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n° 22793Fiche technique8359 caractères8359
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Temps de lecture estimé : 7 mn
04/12/24
Résumé:  Quelques saynètes basées sur des miettes de souvenirs d’enfance.
Critères:  #humour
Auteur : Coutumier du Fait      Envoi mini-message
La genèse

(Au début, ça partait très fort. J’ai battu un record le jour même de ma naissance. Ouais, mine de rien, moi qui te parle, j’ai été le plus jeune bébé de France ! C’est juste après que ça a commencé à merder. On ne m’enlèvera pas de l’idée que la pétasse de fée qui s’est penchée sur mon berceau s’est carrément cassé la gueule dedans.)



Cinq ans


Je jouais dans ma cour avec Cécile, une voisine qui avait huit ans. On était derrière le petit cabanon, là où il y avait toujours plein d’orties le long de la barrière. Non, quand tu es tout le temps en short, ce n’est pas un détail sans importance.

À un moment, Cécile m’a demandé :



Ça m’a surpris. Je trouvais ça bizarre. Je n’ai même pas eu le temps de répondre qu’elle avait déjà baissé sa culotte et relevé le bas de sa robe. Quand j’ai vu la chose, je me suis sauvé en cavalant et j’ai foncé le plus vite possible jusqu’à la maison.



Ma mère a éclaté de rire.



Je ne comprenais pas pourquoi ma mère riait. Ce n’était pas drôle du tout. Et, en plus, je ne comprenais pas non plus comment Cécile pouvait faire pipi.


(La vie est quand même mal foutue, hein ? Pourquoi est-ce que Cécile m’a demandé si je voulais voir sa boutique quand j’avais cinq ans ? J’aurais nettement préféré que ça se produise une petite dizaine d’années plus tard.)



Six ans


C’était un dimanche après-midi. Avec des copains, on jouait au foot sur la petite place en terre battue qui se trouvait en plein milieu de l’impasse où j’habitais. Pendant la mi-temps ‒ enfin, une des mi-temps, vu qu’on en faisait plusieurs ‒, j’avais tellement soif que je suis allé chez moi.

Mon père était là, attablé en compagnie de deux autres poivrots. Il m’a regardé et m’a dit :



La mère Casse-bite, c’était Madame Le Goff, une veuve qui tenait un petit café-épicerie pas loin de chez nous et où il y avait toujours plein de vieux qui jouaient aux cartes. J’y suis allé. Madame Le Goff essuyait des verres derrière son comptoir.



Elle m’a regardé bizarrement.



Je suis retourné chez moi et j’ai répété à mon père ce qu’elle m’avait dit. Là, malgré ses yeux pleins de vinasse, j’ai vu qu’il était consterné.



C’était l’apprentissage de la vie. À chaque jour, son lot. Ce qui me surprenait le plus, c’est que Madame Le Goff non plus ne savait pas qu’une betterave, c’était une bouteille de vin rouge.



Sept ans


À l’école, j’ai appris un nouveau jeu : « Le docteur qu’a perdu ses lunettes ». On apprend plein de choses à l’école.

Un samedi après-midi, avec mes copains de l’impasse, on y a joué dans la petite cabane qu’on avait construite dans ma cour avec des vieilles palettes. Comme personne ne voulait faire le malade, on a tiré à la courte paille. Je ne sais plus qui en a eu l’idée, peut-être moi, mais au cours de la séance, au malade, on lui a mis une bille dans l’oigne. Bah, on jouait, hein, on allait pas lui mettre un vrai suppositoire ! Le soir, il a tout cafté à sa mère. Ça a fait des histoires… On s’est tous fait avoiner par nos parents. Pourtant, en ce qui me concerne, j’avais trouvé un bon système de défense :




Huit ans


En colonie de vacances, on a fait une chasse au trésor dans les bois. Le mono m’avait dit de faire équipe avec une fille qui avait dix ans. Elle s’appelait Françoise. Elle était ni grosse ni maigre, mais elle avait des lunettes.

À un moment, on s’est retrouvés tous les deux complètement isolés dans la forêt. Elle m’a demandé si j’avais déjà embrassé une fille sur la bouche. Bah non, je ne l’avais jamais fait. Elle s’est approchée de moi et elle a collé ses lèvres sur les miennes. Ça m’a fait un effet bizarre, pas agréable du tout. J’ai pensé que, si je me mettais une grosse limace sur la bouche, ça ferait pareil.



