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Temps de lecture estimé : 23 mn
24/12/24
Présentation:  Une journaliste rencontre des femmes qui lui racontent un moment, un jour, une vie !
Résumé:  Amiens et ses environs. Les pas et une oreille attentive qui mènent chez une dame sympa. Elle raconte ses folles amours !
Critères:  #chronique #psychologie #érotisme #confession #personnages #domination #voyeur f h
Auteur : Jane Does      Envoi mini-message

Collection : Rêves de Femmes
Le pigeonnier opus I

Il pleut ce matin et je me dirige vers le centre-ville. Claudine, c’est le prénom de la femme que je vais rencontrer. Mon magazine m’offre la possibilité de mettre en exergue des expériences de femmes et, à ce propos, j’écoute les récits que certaines veulent bien me faire. Pour cela, un enregistreur me permet de garder la trace vocale des histoires qu’elles me narrent. Cette Claudine, pour l’heure encore anonyme, a donc transmis par courrier son vœu de témoigner d’un moment fort de son existence. Ce qui m’amène ici, dans une ville que je ne connais pas du tout. Amiens dans la Somme et la pluie ne me rendent pas très glamour les rues un peu froides de cette belle cité inconnue. Mon GPS me guide fort heureusement et je me rapproche de l’endroit de mon rendez-vous. La longue muraille de briques rouges que je longe… c’est bizarre, me fait penser… à une prison.


Avenue de la Défense Passive ! Puis je bifurque pour monter vers ce que mon guide électronique m’indique comme le pigeonnier ! Curieux nom pour ce quartier au nord de la ville. Enfin, mon premier point de repère… une église ! Un clocher étrange tout en briques rouges lui aussi et sa haute croix. Oui, c’est là que Claudine doit m’attendre, sur le parvis de Sainte-Thérèse, et j’y arrive. Il ne me reste plus qu’à dégoter une place pour me garer. Le quartier craint un peu et je ne sais pas trop si j’oserais m’y balader seule de nuit… Là-bas des barres d’habitation coupent un paysage que la flotte matinale rend tristounet. Ici comme ailleurs, un horodateur dans lequel je glisse quelques pièces. Puis mes pas me dirigent vers l’édifice résolument moderne. Une femme semble faire les cent pas sous un parapluie très coloré.


À mon approche, la dame à qui je donne une bonne quarantaine d’années se fige sur place et m’observe de loin. Je marque un temps d’arrêt et celle-ci vient à ma rencontre.


  • — Bonjour ! C’est vous la journaliste du magazine « Rêves de femmes » ?
  • — Bonjour ! Oui, je suis Élisabeth du journal « Rêves de Femmes ».
  • — Enchantée donc… moi, c’est Claudine et… ne restons pas là, ça me donne la chair de poule cet endroit.
  • — Et où pouvons-nous aller pour discuter tranquillement ?
  • — Ben… chez moi, si vous voulez bien. Vous voyez ces grands immeubles ? J’ai passé toute ma jeunesse dans un tout pareil qui est détruit maintenant. Et croyez-moi ou pas, je la regrette ma barre HLM.
  • — … ! Ma voiture ne risque rien sur ce parking ?
  • — Votre voiture… suis-je bête ! Vous ne pouvez pas la laisser ici… parce que je suppose que nous en avons pour un moment et les flics font souvent des rondes dans le coin… gare à ceux qui ne paient pas le stationnement… c’est juste pour faire de l’argent.
  • — Oui ? Alors, comment faire ?
  • — Ben, tout simplement, venir vous garer dans ma cour. J’ai un petit pavillon un peu plus loin. Mais pour plus de confort, une église est toujours un bon point de repère et vous attendre ici me prévenait d’une mauvaise surprise. On voit tellement de choses de nos jours.
  • — Ah ? Mais ma rédaction vous avait prévenu de mon passage, non ?
  • — Oui ! Ma boîte mail a déjà été piratée deux fois en moins d’un an… alors ma confiance dans les messageries est toute relative. Je peux monter près de vous pour vous montrer le chemin ?
  • — Bien sûr… allons-y. Venez, ma petite berline est là…

Voilà ! Claudine, une femme plutôt bien de sa personne, qui marche à mes côtés et nous reprenons la rue pour gagner sa maison. Un joli petit pavillon dans un îlot de verdure où d’autres habitations similaires sont agglutinées. La cour est faite de graviers qui crissent sous mes roues et la bicoque semble sympa.


