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n° 22724Fiche technique19159 caractères19159
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Temps de lecture estimé : 13 mn
29/10/24
Résumé:  Un simple parcours de running peut parfois entraîner des effets secondaires et prendre une tournure surprenante…
Critères:  h fh asie inconnu bain cérébral fellation pénétratio
Auteur : Aventurine      Envoi mini-message
Footing au clair de lune

Mardi, je partis à vingt heures, comme d’habitude. Je finis de lacer mes chaussures de running devant le garage et refermai le portail d’un geste. Le temps sec et l’absence de vent me promettaient des conditions de course optimales. Baigné de la lumière trop orangée des réverbères, le lotissement semblait désert à l’exception de rares promeneurs et de leurs compagnons canins. J’esquissai quelques étirements dans l’allée pavée. À son passage devant ma maison, un chien en laisse fit un écart quand il remarqua ma présence et leva sur moi un regard noir qui semblait dire : que fais-tu là à gesticuler de la sorte, pauvre fou ?! Ne reste pas là, tu es libre de courir où bon te semble !


Ce petit terrier aurait été indigné d’apprendre qu’au lieu de profiter de cette liberté, je me contentais de suivre une boucle bi-hebdomadaire bien définie qui me permettait de courir sur dix kilomètres. J’aurais pu varier mon trajet à l’infini jusqu’à connaître la moindre impasse de ma ville. J’aurais pu explorer la campagne environnante et ses innombrables chemins, équipé d’une lampe frontale pour assurer ma foulée. Au lieu de cela, je suivais invariablement le même parcours : je quittais mon quartier résidentiel et sortais de la ville, avant de bifurquer à gauche. J’arrivais rapidement sur un chemin de halage bordant un canal pittoresque. Agrémenté de plusieurs écluses, le site était pittoresque et j’y appréciais ma course en ligne droite sur plusieurs kilomètres. Pour finir, je débouchais sur une départementale que je suivais sur tout le retour, accompagné aux beaux jours par quelques bovins qui saluaient mon passage d’un regard blasé.


J’ajustai mon casque audio et lançai ma playlist du jour à l’aide de ma montre connectée. Noir Désir, l’homme pressé, pour me mettre en jambes. Dès les premières foulées, je me sentais plus léger. Autant que pour entretenir ma condition physique, je courais pour alléger les poids de mon quotidien : le stress des responsabilités professionnelles, le tumulte de ma vie de famille, les frustrations de la routine conjugale. Je courais en regardant droit devant moi, ne laissant mon regard s’échapper que pour admirer un coucher de soleil ou l’un des nombreux charmes du paysage.


En dehors de la période estivale, je ne croisais presque personne à cette heure de la soirée. Nous étions fin septembre et la nuit était presque tombée quand je partais pour mes virées sportives. Aussi, je fus vaguement surpris de distinguer une forme sombre au bord du halage, à une cinquantaine de mètres devant moi. Une femme, dont je devinais la silhouette frêle, était assise sur un banc, le dos très droit, les jambes sagement serrées l’une contre l’autre. Immobile, elle ressemblait à une poupée grandeur nature que l’on aurait oubliée là. Plus je m’approchais d’elle, plus je distinguais de détails de son apparence : une veste anthracite cintrée à la taille, une mini-jupe noire et un béret de laine assorti. Au clair de lune, ses bottines vernies luisaient de manière singulière. Attendait-elle quelqu’un ? Tentant de me concentrer sur mon souffle, je ne pus cependant pas m’empêcher de lui jeter des regards furtifs. Sans doute entendit-elle le crissement de mes baskets sur le gravier du chemin, car elle leva le visage vers moi à mon approche. Enfin, en quelques secondes je passai devant elle.


Mon regard croisa des yeux sombres en amande, portant un soupçon d’Asie. Son visage rond était cerné par des cheveux noirs coupés en un carré parfait et son nez discret appelait le qualificatif « mignon ». Comme sous l’effet de la surprise, ses lèvres pulpeuses habillées de gloss étaient entrouvertes et je crus y deviner l’esquisse d’un sourire narquois. Je poursuivis ma course, saisi par cette vision angélique, mais sur plusieurs mètres j’eus l’impression que cette femme me suivait encore du regard. Je l’imaginais en train de reluquer mes mollets de coureur et mon fessier, que l’on disait agréable à regarder. Cette pensée ridicule m’amusa quelques instants, mais je me ressaisis et terminai mon footing dans un temps honorable.


