n° 22844 | Fiche technique | 41171 caractères | 41171 6993 Temps de lecture estimé : 28 mn |
24/12/24 |
Résumé: Une rencontre inattendue qui vire au jeu de séduction passionné. Et si c’était ça le plus beau des cadeaux de Noël ? Alyssa l’espérait, en tout cas… | ||||
Critères: #héros #psychologie #coupdefoudre #adultère fh asie extracon essayage noculotte pénétratio | ||||
Auteur : Miss Alyssa Envoi mini-message |
Projet de groupe : Noëlies |
Les lumières des Galeries Lafayette brillaient comme un joyau dans l’obscurité glaciale de cette presque veille de Noël. Le bâtiment fleuron du style art nouveau, orné de multiples guirlandes lumineuses et de suspensions féériques, projetait des reflets d’or et de pourpre sur les visages émerveillés des badauds. Une fois à l’intérieur, je levai les yeux sur l’immense sapin qui trônait fièrement au centre de la coupole. Ses décorations scintillantes dansaient sous un éclairage puissant, presque aveuglant. Entrée avec moi, l’odeur épicée des marrons grillés se mêlait à celle plus charnelle des parfums exposés sur les premiers stands que je croisai. Le brouhaha des visiteurs formait une mélodie vibrante entrecoupée par instants par quelques messages publicitaires crachés par les haut-parleurs du magasin.
Mon manteau en laine noir cintré à la taille me donnait chaud, et l’écharpe couleur ivoire qui encadrait mon visage tout en rehaussant le rouge de mes lèvres n’arrangeait rien. Je marchais lentement, mes talons claquant doucement sur le marbre dans un rythme presque musical. Tout autour de moi, des stands parfaitement achalandés regorgeaient de promesses. Il y avait des bijoux étincelants, des robes somptueuses et sacs de grandes marques tout autour de moi. Cela avait presque un côté étourdissant.
En quête de mes derniers cadeaux à distribuer lors du réveillon auquel j’étais conviée, je me dirigeai vers les escalators. Les Galeries Lafayette étant réputées pour leur dernier étage réservé aux jouets, j’espérais y trouver de quoi faire briller les yeux des enfants d’Élise. Élise était la consœur chirurgienne qui m’avait prise sous son aile à mon arrivée des États-Unis. Cela remontait déjà à quelques années, et même si notre complicité professionnelle s’était muée en amitié, j’allais rencontrer sa famille pour la première fois.
Une fois parfaitement conseillée par un charmant vendeur sur ce qui pourrait plaire à un garçon de neuf ans et une petite fille de sept, je redescendis vers des rayons beaucoup plus intéressants pour ma petite personne. Bien que mon dressing soit plutôt bien rempli, je voulais marquer l’évènement avec une tenue spécialement sélectionnée pour l’occasion. Le prétexte était parfait pour m’adonner à ma passion pour le shopping.
À la recherche de quelque chose d’élégant qui refléterait ce que j’étais sans trop en montrer, je m’aventurai dans le dédale des rayonnages en me disant que mon Graal ne serait pas simple à trouver. Un doute qui s’évapora tout de même assez rapidement alors que je m’arrêtai devant un portant sur lequel deux robes attiraient mon attention. L’une rouge, fluide, presque éthérée, l’autre bleu nuit, courte et moulante avec un décolleté audacieux. Mes doigts glissèrent sur le tissu soyeux de la première, mais quelque chose me poussait à hésiter, à envisager la seconde. Celle-ci me ferait entrer dans un monde que mon éducation conservatrice m’avait jusque-là interdit. J’étais en pleine dichotomie entre l’ange qui virevoltait au-dessus de la robe rouge et le diablotin posé sur la bleue quand une voix masculine me sortit de mon hésitation :
Je me tournai brusquement, sursautant presque sous l’effet de la surprise. Un petit rictus d’autosatisfaction au coin des lèvres, un homme grand, brun, d’allure sportive, me faisait face. Sa posture assurée oscillait entre désinvolture et séduction. Son regard sombre me fixait avec une intensité troublante.