  • — C’est mon petit paradis. Un coin de pelouse, un toit et des voisins calmes. Un quartier tout récent ! Par contre, la nuit, c’est parfois bruyant… la proximité avec la maison d’arrêt, vous ne pouvez pas savoir. Les détenus hurlent le soir et ça arrive que la nuit soit assez chahutée. Ils ont des plateaux métalliques avec lesquels ils frappent leurs barreaux. Enfin, bref… c’est pas toujours très cool !
  • — Je comprends…

Elle me fait entrer chez elle, un joli pavillon de plain-pied, pas immense, mais cossu. Ici règne une atmosphère sereine et il flotte dans l’air un parfum que je reconnaîtrais entre mille. Une bonne odeur de café frais.


  • — Ça sent bon chez vous, Claudine.
  • — J’ai fait couler un café… il est tout frais… une tasse vous ferait plaisir ?
  • — Ce n’est pas de refus. Ce temps pourri me déprime toujours un peu.
  • — Alors, remontons-nous le moral en buvant un jus !
  • — Merci !
  • — Vous en rencontrez souvent des femmes qui s’épanchent sur un instant de leur existence ?
  • — Quelques-unes, oui ! Mais c’est l’essence même de mon travail. Et puisque nous sommes au fait du boulot, puis-je vous demander la permission d’enregistrer ce que vous allez me raconter ?
  • — Ah ? Je pensais que vous alliez prendre des notes… je n’avais pas songé à cela !
  • — C’est simplement pour garder intacts vos mots, pour ne pas trahir, lors de ma remise en forme, votre récit. Je peux simplement écrire, mais c’est plus long et moins facile pour moi.
  • — Je vois ! Procédez donc comme vous avez l’habitude de faire ! Après tout, ça n’a rien de confidentiel.
  • — Un peu tout de même. Il s’agit de vous, Claudine, d’une part de votre vie que nos lecteurs vont découvrir. Et vous n’avez pas forcément envie que l’on sache qui vous êtes !
  • — Il y a du vrai dans ce que vous dites, mais celui avec qui tout est arrivé ne viendra pas me faire des reproches… il est décédé dans un accident de voiture… trois ans déjà ! C’est loin et pourtant, si proche encore.
  • — … Je suis désolée pour vous.
  • — Oh ! Ne le soyez pas ! J’ai vécu le meilleur… et le pire avec Pierre…
  • — Vous allez me raconter tout cela… mais prenons notre temps. Votre café, un vrai bonheur, je vous assure.

Nous buvons par petites gorgées un arabica bien dosé. Elle a le front barré par une mèche rebelle, porte un pull en laine et un pantalon de jean usé aux genoux. Il y a dans le visage de cette femme une force qui la rend lumineuse. De plus, chez elle, tout est parfaitement rangé, et, bien qu’elle ait vraisemblablement dépassé de quelques années déjà la quarantaine, je sens bien qu’elle garde une pêche d’enfer. Un enthousiasme qui déborde de ses yeux, des traits de son visage et ma foi… c’est une fort belle nana. Elle arbore aussi des formes plutôt attirantes, si j’en juge par son pull que tendent deux seins haut perchés. Pas un pouce de graisse chez cette belle plante qui me fait face. De quoi veut-elle se libérer ? Parce qu’en fin de compte, c’est bien de libération qu’il s’agit pratiquement chez toutes celles que je rencontre.


