n° 22814 | Fiche technique | 33008 caractères | 33008 5733 Temps de lecture estimé : 23 mn |
12/12/24 |
Résumé: Tout se passa très vite. La silhouette d’un homme entièrement vêtu de noir sortit de la ruelle, attrapa la donzelle d’un bras tandis qu’il lui plaquait la lame effilée d’un couteau sur la carotide. | ||||
Critères: #policier fh | ||||
Auteur : Amateur de Blues Envoi mini-message |
Fin de soirée. Les rues du centre-ville étaient plus ou moins désertes. La jeune femme sortit d’un bar. De la musique s’échappa un instant par la porte ouverte avant de s’éteindre quand celle-ci se referma. C’était une jolie femme, grande, élancée. Elle marchait lentement, suivant par jeu la bordure du trottoir, ses pieds chaussés de ballerines se posant l’un devant l’autre comme si elle suivait une ligne imaginaire, ses bras étendus servant de balancier.
Un peu plus loin dans la rue, un homme attendait, assis dans sa voiture stationnée de l’autre côté de la rue. Il mâchonnait un sandwich en regardant la femme faire son numéro le long du trottoir. Comme sa voiture était loin de l’éclairage public, personne ne pouvait le voir, mais lui pouvait observer tout ce qui se passait dans cette petite rue si animée pendant la journée et si vide à cette heure avancée.
Cette fille insouciante était une curiosité. Elle n’avait pas du tout la tenue des noctambules qu’on peut croiser dans le quartier à l’heure de la fermeture des bars. Au-dessus des ballerines que j’ai déjà mentionnées, elle portait une jupe ample, bleu marine et des socquettes de la même couleur. En haut, sous un imperméable beige refermé à la taille par une ceinture vaguement nouée, on voyait apparaître un chemisier à fleurs, démodé, avec les boutons fermés jusque sous son cou de cygne. Son visage angélique n’était pas maquillé et, curiosité suprême, elle avait osé se faire des couettes, deux petites queues de cheval symétriques qui la rendaient plutôt ridicule. Mais jolie, néanmoins.
Personne n’en profitait de cette beauté surannée, à part peut-être le type dans la voiture, mais, vu son allure bovine et l’intérêt qu’il portait à son pan bagnat, il ne semblait pas amateur de gamines à couettes. Enfin, gamine, de loin, on aurait pu le croire, et imaginer l’histoire d’une petite échappée d’un internat catholique, mais, si on s’était approché, on aurait vu aux minuscules rides au coin de ses yeux et à ses lèvres un peu sèches, qu’elle n’était pas si jeune que cela.
Bon, elle marchait, lentement, chantonnant peut-être un air de son enfance, sur le bord du trottoir et la nuit allait bientôt l’avaler. Justement, elle entrait dans une zone moins éclairée, passant sans tourner la tête devant une impasse très sombre, le genre d’endroit sans autre intérêt que de se cacher pour ne pas être vu.
À partir de là, tout se passa très vite. Suivez bien. La silhouette d’un homme entièrement vêtu de noir sortit de la ruelle, attrapa la donzelle d’un bras tandis qu’il lui plaquait la lame effilée d’un couteau sur la carotide.
Il était dans le dos de la jeune femme. S’il avait vu son visage, il aurait été moins confiant, car on ne lisait aucune peur sur ses traits et même aucune surprise, juste de la détermination. Dans la seconde qui suivit, la main fine de la dame se glissa dans son sac à main et se referma sur la crosse d’un gros pistolet noir.
Mais les évènements s’enchaînaient à une vitesse diabolique. Avant que notre héroïne puisse faire usage de son arme pour atomiser son agresseur, un jeune homme grand et costaud, vêtu d’une veste en daim absolument ringarde, surgit d’on ne sait où et plongea sur le couple agresseur/agressée, les envoyant valdinguer l’un comme l’autre sur la chaussée. Au même moment, le gros type surgit de sa petite berline, une arme à la main, et hurla : « Police ! » en jetant son sandwich dans le caniveau.
À la seconde suivante, la quatrième, si vous avez suivi, l’agresseur au couteau se relevait et filait dans la ruelle pour disparaître dans l’obscurité sans que le flic ait pu avoir un angle de tir qui ne risque pas d’atteindre sa collègue. Celle-ci se relevait dans la même seconde, la perruque de travers, et dirigeait dangereusement son arme vers le jeune homme à la veste en daim qui restait assis au sol, hébété après son acte de courage instinctif.
