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n° 22791Fiche technique16570 caractères16570
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Temps de lecture estimé : 12 mn
03/12/24
Résumé:  Dormir sur le canapé la nuit de Noël, c’est plutôt moche, non?
Critères:  #merveilleux #conte #occasion #couple 2couples gros(ses) dispute reconcil pénétratio
Auteur : Amateur de Blues            Envoi mini-message

Projet de groupe : Noëlies
Un réveillon mouvementé

J’adore ma femme mais c’est parfois une véritable furie et nous avons régulièrement des disputes homériques. La situation a empiré depuis que nos enfants sont partis à l’université. Dans ces moments-là, il ne sert à rien de combattre pied à pied et de répondre à chacune de ses attaques. Cela ne fait qu’envenimer les choses.

Je me réfugie donc dans le silence et j’attends. En général, au bout de quelques jours, elle a besoin de moi et elle me demande de l’aide, semblant avoir tout oublié de notre conflit. En attendant, il est hors de question que je couche dans notre lit qui se transformerait vite en champ de bataille. Je dors sur le canapé du salon et je m’apitoie sur mon sort.


Ce soir, c’est un peu particulier, car c’est le soir de Noël, vous savez la fête où tout le monde est gentil, même le vieux Scrooge. Il faut croire qu’Annette, c’est ma femme, n’a pas été touchée par l’esprit de Noël car notre dispute d’aujourd’hui a eu un caractère particulièrement volcanique et je me retrouve à réveillonner sur mon bon vieux canapé. Le motif en a pourtant été particulièrement futile. Nous nous sommes retrouvés au pied du sapin que je venais de monter jusqu’à notre troisième étage par l’escalier de l’immeuble et j’ai suggéré que l’on attende le lendemain matin, quand nos enfants seraient arrivés depuis leurs universités respectives pour installer les décorations.


C’est vrai, Annette sait que je déteste les décorations de Noël et, c’est vrai, un sapin qui n’est pas décoré la nuit de Noël est un drôle de sapin. Mais j’ai fait cette remarque en passant, sans grand espoir qu’elle m’épargne de monter sur l’escabeau pour installer l’étoile dorée au sommet du conifère. Las, le cercle infernal était enclenché. Je fus accusé d’être paresseux et snob, de ne pas aimer ma famille. Je tentai maladroitement de me défendre mais c’était trop tard. Quand elle s’est sentie à court d’arguments, Annette s’est enfermée dans notre chambre en claquant la porte. Cela fait longtemps que je ne tente plus d’aller frapper doucement en demandant pardon.


Il est tard et, bien sûr, je ne dors pas. Je dors très peu sur ce foutu canapé. Je ne l’aime pas, d’ailleurs, il est laid, trop mou et nous a été offert par les parents de ma femme que je n’aime pas beaucoup non plus.


J’entends sonner minuit à l’église du quartier. Cette nuit de Noël n’aura cette fois encore rien d’exceptionnel, une nuit ordinaire, insomnie et frustration, air connu. Je baille.

C’est alors qu’un bruit intempestif provenant de la cheminée m’alerte. Nous habitons un vieil immeuble haussmannien et, même si elle est inutilisable, il y a encore une cheminée dans le salon avec une tablette en marbre et un encadrement du foyer en fonte. Dès le premier hiver que nous avons passé dans cet appartement, j’ai bouché le conduit avec du papier-journal, à cause des courants d’air. Ce grand bruit à l’intérieur est donc plutôt inquiétant. Je n’ai pas remarqué de vent quand j’ai tiré les rideaux pour la nuit.


Le vacarme recommence. Je n’ai aucune idée de ce qui peut le provoquer. Même si je ne dors pas, la pièce est plongée dans l’obscurité. Je n’ai aucune envie de sortir de mon lit pour aller inspecter cette foutue cheminée. Mais le bruit se fait de plus en plus violent et j’ai l’impression de voir du mouvement dans l’âtre. Comme je sais que c’est impossible, je ne crois pas vraiment mes sens.

Pourtant, mon enfance a été bercée par les contes de Noël, tous plus extravagants les uns que les autres. Je devrais savoir que rien n’est rationnel cette nuit.