Claudine a l’air sûre d’elle, ses mains ne manifestent qu’un trouble lié à la situation un peu stressante qui nous fait nous rencontrer. Pas facile sans doute de déballer ses faces cachées à une inconnue qui va les mettre en lumière dans un journal pour femmes. Magazine lu inévitablement par pas mal de pervers qui se repaissent de récits faits par des narratrices anonymes à qui ils peuvent donner les traits les plus divers. Peut-être que, dans chaque femme croisée dans la rue, ceux-ci les identifient à celles qui expliquent un instant « X » de leur existence. Sur la table, entre elle et moi, le minuscule appareil qui va enregistrer chacun des mots sortis de la bouche de cette dame. Elle le regarde, un zeste de méfiance dans les mirettes.


  • — Un si petit truc pour garder en mémoire tout ce que je vais vous relater ? Et vous en ferez quoi de ce qui va être sur la bande ?
  • — Je vais réécouter chez moi, me servir de toutes vos phrases pour écrire mon article. Vous en aurez la primeur, histoire de bien vous assurer que je n’ai pas dénaturé vos propos… et, lorsque vous me donnerez le feu vert final, ma rédaction imprimera votre histoire dans les pages de notre magazine. C’est aussi simple que cela.
  • — Oui… J’ai déjà lu un exemplaire de votre bouquin… je m’y suis même abonnée. J’aime bien votre façon d’écrire les tranches de vie de ces femmes. Vous avez un bon coup de patte pour dire les choses qui sont en nous.
  • — C’est mon métier quelque part, et puis, franchement, je n’ai aucun mérite. Toutes celles qui me les racontent ont toutes une belle manière de décrire leur vécu… je suis certaine que vous également allez être une narratrice fidèle.
  • — J’espère que vous avez raison… Élisabeth !
  • — Bien… si vous vous sentez prête… on peut s’y mettre, qu’en pensez-vous ?
  • — Tout à fait d’accord… je me jette à l’eau donc ?
  • — Juste une seconde… j’appuie là-dessus et… à vous de jouer Claudine !

Elle se raidit légèrement, juste assez pour que ce soit perceptible. Puis, après une seconde où elle paraît hésiter, avec quelques trémolos dans la voix, Claudine se lance dans la bataille.



— xXx — 



L’homme de ma vie… Pierre. Il est mort dans un accident de voiture, il y a presque trois ans. Lui et moi, une longue aventure de tous les jours, de chaque instant qui a cessé brutalement, et il n’est de jours, d’heures même, où je ne regrette son absence. Je me souviens de notre rencontre, chez des amis. Il est là, ce type inconnu, un jeune homme encore, qui ne me calcule pas vraiment. C’est une de ces soirées que tous les étudiants du monde organisent pour se divertir. Je n’assiste pratiquement jamais à celles dont Louise me rebat les oreilles chaque lundi.



Alors, si je refuse de me distraire de mes révisions, elle finit au bout de maintes suppliques, à me faire changer d’avis. Ce soir, je l’accompagne donc à l’autre bout de la ville, chez un groupe de jeunes qui fréquentent notre bahut. Je n’en connais aucune de ces filles qui sont déjà en train de danser dans un appartement de coloc. Le bruit, la musique me dérangent plus que je ne tiens à le dire. Et c’est donc sur le balcon que je trouve un refuge moins… agité. Lorsque je me retourne, il est là ! Un garçon châtain, taciturne qui ne me dégoise pas un mot.


Il se met à l’écart lui aussi et je ne ressens rien, je l’avoue, devant ce gars plutôt « invisible ». Mais, à mon sens et à y bien réfléchir, je lui ressemble surement par ce petit côté sauvage. Je ne suis pas plus à ma place dans cet univers où évolue Louise. C’est bel et bien moi qui engage la conversation.



Sur ce, Louise qui ne me voit plus parmi les invités de la soirée, déboule sur le balcon. Un feu-follet, un éléphant sur un jeu de quilles, quoi ! Et elle se met à glousser.