Perplexe, je haussai un sourcil. Un frisson me traversa. Curieux mélange d’un plaisir égocentrique lié à l’idée de plaire et d’un agacement face à cette intrusion dans ma sphère privée, il n’était pas pour autant désagréable. Curieuse de nature, je laissai le premier sentiment prendre le dessus. À moins que ce ne soit à cause de ce sentiment de solitude qui commençait à devenir prégnant. En tout cas, je me décidai à donner à cet inconnu une chance de me monter son audace.
Je me saisis de la fameuse robe et pris la direction des cabines d’essayage. Mon impudent admirateur me suivit sans que j’eusse besoin de l’y inviter. Restant à quelques pas derrière moi, je l’imaginai se féliciter de ma réaction tout en essayant de deviner ce que dissimulait mon large manteau. Vu la coupe du vêtement que je m’apprêtai à passer, il allait en avoir un aperçu assez équivoque.
Toujours sans un mot, je pénétrai dans la petite pièce de deux mètres sur deux et déposai mes affaires sur le banc mis à la disposition des clientes. En refermant le rideau, je ne pus réprimer un petit sourire que j’adressai au beau brun qui ne me quittait pas des yeux. Juste avant que je ne disparaisse de sa vue, je perçus un léger haussement d’épaules. Il aurait sûrement aimé que je lui permette d’assister à ma transformation.
Bottines, leggings et pull retirés, j’enfilai la robe avec une précipitation certaine, peut-être trop. Sans même prendre le temps de me regarder dans le miroir accroché à la paroi, je sortis de la cabine pour affronter le jugement de mon troublant inconnu. Son regard inquisiteur prit le temps de détailler chaque courbe de mon corps. Le tissu moulant ma silhouette avec une précision insolente, aucun détail ne pouvait lui échapper. Et quand je dis aucun…
Moi qui m’attendais à une volée de compliments, je fus totalement prise au dépourvu. J’étais vexée et la grimace qui déformait les traits de mon visage me trahit. Sans rien répondre, j’opérai un demi-tour et tirai le rideau d’un geste ne laissant aucun doute sur mon état d’énervement. Sur le point de virer cette maudite robe pour me rhabiller et partir sans demander mon reste, mon regard sombre croisa mon reflet dans le miroir. Il avait raison, on ne voyait que mes sous-vêtements, leur relief en tout cas. En plus on devinait sans peine qu’ils n’étaient pas des plus sexy. Ma culotte et mon soutien-gorge en coton aux rayures rouges et vertes dénaturaient cet habit de lumière hors de prix. Quant à mes chaussettes blanches Adidas, je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. Quelle erreur !
Une fois débarrassée de ces marqueurs d’une vie sentimentale en friche, je restai un moment à détailler ma nudité. Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais belle, désirable, regrettant presque de ne pas voir bouger ce rideau qui me séparait de mon prétendant. À travers ses yeux, la flamme vacillante de ma féminité se ravivait. Moi qui voulais me barrer quelques secondes plus tôt, j’espérais que celui qui m’avait tant froissée n’avait pas pris la mouche après ma réaction courroucée. Ne voulant pas prendre ce risque, je passai à nouveau la robe en essayant d’éviter, cette fois, toute faute de goût.
J’effectuai un tour sur moi-même, lentement, histoire qu’il puisse ne rien manquer de cette « mise à jour ». Le retrait de ma culotte était encore plus évident de dos que de face. Ce ne fut pourtant pas ce qu’il remarqua le plus.
En baissant la tête, je constatai qu’effectivement deux d’entre eux étaient parfaitement identifiables : la rivière de brillants qui ornait mon nombril et, surtout, celui qui transperçait de part en part mon téton droit. Cette fois, pas question de me laisser désarçonner par une quelconque remarque, ce d’autant que mon propre corps prit fait et cause pour mon opposant. Excitées par le contact direct du fin tissu de la robe autant que par la joute verbale à laquelle nous nous livrions, les pointes de mes seins se mirent à durcir outrageusement.
