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n° 22820Fiche technique26881 caractères26881
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Temps de lecture estimé : 20 mn
14/12/24
Présentation:  Une journaliste rencontre des femmes qui lui racontent un moment, un jour, une vie !
Résumé:  Une histoire entre un homme de passage et une femme. Ou comment tomber amoureuse sans le savoir !
Critères:  f h
Auteur : Jane Does      Envoi mini-message

Collection : Rêves de Femmes
Secret espoir

Devant moi, Adrienne ! Une petite femme un zeste ronde, élégamment vêtue d’un tailleur dernier cri, souriante et du haut de sa petite trentaine d’années, elle paraît heureuse. Elle s’assoit, le serveur vient prendre notre commande et j’observe ce petit bout de nana sympa. Elle semble un peu gênée, sans trop savoir quoi dire. Alors, c’est moi qui démarre donc notre conversation.


  • — Bien ! Acceptez-vous que j’enregistre les propos que nous allons échanger ?
  • — Euh… Vous faites ça avec toutes celles que vous rencontrez ?
  • — Oui… une manière d’être le plus possible fidèle à ce qu’elles me racontent. Mais c’est toujours mes interlocutrices qui me donnent le feu vert.
  • — Je vois… alors vous posez des questions et les femmes répondent ?
  • — Souvent, mais pas toujours. Une fois que la discussion est engagée, les personnes que j’interviewe se livrent sans trop de peine.
  • — Je… ce n’est pas facile de se mettre à nu devant une étrangère, je vous l’avoue !
  • — C’est pourquoi il faut plusieurs rencontres avant qu’enfin l’instant précis qu’elles veulent dévoiler à nos lectrices devienne magique. Je tiens cependant à respecter le plus strict anonymat de celles qui se confient à mon journal. Pas de possibilités de les reconnaître dans la rue, de savoir qui elles sont.
  • — Et… aucune ne souhaite que celui pour qui elles ont… craqué ne soit au courant ? Qu’il ait quelques indices pour comprendre ?
  • — Vous seriez la première à avoir un tel souhait… tout est évidemment possible. Mais ce sont toujours, et j’insiste sur ce point, toujours les dames que je consulte qui guident mes articles. La vérité, seulement la vérité… enfin… la leur bien entendu, puisque mon article ne sera que le reflet de ce qui ressort de nos rendez-vous.
  • — Ça me va… c’est bien et surtout… ça me convient. Vous pouvez allumer votre truc ! Par contre… je ne sais pas par quel bout commencer.
  • — Et si nous commencions par une petite présentation ?
  • — Oui… pourquoi pas ?



— xXx — 



Voilà ! Je me prénomme Adrienne et je suis célibataire par goût ! Je n’ai aucune envie de partager mon quotidien avec qui que ce soit. J’ai trente-deux ans et, comme tout un chacun, j’ai quelques fois des désirs de femme. Alors, je sors et je drague un peu, mais… je reconnais que ça ne fonctionne pas toujours. Et je vais donc m’étaler un peu sur une rencontre qui m’a marqué. Celle avec un inconnu avec qui j’ai passé une seule et unique nuit. Je ne sais rien de lui, pas même si le prénom qu’il m’a donné est le bon ! En tout cas, il s’est présenté à moi sous celui de Martin ! Commun n’est-ce pas ? Ce qui l’a été beaucoup moins, c’est la suite de cette rencontre.


Un bar ! Celui tenu par un ami : Régis ! Une petite ville dans l’est de la France, une ville connue surtout par les curistes qui la fréquentent pour ses eaux thermales. Et son casino aussi, mais il va s’en dire que ce genre de lieu va de pair avec les thermes. Le nom de la ville ? Oh ! Elle se niche aux confins des Vosges et de la Haute-Saône, dans une petite vallée où coule une rivière paisible. Plombières-les-Bains est une sorte de village planté dans un décor de carte postale. Bon ! Un peu passé avec des immeubles plus que délabrés où l’usure du temps est visible de plus en plus. Mais c’est bien là que se situe mon histoire.