Et voilà que cela arrive ! Après le bruit, la lumière ! Devant la cheminée, la lueur bleutée d’un portable s’est allumée et je distingue vaguement une silhouette qui se débat sur mon tapis.



Je suis terrorisé et je ne sors pas du canapé. Je m’enfonce autant que possible sous ma couette et je fais semblant de dormir. On voit tellement de choses horribles au journal télévisé.


Entre mes paupières mi-closes, je vois s’avancer la personne à travers la pièce. Elle semble tituber, ses bras plus ou moins en l’air pour maintenir son équilibre, deux pas en avant, un en arrière et un de côté. Elle grommelle en permanence des propos incompréhensibles. Quand elle passe près de la fenêtre, elle est éclairée par les réverbères de la rue et je peux la voir un peu mieux. C’est bien une femme, dodue sinon grosse et plus toute jeune, avec une face marquée par la vie, qui erre dans mon salon. Elle est vêtue toute en rouge et blanc, une grande jupe, un gilet brodé sur un chemisier blanc. Elle est très blonde, une espèce de walkyrie, si la référence vous dit quelque chose.


Finalement, toujours éclairée par son portable, l’inconnue s’approche de mon canapé où je me recroqueville comme un hérisson. Elle avance son visage près du mien et je sens son haleine avinée. Cette femme est imbibée d’alcool, elle est sans doute capable de tout. Essayant à tout prix de donner le change, je ferme les yeux aussi fort que je peux et je ne vois plus rien. Mais je l’entends. Je l’entends éclater de rire et je sens la couette qu’on soulève. Foutre ! Cette fois, c’est la fin.


Mais non. La poivrote ne me tue pas. Elle glisse sa main potelée dans mon pyjama et empoigne mon pauvre membre ratatiné. Elle me branle furieusement et si je fais toujours semblant de dormir, je suis de moins en moins crédible, surtout que je suis lâchement abandonné par ce foutu chauve qui n’en fait qu’à sa tête. Je le sens raidir sous la torture et j’entends grogner de satisfaction mon agresseuse.


La voilà d’ailleurs qui s’enhardit. Sans me lâcher, elle allume la lampe d’appoint posée sur un guéridon à côté du canapé et elle m’enjambe dans le même mouvement. Ses cuisses sont chaudes et elle ne doit pas avoir de culotte sous sa grande jupe car je glisse aussitôt dans un conduit tropical.

Avec la lumière, ce n’est plus la peine que j’aie l’air de dormir. Vous ai-je dit que les disputes continuelles avec Annette font de moi un homme en manque de sexe ? Aussi, cette grosse ivrogne qui me tombe du ciel me convient tout à fait. En pleine lumière, elle n’est pas belle, même pas jolie, ni mignonne, ni rien, mais elle est aussi juteuse qu’un pamplemousse et elle s’agite sur moi avec beaucoup d’entrain.


Je déboutonne son chemisier taché et ses énormes mamelles émergent comme de grosses boules de pâte à pain que je me mets à pétrir comme un vrai boulanger. Cette femme est une abomination mais c’est quand même la bonne séance de baise dont j’avais cruellement besoin. C’est un peu Noël, finalement.


Malheureusement, c’est aussi le moment que choisit ma femme pour traverser le salon en direction de la cuisine. Annette est splendide comme toujours, dans une chemise de nuit légère, avec sa démarche de mannequin. Cela rend d’autant plus laide ma partenaire de baise. Annette jette un coup d’œil indifférent sur mon couple en pleine action et continue son chemin.



C’est horrible. La présence d’Annette à cet instant précis, d’Annette que je n’ai jamais trompée, me paralyse entièrement. Je sens une chaleur excessive me monter à la tête. La walkyrie s’en moque et continue sa chevauchée fantastique. C’en est trop, je ne parviens pas à le supporter et tourne de l’œil. Rideau. Noir complet.