La défiance dont je faisais preuve avait l’air de plaire à cet homme qui me laissait de moins en moins indifférente. Il ne pouvait le voir, mais ma poitrine n’était pas la seule à montrer son intérêt. Mon sexe n’était pas en reste, je le sentais s’ouvrir sous l’effet d’une intense excitation.
Mon petit sourire énigmatique lui suggéra, sans lui confirmer, l’existence du rubis surmontant mon clitoris. Je m’attendais à ce qu’il approfondisse le sujet, mais ce fut une autre partie de mon corps qui attira ses faveurs.
Il reprit le contrôle. Je ne savais plus quoi répondre. Et il insista :
Remuer bêtement les orteils fut la seule manière de répondre qui me vint à l’esprit.
Nous étions à un moment charnière de notre petit jeu. L’un de nous allait devoir prendre l’initiative de le faire monter d’un cran ou, a contrario, de le faire redescendre de plusieurs niveaux. Et comme souvent quand on tergiverse, ce fut une tierce personne qui se chargea de trancher dans le vif.
Le commerce est un vrai métier, je l’ai toujours dit. La manière dont la jeune femme venait de me suggérer poliment de me dépêcher tout en évitant tout risque de compromettre la vente fut magistrale. Cachée derrière le rideau j’en gloussai de rire.
Une fois revêtis mes oripeaux de femme trop concentrée sur sa vie professionnelle pour s’épanouir, je sortis en ignorant magistralement la remarque réprobatrice de celle qui prit ma place. La seule chose qui m’intéressait était de retrouver le responsable de mon état euphorique. Il s’avança à ma rencontre.
En fait, si, j’attendais juste de répondre « avec plaisir » à la proposition d’aller boire un café. Une proposition qui, bien évidemment, n’allait pas manquer de venir.
En fait, non, mais je ne pouvais pas le dire aussi clairement de peur d’hypothéquer une possible suite.
Je ne sais pas pourquoi, un réflexe, sûrement, mais je fouillai dans le sac à la recherche de ce qui était sur le moment, pour moi, mon Graal. Dès que je redressai la tête, je compris mon erreur. Il n’était plus là. J’avais beau scruter de tous les côtés, mais il avait disparu, me laissant seule avec cette carte coincée entre les doigts. Tout d’abord assaillie par un puissant sentiment de colère, autant contre lui que contre moi-même, je retrouvai un début de sérénité en lisant les quelques mots griffonnés sur le bristol : « À très bientôt, j’espère… ».
Les personnes autour de moi me prirent sûrement pour une folle, surtout que cette présentation s’adressant à un fantôme précéda une explosion de rires incontrôlée. Pas grave, moi je savais pourquoi. Une fois le numéro enregistré dans mon iPhone, je pris la direction de la sortie. Le climat hivernal ne suffit pas à me calmer. L’impression de mystère que cet inconnu avait pris soin d’entretenir m’avait envoûtée. Je dois même avouer que le fait de s’évaporer sans me donner ne serait-ce que son prénom avait amplifié ce sentiment. Il voulait jouer ? On serait deux. Espérant secrètement qu’il était déjà en train de scruter l’écran de son portable en se demandant pourquoi je ne l’avais pas déjà contacté, je pris la résolution de le faire gamberger. Il allait devoir attendre. Puisque j’étais invitée chez Élise pour le réveillon de Noël et de garde pour celui du Nouvel An, il patienterait au moins une semaine avant d’avoir de mes nouvelles. Et moi tout autant pour avoir des siennes. Ça, c’était moins drôle, même si j’étais persuadée que le fait de me faire désirer serait la meilleure solution. Ce n’était pas grave. Pendant encore quelques jours, mes jouets de célibataire endurcie allaient encore me servir, et ce pas plus tard qu’en rentrant…
Je n’avais jamais trop aimé les réveillons. Ce genre d’évènement faisait partie, à mon sens, de ces injonctions à faire la fête qui me dépassaient. Le jour J, à l’instant T, tu te dois d’être de bonne humeur parce que c’est comme ça, point barre. C’est peut-être mon côté rebelle de pacotille, mais je n’avais jamais réussi à me fondre dans ce moule. Au contraire, je faisais tout pour y échapper. Il faut dire que mon métier me procurait une excuse parfaite pour esquiver ce type de soirées. Le fameux « désolée, je ne peux pas, je suis de garde » marchait à tous les coups. L’auteur de l’invitation se sentait même coupable à l’idée d’insister et, du coup, s’abstenait de le faire. Sauf quand celui-ci, en l’occurrence celle-ci, n’était autre que ta collègue de travail.
