’était vêtue que d’une nuisette transparente et j’ai vu tout de suite qu’elle avait bien les nichons que j’avais commandés, une paire splendide. Le modèle livré avait aussi la petite touffe rousse que j’avais voulue. C’était parfait. Elle ne portait pas de lunettes, mais je m’en moquais finalement, des lunettes. C’est après que tout a dégénéré.



J’avais décidé que Samantha serait très bien.



Je l’ai prise par la main pour l’entraîner dans ma chambre, mais elle a résisté.



Je voudrais dire ici que je ne suis pas un salaud insensible. J’ai parfaitement compris que cette femme n’avait pas la gaudriole en tête après tout ce qui venait de lui arriver. Je lui ai fait une petite omelette et je lui ai même servi un canon de rouge. Pourtant, on paye le vin les yeux de la tête dans ces contrées nordiques.


Quand elle a eu fini son repas, je lui ai reparlé de la chambre et elle a bien voulu y entrer, ce coup-ci, mais une fois à l’intérieur, elle n’a pas voulu que je la suive. Elle avait bougrement sommeil après toutes ces aventures en carton. Elle a fermé la porte et je suis resté comme un idiot devant. Peu après, je l’ai entendue ronfler.


Ce n’est pas du tout ce que le directeur m’avait expliqué. Le reconditionnement devait rendre les femmes sauvages très soumises. Or, ce n’est pas ainsi que j’imagine une femme soumise. Puisqu’elle dormait, j’ai décidé de retourner au magasin pour avoir un mode d’emploi, des explications ou un remboursement.


Une fois sur place, le vendeur a pris l’air navré, mais le directeur était absent et personne ne pouvait le remplacer. Je suis revenu dépité à mon appartement pour constater que ma nouvelle femme avait disparu. C’était une vraie catastrophe. Outre qu’elle m’avait coûté une fortune et que je n’en avais même pas profité une seule fois, je risquais certainement une grave amende si la police l’arrêtait. Vous imaginez, une femme errant dans un monde rempli d’hommes ? Il fallait que je la retrouve le premier.


Dans la chambre, il ne restait sur la moquette que des morceaux de jambes de pantalon découpés avec mes ciseaux de cuisine. Je n’ai d’abord pas compris. Puis je me suis rappelé la nuisette que j’ai trouvée au fond de mon armoire. L’astucieuse Samantha avait mis rapidement un de mes pantalons à sa taille. Il manquait aussi une chemise à carreaux dans ma penderie. Comme je n’ai pas de soutien-gorge dans mes affaires, j’ai imaginé ma rouquine avec ses gros lolos sous ma chemise à carreaux et cela m’a donné encore plus envie de la retrouver.


J’ai d’abord erré dans les rues de la ville sans avoir la moindre idée d’où elle pouvait être allée. Au cinéma ? Mais on ne l’aurait pas laissée entrer. Dans une boutique de fringues ? Il n’y avait bien sûr aucun magasin vendant des vêtements féminins dans toute la ville. Puis j’ai repensé à sa crinière flamboyante et à ses gros seins et j’ai cherché une émeute ou un rassemblement important de mâles en rut, mais la ville était calme en cette fin d’après-midi.


Samantha devait donc être dans un endroit où elle n’attirait pas l’attention et c’est ainsi que je me suis dirigé vers le parc municipal, un grand espace de verdure avec des buissons et de nombreuses allées. Là, une femme pouvait trouver refuge et échapper aux regards. Bingo !


À peine entré dans le parc, j’ai vu ma rouquine installée sur un banc, ma chemise à carreaux rouge et noir sur le dos. Elle me regardait arriver et n’avait pas l’air de vouloir s’enfuir.



Je n’ai pas fait de commentaire sur le romantisme de ce parc glacial à la tombée de la nuit, mais pour le baiser, j’étais preneur. Samantha m’a pris par la main pour me conduire au milieu d’une pelouse et là, nous nous sommes allongés. Cela devenait intéressant d’avoir une petite femme rien qu’à moi.


Mais au moment où je croyais pouvoir enfin profiter de mon acquisition, une montagne s’est abattue sur mon dos et m’a totalement immobilisé. J’ai appris ensuite que la montagne était une catcheuse échappée d’un cirque qui se prénommait Astrid. Elle devait peser très lourd, car j’avais le souffle complètement coupé. Elle n’a eu donc aucun mal à m’attacher les mains dans le dos avec une cordelette.


Quand j’ai pu me retourner pour voir ce qui se passait, il y avait trois femmes penchées au-dessus de moi, ma petite femme chérie, la vilaine catcheuse qui était très grosse et très laide et une grande femme maigre à lunettes. J’ai appris ensuite que c’était Miranda. Elle était russe, biologiste, et nos services spéciaux l’avaient enlevée pour qu’elle travaille sur des virus qui ne s’attaquent qu’aux femmes. Elle s’était donc enfuie.



