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n° 22777Fiche technique41852 caractères41852
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Temps de lecture estimé : 28 mn
27/11/24
Présentation:  Cette histoire romancée s’inspire de faits réels. Chère lectrice, cher lecteur, ne commencez sa lecture que si vous êtes prêt à la découvrir jusqu’au bout ! Par solidarité, comme un geste de réconfort envers ceux qui portent une blessure…
Résumé:  Brisée par un traumatisme, Maryse vit recluse, hantée par son cauchemar oppressant. Romain, un jeune homme tatoué, vivant chaque instant comme si le lendemain n’existait pas, l’aidera-t-il à trouver les clés pour lui donner goût à la vie ?
Critères:  fh amour nonéro
Auteur : Maryse      Envoi mini-message
L'âme du cerisier

Partie 1 : L’enfermement



Le rêve aliénant


Elle se voyait acculée dans la cour carrée. Les murs gris, suintants et infranchissables, l’écrasaient de toute leur hauteur accablante. Devant elle, le molosse grondait, son pelage hérissé et ses babines retroussées dévoilaient des crocs pointus, plus acérés que des lames de poignard. Une bave répugnante dégoulinait de sa gueule terrifiante. Ses grognements sinistres résonnaient dans le silence pétrifiant.


Elle savait qu’elle rêvait. Mais cela n’y changeait rien. Le cauchemar revenait chaque nuit, implacable. C’était tout ce qui lui restait.


Alors, elle subissait son martyre et, avec lui, la souffrance, l’horreur, la honte, le prix à payer pour que l’Ombre, qu’elle attendait fébrilement, revienne.


Mais avant, il fallait endurer la morsure…


Les yeux rouges du molosse, injectés de sang, la fixaient avec une cruauté vorace. Ils l’enveloppaient, la dominaient, l’absorbaient tout entière, se nourrissant de son épouvante. Puis, il bondit, la renversa. Ses mâchoires se refermèrent sur sa cuisse. Une douleur vive, insupportable, irradia son corps, la cisaillant presque, tandis qu’un cri déchirant s’échappait de ses lèvres. Elle se figea. Toute résistance était vaine. Elle le savait. Alors, elle endurait son tourment jusqu’à ce qu’il se lasse, qu’il la lâche et qu’il disparaisse, la laissant pour morte.


Et c’était dans cette immobilité désespérée que l’Ombre surgissait.


D’abord, elle la sentait, comme un souffle léger dissipant l’air poisseux qui la faisait suffoquer. Puis venait la chaleur douce, une chaleur qui s’insinuait en elle, apaisant son calvaire. L’Ombre n’avait ni forme ni visage, mais elle était là, pour elle, telle une force réconfortante qui veillait sur elle.


Dans cet instant fugace, elle n’était plus une victime abandonnée à son bourreau. L’Ombre la protégeait, l’aimait, la guérissait. Dans son rêve, elle retrouvait l’illusion d’un corps intact, d’une âme réparée.


Mais ce soulagement ne durait qu’un temps. Un mirage éphémère. Quand elle se réveillerait, tout reviendrait la heurter de plein fouet : la peur, la honte, le dégoût d’elle-même et, plus que tout, cette solitude qui l’enfermait dans une carapace glacée.


Elle ouvrit les yeux dans un sursaut, son souffle court, les muscles tendus. Pendant quelques secondes, elle resta figée, tous les sens en alerte. Dans la pénombre de sa chambre terne, il n’y avait rien d’autre qu’elle et ses démons.


Elle passa une main tremblante sur son front moite, puis glissa ses doigts jusqu’à sa cuisse. Sous le coton de sa chemise de nuit, elle sentit la cicatrice, rugueuse et indélébile. Une blessure qui ne se refermera jamais. Elle était à la fois le stigmate caché de son enfer et le rappel cruel qu’elle y avait survécu.


Ce n’était qu’un rêve, se répéta-t-elle en fixant le plafond. Mais elle savait que ce n’était pas vrai. Ce rêve, elle le portait en elle. Il était la manifestation d’un passé qu’elle ne pouvait fuir. La pièce était vide, morne, mais, quelque part en elle, la présence de l’Ombre persistait. Cette sensation illusoire d’être protégée, aimée.


Elle le savait, la nuit prochaine, elle retournerait dans cette cour carrée. Elle revivrait l’agression. Encore et encore. Parce que, malgré la morsure et la souffrance, l’Ombre reviendrait.


C’était la seule chose qui lui permettait de tenir, de survivre.