Les arguments répétés par Élise durant la première quinzaine de décembre avaient fini par avoir raison de mon entêtement. Au moment de descendre du taxi qui venait de me déposer devant un immeuble cossu du seizième arrondissement, bonne joueuse, je remerciai d’ailleurs sa persévérance. Sans ma bienfaitrice, jamais je n’aurais récupéré ce fameux numéro de téléphone que je rêvais de composer. Totalement obnubilée par son mystérieux détenteur qui occupait mes pensées, je l’avais entré dans mon répertoire sous le titre de « My fantasm ».
En attendant de pouvoir mettre plus qu’un prénom sur ce sobriquet, me voilà un verre de blanc à la main en train de tester ma sociabilité. Entre éclats de rires et piaillements, pas simple de me concentrer sur la discussion engagée par le beau-père d’Élise. Je comprenais à peine la moitié des mots, laissant le soin à mon sens de la logique de combler les vides. Sauf qu’à un moment, lassée par l’effort intellectuel que cela me demandait, je ne pus cacher mon total décrochage. Mon interlocuteur s’en aperçut, forcément, mais avec courtoisie, fit comme si de rien n’était. Il ne releva même pas la vacuité de mon excuse me servant à rompre le lien éphémère qui nous unissait.
Élise ne m’avait pas menti. La cohorte des convives qui constituait l’assemblée était des membres de la famille ou des amis proches. Ils semblaient tous se connaître. J’avais beau chercher, je ne trouvai aucune tête connue. A priori, j’étais la seule issue des rangs pourtant bien garnis de l’hôpital. Ne voulant pas retenter tout de suite l’expérience d’un échange sans intérêt, j’en profitai pour découvrir un peu plus les lieux.
Sans que ce soit trop ostentatoire, l’appartement était aménagé avec goût. Je comprenais un peu mieux pourquoi Élise et moi nous entendions si bien. Nous avions la même attirance pour le bâti ancien, mais pour une décoration moderne. Le mobilier l’était, tout comme les tableaux ornant avec parcimonie les murs. Sans être une pro dans le domaine de l’art, je restai scotchée un moment devant une peinture représentant Broadway sous la neige. Sublime ! Même pour la Floridienne que je suis. Discrètement, je sortis mon portable pour prendre une photo, me promettant d’approfondir ma connaissance de cet artiste. Peut-être même qu’une de ses œuvres trouverait sa place dans mon salon.
Élise venait d’apparaître à mes côtés, me tendant son verre afin que l’on trinque.
Bonne vanne qui valut à nos verres de s’entrechoquer une deuxième fois. Nous partageâmes un éclat de rire avant qu’Élise ne reprenne :
J’adorais cette fille ! Et encore nous étions à un réveillon de Noël, détendues, calmes. Imaginez en pleine garde aux urgences ou en sortie de bloc quand l’humour, souvent noir, est la dernière soupape de sécurité avant la montée des larmes, voire du pétage de câble.
Avant que je puisse aller plus loin, j’eus droit aux enfants d’Élise, aux parents d’Élise, à l’amie d’enfance d’Élise, et même à son chien. Il ne me manquait plus que Damien, son mari, dont elle me vantait si souvent les mérites. On dit que l’homme parfait n’existe que dans le regard d’une femme amoureuse, si tel est le cas, il devait être consigné dans la cuisine pour la corvée d’ouverture des huîtres.