Miranda m’a regardé avec le sourire et elle n’a pas répondu. Elle a simplement relevé sa jupe et quitté sa culotte. Puis elle m’a pincé le nez et fourré son truc sale dans la bouche. Le tissu avait un petit goût. Après, bien qu’elle ait des lunettes et qu’elle m’ait montré une adorable petite chatte intellectuelle, je n’avais pas le cœur à batifoler. Perché sur l’épaule de la catcheuse comme un vieux sac de sport dans la nuit balte, je me sentais un peu ridicule.


Dès qu’on est entré dans l’appartement, Astrid m’a jeté dans un placard dont elle a fermé la porte. Aussi, je ne sais pas grand-chose de ce qui s’est passé ensuite. J’ai entendu rire, des bruits de verre, il y a même eu un coup de feu. Je pense qu’elles ont descendu toutes mes belles bouteilles. Longtemps après, il y a eu le silence. J’avais beau tirer sur mes liens, il n’y avait rien à faire. Alors je me suis endormi.


Je me suis réveillé en sursaut quand la porte du placard s’est ouverte. Ma petite Samantha me regardait avec ses beaux yeux couleur de la mer. Je pensais qu’elle venait me tuer.



J’ai fait signe que oui et j’ai grogné dans la culotte pour qu’elle comprenne que je souhaitais être libéré. Mais elle ne comprenait pas. Elle voulait me parler de ses soucis.



Elle a continué à me regarder et j’ai continué à grogner et à baver parce que je ne pouvais pas mieux exprimer ce que je ressentais.



Gentiment, elle a écarté une mèche de cheveux qui me tombait devant les yeux. J’ai arrêté de grogner pour ne pas l’effrayer davantage.



J’ai hoché la tête autant que j’ai pu. Elle m’a regardé encore un long moment en silence avant d’enlever délicatement la culotte de Miranda de ma bouche.



Elle a défait les nœuds de la cordelette et j’ai enfin pu me redresser et sortir du placard. À ce moment-là, j’aurais pu tenter de la maîtriser. Ma Samantha était petite et mignonne et j’étais certainement plus fort qu’elle, même si je ne suis pas très costaud. Ensuite, j’aurais pu téléphoner à la police. Mais cela ne m’est pas venu à l’esprit. Elle me proposait d’être son ami et c’est ce que je voulais depuis le début.


Donc on a filé. Je lui ai mis mon vieux bonnet sur la tête pour qu’elle n’ait pas froid et surtout pour qu’elle ressemble à un homme. Nous avons pris un taxi et une chambre dans le plus grand hôtel de la ville. Une fois seuls derrière la porte fermée à clé, nous avons éclaté de rire. Nous étions soulagés. Je me suis allongé sur mon lit, parce que bien sûr on avait une chambre avec deux lits jumeaux. Je tentais de penser à la suite, mais Samantha y avait déjà pensé.



Elle ne riait plus. J’ai sorti tous les billets de mon portefeuille. Il y en avait pas mal, peut-être l’équivalent de cinq à six mille euros. Comme c’étaient des zlotys, je ne sais pas trop. Elle s’est mise à compter l’argent sans plus s’occuper de moi, alors je me suis rallongé sur le lit, résigné. J’avais eu la vie sauve, c’était déjà pas mal. La chemise à carreaux lui allait vraiment bien.


Mais soudain, elle m’a regardé intensément comme elle savait le faire. Je n’étais pas très rassuré.



Elle me montrait la liasse qu’elle venait de me prendre alors c’était un marché un peu bizarre, mais j’ai tout de suite été d’accord.



Ensuite, eh bien, elle a fait tout ce qu’elle a voulu et j’ai tout aimé. Ça a duré une bonne partie de la nuit et on a fini par s’endormir ensemble dans un des petits lits jumeaux. Nous étions très serrés, mais ce n’était pas grave, au contraire.



&&&



Je ne croyais pas qu’on pouvait changer de vie aussi radicalement et aussi vite, mais, pourtant, quand je pense à ma vie d’avant, cela me semble très loin alors qu’il n’y a que quelques semaines que je vis ici, au paradis sur terre.


Après notre nuit à l’hôtel, nous devions songer à la suite du programme, c’est-à-dire le retour d’Eileen dans son île de femmes sauvages. D’abord, j’ai mis les choses au point pendant le petit-déjeuner :



J’ai insisté et nous sommes partis. Les faux papiers n’ont pas posé de problème. Je travaille au ministère, alors c’est un peu ma partie. Mais le voyage a été interminable. Nous avons pris un gros avion pour faire le tour de la terre, puis un avion moyen pour quitter le continent et ensuite un tout petit coucou qui nous a déposés dans une petite île avec un seul port et un seul hôtel.