Le repli sur soi


Le cocktail battait son plein. Le brouhaha des conversations, les éclats de rire et le tintement cristallin des verres résonnaient sous les lustres scintillants de la grande salle de réception. Les invités, parés de leurs plus beaux atours, discutaient en petits groupes ou naviguaient entre les buffets et les petits salons. Le son incessant des voix se mêlait à la musique d’ambiance d’un quatuor à cordes installé sur une petite estrade, dans un coin. Des serveuses et serveurs en uniforme slalomaient entre les convives, portant des plateaux d’amuse-bouches ou de flûtes de Champagne.


Un monde d’apparat et de clinquant où certains cherchaient à tenir la vedette, qui n’était pas le sien. Perdue au milieu de cette effervescence qui l’oppressait, elle cherchait à se faire toute petite, s’efforçant de ne pas se faire remarquer.


Elle avançait lentement, se frayant discrètement un chemin dans la foule compacte, anticipant et esquivant le moindre contact. Chaque pas, chaque geste lui coûtait. Son uniforme noir et blanc, imposé, bien trop ajusté à son goût, moulait sa silhouette, accentuant ses formes qu’elle cherchait toujours à dissimuler sous des vêtements amples et ternes. Ce soir, la tenue était obligatoire, elle ne pouvait s’y soustraire, et cela la terrifiait.


Les escarpins vernis qu’on lui avait demandé de porter lui blessaient les pieds. Malgré la douleur, elle s’efforçait de garder un sourire poli. Elle fuyait les regards, baissant la tête lorsqu’un invité se tournait vers elle, tendant son plateau dans un geste raide et précipité.


À quelques mètres, Romain semblait briller au milieu de tout cela. Avec une aisance désarmante, il se mouvait entre les groupes, tendant des flûtes de champagne à qui en voulait, lançant des blagues qui faisaient pouffer de rire les gens autour de lui. Son sourire était franc, son ton léger, presque insolent. Maryse l’enviait autant qu’elle redoutait son assurance.


Lorsqu’il passa près d’elle, il lui décocha un sourire et, comme toujours, une remarque taquine :



Elle ne répondit rien. Que pouvait-elle dire, avec son comportement d’écorchée vive ? Le tremblement de ses mains s’accentua, l’obligeant à s’arrêter de peur de commettre une maladresse.


Une femme au collier étincelant se tourna vers elle, un sourire suffisant au coin des lèvres.



Maryse balbutia une excuse confuse. Elle n’avait que des bouchées salées sur son plateau. La femme haussa un sourcil et se détourna avec un léger ricanement, comme si elle se moquait de son incompétence. C’était trop. L’air lui manquait. Son malaise s’intensifiait chaque seconde. Elle devait se reprendre, se concentrer, réagir en professionnelle.


Elle se dirigea vers le buffet et attrapa une flûte, bien décidée à la donner à celle qui l’avait réclamée avec condescendance.


Alors qu’elle se déplaçait, elle sentit comme un picotement lui effleurer la nuque. Comme si quelqu’un l’observait. Aussitôt, un frisson glacial la parcourut de la tête aux pieds. Elle tourna la tête, son regard attiré vers le rideau de velours rouge du fond de la salle. Une silhouette indistincte semblait se cacher dans l’ombre. Quelqu’un était là, à l’observer. Son souffle se coupa et sa gorge se serra. La présence qui l’épiait semblait sortir tout droit de son cauchemar. Était-ce réel, ou son esprit lui jouait-il un tour ? Son sang se figea. Son cœur se bloqua. Elle sentit une sueur froide perler sur sa nuque.


Le molosse de son rêve, cette forme floue entraperçue, tout se confondait.


Les conversations autour d’elle s’amortirent, devenant un vrombissement sourd et inquiétant. La peur, brute et viscérale, s’insinua en elle, la tétanisant. Elle recula d’un pas, heurtant un homme qui lui lança un regard désapprobateur. Mais elle ne s’en souciait pas. Il fallait qu’elle s’éloigne, qu’elle fuie.


Le tintement d’un verre tombé au sol la ramena brutalement à la réalité. Celui qu’elle venait de lâcher…


Les regards se tournèrent vers elle. Un murmure de surprise parvint à ses oreilles bourdonnantes, mais elle ne resta pas pour l’entendre. Sans réfléchir, elle recula, manquant de trébucher, puis se précipita vers la sortie.



Une main tendue


L’air frais de la nuit frappa son visage lorsqu’elle s’échappa enfin dans la rue. Elle voulait s’éloigner en courant, mais ses jambes ne la portaient plus. Elle s’adossa à un mur, luttant pour recouvrer son calme. Son cœur battait à tout rompre, comme s’il cherchait à s’échapper de sa poitrine pour disparaître là où personne ne pourrait la retrouver.