L’inspecteur, qui n’avait pas vraiment compris la situation, hurla à son tour :
Et déjà, il décrochait ses menottes quand sa supérieure l’arrêta d’un geste.
Leurs regards se croisèrent. Le monsieur était toujours au sol, et les armes de la police braquées sur lui. Il avait pourtant un air rêveur et innocent, des yeux très bleus et des épaules carrées.
Il se releva, épousseta sa veste et s’éloigna calmement dans la rue redevenue silencieuse. Les deux agents de l’autorité remontèrent dans la petite berline, Enzo au volant et sa partenaire encore fulminante à ses côtés. Ils furent tous digérés par la nuit noire et il ne resta bientôt plus de l’incident que des rapports dans les ordinateurs du commissariat.
La lieutenante Déborah Rimbaud était assise à son bureau, dans le commissariat désert, et elle continuait de ressasser sa déconvenue. Il était deux heures du matin, mais elle n’avait pas envie de rentrer. Un violeur en série agressait des femmes dans le quartier depuis plusieurs semaines. On déplorait déjà trois viols et cinq agressions. Une des victimes était passée très près de la mort et elle était encore hospitalisée.
Le commissaire, finement, avait décidé que, puisque c’était des femmes qui se faisaient attaquer, la seule femme du service était tout indiquée pour hériter de l’affaire. L’idée de l’appât avait été une idée de Déborah. Les victimes se ressemblaient toutes plus ou moins : étudiantes bien sages, artistes un peu perchées. Le mode opératoire était aussi toujours le même, des agressions la nuit dans la rue. Le type menaçait les filles avec un couteau, les entraînait dans un coin sombre et les violait ou essayait de le faire.
La lieutenante avait concocté sa tenue avec l’aide d’une amie, elle-même bon chic bon genre, et traînait tous les soirs dans le quartier, multipliant les attitudes d’allumée pour être sûre de se faire repérer. Maintenant, déprimée sur son fauteuil de bureau délabré, elle ne ressemblait plus du tout à celle que je vous ai présentée dans l’acte un. Elle portait été comme hiver un jean délavé et un blouson de cuir rouge sur un débardeur noir, les cheveux courts et des bottes de cowboy. Elle était plutôt waouh, mais elle s’en moquait. Quand elle avait été nommée au commissariat, même les plus misogynes de ses collègues voulaient travailler avec elle. Elle les avait refroidis les uns après les autres, avant de choisir Enzo comme coéquipier. Lui aussi n’aurait pas dit non, bien qu’il soit marié depuis vingt ans, mais il avait vite compris qu’il n’avait aucune chance et jouait bien son rôle de Sancho Pança, même si, ce soir, il avait été un peu long à la détente.
Plus tard, allongée sur un lit de camp installé au fond de son bureau, elle repassait chaque instant de la soirée et commençait à organiser la suite. Ce n’était pas la première fois qu’elle dormait dans son bureau. Elle vivait seule, sans horaires, et passait plus de temps ici que chez elle. Il y avait une douche au bout du couloir, alors à quoi bon rentrer. Sur ce lit de camp, elle voyait les feux tricolores de la rue illuminer son plafond. Cela la berçait. Elle dormait bien, en général. Souvent, Enzo entrait doucement le matin avec du café fumant et des croissants.
Ce soir, elle ne dormait pas. Elle sentait encore la pression de la lame sur son cou. Ce type ne faisait pas semblant. Elle était sûre que c’était son homme et qu’elle aurait pu, qu’elle aurait dû le serrer, s’il n’y avait pas eu ce blondinet. Bon, dans la furie du moment, elle avait merdé. Il fallait mettre en garde à vue le sauveur imprévu pour avoir un récit qui tienne la route devant ses supérieurs. Demain, elle retournerait dans l’impasse en espérant trouver quelque chose, un indice miraculeux ou je ne sais quoi qui lui permette d’avancer dans l’identification du violeur. Enzo ferait l’enquête de voisinage.