Quand j’ouvre les yeux, je suis seul dans le salon, affalé sur le tapis au pied du canapé. L’appartement est entièrement silencieux. J’en déduis que j’ai rêvé la femme en rouge. Je remonte sur le canapé, cherche la couette qui curieusement a atterri à l’autre bout de la pièce et essaye de me rendormir. Mais c’est impossible. La scène que je viens d’imaginer flotte en permanence dans ma tête. En plus de quarante ans de rêves érotiques, c’est la première fois que je rêve une pénétration. D’habitude, je me réveille toujours avant le moment fatal. Je cherche donc le pourquoi de cette nouveauté dans ma vie intérieure.


C’est alors qu’un bruit intense et dérangeant provient de la cheminée, le même genre de grattement, grondement, froissement que celui de mon rêve. Je me redresse et constate aussi que la lampe sur le guéridon est allumée. Pourquoi ne l’avais-je pas éteinte avant de dormir ? Le boucan recommence et je sais à son intensité que quelque chose va émerger du foyer. Pas le temps d’éteindre la lampe, je plonge sous ma couette pour reprendre mon imitation de dormeur. Cela n’a servi à rien la dernière fois mais cela pourrait me sauver la vie cette fois-ci.


Comme je m’y attendais, un corps humain se dégage du conduit, se redresse et s’époussette en maugréant dans une langue aussi incompréhensible que celle de la femme en rouge. C’est un homme, cette fois, qui vient de pénétrer dans mon salon, un grand bonhomme ventripotent, habillé pour les sports d’hiver, avec une impressionnante barbe blanche. Il me semble être un vieux vigoureux et peu avenant. Je ferme les yeux aussi fort que je peux.

Cela n’empêche pas l’inconnu de venir droit sur moi et de me secouer comme un prunier. Ses grandes mains sèches s’accrochent à mes épaules comme des serres. Je suis forcé de faire mine de me réveiller. Je tente d’avoir l’air surpris mais il semble s’en moquer. Il me lâche pour sortir un petit carnet de sa poche.



Comme il n’est probablement pas francophone, je mime mon ignorance. Il se penche pour me fixer d’un air soupçonneux, sa barbe vient balayer mon visage et je n’en mène pas large. Heureusement, il cesse son inspection et se redresse.



Et le voilà qui disparaît dans mon appartement, en direction des chambres. Je le regarde s’éloigner. Il est habillé tout en rouge, avec un bonnet à pompon sur la tête. Il a la démarche d’un grizzly. Est-ce qu’Annette est en danger ? Je décide que non et attend son retour sur mon canapé. Mais les minutes s’égrènent et je n’entends plus craquer le parquet.


Au bout d’un moment, je m’inquiète quand même et je décide d’aller voir où est passé le vieux bonhomme. Peut-être a-t-il trouvé sa femme, à moins qu’il n’ait disparu comme il était venu. J’avance silencieusement dans le couloir, comme un sioux. La porte de notre chambre est entrouverte, j’y passe la tête pour vérifier que ma femme dort tranquillement et je la ressors aussitôt, en état de choc.


Le vieux baise sa femme dans ma chambre ! Enfin, je ne l’ai pas vu, elle. Depuis la porte, on ne voyait que les fesses plates et poilues du barbu qui s’activait derrière une femme qu’il prenait de toute évidence en levrette. Comment ose-t-il ? La colère monte et je suis prêt à me jeter sur lui pour le mettre à la porte, même si ce n’est pas par là qu’il est entré quand… Oh ! mon Dieu auquel je ne crois pas… Quand la pire musique qu’on puisse imaginer se fait entendre.

Les sons cristallins d’Annette en train de jouir s’élèvent de la chambre, de cette chambre où le vieux salopard fornique. Il n’y a pas d’erreur possible, elle est la seule au monde à produire une musique aussi délicieuse quand elle gémit de plaisir. Ma femme baise le type le plus horrible que j’ai jamais vu. Ou je meurs ou je les tue. Mes jambes fléchissent, la tête me tourne, je m’écroule. Rideau. Noir complet.


Quand j’ouvre les yeux, je suis seul dans le salon, affalé sur le tapis au pied du canapé. L’appartement est entièrement silencieux. J’en déduis que j’ai encore fait un rêve affreux. Je suis épuisé par ces cauchemars. Je me gratte les couilles et j’essaie de comprendre pourquoi la lampe est encore allumée. C’est certainement pour ça que je dors si mal.