Je suis entre eux deux et ne rate rien de ce dialogue auquel, je l’avoue, je ne pige pas grand-chose. Qu’est-ce qui lui prend à Louise de se comporter de cette manière ? Le gars est plutôt correct envers moi, et je m’apprête à ouvrir la bouche pour le défendre, mais il n’attend pas et file. Je suis plantée face à cette folle qui vient de saper ma rencontre avec un type qui me parlait simplement. Un long moment de flottement s’ensuit et je songe qu’il est temps pour moi de faire comme le gus. Je récupère ma veste dans l’entrée et en catimini me faufile à l’extérieur. Toute la ville à traverser pour rentrer chez moi, avec la trouille en ligne de mire. La nuit, les rues ne sont pas toujours très sûres pour les femmes seules.


Il est dix heures du matin lorsque débarque dans mon petit appartement la drôlesse qui, hier soir, a perturbé mon entretien avec le garçon.



Je la suis des yeux et elle a l’air d’y croire à son histoire, mais elle finit par ne plus dire un mot. Et nous buvons un jus de pomme avant qu’elle ne file vers un rencard bien mystérieux, comme elle les aime. Je songe pourtant à ces paroles et suis intriguée par ses dires abracadabrantesques. Et je me sens… comment dire cela ? J’ai l’imaginaire qui déborde un peu, des images qui défilent sous ma tignasse brune. C’est quoi cette salade que vient de me vendre Louise ? N’a-t-elle pas tout bonnement des vues sur le mec, et n’est-elle pas un zeste jalouse de nous avoir vus discuter ensemble ? C’est dans l’ordre du possible après tout. Alors ? Pourquoi inventer cette fable pitoyable ? Et je ressasse tout ceci et il est évident que je me fais des nœuds au cerveau.


Les jours s’écoulent paisiblement et il n’est plus question de ce Pierre et de ses prétendues perversions. Nos examens ont lieu pour moi dans un climat de confiance presque normal. J’ai bien révisé et mes notes tout au long de l’année sont excellentes, où se cacherait un problème ? Le travail paie et je n’ai guère de doutes. Peut-être tout de même une petite pointe d’appréhension alors que je consulte le panneau où s’affichent les résultats. Mon nom… figure bien sur la liste et mon Dieu, il n’y a guère de suspens. Ce n’est qu’au moment de regagner mon appartement que je sens dans mon dos comme une présence. Je me retourne et le sourire qui naît sur les lèvres du garçon me prouve qu’il se souvient de notre rencontre.



Et c’est comme ça que lui et moi nous avions atterri dans un établissement un peu spécial. Son quartier général, comme Pierre se plaisait à le définir.



Là-dessus, il me confie ses vues sur la façon de mener sa vie et ses amours. Bien entendu, je ne pige pas toutes les subtilités de ses propos. Mais j’en retiens l’essentiel, c’est-à-dire qu’il aime dominer celles avec qui il a des rapports et que ceux-ci soient sexuels ou de toute autre nature, il adore commander. Jusque-là, rien ne me paraît absurde dans sa vision des choses. Puis il peaufine ses explications et ça se corse légèrement. Il me parle donc de ses besoins d’être celui qui décide de tout, même lorsqu’il couche avec une femme. Il aime les voir porter les vêtements qu’il choisit pour ses conquêtes, et je saisis mieux les assertions de Louise. Il est de bon ton qu’elle, qui est si libre, ne puisse pas entrevoir qu’un homme ne soit pas dans la droite ligne d’une liberté totale pour celle avec qui il flirte.


J’ai cependant besoin d’un peu de temps pour que la somme d’informations qu’il me distille chemine dans les méandres de mon cerveau un peu hermétique à ces pratiques. Pierre est un mâle dominant et il ne semble pas vouloir vivre autrement. Mais c’est son choix ; en quoi ça devrait me déranger ? Je pige tout à trac qu’il me fait du gringue, tout en m’exposant sa manière de se projeter dans un avenir possible avec un tel rapport de force. Le plus bizarre de ce qui me trouble, c’est bien que je ne suis pas plus perturbée que cela par ce qu’il met en avant. Pire, je sens que, quelque part, le fait d’en parler me donne un coup de chaud. Mais il ne fait aucun forcing, ne cherche en rien à me convaincre d’accepter quoi que ce soit.