Romain ! Il l’avait suivie, sa nonchalance habituelle remplacée par une inquiétude sincère. Elle le regarda à peine, incapable de répondre.


Il hésita, cherchant ses mots, puis murmura :



Il resta là, à une distance respectable, se balançant imperceptiblement sur ses pieds. Il ne disait rien, mais cette simple présence calme et apaisante repoussait l’ombre qui la terrorisait.


Enfermée sur elle-même, elle ne sentait pas le temps passer…


Romain s’agenouilla à côté d’elle, posant ses coudes sur ses genoux, cherchant à croiser son regard. Sans forcer, sans insister. Il attendait paisiblement.



Pas de réponse.



Maryse leva à peine les yeux, malgré tout intriguée.



Il tourna son bras pour dévoiler un arbre délicat, ses branches recouvertes de fleurs blanches.



Maryse scruta les fleurs minuscules qui semblaient danser sur sa peau. L’idée d’une renaissance lui paraissait si lointaine, si inaccessible, mais elle ne pouvait nier la force de cette image.



Maryse releva légèrement la tête, croisant furtivement son regard.



Il se redressa, ébouriffant d’une main ses cheveux peignés.



Maryse ne répondit rien, mais elle releva enfin la tête. Ses yeux, encore rouges et gonflés, s’accrochèrent aux siens. Il avait un truc différent. Un truc beau. Pas le genre de mecs qu’elle connaissait trop, capables de tout lorsqu’ils jetaient leur dévolu sur une femme. Cet inconnu d’un soir n’était pas comme eux, il ne la voyait pas comme une proie ni comme un trophée à accrocher à son tableau de chasse. Mais, elle ne comprenait pas pourquoi il insistait, pourquoi cherchait-il à ramener à la surface quelqu’un qui ne le pouvait pas ? Pourtant, il était là, avec ses histoires gravées en lui, à lui tendre la main, attendant patiemment qu’elle l’attrape.


Et pour la première fois, elle sentit une envie, légère, mais réelle : celle d’essayer, juste un peu, de comprendre ce qu’il voyait en elle.



Elle faillit refuser, par automatisme, mais la fatigue qui l’écrasait lui fit changer d’avis. Elle acquiesça d’un simple signe de tête, résignée…




Partie 2 : l’impulsion



Un rêve inspirant


Les murs gris de la cour carrée se dressaient à nouveau, oppressants, recouverts d’une humidité froide qui semblait ruisseler comme des larmes amères. Elle était là, figée dans cet espace clos, les yeux fermés, incapable de bouger. Devant elle se tenait le molosse. Elle n’avait pas besoin de le voir pour le ressentir en elle : il grondait, son pelage noir luisant sous la lumière glacée de la pleine lune. Ses crocs scintillaient, et ses yeux rouges, intenses, la fixaient avec une avidité carnassière.


Elle connaissait ce cauchemar. Toujours le même. Bientôt cet instant où il bondirait, où la morsure la clouerait au sol, l’engloutissant dans une douleur sans fin.


Mais cette fois, quelque chose était différent.


Une ombre mouvante était là. Elle ressentait sa présence. Pas l’ombre réconfortante et habituelle, mais une autre. Plus vive. Plus réelle.


Un murmure lui parvint, comme porté par le vent, doux, mais ferme :



Maryse hésita, le souffle court, puis ouvrit lentement les yeux. Là, au centre de la cour, se dressait un arbre. Son tronc sombre s’élevait droit, et ses branches dénudées semblaient vouloir agripper le ciel. Elle ne l’avait jamais remarqué auparavant.


La voix, toujours présente, glissa de nouveau à son oreille :



L’ordre claqua en elle, impérieux. Une voix, peut-être familière, mais que son esprit obstrué ne parvenait pas à reconnaître. Son corps, bien qu’engourdi par la peur, répondit à cet appel. Titubante, vacillante, elle avança.


Le molosse grognait toujours, ses yeux ardents rivés sur elle, chaque muscle tendu. Pourtant, contre toute attente, il ne bondit pas, comme déconcerté par sa réaction inhabituelle.


Elle atteignit enfin son but et, de toutes ses forces, s’y agrippa. Aussitôt, une chaleur étrange l’envahit, douce et inexplicable. Les branches s’étiraient au-dessus d’elle, tissant un abri fragile, presque éthéré, mais réconfortant. Sous ses doigts, l’écorce rugueuse semblait pulser. Une odeur de bois l’envahit. Le tumulte s’apaisa.


Pour la première fois dans ce cauchemar récurrent, elle sentit que quelque chose venait de changer.