Là, nous avons erré sur le port pendant des jours en attendant un bateau de pêcheur qui pourrait nous emmener dans l’île de ma Samantha. La seule distraction, c’étaient les séances de baise échevelées qu’on pratiquait quotidiennement, en général l’après-midi quand aucun bateau n’entrait dans le port. Elle était belle, ma femme, quand je la regardais questionner les pêcheurs, avec mon bonnet enfoncé sur la tête et ma chemise à carreaux rouge et noir.


Finalement, on a trouvé un petit rafiot qui ne m’inspirait aucune confiance, et d’ailleurs j’ai été malade pendant toute la traversée.



Quand on a débarqué, je me suis tout de suite senti mieux. Il faisait beau et chaud. D’ailleurs, ma Samantha a tout de suite quitté ma chemise à carreaux. J’étais un peu étonné qu’elle montre ainsi sa poitrine aussi facilement, mais bientôt, un groupe de femmes s’est approché de nous et toutes avaient la poitrine découverte. C’était un vrai festival, des seins de toutes les tailles et de toutes les formes, des petits nénés de jeunettes et des gros nichons de mamans obèses, des vieilles outres tombantes de grand-mères, et les plus beaux, ceux de ma Samantha. Tous ces nichons se frottaient les uns contre les autres, tétons contre tétons. J’étais au paradis.


Il y a eu des cris de joie, des embrassades. Ce qui m’a tout de suite frappé, c’est que je ne parlais pas la langue. Je n’y avais pas pensé. Samantha parlait comme moi parce qu’elle avait été reconditionnée, mais ici, elle a tout de suite retrouvé le charabia natal. De toute manière, personne ne faisait attention à moi. Ma femme m’avait oublié et s’en allait bras dessus, bras dessous avec ses amies, ou ses sœurs, ou je ne sais pas qui elles étaient pour elle, et je suis resté tout seul au milieu des singes et des palétuviers. Je ne garantis rien pour le nom des arbres.


Puis un vieux s’est approché. Il m’a un peu tourné autour en crachant par terre, avant de m’entraîner vers une sorte de case au sol en terre battue. J’ai compris que c’était mon nouveau logis. Ensuite, toujours avec des gestes, il m’a attiré vers une espèce de champ, en tout cas une étendue sans arbres où des plantes très laides poussaient au milieu des cailloux, et il m’a montré ce que je devais faire.


Il s’agissait d’éliminer les mauvaises herbes avec une binette antique. Le vieux est allé s’allonger à l’ombre pour me regarder travailler. Alors j’ai biné en me demandant quand j’allais retrouver ma Samantha, si je la revoyais un jour. J’aurais pu tout envoyer balader, mais le vieux était peut-être le grand-père de ma femme, qui sait, et je ne voulais pas me le mettre à dos.


Heureusement, quelle que soit la difficulté des journées, le soleil finit toujours par se coucher et c’est ce qui est arrivé ce jour-là. À un moment donné, j’ai tourné la tête vers le bord du champ et le vieux n’était plus là. Alors j’ai abandonné la binette et j’ai rejoint ma case. J’étais exténué et je n’aspirais qu’au sommeil.


La journée était pourtant loin d’être finie. Ma Samantha m’attendait, belle et presque nue, rayonnante de bonheur, sur un petit banc devant ma probable case. Oh, quelle joie de la revoir, de constater qu’elle ne m’avait pas oublié ! J’imaginais que nous allions nous retirer dans l’intimité pour reprendre nos activités acrobatiques, mais je me trompais.



Et donc, Sam m’expliqua tout en chemin. Les femmes sur cette île avaient le contrôle de l’activité sexuelle. C’était ainsi depuis la nuit des temps et personne ne souhaitait que cela change. Des couples pouvaient se former, mais les femmes décidaient tout de même de qui couchait avec qui. Et une institution qui leur plaisait beaucoup était la partie de cartes. Quand elles constataient qu’un mâle était désiré par beaucoup d’entre elles, elles jouaient aux cartes pour savoir qui l’emmènerait dans son lit.


Comme j’étais nouveau et exotique, j’étais très convoité, m’apprit Samantha. Nous sommes arrivés sur ces entrefaites dans une grande clairière où la plupart des habitants de l’île étaient réunis. Les gosses étaient couchés. Les hommes buvaient une boisson manifestement alcoolisée autour d’un feu, et les femmes installées en rond autour d’un tapis, très joli, d’ailleurs très coloré, jouaient aux cartes. Ne me demandez pas les règles de leur jeu. Comme je ne parle pas leur langue, je n’ai jamais compris ce qui se passait, ni ce soir-là ni depuis. Pourtant, je suis l’enjeu de la partie tous les soirs depuis mon arrivée.


