n° 22807 | Fiche technique | 9047 caractères | 9047 1665 Temps de lecture estimé : 7 mn |
09/12/24 |
Résumé: Oui, je sais, les miracles de Noël, ça n’existe que dans les téléfilms américains qu’on va se farcir sur TF1 pendant tout le mois de décembre... C’est tellement pas réaliste. | ||||
Critères: #drame fête dispute | ||||
Auteur : lelivredejeremie Envoi mini-message |
Projet de groupe : Noëlies |
Pas la foi de lui raconter l’ambiance délétère, les blagues débiles de mes collègues, jusqu’à la dernière, sur la porte des toilettes des filles, le post-it marqué « les filles et Jérémie » … Puis mon boss qui me répond :
Guillaume avait été Guillaume, petit lutin blond très candide.
Et moi, j’avais été… juste pas moi, vindicatif et même cruel, à aboyer que je ne vais pas me lancer dans un procès qui durerait, et à lui reprocher de vivre dans son univers associatif de Bisounours où être arc-en-ciel assurait son job et même des promotions, alors que dans le vrai monde, le secteur privé, c’était la jungle et qu’à moins d’avoir un futur patron gay comme un poney, « Je devrai toujours me battre, MOI, Guillaume. »
Calmement, comme pour tout ce qu’il fait, il avait rempli un sac de fringues, en me jetant des regards que j’avais orgueilleusement ignorés, et dit :
Je ne l’avais pas fait.
Comme Loïc lui-même, faut dire… Déjà au bahut, il était outé et s’assumait parfaitement, alors que j’étais tellement au fond du placard que j’avais un pied à Narnia… Mon entrée à la fac m’a permis de m’épanouir, grâce au Cercle Homo Étudiant et ses activités, dont une sortie mémorable dans ce cabaret transformiste, où un·e grand·e brun·e m’a repéré dans la salle, avant de descendre de scène pour, sans interrompre son lip-sync sur « Fini, la comédie » de Dalida, venir me coller, et finir son show en murmurant :
Ce n’est que là que je l’ai reconnu…
Ouais, bon, perso, les filles…
Après le président et le trésorier du club, il est le troisième avec qui j’ai couché. Et le premier avec lequel j’ai fait l’amour… comme avec une fille.
Si je n’ai pas reproduit l’exploit avec lui, en trois ans de fac, je me suis fait une cinquantaine d’étudiants, un documentaliste, un assistant de cours… jusqu’à un petit blond différent des autres mecs, Guillaume.
J’avais rebondi, en effet.
Après la bûche, j’étais rentré à notre appartement, silencieux et vide. Avec Guillaume, on aurait rigolé gentiment de papa, et de sa manie de vouloir gérer la distribution des cadeaux sous le sapin… Là, j’ai jeté un regard sur le mien, un jeu de serviettes de bain brodées « Toi et Moi », et le même, évidemment, toujours emballé, destiné à mon copain… ex-copain.
J’avais pris mon smartphone pour chercher une appli de rencontre, l’activer, compléter mon profil et explorer la faune locale… Bof… Non… Euh… Aaah, lui, peut-être…
- — Intéressé ?
- — Oooh, oui, c’est Noël, après tout, j’ai droit à mon cadeau, j’ai été gentil.
À trois, sérieux ? On commence ainsi et… Non ! Où on va, là ? Je ne veux pas devenir ce genre de mec !
N’empêche, il n’avait pas tort sur un truc, c’était bon, et pas que physiquement… Ça se passe aussi au niveau cérébral, et sentir ce mec fluet trembler entre mes bras… J’ai réalisé, à part la couleur de cheveux, j’avais choisi le même modèle que Guillaume. Comme si je calais sur un type particulier de garçon.
Après la fête triste chez mes parents, le jour de Noël promettait d’être encore plus déprimant, la neige de la nuit fond déjà en flaques grises, la ville est morte. « Mais la vie continue », me suis-je dit en entendant le son d’une notification de l’appli de rencontre « Tu as reçu 20 likes ». En huit heures ? Eh ben… J’ai fait défiler les profils de mecs, de dix-neuf à cinquante et un ans, dont soit le physique, soit la description de leurs désirs, m’a fait éliminer l’un après l’autre, et enfin…
Pekka, 51 kg, 1 m 56, je réalise vos désirs les plus profonds/
Avec, la photo d’un jeune gars mince et blond, avec un petit nez retroussé, qui pourrait être le jumeau de mon… enfin, mon ex-copain, désormais. J’ai tapé sur l’écran :
Tous mes désirs profonds, vraiment ?
Sa réponse a été quasi immédiate :
Oui ! Passage des Bons Enfants, 25. Prends une douche et viens.
« Ce ne serait pas du luxe, en effet », ai-je pensé, avant de googler l’adresse, et de la repérer, à trois cents mètres. « Si proche ? Jamais remarqué… »
C’est mignon, des maisonnettes colorées, illuminées par des garnitures de saison qui vexeraient papa, si fier des siennes… Ah, le numéro 25… La sonnette qui résonne « ♫ ♪ We wish you a Merry Christmas, and a Happy New Year ♫ ♪ » … et la porte qui s’ouvre sur mon date du jour.
Il m’a tiré dans un couloir, puis dans un séjour à la déco hyper kitsch, plus cliché « Noël suédois » que celle d’une publicité IKEA, avec le feu qui flamboie… et un bonhomme barbu rondouillard, boudiné dans un pull couvert de traîneaux et de cerfs, qui sourit.
…
HEIN ! Il se passe quoi, là ?
Une voix familière a résonné dans ma tête… « Voilà mon cadeau de Noël, tu peux revenir à ta réalité, ou… tu peux revenir au moment où tu l’as perdu, et recommencer, autrement… c’est ton choix. » La voix de… Hey, mais… le vieux bonhomme serait… Et ce qu’il a dit… recommencer, autrement… Puis une autre voix, plus douce… « Je ne viendrai que si toi, tu me le proposes » …
Bon, mon smartphone… mes contacts… Guillaume… en espérant pouvoir encore rattraper le coup… « Réponds, s’il te plaît » …
Guillaume, c’est moi. Je… J’ai été trop nul… Oui, je sais que tu sais… Comme je sais que… pas sans toi, ni aujourd’hui, ni jamais ! Et là, ce n’est pas ma mère qui te le propose, c’est moi qui te le demande… Tu viens ? Oh, je t’aime, je t’aime, je t’aime, JE T’AIME !