Mille balcons, dit-on, mais je ne me suis pas amusée à les compter. Et moi, la petite Vosgienne en vacances, je suis sous le charme de cette bourgade où je suis née, où j’ai grandi. Je travaille par ailleurs comme secrétaire de mairie, dans une commune voisine. C’est vous dire que j’en connais toutes les rues, toutes les travées de mon bled. Alors… je suis donc « Chez Régis » et je sirote mon petit rosé de Provence un soir d’août. Rien de bien différent de tous les autres jours de l’année, sauf sans doute que l’agitation est plus prononcée en ce vendredi soir. Un ballet assez dense entre les curistes qui partent et ceux qui les remplacent. Le type qui vient d’entrer dans le bistrot n’a rien qui marque mon esprit au premier abord.


Un homme d’une bonne quarantaine, chemisette bien repassée et pantalon de jean, des espadrilles en guise de chaussures, un mec « normal » que rien ne distingue de tous ceux qui passent ici. Il commande une bière pression et s’installe en terrasse. Oui ! Je me répète sans doute, mais jusque-là, pas de quoi fouetter un chat. Sauf peut-être son accent ! Oui, un peu chaud comme seuls les gens du sud savent le conserver et que mes oreilles amplifient sûrement. En tout cas, le gars est bien bâti, propre sur lui et il a un sourire engageant. Je ne suis pas spécialement attirée, ne prête aucune attention particulière à ce type, c’est vrai. Mais lorsque je quitte la salle pour rentrer chez moi, lui m’interpelle.



Voilà comment je me retrouve assise face à un inconnu avec qui je taille une bavette. Un verre en entraînant un autre, je me sens d’un coup presque grisée. Et lui est affable, volubile, sympa en quelque sorte. À quel moment me propose-t-il aussi de partager son dîner ? Je dois aussi reconnaître qu’il n’a guère d’effort à fournir pour me convaincre. Et puis… j’ai souvent l’alcool amoureux. Enfin, dans le sens où ça me rend plus… attendrie en fait. C’est donc en quittant le bar que, tout naturellement nous descendons la rue qui mène au casino, que nous atterrissons cinq minutes plus tard chez Mireille, qui, avec son mari cuisinier, tient l’établissement sous l’enseigne de « La Montagne ». Elle nous installe à une table et, avec un clin d’œil à mon adresse, se déleste des menus avant de filer derrière son comptoir.


Un dîner sous le signe de la cuisine vosgienne qui ravit les papilles de mon hôte. Ce gars vient de Montpellier et sa voix chante véritablement sa région. Je suppose que mon propre accent doit le faire sourire, puisque plus traînant, moins chaud. Et notre tête-à-tête m’apprend beaucoup plus que je ne le voudrais de cet homme qui sans me draguer ouvertement, ne me quitte guère des yeux. Entre vin appairé à notre repas et digestif pour faire bonne mesure, je crois que nous dépassons largement la dose autorisée pour la conduite automobile. Ça tombe bien, nous sommes à pied !


C’est donc un peu gris que nous remontons la route qui suit la rivière pour rejoindre ensemble le cœur du village. Oh ! Il s’extasie sur tout, me complimente sur ma ville ! Mais je ne sais pas quand ça se passe, ni seulement pourquoi ça arrive. Son bras qui flirte avec le mien, finit par rapprocher tellement sa patte de la mienne que nos doigts se frôlent. Aucune réaction de ma part, si ce n’est un léger tressaillement de l’ensemble de mon corps, mais, sous mes fringues, lui ne peut pas s’en rendre compte. Les néons des commerces s’illuminent au fil de l’avancée de la nuit.


Soudain, il stoppe sa marche. Sa main est dans la mienne et celle libre me montre « La Maison Blanche ». Une bâtisse où quelques appartements sont en location pour les curistes.