La voix souffla doucement, comme une promesse :



Puis l’ombre disparut, ne laissant derrière elle que l’écho d’un espoir naissant.



L’aube du renouveau


Maryse se réveilla en sursaut, la gorge nouée, le souffle court. Son rêve, cette fois encore, semblait s’accrocher à elle comme pour la retenir dans la cour. Elle tenta de dissiper sa tension en se forçant à inspirer et à expirer lentement et profondément.


Un bruit sourd brisa le silence. Des coups à sa porte. Son cœur bondit dans sa poitrine. Qui pouvait bien venir chez elle, à cette heure ? Les coups retentirent à nouveau, plus insistants. Ses mains tremblaient alors qu’elle repoussait sa couette. Elle chercha instinctivement son téléphone sur la table de chevet.



Puis sans attendre la réponse, elle continua d’un ton qui se voulait plus ferme :



Une voix, calme, presque amusée, perça le silence effrayant :



Elle resta figée. Ses pensées se bousculaient, brouillées par une panique persistante. Pourquoi était-il là ? Que lui voulait-il ? Ce n’était pas parce qu’il l’avait raccompagnée chez elle, qu’il pouvait débarquer ainsi, à sa guise.



Elle hésita. Sa respiration était encore saccadée, et une part d’elle voulait simplement ne pas répondre, espérant qu’il finirait par se lasser et par la laisser tranquille. Mais cette voix… Ce ton léger et désarmant.


Elle se leva lentement, chaque pas vers la porte lui coûtait un effort. Une main crispée sur la poignée, elle resta immobile. Puis, après un moment qui lui sembla une éternité, elle déverrouilla la serrure et entrouvrit la porte.


Romain se tenait là, vêtu d’un blouson de cuir, un casque de moto sous le bras. Une lueur espiègle dans les yeux adoucissait son expression.



Elle sentit ses joues chauffer, tiraillée entre l’embarras et l’irritation.



Elle le dévisagea, incrédule.



Maryse croisa les bras, oscillant entre le refus et la curiosité. Tout en elle criait qu’elle devait refermer la porte et oublier ce moment. Mais une petite voix, presque imperceptible, murmurait autre chose.



Elle mordilla nerveusement sa lèvre, les doigts jouant avec le tissu de son vêtement de nuit.



Romain haussa légèrement les sourcils, l’air presque surpris, puis répondit doucement :



Il tendit la main. Pas un geste pressant ni insistant. Juste une invitation silencieuse.


Elle le regarda, puis elle regarda cette main tendue. Tout en elle résistait encore, l’exhortait à dire non. Et puis, brusquement, elle se rendit compte que la présence de Romain, bien droit, à sa porte, comme l’arbre au centre de la cour carrée, repoussait l’obscurité ambiante. Et, une chaleur inattendue lui donna envie de baisser la garde.


Elle capitula en soupirant.



Quelques minutes plus tard, elle était assise derrière Romain sur sa moto, le vent froid piquant ses joues. Ses mains tremblaient légèrement en s’agrippant, autant par nervosité que par manque d’habitude.


Ils roulèrent jusqu’à une colline à l’écart de la ville. Le silence de la nuit laissait progressivement place à une quiétude plus apaisante. Une fois arrêtés, ils descendirent, et Romain désigna l’horizon du menton :



Maryse leva les yeux. Le ciel noir s’éclaircissait peu à peu, une teinte rosée envahissant l’horizon. Les premières lueurs du jour dansaient sur les toits et les arbres. Elle resta immobile, fascinée malgré elle. Jamais elle n’avait pris le temps d’observer cela.


Romain, à ses côtés, croisa les bras et lâcha doucement :



Elle hocha légèrement la tête, les mots coincés dans sa gorge. Un éclat de lumière toucha son visage, comme un effleurement délicat, et, pour la première fois depuis longtemps, elle sentit quelque chose s’apaiser en elle.


Romain la regarda du coin de l’œil, un sourire discret aux lèvres.




Les quatre piliers


Après avoir quitté le point de vue panoramique, ils roulèrent à travers les rues encore calmes de la ville qui s’éveillait. Romain s’arrêta devant une petite boulangerie au charme ancien. L’odeur du pain chaud et du café fraîchement préparé flottait dans l’air. Ils prirent place à une table en terrasse, après avoir passé leur commande.


Une fois que Romain eut retiré son blouson en cuir et remonté les manches de son polo, Maryse se surprit à observer discrètement les tatouages enchevêtrés et colorés qui l’intriguaient. Elle se demandait quels souvenirs méritaient d’être gravés à même la peau. Parmi eux, quatre pictogrammes noirs, disposés en carré, détonnaient par leur sobriété. Elle hésita un instant, cherchant les mots, puis brisa le silence :



Romain releva la tête, légèrement surpris par la question, mais pas contrarié.