Elle regardait le rouge passer au vert sur le plafond et elle se demandait comment faire taire ses pensées qui tournaient en boucle. Et puis, soudain, alors qu’on entendait déjà un camion-poubelle tourner au coin de la rue, elle y parvint. Le visage tranquille de l’olibrius qui avait démoli son piège s’imposa à son esprit, ses yeux bleu très clair, ses cheveux ébouriffés, sa veste en daim. Déborah avait envie de le revoir, de mieux le connaître et cela ne lui arrivait jamais. En même temps, ce visage rendit tout le reste beaucoup plus supportable. Sa dernière pensée fut pour la chance qu’elle avait de le retrouver lui en cherchant l’autre. Et elle sombra.
Le lendemain, la lieutenante était seule au milieu de la ruelle et elle se sentait un peu découragée. Elle en avait inspecté le moindre recoin sans dénicher le moindre indice de valeur. Elle avait bien récolté trois mégots de cigarette, un ticket de cinéma et un emballage de barre chocolatée, mais, en l’absence de suspect pour comparer des ADN, cela ne rimait pas à grand-chose. Surtout, elle n’avait aucune réponse à ses questions. La ruelle était une impasse et Déborah ne voyait pas comment le violeur s’était enfui. Le fond de l’impasse était constitué par le mur d’un vieil entrepôt, haut de cinq ou six mètres, et aucune trace d’échelle ou de corde n’indiquait que quelqu’un l’avait escaladé.
De chaque côté de la rue, il y avait quatre entrées d’immeubles protégées par des interphones ou des serrures à code. Le violeur avait-il accès à un de ces immeubles ? Comment le savoir ? L’autre question concernait le jeune sauveteur impétueux. D’où venait-il ? S’il était passé devant Enzo, celui-ci serait intervenu. Il était donc probablement sorti lui aussi de cette petite impasse. C’était curieux.
La réponse à cette question-là arriva par un coup de téléphone. Déborah s’était glissée derrière un livreur pour entrer dans un des immeubles de la ruelle quand son téléphone l’interrompit. C’était sa copine, Bérengère, au standard du commissariat.
Enzo faisait le tour des témoins potentiels de la bagarre nocturne et la lieutenante ne savait pas où il était passé. Elle voulait rentrer au plus vite au commissariat, car le blondinet était de plus en plus intéressant. Elle ne savait pas vraiment si ce qui lui importait était l’enquête ou l’envie de le revoir, mais elle ne voulait pas y réfléchir maintenant. Une question au moins était résolue. Sur la boîte aux lettres en face d’elle, le nom d’Antoine Verlaine était écrit au stylo bille sur un morceau de partition de musique.
Quand la lieutenante entra dans son bureau, le jeune homme était assis sur la chaise des visiteurs. Avec ses épaules solides dans une chemise à carreaux, il avait l’air d’un bûcheron de film américain et, quand il leva les yeux vers Déborah, elle reçut comme une décharge électrique. Elle ne savait pas d’où venait ce plaisir de le revoir, mais rien ne lui avait été aussi agréable depuis longtemps.
Elle avait envie de se jeter sur lui. Pourtant, elle fut très professionnelle, polie, mais distante et elle essaya de faire avancer son enquête autant que possible. L’idée que cet Antoine Verlaine puisse être un complice du violeur ne l’effleura pas un seul instant. Pourtant, Enzo avait formulé cette hypothèse à haute voix dès le trajet de retour après le fiasco de la nuit. Après avoir vérifié son identité, elle entra dans le vif du sujet.
Antoine la regardait de ses yeux clairs, et le ton manifestement flic qu’elle adoptait ne semblait pas l’émouvoir. C’était terriblement attirant.
Les deux jeunes gens se retrouvèrent assis côte à côte à regarder défiler des portraits de criminels sur un écran. La pièce était minuscule et le silence était compact. Déborah trouvait qu’il manquait de sous-entendus. Selon les critères du témoin, n’apparaissaient que les criminels déjà condamnés entre trente et quarante ans, blancs, bruns, ayant une cicatrice visible en travers du front. Il y en avait beaucoup.
Assis ainsi, penchés en avant pour mieux voir, ils étaient très proches l’un de l’autre. La lieutenante sentait la chaleur de la cuisse d’Antoine à travers leurs vêtements. Cela lui donnait le vertige. C’était la première fois qu’elle ressentait ce genre d’effet et elle avait du mal à comprendre ce qui était en train de se passer. Le jeune rugbyman ne semblait se rendre compte de rien. Il observait les criminels avec attention.