Mon prénom… c’est vrai que, si lui s’est présenté, j’ai de mon côté hésité et, puisqu’il n’a pas véritablement insisté, je me suis abstenue. Mais là, plus moyen de me taire.



Je réalise d’un coup que se « faire plaisir » peut avoir des tas de signification dans la tête du beau brun ténébreux. Mais c’est trop tard, impossible pour moi de ravaler mes paroles. Il a déjà engagé la clé dans la serrure. C’est aussi vrai que je pourrais le planter là, filer sans qu’il ait quoi que ce soit à dire. Mais non ! Il ne me force pas non plus à pénétrer dans sa location. Plutôt bien agencée du reste. Un vaste espace aménagé, une kitchenette ouverte sur une grande piaule où un canapé fait face à un téléviseur. Meubles modernes et maison bien entretenue, c’est ce qui ressort de mon premier coup d’œil à son intérieur.



Là encore, je n’ai guère de répartie, me sentant un peu confuse. Les effets de l’alcool ingurgité tout au long de cette soirée ? L’étrangeté de la situation y est elle aussi, pour beaucoup, dans mon état de sidération ? En tout cas, mon cerveau tourne au ralenti. Et ce Martin réagit au quart de tour.



Comment j’arrive jusqu’au sofa de cuir fauve ? Un miracle que mes cannettes me supportent jusqu’à celui-là. Martin s’affaire dans sa mini cuisine, se bat avec une cafetière dont visiblement il ne connaît pas le fonctionnement, puis… l’odeur agréable qui se répand autour de moi me surprend les narines. Il est de nouveau près de moi. Mes fesses sont posées sur le bord de la banquette moelleuse et il s’installe gentiment à l’autre bout de celle-ci. Deux tasses sur un plateau, deux cuillères aussi et un sucrier. Il se penche pour attraper un récipient et me le tend tranquillement.



Sa voix… c’est comme un tintement de clochettes sous ma tignasse brune ! Il me parle, je me sens bercée par ce son suave qui glisse en moi. Là aussi, s’agit-il de cet alcool qui navigue dans mes veines ? Je ne sais plus trop où j’en suis. Lui est en bien meilleure posture que je ne le suis. Pourtant, nous avons picolé quasiment la même dose lors de ce fichu repas. Je me sens bien pourtant, ce n’est que mon corps qui montre des signes de faiblesse. Il me sourit et nous sirotons notre jus, presque telles deux vieilles connaissances. Mais… c’est un parfait étranger, bon sang. Avant ce soir, j’ignorais jusqu’à son existence. Il me parle de nouveau.



Ma parole ! Ce type cette fois me fait du gringue. Bon sang, je devrais filer d’ici en courant et pourtant, je n’ai pas le courage de bouger. Entre lui et moi, un espace de sécurité suffisant pour que jamais nous ne nous effleurions. Alors, qu’ai-je à redouter de ce Martin ? C’est dans mon ciboulot que tout se joue ? Mes gestes sont comme ralentis par je ne sais quelle magie ou maléfice, je ne pense plus sainement. Lui ne fait pas un seul mouvement qui laisserait à penser qu’il cherche… non ! Il n’y a que le bourdonnement dans mes oreilles du timbre de sa voix. Elle me revient tel un boomerang et, quelque part, elle coule en moi comme du miel.



Ma caboche est lourde, elle dodeline de droite à gauche, d’avant en arrière, et il se sent obligé de me cramponner par les épaules.



Comment je soulève le bas de mon corps qui doit peser une tonne ? Mystère, mais je suis allongée sur le canapé et mon cou repose sur la cuisse du gars. Il ne fait rien, seule sa main vient sur mon front. C’est doux, c’est chaud. Il remonte la frange de tifs qui barre mon front et ses doigts sont… d’une délicatesse exquise. Je ne me reconnais pas. Un inconnu, dans une maison de location, me caresse les joues, nous avons bu et dîner ensemble, comment expliquer cela. Mais j’ai un vrai coup de chaud. Sa paume est d’une douceur telle qu’elle me donne le vertige. Elle se contente pourtant de frôler simplement mon visage.