Sous la douche, je profitai de l’effet relaxant du jet d’eau chaude sur mes muscles tendus. Je me savonnai en prenant soin de ne pas m’attarder sur mon entrejambe. L’exercice physique me permettait d’ordinaire de canaliser mon énergie, mais ce soir-là, mon sexe à demi éveillé m’indiquait que cela ne suffirait pas. Malgré moi, mes pensées me ramenaient sans cesse à la brève rencontre insolite que je venais de vivre. Je me rappelais les yeux joliment bridés de l’inconnue et ses lèvres rondes qui luisaient dans la pénombre.


Lentement, je savonnai mon sexe et, n’y tenant plus, l’enserrai en imaginant les mains fines de la jeune femme sur moi. Je vis sa bouche goûter sensuellement à l’extrémité de mon membre, moi debout face à son banc. Ma main vint malaxer mes bourses, car dans la vision qui s’imposait mystérieusement à moi, la belle promeneuse les avait extirpées de mon short pour mieux me caresser. Sur mes fesses, elle plaquait ses paumes et me suçait jusqu’au gosier, comme un amant qu’elle aurait trop longtemps attendu. Pendant plusieurs minutes, je me masturbai sous l’eau chaude, me demandant ensuite pourquoi cette rencontre fortuite me troublait de la sorte.


Le lendemain, il me tarda d’être à jeudi pour mon deuxième footing de la semaine. Dans un moment d’impatience irraisonnée, j’envisageai même de repartir courir le soir même. Cependant, je changeai rapidement d’avis en songeant que cette entorse à ma routine sportive ne manquerait pas d’attirer les soupçons de mon épouse. Mercredi matin, à l’heure du petit déjeuner, je n’aurais su dire lequel des deux était le plus brûlant : mon bol de café fumant ou l’envie de revoir la fille du halage. Ma journée de travail se déroula sans heurts, mais certains de mes collègues firent remarquer que mon esprit était visiblement ailleurs.


Jeudi, je partis à vingt heures, comme d’habitude. Je finis de lacer mes chaussures de running devant le garage et, omettant de procéder aux étirements préconisés, me mis à courir. J’entamai mon circuit à une allure peu raisonnable pour tenir la distance sur dix kilomètres. Une force inexplicable me poussait à allonger mes foulées, contre laquelle je luttais tant bien que mal par la force de la raison : non, je ne reverrais pas l’inconnue, c’était une promeneuse de passage. Non, elle ne m’attendait pas l’autre soir et n’avait sans doute que faire d’un jogger en sueur, semblable à tous ceux qui sillonnaient les abords du canal toute l’année.


Trottinant dans la ligne droite sur laquelle j’avais trouvé la jolie poupée, je portai mon regard le plus loin possible devant moi, sur un point situé entre le chemin et le flot du canal. Mon cœur se serra quand je vis une tache sombre à l’horizon. Elle était là. Elle était encore là, seule dans la nuit. D’ailleurs, ce n’était pas très prudent. Ou alors était-ce moi qui devais me sentir en danger ? Mon regard balaya le chemin de part et d’autre, à l’affût de quelque véhicule suspect en stationnement. Malgré mon impatience des derniers jours, je n’avais nulle intention de m’arrêter, ni même de parler à cette femme. Une vive inquiétude s’empara même de moi en songeant aux sombres histoires de kidnapping qui mettent en scène un appât visant d’innocentes victimes. Dès lors, j’adoptai un rythme aussi régulier que possible, ainsi qu’une expression feinte d’intense concentration. Mon pouls s’emballait excessivement par rapport à l’effort fourni par ma course. L’inconnue, assise dans la même position que la première fois, ne bougea pas à mon approche. Elle m’apostropha à l’instant précis où je passais devant son banc :



J’arrêtai net ma progression, surpris par cette familiarité sans gêne qui contrastait avec son filet de voix aigu. Trottinant sur place face à elle, j’ôtai mon casque, pensant avoir mal compris :



La jeune femme se leva gracieusement, tira sur sa jupe pour masquer totalement le liseré d’un bas partiellement visible et épousseta le velours noir avec une lenteur délibérée. Elle reformula, sans daigner me regarder :



Agacé, je cessai de trottiner. Comment diable pouvait-elle commenter mon chrono sans connaître mon heure de départ ? L’inconnue avança de trois pas en minaudant et souda son regard au mien, avant de m’étudier de la tête aux pieds. Elle portait la même tenue que mardi et je devinai cette fois sous son pull léger la rondeur de deux seins lourds. Je reculai d’autant de pas quand elle tendit une main dans l’intention de la poser sur mon T-shirt trempé.