Les relations de Déborah avec les hommes n’avaient jamais été simples. Dès l’enfance, elle avait vécu sa féminité comme une injustice et elle s’était battue pour être meilleure que les mecs, dans tous les domaines. Musculation, sports de combat, beuveries, grossièreté, elle avait lutté sur tous les fronts. Elle se serait bien passé des relations amoureuses, par contre. Cela ne l’intéressait pas vraiment. Mais avec sa plastique presque parfaite, elle fut courtisée, poursuivie et même aimée, même si elle ne faisait rien pour encourager les prétendants téméraires. Elle n’en trouva jamais un qui soit à la hauteur. Elle rangeait les hommes en deux catégories : les timides et les prédateurs. Chaque catégorie avait ses défauts rédhibitoires. Les prédateurs étaient obnubilés par leur propre plaisir et incapables de se mettre à la place d’une femme. Les timides perdaient tous leurs moyens au premier face à face et devenaient très ennuyeux. Pour finir, elle décréta que ce genre de jeux n’étaient pas faits pour elle. Elle se déclara donc lesbienne, bien que, dans les faits, il ne s’était jamais rien passé entre elle et une autre femme. Pourtant, ce jour-là, dans la petite salle de visionnage du commissariat, elle ressentait le désir impérieux de toucher cet homme et d’être regardée par lui. Mais s’il vit quelque chose d’important, ce n’était pas la policière assise à ses côtés.
Et voilà. Heureux dénouement, témoin parfait. Il ne restait qu’à appréhender le suspect et à le faire parler. Mais il y avait l’autre émotion qui parasitait la réflexion. Le beau jeune homme se levait pour partir, sa mission de bon citoyen accomplie.
Et elle regarda le dos carré de son témoin s’éloigner dans le couloir.
Le suspect à la cicatrice avait une adresse en banlieue : chez sa sœur disait le fichier. La lieutenante s’y rendit dès qu’elle eut récupéré Enzo. Le type était dangereux, mais elle aussi. C’est ce qu’elle avait répondu à son coéquipier quand il avait suggéré de demander des hommes supplémentaires au commissaire. Elle monta les étages tandis qu’Enzo attendait en bas de l’immeuble. Au deuxième, la sœur avait son nom sur la porte, Violette Baudelaire. Déborah frappa.
Une femme de son âge lui ouvrit, jolie, souriante, en jean et kimono en soie, nu-pieds, pas de soutien-gorge. « Est-ce que je suis lesbienne ? » se demanda notre policière une fois de plus. Elle s’enquit du suspect.
Déborah suivait la jeune femme dans un couloir qui déboucha sur une pièce de vie, très vivante, pleine d’objets, des foulards, des livres, des cendriers pleins de mégots, une télé allumée, un canapé dont les coussins traînaient sur le tapis. Rapidement, pendant que son hôte était passée à la cuisine, elle compara les mégots à celui trouvé dans l’impasse, négatif. Aucun signe qu’un homme vivait ici n’était visible dans la pièce. Violette Baudelaire revint avec un plateau chargé d’une théière, de tasses et d’un paquet de biscuits. En posant le plateau sur la table basse, elle se pencha et ses seins étaient offerts au regard dans l’ouverture de son kimono. Ils étaient petits, pointus, avec des aréoles caramel.
À ce moment, on frappa à la porte.
Elle alla ouvrir à son frère et revint aussitôt en le précédant dans le couloir. Déborah avait la main sur son arme. Le type se figea en entrant dans la pièce et la regarda avec inquiétude. C’était un grand type maigre et voûté, avec des dreads. Le bras qui avait serré la lieutenante était celui d’un homme qui fait de la musculation régulièrement. Il avait les cheveux très courts et était plus petit que cet homme-là.
Elle la rejoignit à la porte et posa une main sur son avant-bras.
Et elle fila rejoindre Enzo dans la rue. Elle n’était pas lesbienne. Alors qu’est-ce qu’elle pouvait bien être ?
Voilà une idée qui ne déplaisait pas à Déborah, mais elle n’en dit rien. Après tout, elle était peut-être hétérosexuelle. Il fallait juste qu’elle tombe sur le prince charmant. Rugbyman. Aux yeux bleus. En couple, merde.