Maryse fronça les sourcils, intriguée.



Romain traça les symboles du bout des doigts, presque comme s’il les redécouvrait à travers elle.



Il désigna le premier, inscrit à l’encre noire, simple, mais puissant.



Il passa au deuxième, traçant le contour du symbole avec douceur.



Son doigt glissa jusqu’au troisième.



Il marqua une pause avant de toucher le dernier idéogramme.



Maryse suivait son explication avec une attention intense. Ces mots résonnaient en elle d’une manière bouleversante, ce qu’elle n’arrivait pas à comprendre.



Romain haussa les épaules avec un petit sourire.



Un silence s’étira. Maryse contempla les symboles, leur simplicité chargée de sens.



Maryse détourna les yeux, gênée. Elle n’avait jamais pensé à ça.



Il hocha la tête avec un sourire compréhensif.



Elle hocha la tête, touchée par sa douceur et la conviction tranquille qu’il dégageait. Les idéogrammes, dont elle n’arrivait à se défaire, semblaient lui indiquer qu’elle aussi devait trouver son chemin…




Partie 3 : le cheminement



Un rêve libérateur


La cour carrée était toujours là. Les murs gris, humides, infranchissables, dominaient encore l’espace, mais, cette fois, quelque chose avait changé. Le silence était moins oppressant. Une lumière douce baignait la scène, provenant du cerisier en fleurs qui se dressait fièrement au centre de la cour.


Maryse le regardait fixement. Les branches s’étendaient vers le ciel, couvertes d’une frondaison vert et blanc, éclatante, presque luminescente. Elles ondulaient sous l’effet de la brise légère, et quelques pétales dansaient dans l’air avant de retomber doucement sur le sol.


Elle entendit un aboiement, mais, cette fois, il ne lui glaça pas le sang. Le molosse était là, dans un coin de la cour. Pourtant, il semblait différent. Plus petit. Ses yeux rouges avaient perdu leur éclat terrifiant, et sa posture n’était plus aussi menaçante.


Elle hésita. Son instinct viscéral lui criait de fuir, de s’éloigner, mais la présence apaisante du cerisier l’en dissuadait. Sans réfléchir, elle prit une poignée de pétales et les jeta doucement en direction du chien. Les fleurs flottèrent doucement jusqu’à lui. Il releva la tête, étonné, puis, après un dernier regard, recula avant de s’accroupir.


Pour la première fois, Maryse ne ressentait ni peur ni douleur. Elle fit un pas vers le cerisier, tendant la main pour effleurer l’une des branches basses. Les fleurs étaient fraîches et délicates, et leur parfum subtil l’entoura d’une quiétude douce. Elle ferma les yeux un instant, savourant cette sérénité inattendue. Puis elle entendit une voix, à peine un murmure, comme un souffle dans les branches :



Maryse se retourna, cherchant l’origine de ces mots, mais il n’y avait personne. Juste le cerisier, le chien immobile au pied du mur, et elle. Elle ramassa un autre pétale, le froissa doucement entre ses doigts et sourit…



Apprendre à vivre


Les jours avaient défilé, et Maryse ne reconnaissait plus son quotidien. Elle qui s’était autrefois enfermée dans une routine morne et sans relief, se surprenait à attendre avec impatience les moments partagés avec Romain.


Il avait ce don étrange de rendre chaque instant spécial, même les plus anodins. Une balade improvisée devenait une aventure. Une pause pour boire un café se transformait en une leçon sur la beauté du monde. Il lui répétait souvent :



Et elle essayait, parfois timidement, de suivre ses conseils.


Lorsqu’elle l’accompagnait sur des petits boulots, Romain faisait tout pour lui donner confiance. Au début, elle restait en retrait, gênée, à peine capable d’adresser un sourire aux clients. Mais lui, avec sa nonchalance habituelle, désamorçait chaque situation.



Petit à petit, elle se surprit à se tenir plus droite, à parler un peu plus fort, à échanger quelques mots avec les gens. Romain était là, toujours, pour l’encourager, pour faire une blague si l’atmosphère devenait trop tendue. Il semblait savoir exactement ce dont elle avait besoin, sans jamais forcer les choses.


Elle sentait encore, parfois, l’envie de reculer, de retourner à l’ombre anesthésiante de sa solitude. Mais il y avait aussi cette petite étincelle en elle, que Romain semblait avoir allumée, et qu’elle ne voulait pas laisser s’éteindre.