Non ! Il se borne à poser sur la table ses convictions profondes et ne tente d’aucune manière de me les faire adopter. Au bout de deux heures d’une conversation où il veut me démontrer que son point de vue en vaut d’autres, je bois ses paroles. Il le sait à coup sûr et ne se montre pas plus envahissant pour autant. Par contre, la soirée avance de plus en plus et je n’éprouve pas le besoin de quitter cet homme qui, je dois le reconnaître, me plaît. Son bagout, sa gestuelle, ses mots, ses paroles, tout m’envoûte en lui. Même… c’est idiot à dire, même sa vision d’une sexualité différente me donne des frissons. C’est donc sans aucune crainte que nous dînons au snack du coin et que nous nous baladons en ville. Les néons, sa présence à mes côtés, me rendent fière. Oui… je me sens importante à ses yeux. Or, cela ne m’est jamais arrivé, je l’avoue.


Comment expliquer que les questions les plus intimes soient abordées entre lui et moi sans qu’aucune ne me paraisse incongrue ou déplacée ? Quand il s’enquiert de ma possible virginité, c’est sans arrière-pensée que je lui réponds béatement qu’il ne sera pas le premier. Mais qu’un seul partenaire est passé avant lui. Puis, main dans la main, nous empruntons un chemin que je ne connais nullement, mais que je ne redoute pas non plus. Et j’ai l’exacte idée de ce qui va se dérouler dès que nous entrons dans sa chambre de bonne sous les toits dans la rue Saint-Leu, quartier des Becquerelles. Et je dois aussi dire que mon envie de faire l’amour avec Pierre me tenaille le ventre depuis notre discussion au bar. Une excitation tout à fait inconnue pour la jeune femme sage que je suis d’ordinaire.


Mais lui se borne à un ou deux baisers, il n’y a pas de possession ce soir-là. Ce n’est qu’au moment de le quitter pour rentrer chez moi qu’il me parle et ce que j’entends me donne des frissons.



Une fin de non-recevoir ? Une invitation à déguerpir, et c’est en cela que réside le mystère de cet homme. Je rentre chez moi, mais pas vraiment sereine. J’ai cet immense désir de sexe, engendré par des baisers savamment dosés et par la frustration de n’avoir pas su me faire aimer de Pierre. Au sens sexuel, bien sûr, mais aussi plus général du terme. Tout se bouscule sous ma tignasse, alors que je me prépare à entrer dans mon lit, loin de lui. Je finis par me caresser dans la solitude d’une couche que je juge froide. Ça m’arrive bien sûr de jouir de cette façon, mais les images qui se promènent dans ma tête, elles, n’ont rien de conventionnel, rien de poétique. L’orgasme qui me surprend met un point final à un besoin vital.


Dès mon réveil, la première chose qui ressurgit, ce sont les mots de Pierre et la torture morale s’affiche bien présente tout au long d’une journée dont les heures s’étirent en langueurs oppressantes. Quand est-ce que la décision dans mon esprit se met-elle en place ? D’abord de le revoir, puis… de le suivre dans une expérience qui me met les nerfs à vif. Oui ! Je cède lamentablement à ce qui me paraît être… de l’amour. Je ne le connais que très peu, je ne sais quasiment rien de lui, et pourtant, il me manque comme jamais personne ne m’a fait défaut. Dans mon cerveau se pointent des images provoquées par ses mots, et c’est bien à ce moment-là que ma vie bascule. C’est sûr, je vais l’accompagner, aller voir ce qu’il m’a proposé, tout bêtement parce que… je l’aime.