Cette voix… Non, ce n’était pas possible ! Je devais me faire des idées. À moins que ce soit le vin qui commence à me tourner la tête. N’étant pas habituée à boire, mais alors pas du tout, je devais être gagnée par un début d’ivresse. Il ne pouvait s’agir que de ça. Pourtant, au plus profond de moi, je le savais. Quand il entra dans la pièce et que le verdict tomba, étonnamment, j’y étais presque préparée.
Mon cœur avait déjà raté un battement, il en omit un deuxième. C’était bien lui. Mon fantasme ultime se tenait là, debout devant moi, son bras autour des épaules d’Élise. J’étais tétanisée et je n’étais pas là seule. Le sourire carnassier qui m’avait tant chamboulée au détour d’une allée des Galeries Lafayette avait disparu. Cette assurance presque bestiale s’était muée en une expression indéchiffrable.
Dire que j’étais mal à l’aise serait un doux euphémisme. Le fait que je ne dise rien, comme le fait que sa femme ne remarque rien, permit à Damien de retrouver de sa superbe. Tout le contraire de moi qui me décomposais chaque seconde un peu plus. L’effet de stupéfaction laissait place à un tsunami de mélancolie qui me fit monter les larmes aux yeux. La déception était inversement proportionnelle à l’espoir que cette rencontre avait fait naître en moi.
Si Damien semblait avoir finalement encaissé le choc, ce n’était pas mon cas. Je répondis par l’affirmative avec une voix chevrotante. Sur le moment, je regrettai tellement de ne pas être en train de lézarder sur une plage de South Beach. J’aurais payé cher pour être loin, très loin de cette scène dont j’étais, à contrecœur, l’une des parties prenantes. Surtout quand Élise, happée par d’autres obligations, s’éclipsa en nous laissant seuls face à nos turpitudes.
Notre échange feutré ressemblait à celui qu’auraient pu avoir deux espions de la CIA en plein milieu du Kremlin. Nous ne nous regardions même pas, préférant scruter autour de nous à la recherche d’oreilles indiscrètes. Personne n’en avait rien à faire de notre comédie dramatique de série B, mais nous eûmes besoin de quelques minutes pour nous en persuader.
Cette intervention était soit diablement perverse, soit d’une maladresse confondante. S’il m’était difficile de trancher pour l’une des deux options, elle avait eu au moins un mérite, celui de me sortir de cette torpeur qui m’accablait. Bien sûr, je connaissais très peu Damien. Après tout, cela ne faisait que la deuxième fois qu’il se tenait devant moi. Pourtant, je ne sais pourquoi, j’avais du mal à le voir comme un homme sans relief, voire stupide. C’était calculé, j’en étais persuadée.
Restait à savoir comment, de mon côté, j’allais réagir. La sagesse me commandait de faire comme si je n’avais rien entendu. Il me suffisait de prétexter une envie pressante et le tour était joué. Le massage aurait été clair et Damien ne serait sûrement pas revenu à la charge. Cela aurait été suicidaire de sa part. Mais est-ce que j’avais vraiment envie qu’il m’oublie ? Non. Clairement non. Aussi, bien que connaissant son identité et son lien avec Élise, mon amie, je décidai de rentrer dans son jeu.
Par ces derniers mots, je venais de suggérer à mon interlocuteur que, suivant ses consignes, je ne portais pas de sous-vêtements. Une possibilité qui ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd.
Et c’était le cas. Dans un parfait équilibre entre le satin et la dentelle, mon ensemble soutien-gorge et shorty bleu caraïbe était à peine suggéré.
Appelé par sa femme pour l’aider à ramener de la cuisine les premières victuailles, il me laissa plantée là avec mon rire étouffé. Si en plus d’être beau et charismatique il avait de l’humour, ça n’allait pas arranger le dilemme qui s’était installé en moi. J’adorais Élise, je peux même dire que c’était une amie, mais, dans le même temps, je ne pouvais nier l’attirance que j’éprouvais pour son mari. Une attirance presque irrationnelle qui devenait de plus en plus prégnante.