Avec lui, elle apprenait à vivre. Pas seulement à survivre, mais à apprécier chaque instant, même les plus ordinaires. Ce cheminement, encore fragile, semblait enfin la mener quelque part.



Une nuit différente


Ce soir-là, ils rentrèrent tard. Leur emploi s’était prolongé bien au-delà des horaires habituels, et Maryse, épuisée par l’effort à rallonge qu’elle avait fourni pour faire bonne figure, trébuchait presque de fatigue en marchant dans la nuit.



Elle hocha la tête, même si ses jambes flageolaient.



Elle esquissa un sourire.



Devant la porte de son petit appartement, tandis qu’elle glissait la clé dans la serrure, Maryse se surprit à parler sans réfléchir :



Romain haussa un sourcil, un sourire taquin au coin des lèvres.



La réplique dissipa toute tension. Elle roula des yeux, un sourire amusé aux lèvres :



Ils se préparèrent rapidement et s’allongèrent côte à côte, trop fatigués pour discuter davantage. Maryse sentait, dans son dos, la présence réconfortante de Romain. Une étrange sérénité l’envahit.


Cette nuit-là, pour la première fois, il n’y eut ni rêve, ni cour carrée, ni molosse, ni morsure, ni souffrance dans son sommeil.


Elle se réveilla à l’aube avec un apaisement inédit. Elle tourna la tête et vit Romain, profondément endormi, son bras tatoué serrant l’oreiller contre lui. Une lumière douce traversait la fenêtre, illuminant ses traits paisibles.


Elle se leva doucement pour ne pas le réveiller, rejoignit sa kitchenette et ouvrit le placard presque vide : un fond de café instantané, un quignon de pain rassis.


Elle se rappela leur petit-déjeuner sur la terrasse. L’odeur du café, la chaleur de la tasse entre ses doigts, les yeux radieux de Romain et les quatre idéogrammes qui le guidaient dans la vie…


Elle jeta un regard vers lui, toujours endormi. Un sourire furtif naquit sur ses lèvres. Elle s’habilla rapidement, prit son sac et ses clés avant de sortir, bien décidée à lui ramener un petit-déjeuner digne de ce nom.



Une nouvelle vie


Les semaines avaient passé…


Maryse ouvrit les yeux doucement. Les premiers rayons de l’aube filtraient à travers les rideaux, baignant la pièce d’une lumière douce. Elle était dans sa chambre, et cette fois, comme les nuits précédentes, il n’y avait pas d’ombre. Elle resta immobile, savourant une sensation à laquelle elle n’était pas encore totalement habituée : la paix. Pas de sueurs froides, pas de frissons d’angoisse, pas de peur oppressante. Le rêve ne l’avait pas hantée cette nuit. Une de plus !


D’un geste instinctif, elle posa une main sur sa poitrine, comme pour s’assurer que cette chaleur nouvelle qu’elle ressentait était bien réelle. Un sourire, hésitant, mais sincère, se dessina sur ses lèvres. Elle se leva et se dirigea vers la fenêtre. Dehors, le soleil s’élevait lentement, peignant la ville de nuances dorées. Tout comme son quotidien familier qui semblait baigné d’une lumière nouvelle.


Une certitude s’imposait dans son esprit : quelque chose en elle avait changé. Peut-être pas de façon spectaculaire, mais suffisamment pour qu’elle sente que la cour carrée de son cauchemar ne serait plus jamais tout à fait la même. Le cerisier en fleurs, symbole d’espoir et de renouveau, que Romain portait tatoué sur son bras, y avait pris racine. Tout comme dans son cœur.


Romain ! Sa présence apaisante à ses côtés participait à ce fragile équilibre qui était en train de s’établir, en elle. Ce soir, il viendrait la chercher pour l’emmener à une soirée où il voulait la présenter à ses amis. Elle avait longtemps hésité avant d’accepter. Ce serait une première : elle ne pourrait plus se réfugier derrière des sourires de façade, comme avec des clients. Ces gens seraient là pour l’écouter, la découvrir. L’idée même lui donnait le vertige, mais aussi, curieusement, un frisson d’excitation.


Elle revit le regard confiant de Romain lorsqu’il lui avait dit : « Tu es prête. Et tu t’en sortiras mieux que tu ne le crois ». Ces mots résonnaient encore en elle, à la fois rassurants et encourageants.