Elle me scruta attentivement comme si elle cherchait à lire dans mes pensées. Je détournai immédiatement les yeux de ses lèvres, puis répliquai en faisant mine de consulter ma montre :



Afin de masquer mon trouble, je me détournai et me remis immédiatement à courir, le cœur plus affolé que jamais. Sans me retourner, je tentai de maîtriser ma colère mêlée à l’étrange chaleur qui se mit à irradier tout mon corps. Un désir soudain et incontrôlable transforma mon sexe en un gourdin semi-rigide, oscillant lourdement dans mon short à chaque foulée. Au bout d’une cinquantaine de mètres, je me risquai à faire volte-face sans cesser de courir, pour vérifier la présence d’éventuels assaillants et celle de l’inconnue, loin derrière moi. Sur le chemin de halage, je ne distinguai personne ni aucun véhicule. Tentant de retrouver mon sang-froid, je me dis que la poupée avait sûrement pris le chemin de sa maison par quelque issue dans les sous-bois.


Cette nuit-là, le sommeil tarda à venir. Les yeux fermés et le sexe palpitant sous les draps, je fus poursuivi pendant des heures par des rêveries érotiques : la fille du halage me saisissait les mains pour les poser sur ses seins nus, m’enlaçant étroitement pour m’embrasser à pleine bouche. J’adoptai une respiration lente et profonde afin de reprendre le contrôle de moi-même et m’endormir au plus vite, comme le faisait ma femme près de moi. Cependant, de multiples visions m’assaillaient, affolant de plus en plus mon entrejambe. Contre mon érection, l’inconnue du canal frottait son bassin avec sensualité, puis descendait une main sur son propre sexe avec une lenteur étudiée. Nue devant moi, elle se caressait en soutenant mon regard et je l’observais jusqu’à sa jouissance. Sa peau dorée sous mes doigts… Ses cheveux de jais frôlant mon torse sous ses baisers humides… Ses mollets ronds serrant mes hanches pendant qu’elle me chevauchait… Il me fallut quitter mon lit, paniqué à l’idée que mes seules envies physiques puissent me mettre dans un tel état d’obsession pour cette femme. Debout devant le miroir de la salle de bains, je me masturbai, imaginant mon corps onduler sur celui allongé, sur le ventre, de la fille du halage que je prenais sauvagement, au son de sa petite voix essoufflée qui murmurait « Encore » …


Dans les jours qui suivirent, je pris la résolution de mieux gérer mes envies sexuelles que je jugeais passagères. Au travail, je m’efforçai de maintenir une concentration optimale. Je commençai de nouvelles lectures pour tenter de comprendre pourquoi j’étais ainsi en proie à mes pulsions : Spinoza me maintint occupé quelques heures avec sa philosophie sur le désir. Malgré tous mes efforts, je cédai toutefois à la tentation des sucreries : plaisirs acidulés des bonbons que je partageais avec les collègues du bureau, honteuses virées nocturnes à la cuisine et son placard à chocolats réservés aux enfants. Rien n’y fit, aucun moyen ne sembla fonctionner pour oublier mon envie d’elle. Inlassablement et plusieurs fois dans la journée, la fille du halage et son sourire malicieux venaient hanter mon esprit.


Une semaine passa. Mardi, je partis à dix-neuf heures, un peu plus tôt que d’habitude. J’effectuai consciencieusement mes étirements et entamai ma course en me concentrant uniquement sur mon allure et ma musique. C’était facile, au final, de ne pas me laisser distraire inutilement, il suffisait d’un peu de volonté. J’arrivai dans la ligne droite du halage et ne distinguai personne sur le banc que je scrutais depuis plusieurs dizaines de mètres. Étais-je soulagé ou déçu ? Certainement un mélange des deux. Cent mètres plus loin, je distinguais l’une des écluses dont j’aimais particulièrement admirer le cachet.


Mon regard se posa incidemment sur la façade en pierres apparentes contre laquelle quelqu’un était adossé. La forme d’un béret surmontant la silhouette écarta mes doutes : mon inconnue était encore là, même si elle semblait s’être lassée de son banc. Lentement, elle vint à ma rencontre. Je pris alors la ferme décision de ne m’arrêter que quelques secondes pour la saluer. Elle me sourit, ôta son béret et remit de l’ordre dans sa chevelure, faisant onduler celle-ci plus que nécessaire.



L’inconnue avançait vers moi sur le chemin de manière à me contraindre de m’arrêter, ce que je fis, pour ne pas la heurter.