Placée entre un pro et une anti-Trump cherchant à tout prix à ce que moi, l’Américaine, je prenne position, j’avais toutes les peines du monde à profiter de la douzaine d’huîtres qui n’attendaient que mes bons offices. Dans un sens, ce n’était pas plus mal. Assis au bout de l’immense table en bois cintrée de métal, Damien me cherchait du regard. L’ayant déjà grillé à deux reprises, j’essayais de résister à la tentation de rentrer dans ce nouveau défi qu’il m’imposait.
Je réussis à tenir le cap une grande partie de ce repas gargantuesque. Après les huîtres, il y eut le foie gras, puis des escargots, et pour ceux qui n’aimaient pas ça, ils pouvaient se faire quelques tranches de saumon fumé. Quand Élise débarqua de la cuisine avec le plat principal, la célèbre dinde aux marrons, mon estomac demandait déjà grâce.
Trop tard. Déjà lancée en direction de la cuisine. Je ne pouvais plus faire machine arrière, cela aurait paru suspect. Pour être honnête, en avais-je vraiment envie d’ailleurs ? L’alliance de mes talons aiguilles et du carrelage ne m’aidant pas à passer inaperçue, j’essayai de paraître la plus naturelle possible en passant à proximité de Damien. Si seulement ce dernier m’y avait aidée, mais apparemment son projet était tout autre.
Prononcée avec une froideur presque chirurgicale, cette sentence eut l’effet totalement inverse sur mon esprit comme sur mon corps. Les deux entrèrent immédiatement en ébullition. Encore une fois, mon instinct me criait de le renvoyer dans les cordes, de mettre fin à ce jeu dangereux, mais ma gorge nouée empêchait les mots de sortir. Au lieu de ça, mon silence coupable permit à Damien d’installer encore un peu plus l’emprise qu’il avait sur moi.
Le message n’avait rien de subliminal. Au contraire, il était même d’une parfaite limpidité.
Encore une fois, mon silence me trahit. Quand je revins à table, je fus accueillie par le sourire radieux d’Élise s’étonnant de mon absence prolongée.
Je repris ma place à table sans toucher à ce que j’avais dans mon assiette. Le ventre noué, je zieutais nerveusement autour de moi. Combien de mes voisins avaient remarqué mon piercing qui déformait outrageusement le tissu de ma robe ? Ça m’obsédait. J’avais la désagréable, mais excitante impression qu’on ne voyait que lui.
À quelques mètres sur ma droite, amusé de me voir dans cet état, Damien se pavanait. Je détectais même une pointe de fierté dans son attitude. Malgré le danger auquel nous exposait notre jeu, il illuminait la pièce de son charisme. Il était beau, sûr de lui, et je devais me montrer à la hauteur. C’est ce qu’il attendait : une femme de caractère avec du répondant.
Il ne me restait plus qu’à trouver comment reprendre l’initiative. Le prochain coup devait venir de moi et être décisif. La solution me vint quand je vis Élise, le portable à la main, en train d’immortaliser la grande tablée. J’avais le numéro de Damien après tout, et l’utiliser un peu plus tôt que prévu me parut être une bonne idée. Prétextant vouloir moi aussi prendre une photo, je me précipitai dans la chambre où étaient entreposées nos affaires afin d’y récupérer mon téléphone. J’hésitai entre un message tout en nuances et sous-entendus ou un truc de beaucoup plus direct. En tant que chirurgienne, j’étais habituée à prendre des décisions graves, voire vitales, en quelques secondes, et là devant l’image que me renvoyait le miroir de la penderie, j’étais pétrifiée. Il n’aurait pas pu rester l’inconnu des Galeries Lafayette ? Cela aurait été tellement plus simple sans le poids de la trahison. L’excuse facile consistant à me dire que, si ce n’était pas moi, ce serait sûrement une autre m’aida à trancher. L’hypocrisie crasse, cette nouvelle facette de ma personnalité que je mettais à jour me dégoûtait, mais, sur le moment je n’en avais cure.