C’est si bon que mes paupières se ferment, pour mieux goûter à cet incroyable massage facial. Lentement, la patte dérive vers mon oreille. Elle s’y attarde longuement, câlinant le lobe avec une insistance qui frise l’insolence. Ce type sait caresser les femmes, à n’en pas douter, et je dois avouer que j’apprécie hautement ce petit moment qui me procure mille frissons. Sa respiration aussi se fait plus courte, ou est-ce moi qui la perçois en plus accélérée ? Je ne sais plus trop. Il ne s’aventure pas plus avant, ne tente rien pour ouvrir mon corsage. Non ! Seule ma bouille est l’objet de toutes ses attentions. Et l’écho de sa voix qui vient me vriller les tympans une fois de plus.



C’est drôle, mais j’adore ce qu’il me raconte. Martin me parle et je suis envoûtée. Il me dit des mots qui ne devraient pourtant pas avoir de prise sur moi, des mots qui, bien que suaves et doux, ne sont que des mots. Est-ce que mon état en cet instant me les fait entrevoir différemment ? Je suis complètement lascive, presque à la ramasse, mais lui ne tente aucune autre approche plus physique. Ses mains inlassablement me cajolent le visage, vont de la racine de mes cheveux à mon cou sans jamais s’aventurer plus loin. En ai-je du reste envie ? La question, si je me la pose n’appelle aucune réponse, demeurant muette dans ma cervelle. Et J’ouvre les quinquets. Il a le visage penché sur le mien, les pupilles brillantes.


Son souffle cette fois court juste au-dessus de mes lèvres. Un léger vent chaud qui me chatouille et finit par m’enivrer bien plus que je ne le suis déjà. Mon bras… c’est un rêve ou je le soulève pour venir ceindre son cou ? Il ne se dégage pas lorsque, sans aucune violence, j’attire sa frimousse au-devant de la mienne. La réunion de nos lèvres, c’est un vrai électrochoc. Je songe que c’est mal, que c’est complètement décalé. Pourtant, c’est moi qui insiste et non seulement nos lippes restent soudées, mais de surcroît, ma langue force le passage. Et je frémis de ce baiser de feu qui nous soude les bouches. Il se laisse faire, répond vaillamment à mon assaut. Bizarre ! Une pelle de rêve, un baiser magique.


Nous le renouvelons, une fois, deux, puis je cesse de compter. Dans ma poitrine, mon palpitant joue du tambour et, sous mon cou, j’ai la nette sensation que chez lui quelque chose vient de changer de forme, de volume aussi. Pas besoin de dessin ! Je sais évidemment de quoi il s’agit et mon Dieu, je me sens comme transcendée par cette évolution manifeste de son désir. Oui ! Il bande et ça achève de m’envoûter. Il n’a pas à me dévêtir, parce que… je crois que c’est moi qui le fais sans aucune aide extérieure. Mon corsage dans un premier temps, puis ma jupe. Mes sous-vêtements pour faire bonne mesure finissent aussi de me mettre à nu.


Mes doigts s’affolent, et c’est sur la chemise de l’homme que mes phalanges s’activent. Une véritable furie. Je suis pressée, pourquoi ? Je ne contrôle plus rien de mes mouvements et je m’y reprends en plusieurs étapes pour que lui et moi soyons à égalité en ce qui concerne les fringues. Le tas qui jonche le sol mêle ses oripeaux à mes nippes. Il n’ose pas, plus, bouger, et je dois encore faire le nécessaire pour que son bras approche sa patte de ma peau. Plus un mot, seulement de longs soupirs. Il me caresse et je découvre, moi aussi, la douceur de son torse. Mes doigts s’incrustent dans la pelisse sombre qui couvre sa poitrine. Il est terriblement velu, ce qui ne fait qu’aggraver mon désir incompréhensible.