Neuf ans


Ma mère et moi, on est allés à Paris en train. Une fois assis dans le wagon, je me suis mis une fausse morve en plastoc dans un des trous de nez. J’avais essayé devant un miroir, chez moi, pour voir comment ça faisait. Eh ben, on aurait vraiment dit une grosse morve bien gluante qui coulait du nez. Au bout d’un moment, il y avait plein de gens qui me regardaient avec un air écœuré. Ma mère, qui était assise à côté de moi, s’en est aperçue.



Je me suis marré.



Je ne savais pas trop ce que ça voulait dire, mais, apparemment, ma mère le savait : je m’en suis pris une en pleine tronche.

J’ai mis la fausse morve dans ma poche. Pas grave. Ce n’était pas ça qui allait m’empêcher de recommencer à la première occasion. Surtout que ma mère m’avait dit qu’on allait prendre le métro à Paris.



Dix ans


À l’école primaire, ils m’avaient fait passer directement du CE2 au CM2. Sûrement pour se débarrasser de moi plus vite… Ouais, comme tous les surdoués ayant un père alcoolique et une mère cinglée, je devenais rapidement insupportable. Enfin, du coup, j’ai atterri en sixième avec un an d’avance.


C’étaient vraiment des malades au collège.

Dès qu’un prof était absent, ils nous mettaient dans une grande salle pompeusement baptisée « Salle d’études ». Une fois, je bullais tranquillement tout au fond de cette salle quand, d’un seul coup, le pion qu’on avait surnommé «tour de contrôle» ‒ dans la cour, quand il nous surveillait pendant les récrés, on aurait dit un suricate en mode guetteur ‒, a pointé un index accusateur dans ma direction.



Sur le carnet de correspondance, il a noté « Exceptionnellement, se tient bien en salle d’études » et il m’a demandé de le faire signer par mes parents.

Des malades…


(Mes carnets de correspondance, je les ai conservés comme des trophées pendant des années. Sans me vanter, je crois que, c’étaient les plus remplis du collège, toutes classes confondues. Ce qu’ils n’ont jamais su tous ces gros nazes, c’est que la signature de ma mère n’était pas difficile à imiter. Quant à celle de mon père, comme il était toujours bourré, c’était encore plus facile : il signait sans lire.)



Onze ans


Rien. Enfin, rien d’intéressant.


(Si ma mémoire est bonne, j’avais un peu le cul entre deux chaises : je crois que c’est cette année-là que la complémentarité homme-femme a commencé à se substituer à l’opposition garçon-fille.)



Douze ans


J’avais dégoté une vieille bombe de peinture à la cave. Je m’en suis servi pour taguer un « Je t’aime à celle qui le lira » sur un des murs de la gare. J’étais fier comme un coq d’avoir trouvé ça tout seul.


(D’accord, c’était complètement con, mais, vu l’âge que j’avais, je peux plaider l’excuse de minorité, hein ?)



Treize ans


Qu’est-ce qu’elle était belle, ma prof d’anglais ! En plus, elle avait une de ces voix… C’est simple, quand elle parlait, j’étais dans un état second. Avec elle, contrairement à mon habitude, je me tenais bien en classe. Un vrai fayot !


(Cette prof ne saura jamais combien de fois elle est passée à la casserole. Oui, bien sûr, dans un monde imaginaire. Mais avec une main droite bien réelle.)



Quatorze ans


Un jour, Marie, une copine de ma mère, est passée à la maison alors que ma mère n’était pas là. Je l’aimais bien, Marie, elle était toujours gentille avec moi. Elle m’a regardé en souriant et elle m’a dit que j’avais drôlement grandi, que j’étais presque un homme maintenant. Ensuite elle m’a demandé si je voulais savoir pourquoi elle m’appelait tout le temps « Ma petite gueule d’amour ». Curieux comme je l’étais, je lui ai répondu « oui » sans réfléchir. Eh ben, j’ai vachement bien fait de ne pas réfléchir. On est allés chez elle et, le lendemain, je ne te dis pas comment je frimais grave devant tous les puceaux de ma classe !



Après


Bah, après j’étais grand…


2024, Coutumier du Fait