Elle inspira profondément, comme pour se donner du courage. Avant le moment fatidique, elle avait prévu de prendre soin d’elle. Un rendez-vous chez la coiffeuse et l’esthéticienne l’attendait. Pour la première fois depuis longtemps, elle se surprit à attendre ce moment avec une pointe d’impatience. Ce jour marquait peut-être le commencement d’une vie qu’elle osait enfin espérer…



Départ pour la soirée


Maryse s’examinait dans le miroir, se tournant et se retournant pour observer chaque pli de sa nouvelle robe. De couleur bleu ciel, légère et fluide, elle tombait gracieusement jusqu’à ses genoux, épousant ses formes tout en laissant transparaître une image d’elle-même, à la fois différente et étrangement, familière. Elle n’était pas habituée à porter des vêtements aussi éclatants et féminins, mais, ce soir, elle voulait tenter quelque chose de différent. Elle repensa à la cabine d’essayage, à ses atermoiements presque insupportables, et à ce moment où elle s’était forcée à se regarder, ainsi vêtue, pour affronter son propre reflet.


Un coup frappé à la porte la tira de ses pensées. Romain était arrivé. Maryse prit une profonde inspiration, jeta un dernier coup d’œil à son reflet et alla ouvrir.


Quand Romain la vit, il s’immobilisa, les sourcils légèrement levés.



Maryse sentit le rouge lui monter aux joues. Elle croisa les bras, sur la défensive.



Romain prit un air faussement pensif.



Il la détailla un instant, exagérant son expression d’étonnement.



Elle éclata de rire, libérant sa nervosité mêlée d’amusement.



Ces mots, inattendus, touchèrent Maryse plus qu’elle ne voulait l’admettre. Troublée, mais secrètement flattée, elle détourna les yeux.



Elle hocha la tête et le suivit sur le palier…




Partie 4 : La consolidation



La révélation


De retour de la soirée, ils marchaient côte à côte dans la rue déserte. Le silence de la nuit les enveloppait, troublé par le bruit de leurs pas sur le trottoir. Maryse se sentait légère, encore animée par l’énergie de la soirée. Mais Romain, lui, semblait différent. Plus réservé, comme absorbé dans ses pensées. Il jouait avec l’anneau qu’il portait au pouce, un geste qu’elle n’avait jamais remarqué auparavant.



Il hésita un instant, avant de s’arrêter brusquement.



Son ton était grave, et elle sentit son cœur se serrer, comme si une ombre passait sur ce moment si léger.



Il inspira profondément, cherchant ses mots.



Attentive, mais déjà troublée, elle fronça les sourcils.



Un silence tomba, plus lourd que tout ce qu’elle avait imaginé.



Romain détourna le regard, comme s’il craignait de voir sa réaction.



Le monde sembla vaciller sous ses pieds. Maryse sentit son souffle se couper, comme si les mots de Romain l’avaient arrachée à la réalité. Comme si elle était à nouveau plongée dans la cour carrée.



Elle voulait crier, pleurer, mais sa voix était un murmure.



Les larmes montèrent à ses yeux, brûlantes et incontrôlables.



Elle chercha des mots, mais rien ne venait. Elle sentait en elle un mélange de terreur, de colère et de douleur. Et, plus que tout, un immense vide, celui qui régnait dans la cour carrée enfermée entre ses quatre grands murs sombres. En plein chaos intérieur, elle sentait que son rêve d’avant, celui qui l’engloutissait chaque nuit, cherchait à l’aspirer à nouveau. Elle se voyait happée dans ce gouffre noir, arrachée à Romain, à ce moment, à ce présent. Mais soudain, une pensée s’imposa à elle. Les quatre valeurs de Romain.


Courage. Elle ferma les yeux et se força à respirer. Ce n’était pas le moment de se laisser emporter.


Pardon. Elle sentit sa colère s’apaiser, remplacée par une profonde tristesse.


Amour. Elle leva les yeux vers lui, voyant dans son regard une vulnérabilité qu’il ne lui avait jamais montrée.


Accomplissement. Profiter coûte que coûte de tous les moments présents, s’épanouir malgré l’adversité.


Ces mots résonnèrent en elle, comme une ancre dans la tempête. Romain avait choisi de vivre pleinement, résolument, malgré tout. Elle aussi pouvait faire ce choix. Elle s’avança d’un pas, posa sa main sur son bras et le força doucement à la regarder.



Il hocha la tête, son expression empreinte de regret.



Elle inspira profondément, essuyant rapidement une larme sur sa joue.



Il sembla figé, surpris par ses mots.



Romain ouvrit la bouche pour parler, mais aucun mot ne vint. Alors, il se contenta de la prendre dans ses bras, la serrant contre lui. Maryse ferma les yeux. Dans cette étreinte, elle sentit la peur s’éloigner un peu, remplacée par une chaleur partagée. Ils restèrent ainsi, dans le silence de la nuit, le bruit lointain de la ville comme un écho de leur propre fragilité. Pour la première fois, Maryse comprit qu’il ne s’agissait pas de fuir ou d’oublier, mais de se battre pour chaque moment, ensemble.