Je joue longuement en enroulant quelques poils autour de mon index et, ensuite, je guide ma paume pour qu’elle traverse cette jungle drue, pour venir découvrir le cratère d’un ombilic parfaitement ourlé. Je me garde bien de frôler l’excroissance qui flirte à la limite de ce minuscule volcan. La lave est sans doute plus bas, dans la cheminée que j’évite encore à deux ou trois reprises. Lui se laisse faire, se contentant simplement de laisser traîner sa patte sur la rondeur d’un de mes seins. Il n’ose pas ? Craint-il une réaction de ma part ? Pourquoi et de qui a-t-il peur ? N’est-ce pas de mon propre chef que nous sommes dans cette nudité totale ? Alors, bon sang ?


Nos lèvres offrent une nouvelle série de slows à nos langues affolées et c’est encore plus prenant que lors de leurs premiers émois. Cette fois, il reprend ses massages, ne se cantonnant plus à mon visage. Il va et vient, sûr de lui, sûr également de mon envie qui me noue les tripes. Ses lèvres quittent la chaleur humide de ma bouche pour d’autres îlots, en particulier ceux de mes tétons qui se gorgent de sang et pointent éhontément. Léchée, tétée, j’adore et perds pied avec délice dans des caresses terriblement sexuelles. Il sait y faire, où il veut m’emmener également. Et je ne lui oppose aucune résistance, me languissant de ces attouchements. Notre corps à corps se mue en guerre charnelle. Je me prends au jeu et de souris, je deviens chatte.


Mes ronronnements ne le laissent pas indifférent et l’apogée de nos désirs partagés reste l’instant même où mon esprit s’évade pour un univers coloré dans lequel je me plonge avec un sentiment de plénitude totale. Une petite mort tout en nuance, tout en profondeur. Je n’arrive plus à retenir ce qui doit être des hurlements. Ma gorge vocalise mes roucoulades alors que tout mon être se tord de bonheur sous l’impact d’un orgasme dont je ne mesure pas vraiment l’ampleur. Un séisme qui me secoue de partout, un tsunami dont plus rien ne refrène la puissance. Et… l’aube grise d’un nouveau jour nous trouve enlacés, Martin et moi, dans cette chambre impersonnelle qui du coup, me rappelle à une réalité plus que crue.


Je me suis donnée, que dis-je, offerte, à un homme sans rien savoir de lui que ces brides d’échanges entre dînette et café. Je ne connais que son prénom, l’inverse étant tout aussi vrai. Alors, dans la clarté d’un petit samedi matin, je sors de draps étrangers dont je ne garde pas seulement le souvenir d’y être arrivée. Je tâtonne un instant dans la pénombre d’un couloir, finis par retrouver l’endroit où tout a débuté, le salon. Un tri rapide du tas de fripes qui dorment là et je m’habille en silence. Puis, en deux enjambées, je retrouve l’air plus frais d’un petit matin d’août. La rue est déserte à cette heure où les honnêtes gens gisent au fond de leur couche. Je remonte vers l’ombre de l’église, traverse la place Napoléon III et me voici chez moi.



— xXx — 



Adrienne s’est tue. Elle cherche dans mes yeux à deviner ce que je pense de son histoire. Mais je ne suis pas là pour la juger, non ! Je me borne à tendre la main vers mon dictaphone pour le mettre en veille. Elle semble soucieuse, ses yeux brillent d’une étrange lueur. Revit-elle ces instants qu’elle vient de me narrer ? Peut-être ! Puis elle se lève, me propose un verre.


  • — Vous enregistrez encore, là ?
  • — Non ! Vous avez d’autres choses à ajouter à votre récit ?
  • — Pas vraiment… et entre nous, vous voulez que je vous dise…

Elle baisse la tête, stoppe sa question ; le serveur qu’elle a appelé est en approche de notre table.


  • — La même chose, s’il vous plaît !
  • — Bien madame. Tout se passe bien ?
  • — Oui, merci.