Chacune d’entre elles avait trois cartes dans la main et l’une après l’autre, elles se levaient, jetaient une de leur carte sur le tapis et criaient quelque chose que j’interprétais comme un défi. Moi, installé sur une espèce de trône en bambou, j’attendais la fin de la partie, reluquant les participantes et me demandant avec qui j’allais bien coucher. Samantha était de loin ma préférée. Mais il y avait quelques jeunes femmes qui n’étaient pas trop déplaisantes.


La partie a duré longtemps. Elles n’avaient que trois cartes en main, mais parfois, l’une d’entre elles sautait au milieu du tapis et récupérait une carte ou deux. J’étais épuisé et je commençais à bâiller sérieusement quand une énorme mama s’est installée au milieu du tapis, a jeté ses cartes en l’air et a commencé à danser en riant. Elle avait gagné.


En dansant, elle relevait sa grande jupe informe et je découvrais, effrayé, ses cuisses grasses et sa motte poilue. Les hommes levèrent leurs gobelets en fer blanc à sa santé, ou à la mienne, et elle m’a entraîné dans sa masure. Il y faisait noir comme dans un four et c’était tant mieux, car je n’avais pas envie de voir ce qui allait se passer. De toute manière, j’étais si fatigué après la journée dans le champ que je me savais incapable de bander.


Pourtant, la sarabande endiablée dans la nuit a été fantastique. Cette grosse dondon était chaude et souple et elle maîtrisait à la perfection l’art de l’amour. Comme avec ma Samantha, je la laissais décider de tout et je suis sorti glorieusement de tous les combats avant de sombrer dans un sommeil d’une profondeur inégalée, comme avalé par un trou noir.


Quand j’ai ouvert les yeux, la belle Samantha aux yeux clairs était là qui me regardait en souriant.



Elle me présentait un bol en terre cuite malpropre rempli d’une sorte de gruau verdâtre. Le temps que je m’empare du bol, elle avait disparu. J’avais faim. Aussi, je n’ai pas fait le difficile et le gruau était somme toute acceptable. J’avais à peine léché le fond de mon bol que le vieux a pointé son nez à l’entrée de la case.


Et tout a recommencé, la journée dans les cailloux sous un soleil de plomb, la partie de cartes. C’était encore moi l’enjeu. Samantha avait eu le temps de m’expliquer que la mama de la nuit dernière n’avait pas tari d’éloges sur mon compte et que toutes voulaient goûter à l’étranger blanchâtre.


Cette fois, c’est une grand-mère qui a emporté la partie, une vieille dame, petite, fragile. Mais la nuit a été encore plus réussie que la première. Elle avait une manière de s’occuper de moi avec sa langue, incroyable ! Et finalement, dans le noir, une jeune ou une vieille, ça ne fait pas tant de différence que ça. D’ailleurs, le troisième soir, c’est une petite jeune qui a gagné leur jeu incompréhensible. Je la soupçonne d’avoir triché, car quand elle a entamé sa danse de gagnante, toutes ses copines riaient à gorge déployée. Eh bien, ce fut pas mal, mais pas non plus le nirvana. Il y avait un peu de maladresse, d’indécision. Je sentis que si j’avais voulu, j’aurais presque pu prendre les rênes de la cérémonie.


Cela a continué toute la semaine. La fatigue augmentait de jour en jour, de nuit en nuit. Je me demandais à quel moment j’allais m’écrouler. Un matin, quand j’ai ouvert les yeux, Samantha était là, comme d’habitude, mais quand j’ai commencé à avaler ma pâtée, elle est restée à mes côtés, grignotant un fruit qui ressemblait à un étron.



Le dimanche est le meilleur jour de la semaine. Nous allons nager, nous faisons l’amour, nous jouons avec les petits singes et nous mangeons des fruits qui malgré leur aspect sont délicieux. Au bout de la deuxième semaine, j’ai réussi à arrêter d’appeler ma femme Samantha. Eileen est toujours aussi belle et je vois bien qu’elle est heureuse. Cela me rend heureux à mon tour.


Je commence à m’habituer au travail des champs. Je suis le seul à le faire, car tous les autres hommes préfèrent aller à la pêche. Avec le vieux, nous sommes devenus copains et à la pause de midi, il me sert des petits verres de cette liqueur dont je ne veux pas savoir avec quoi elle est faite. Le vieux a dit un mot que j’ai cru reconnaître comme le mot qui veut dire serpent, mais je ne suis pas très sûr. Beaucoup de mots se ressemblent.


Bientôt, d’après Eileen, j’aurais couché avec les vingt-huit femmes de l’île. Ensuite, j’aurais peut-être un peu la paix et je pourrais passer quelques nuits tranquilles. Seule ombre au tableau, un des adolescents pêcheurs est officiellement devenu un homme et Eileen a bien envie de jouer aux cartes pour l’avoir une nuit avec elle. Bon, je suppose qu’il faut que j’accepte ça aussi.