Partie 5 : L’accomplissement



Cinq années étaient passées…


Maryse, désormais apaisée, se tenait dans sa cuisine, une fine couche de farine sur les mains, tandis qu’Élise, une fillette handicapée aux cheveux bruns coupés au carré, manipulait avec maladresse la pâte à tarte sous son regard attentif. Les gestes étaient imprécis et incertains. Elle ne disait rien, elle savait que chaque mouvement comptait.



À la table, Zoé, une petite fille dyslexique, butait sur un mot en lisant à haute voix.



Dehors, son fils Romain jouait dans le jardin avec Alba, une petite fille autiste. L’enfant, souvent enfermée dans son propre monde, était étrangement détendue aujourd’hui. Ils se tenaient tous deux sous le cerisier en fleurs, dont les pétales s’éparpillaient sous une brise légère.


Le carillon de la porte d’entrée retentit. Elle s’essuya les mains avec un torchon et s’approcha d’Élise.



La fillette se redressa sur son fauteuil roulant, un grand sourire aux lèvres, en hochant la tête. Un mouvement fluide, bien coordonné qui lui réchauffa le cœur.


Elle alla accueillir la mère d’Alba qui attendait sur le perron.



Quand elles arrivèrent au jardin, un tableau étonnant s’offrit à elles. Romain tenait une poignée de pétales blancs tombés au sol. Avec une patience qui lui rappelait son père, il s’agenouilla devant Alba et lui dit doucement :



Hésitante, la petite fille tendit la main et attrapa quelques pétales. Ses gestes étaient maladroits, mais elle finit par les saisir. Romain l’encouragea encore :



L’enfant, habituellement murée, obéit. Les pétales s’élevèrent dans les airs, tourbillonnant doucement avant de retomber comme une pluie fragile. La petite fille leva les yeux et observa, un sourire timide étirant ses lèvres. Sa mère à la fois surprise et émue murmura :



Romain regarda la petite fille et, avec sérieux, lui désigna la pancarte plantée au pied du cerisier. Dessus, les quatre idéogrammes soigneusement gravés : Courage, Pardon, Amour, Accomplissement.



Maryse sentit une vague de chaleur l’envahir. Elle voyait Romain père dans les gestes de son fils. Cette même patience, cette douceur ferme qui savait trouver la lumière même dans les ombres les plus épaisses. Elle se sentit emplie de fierté. Son fils était la preuve vivante que l’amour et les valeurs que Romain lui avait transmises n’étaient pas perdus. Ils s’épanouissaient, à travers elle, à travers leur fils. Grâce à lui, elle avait trouvé sa place, sa paix, et son fils était en train de transmettre ce qu’il lui avait appris.



Maryse sentit sa gorge se serrer, mais elle acquiesça. Cette douleur, qu’elle avait si longtemps redoutée, n’était pas amère, mais douce, presque réconfortante. Romain n’était pas absent, mais bien présent dans chaque sourire, chaque geste qu’elle offrait aux enfants qu’elle gardait comme si c’était les siens. Elle ferma brièvement les yeux, laissant les souvenirs affluer : ses mots, son rire, et surtout, la force qu’il lui avait transmise.



Il tendit la main à Alba qui l’attrapa après une légère hésitation et ils se mirent à tourner autour de l’arbre en regardant les pétales blancs tomber en tournoyant délicatement dans l’air.


Maryse le regarda avec tendresse, puis leva les yeux vers les branches fleuries, chargées de symboles. Dans son esprit, elle revisita la cour carrée qui s’était métamorphosée. Une lumière dorée remplaçait les ombres qui l’avaient hantée. Les murs avaient disparu, dévoilant une prairie infinie où le cerisier se dressait fièrement, ses branches comme des bras ouverts. Romain était là, son regard plein de fierté. Elle ne le pleurait pas. Elle souriait, car elle savait qu’il vivait encore, dans tout ce qu’elle faisait, dans tout ce qu’elle était devenue.


Elle ferma les yeux et murmura :



Et auprès du cerisier, avec son fils et ses souvenirs, Maryse se sentait enfin en paix. Son cœur se gonfla, rempli d’une promesse, celle de vivre, d’aimer, et de transmettre tout ce que Romain lui avait offert. Car si les pétales finissent par tomber, c’est toujours pour nourrir la terre dans laquelle l’arbre s’enracine, lui permettant de refleurir chaque printemps.