Le lendemain était un samedi. Déborah et Enzo avaient accumulé les heures supplémentaires et ils décidèrent de se remettre à leur chasse à l’homme lundi. Enzo avait besoin de passer un peu de temps en famille et la lieutenante devait faire tourner sa machine à laver. Elle n’avait plus une seule culotte propre. Enzo l’invita à venir déjeuner avec sa famille le dimanche midi, mais elle refusa. Il avait l’habitude, mais il s’inquiétait toujours de la solitude de cette femme qu’il admirait.
L’après-midi, Déborah somnolait devant un match de rugby à la télévision quand son téléphone sonna.
Il y a toute une procédure pour ce genre de situation, mais la lieutenante ne suivait pas toujours les procédures. Elle sauta dans un taxi et entra dans l’immeuble d’Antoine sept minutes plus tard. Il lui ouvrit la porte et la conduisit aussitôt à la cuisine, lui montra une fenêtre de l’autre côté de la ruelle.
Ils passèrent la fin d’après-midi à siroter du café en regardant par la fenêtre, Déborah évitant de regarder le jeune homme et celui-ci gardant l’air sombre, moins décontracté que lors de leurs précédentes rencontres. La nuit tombait et aucune lumière ne s’allumait dans le salon signalé par Antoine.
Les heures qui suivirent furent mornes et silencieuses. Rien ne se passait dans l’immeuble d’en face. Parfois, leurs regards se croisaient et Déborah détournait rapidement les yeux. Finalement, la soirée avançant et plus aucune lumière n’étant éclairées de l’autre côté de la rue, il devint évident que plus rien ne se passerait ce soir-là.
Ils s’embrassèrent. Déborah laissait le jeune homme décider de la suite des évènements et c’était une première pour elle. C’était bien plus facile que ce qu’elle avait pensé. Il suffisait de se laisser guider par la chaleur dans son ventre. Il l’entraîna dans sa chambre. La jeune femme passa par la salle de bains et constata machinalement qu’on n’y trouvait aucune trace de la femme qui avait habité là. Mais elle n’était plus policière, juste une femme amoureuse, et sa constatation se perdit dans les brumes du désir.
Ils firent l’amour longuement et tendrement. Ce fut une découverte extraordinaire pour la jeune femme. Curieusement, elle se rendit compte qu’elle se débrouillait très bien et qu’elle savait d’instinct ce qu’il fallait faire pour que ce soit bon. À tel point que son amant ne s’aperçut qu’elle était vierge qu’au moment de la pénétration.
Bien plus tard, allongée nue en travers du lit de son amant, la tête appuyée sur sa cuisse, Déborah se demandait encore ce qui lui était arrivé, comment tout avait basculé en quelques heures ? Elle avait l’impression de ne plus être la même personne et ressentait comme une sorte de vertige. « Je peux mourir maintenant, pensa-t-elle, la vie aura valu la peine d’être vécue. »
C’est à ce moment-là qu’un homme entra dans la chambre. Il avait l’arme de service de la lieutenante à la main et la tenait en joue.
Déborah n’avait pas bougé d’un centimètre. Elle était redevenue professionnelle et évaluait la situation avec lucidité, ses neurones fonctionnant à plein régime, son regard balayant la pièce autour d’elle pour trouver un moyen d’échapper à la fin qu’on venait de lui annoncer. Mais sa nudité la bloquait. Pour le moment, il n’y avait pas d’issue.
Mais son frère n’eut pas le temps de lui répondre. Une explosion se fit entendre et Déborah réagit instantanément en plongeant derrière le lit. Le temps que le dénommé Rémi se tourne à nouveau dans sa direction, Enzo Mallarmé entrait dans la pièce et plaçait son arme contre la tempe du criminel.
D’autres policiers entraient à leur tour et plaquaient le jeune rugbyman au sol. L’intervention avait à peine commencé qu’elle était déjà finie. Dès qu’il le put, Enzo attrapa une couverture et la jeta sur le corps dénudé de sa coéquipière, toujours prostrée au pied du lit.
Quelques heures plus tard, dans une voiture qui les emmenait à une pizzeria ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, Enzo au volant et Déborah regardant fixement devant elle, ils purent enfin parler de ce qui s’était passé dans cet appartement.
La pizza était bonne, Enzo de bonne humeur, et le pizzaïolo était très beau. Finalement, Déborah décida que la vie valait la peine d’être vécue.
En payant l’addition, Déborah glissa son numéro de téléphone au beau brun. Il fallait absolument qu’elle renouvelle au plus vite la partie de jambes en l’air avec un mec qui ne soit pas un criminel.