C’est le moment que choisit ma femme pour traverser le salon en direction de la cuisine. Annette est aussi splendide que dans mon rêve, avec la même chemise de nuit légère, un peu transparente quand elle passe devant la lumière.



Annette a toujours faim quand elle vient de faire l’amour. C’est ainsi depuis toujours, mais on ne peut pas être jaloux d’un rêve, n’est-ce pas ? Surtout, cette remarque anodine m’indique que nous sommes sur la voie de la réconciliation et c’est ce que je désire intensément. Aussi, je la suis comme un toutou.


Nous sortons du pain, du fromage, du pâté-croute, des cornichons, du beurre, de la confiture, du chocolat. Le festin de nuit est une vieille tradition entre nous. Je m’assois à la table et commence à beurrer des tartines quand Annette me surprend en venant s’asseoir sur mes genoux. Elle me regarde tartiner un moment avant de passer un bras autour de mes épaules.



En disant injuste, elle passe une main chaude sur ma joue râpeuse et je trouve que c’est beaucoup moins injuste, du coup. Avant de fondre, j’ai quand même un truc qui me turlupine.



Elle éclate de rire. Elle est sur mes genoux et elle se trémousse tellement elle trouve ça drôle. Son rire me rassure pleinement, j’ai bien fait un cauchemar. Et son derrière moelleux qui se frotte sur moi me fait beaucoup d’effet. D’ailleurs, elle s’en rend compte.



Nous retournons dans notre chambre, main dans la main et nous entamons une magnifique partie de jambes en l’air, avec mots d’amour, positions inédites et tout et tout. Cela dure longtemps et quand nous nous écroulons pour dormir un peu, on voit le jour qui pointe derrière les rideaux. Je me sens si bien que je m’endors comme un môme. Rideau. Noir complet.


Quand j’ouvre les yeux, ouf, je ne suis pas au pied du canapé mais dans le lit conjugal. J’entends les voix des enfants qui doivent être arrivés. Ce sont des voix joyeuses, des rires. Ma famille est en train de décorer le sapin. Mais le meilleur est à venir. Quand je tire le rideau pour aérer la pièce qui sent très fort nos activités nocturnes, je vois des milliards de flocons qui dansent. Il n’a pas neigé depuis au moins trois hivers et aujourd’hui, c’est une vraie fête.


Je suis heureux et je décide de me joindre à la joie générale. J’arrive au salon où tout le monde s’active et on me fête comme si j’étais un membre important de la famille. Annette me fait du café et mon fiston m’assure que je n’ai pas besoin de monter sur l’escabeau pour installer l’étoile de Noël car il s’en charge. Ma fille a de la farine plein les joues et un rouleau à pâtisserie à la main. Elle confectionne des sablés scandinaves.

Un des sablés a la forme du bonhomme de la nuit. Je frissonne et pour penser à autre chose, je décide de ranger ma couette, toujours abandonnée sur le canapé. Lorsque je la soulève pour l’emmener dans notre chambre, une culotte en tombe. Tiens, une culotte. Je la ramasse et l’observe. C’est une grande culotte rouge plus ou moins transparente qui sent très fort. Rougissant, je la range dans ma poche et continue mon chemin vers la chambre.


Une fois dans la chambre, j’ouvre la fenêtre et je jette la culotte dans la rue. Elle virevolte un peu avec les flocons, c’est assez réussi. Ensuite, je range ma couette dans le placard. En passant, je dérange la descente de lit et fait apparaître un bonnet. Tiens, un bonnet. Il est rouge avec un pompon blanc. Comme la fenêtre est encore ouverte, je l’envoie rejoindre la vilaine culotte. Il me restera certainement à boucher un peu plus sérieusement le conduit de la cheminée mais cela peut attendre la semaine prochaine. Je serai en congés.


En attendant, je rejoins ma petite famille et je mets sur la platine un vieux vinyle qui me vient de mon enfance : « Petit Papa Noël, quand tu descendras du ciel, n’oublie pas mon petit soulier  », chante Tino Rossi.

Personnellement, s’il m’oublie, je ne me plaindrais pas.