Il retourne vers son zinc… s’active sur la préparation de ses deux cocktails. Adrienne a une sorte de sourire. Elle reste muette jusqu’au moment où nos boissons sont devant nous. Puis d’une voix tremblante, elle me murmure ces quelques phrases :


  • — Vous savez, si j’ai accepté de témoigner dans votre journal, c’est avec le secret espoir que ce Martin, où qu’il se trouve, lise un jour les mots que vous allez mettre sur notre histoire.
  • — Je comprends… Adrienne. Mais pourquoi ne l’avoir jamais revu ?
  • — Oh… un homme du sud chez nous ! Et… je ne me suis pas senti le cœur à tout quitter sur un coup de dé.
  • — … ? Il vous manque à ce point ?
  • — Pire encore. Il n’est plus de jour, de soir où je ne ressasse ses moments terriblement excitants et… je ne pourrai plus jamais aimer de cette façon. Croyez-moi, il est possible de tomber amoureuse pour la vie en une seule nuit… et je paie le prix fort pour l’avoir vécu. Non ! Pour le vivre encore et encore chaque fois que je ferme les yeux. Martin… c’est l’amour en personne, pour moi. Je ne sais pas comment expliquer cela. C’est juste là !

Elle me raconte tout ceci en se frappant la poitrine. Il y a comme un voile sur son regard et je perçois une vraie souffrance dans les mirettes de cette femme. Puis d’une voix plus ferme, elle revient à des choses plus terre à terre !


  • — Alors ? Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? Vous allez en faire quoi de ce que je vous ai narré ?
  • — Je vais remettre ceci en forme, et puis écrire votre histoire. Un instant merveilleux qui n’appartient qu’à vous… enfin à ce Martin également. Et ensuite, je vous soumettrai le récit, vous aurez tout loisir de faire les corrections que vous jugerez nécessaires. Il sera, après que nous soyons d’accord, publié par mon magazine et fera partie d’une série d’articles où d’autres femmes, elles aussi, raconteront un rêve, un soir, une nuit, un morceau de vie, un éclat de leur existence qui les a fait basculer…
  • — Merci… merci Élisabeth alors… de m’avoir donné la possibilité de me libérer du poids d’un amour qui me serre le cœur… et qui sait… Martin, où qu’il soit, lira peut-être ce qui me donne le courage de continuer… le souvenir de ce qui nous unit lui et moi…
  • — Je ne peux rien vous garantir ! Mais c’est vrai que c’est peut-être possible. Et il devrait y avoir assez d’éléments dans votre récit, pour qu’il puisse s’y retrouver… Merci pour votre collaboration ! Je vous rappelle dans quelques jours, dès que tout ceci est mis au point !
  • — D’accord… et ça va paraître quand ?
  • — Là encore, je vous le préciserai ultérieurement. Vous êtes la première femme que j’écoute dans le cadre de ces articles… mais je vous communiquerai la date bien entendu et vous offrirez un exemplaire de notre journal…
  • — Quel nom porte-t-il au fait votre magazine ?
  • — C’est vrai… je ne vous l’ai pas dit… le journal « Rêves de femmes » et ma rubrique s’intitulera : « Potins de nanas… » et souhaitons que nous ayons beaucoup de lecteurs… lectrices…
  • — Oh, je n’en doute pas… merci Élisabeth !

Adrienne et moi, nous nous levons. Nous marchons ensemble vers le bar pour régler la note. C’est vrai qu’elle a l’air radieuse avec son visage aux yeux pétillants. Cette femme est visiblement amoureuse. Alors… pour moi, le long travail de mise en page de sa « confession » va débuter. C’est sur un bisou que nous nous quittons sur le parking du bistrot et… je lis sur sa bouille comme un espoir… Lequel ? Difficile à dire ! La semaine prochaine, c’est d’une autre dame que je vais écouter l’histoire… mais je me sens heureuse d’avoir rencontré la petite Vosgienne…