Une reprise de contact rapide, et c’est ainsi que, ce soir, nous nous rendons dans une maison isolée, très loin de la ville. Je n’en sais pas plus, nous n’avons discuté de ce voyage que quelques minutes, mais j’ai lu dans ses yeux une sorte de joie qui m’a enflammé les sens. Il est heureux et ça se voit, donc mon bonheur est au maximum. Nous voici donc chez « ses amis », c’est tout ce que j’en sais. La soirée n’a pas encore commencé et nous ne sommes pas très nombreux. Cinq couples… non, six, puisque lui et moi sommes considérés comme un duo. Et… après un dîner commun, quelques femmes m’entourent. Pas de questions, simplement elles ont toutes l’air d’être heureuses de ce qui va se passer et l’une d’elles, guère plus âgée que je le suis, m’invite à un voyage dans la baraque.


Une visite guidée sans Pierre ni aucun autre mec du reste. Sous mes yeux, dans des chambres très peu éclairées, je devine de drôles d’instruments, des chaînes et quelques objets dont la destination ne me parle absolument pas. La fille, Ludivine de son prénom, riant de ma naïveté en la matière et avec ses mots, m’explique gentiment à quoi servent ces croix, ces engins qui me laissent pantoise. Par contre, au fond de mon ventre j’ai des papillons qui volettent, et une envie formidable de sexe m’envahit par tous les pores de ma peau. Jusque-là, je n’ai pas osé poser une seule question, elle n’en a pas non plus formulée. C’est donc bien moi qui, d’une voix pâteuse, acte la première.



C’est là que débute ma vraie vie de femme, je ne peux le nier. À la fin de cette sortie riche en enseignements où j’ai vu des femmes fouettées, d’autres mises à disposition des mâles qui les voulaient, je prends conscience là qu’un autre univers existe… mais, si je fonds devant un tel spectacle, je ne suis pas encore tout à fait prête à m’assumer dans un rôle dont j’ignore jusqu’où il peut m’emporter. Et Pierre me laisse libre de ma décision finale. Mais il me faudra bien du temps pour devenir ce qu’il attend de moi. Une soumise à sa mesure, façonnée et très obéissante, à l’instar de ces femmes qui sont là. Toutes m’encouragent du regard, personne ne me demande cependant de faire ce pas, qui ne doit être qu’une décision personnelle bien mûrie. J’assiste à des scènes hard sans doute, mais terriblement érotiques, excitantes et… tentantes.



— xXx — 



Devant moi, je peux lire dans les prunelles de celle qui me raconte depuis de longues minutes ce qu’elle a vu, une certaine fierté. Une larme aussi qui coule sur sa joue. Elle vient de se taire, émue par les images qui remontent en elle, telle une rivière qui charrie tout ce qu’elle sait avoir perdu depuis le décès de son mari. Pour se remettre, se donner une contenance ou tout bêtement pour ne pas me montrer son chagrin, elle change de sujet.


  • — Vous voulez un autre café, Élisabeth ? Je crois que de mon côté il va être le bienvenu. Ça ne vous dérange pas si… nous interrompons pour aujourd’hui notre entretien ?
  • — Bien sûr que non ! Ça me paraît naturel, c’est vous qui avez vécu tout ceci et… c’est vous qui décidez.
  • — Vous êtes à Amiens seulement pour m’entendre ?
  • — J’ai pris une chambre à l’hôtel, et, de ce fait, je suis encore disponible demain… si vous avez envie de me narrer une suite à tout ce que vous venez déjà de me livrer.
  • — Je crois que je dois me remettre de tous ces souvenirs qui sont là, qui me hantent. Ce que je viens de vous expliquer, je ne l’ai jamais raconté à personne, vous savez. Il y a une vraie suite à cette histoire. Et Pierre y tient le premier rôle. Mais je suis trop émue pour que mes idées soient bien en place. Oui… c’est d’accord pour demain, si ça ne vous dérange pas, Élisabeth !

Nous achevons notre café et je la laisse avec ses souvenirs, mais nous convenons d’une seconde entrevue qui doit avoir lieu demain. Le rendez-vous est donc pris pour dix heures demain… Amiens est toujours sous la grisaille, mais la pluie a cessé et je crois que j’ai aussi besoin de digérer ce qui vient de m’être partagé…



À suivre donc…