Puis, parvenue juste devant moi, elle jeta un coup d’œil vers ma montre dont j’arrêtais le chrono. Sans la regarder, je lâchai nonchalamment :



J’eus soudain honte de la provoquer ainsi, mais elle ne parut nullement impressionnée par mon audace. Au lieu de cela, elle prit doucement ma main et me tira plus près d’elle, jusqu’à ce que je sente sa poitrine effleurer mon torse à travers mon T-shirt.



Sa main remonta alors de mon poignet à mon épaule, en un lent effleurement. Le trouble qui m’avait habité ces derniers jours à cause d’elle refit surface en une subite vague d’attirance. Je détournai mes yeux des siens, par crainte de me trouver sous l’emprise de quelque don d’hypnose particulièrement puissant.



La jeune femme saisit à nouveau ma main et la posa sur sa jupe, sans me quitter des yeux. Sa paume par-dessus la mienne, je la laissai guider mes doigts sur sa cuisse, puis sous le velours noir, où je sentis le contact d’un bas nylon.



Aucun son ne sortit de ma bouche. Je voulais crier non, alors qu’en mon for intérieur une voix, la sienne, répétait « Oui », comme une incantation hypnotique sans fin visant à me maintenir silencieux. La jeune femme se serra davantage contre moi, pressant ses seins généreux contre mes pectoraux et soudant ses lèvres aux miennes. Je n’exprimai aucune résistance lorsqu’elle m’entraîna vers la façade contre laquelle elle était appuyée peu auparavant. Néanmoins, c’est moi qu’elle plaqua doucement contre l’un des murs latéraux de la maison, plus à l’abri du clair de lune. Le contact de ses lèvres charnues sur les miennes était agréable, mais l’air nocturne lui avait sans doute donné un peu froid, car sa bouche me parut glaciale. Je frissonnai.


Comme pour me réchauffer, elle resserra son étreinte et m’embrassa plus fougueusement. Comme elle, je me laissai enfin porter par mon désir. Chacune de mes mains glissa sous son pull et caressa ses seins, qu’elle avait nus et extrêmement tendus. Encouragé par ses soupirs et ses caresses, je fis glisser sa jupe au sol. Je devinai le satin d’une culotte qui prit le même chemin, à l’instar de mes short et sous-vêtement qu’elle avait baissés d’un geste.


À chaque contact sensuel, j’associais les visions qui m’assaillaient depuis plusieurs jours. J’avais l’impression de connaître son corps comme si maintes fois, j’avais fait l’amour à cette femme. Elle m’entraîna contre elle pour s’adosser à nouveau contre la pierre brute, et releva l’une de ses jambes contre mon bassin. Je la pénétrai ainsi, debout contre le mur, avec la lenteur qu’elle imposa au rythme de mes reins. Oscillant pour sentir mon sexe de plus en plus profondément en elle, elle me guidait et je la laissai faire, jusque dans la frénésie de nos corps qu’elle initia au bout de quelques minutes. Ensemble, nous rendîmes les armes. Juste après le plaisir, elle caressa ma joue, ramassa au sol ses vêtements et se dirigea vers la porte de la maison témoin de notre étreinte. Je voulus rejoindre mon inconnue devant la porte, croyant qu’elle m’y attendrait pour un au revoir avant de rentrer. Mais sur le perron, il n’y avait plus personne. Quand je levai les yeux vers l’étage, je n’y vis aucune lumière, aucun signe de vie.


Je n’eus pas le cœur à terminer mon parcours en courant et me contentai de marcher à vive allure. Étrangement apaisé, je me sentais en même temps en proie à mille questionnements : comment avais-je pu me laisser envoûter et séduire de la sorte ? Allais-je la revoir ? Pourquoi mon corps m’avait-il paru tel celui d’une marionnette que l’on guide au bout de ses fils ?


Quand j’arrivai chez moi, je me torturais encore avec une foule de questions sans réponses. C’était l’heure du dîner et je gagnai ma place parmi ma femme et mes enfants, après une douche qui me parut sans effets sur mon corps tendu. Je réprimai une légère moue quand le gratin de poisson apparut au centre de la table. En dépit de ma bonne volonté, je peinai à me mêler aux conversations.



À ces mots, mon sang ne fit qu’un tour et ma fourchette resta en suspens entre mes doigts, entre mon assiette et ma bouche.


Mardi, puis jeudi, je partis à vingt heures, comme d’habitude. Je ne croisai personne sur mon circuit. Aujourd’hui encore, je suis du regard, lorsque je passe devant eux à grandes foulées, le banc et le mur de pierres où je l’ai rencontrée. Apparition ou réelle, la fille du halage n’est jamais revenue, mais je cours encore…




À François, cette histoire dont tu es le héros…