À mon retour dans la salle à manger, le tableau que je m’attendais à y trouver avait évolué. Agglutiné autour du grand sapin somptueusement décoré, tout le monde attendait que les plus jeunes annoncent les prénoms inscrits sur chacun des paquets. Il y en avait de toutes les formes et de toutes les couleurs. La magie de Noël opérait, je l’avoue, mais je n’étais déjà plus dans ce move. Je cherchai Damien du regard et, après avoir apporté une petite modification à mon message, la lèvre pincée, je l’envoyai.
Le timing était horrible. Le signal sonore émis par mon portable m’indiquant que mon message avait été reçu retentit à l’instant précis où Élise me tendait mon cadeau.
Pour l’être, je l’étais, mais sûrement pas comme elle l’imaginait.
La sortant de sa boîte avec précaution, je découvris une magnifique sculpture en métal, peut-être de l’étain, d’une vingtaine de centimètres de haut. Elle représentait deux drapeaux se croisant au niveau de leurs mâts. Bien que ce soit en monochrome, on devinait parfaitement la bannière étoilée d’un côté et, de l’autre, le soleil levant.
Sincèrement touchée par cette attention, je pris Élise dans mes bras pour la remercier. J’en oubliais même Damien durant quelques minutes. Avait-il lu mon message ? Il suffit à nos regards de se croiser pour que j’en sois convaincue. Son sourire jovial empli d’insouciance s’était mué en une expression indéchiffrable. Je pouvais y lire de la crainte, ou tout du moins une certaine gravité. Mon SMS avait eu l’effet escompté. Il faut dire que pour m’en assurer j’y étais allée fort.
Si tu me raccompagnes, tu pourras peut-être déballer un autre cadeau…
Et au cas où les mots ne suffiraient pas, j’y avais associé une pièce jointe, une photo plus exactement. Prise dans leur chambre lorsque je suis allée chercher mon portable, elle ne montrait rien, mais voulait tout dire. Assise sur leur lit, les fines bretelles de ma robe tombant négligemment sur mes bras, la naissance de mes aréoles brunes dépassait de mon décolleté. Un œil exercé pouvait même distinguer, un plus bas, la lisière de mes Dim-up.
Mon rêve qui avait failli se fracasser contre la cruelle vérité du début de soirée était sur le point de se réaliser. Il ne tenait plus qu’à Damien de faire le dernier pas. Un message, un mot, un geste, rien de plus.
Obnubilée par l’attente de ce signe qui ne venait pas, je n’eus pas le réflexe de me dégager quand tonton Michel se prit les pieds dans le tapis du salon. Non content de m’entraîner avec lui dans sa chute, il m’aspergea généreusement avec le contenu de son verre qui, vous vous en doutez, n’était pas de l’eau. Le temps qu’Élise m’aide à me relever, je mis à profit plus d’une décennie d’études de médecine en imaginant au moins une vingtaine de façons de tuer quelqu’un sans laisser de traces.
Avec mon regard noir qui envoyait des éclairs, j’avais toutes les peines du monde à masquer mon courroux. Surtout que plus il se confondait en excuses, plus ça attirait l’attention sur nous, et plus ça m’énervait. Un agacement qui atteignit son paroxysme quand je découvris l’étendue des dégâts. Au niveau du ventre, une énorme tache de vin ornait ma robe et dégageait une odeur fort désagréable.
Connaissant mon caractère pour le pratiquer quasi quotidiennement, mon amie savait que cela ne servait à rien de me suivre. Elle ne s’y risqua d’ailleurs pas quand je me dirigeai, la bouteille de Badoit à la main, vers la salle de bain. Tout du moins, c’est ce que je crus avant d’entendre la porte se rouvrir et se refermer derrière moi, tandis que je cherchais une serviette propre.
Je sursautai. La voix qui venait de me répondre n’avait rien de féminin. Au contraire, elle avait une gravité toute masculine et une assurance que je reconnus immédiatement.
L’un comme l’autre savions que ma question comme sa réponse était incongrue. En appui contre le lavabo, je lui faisais maintenant face. Damien était là, devant moi, et ses yeux brillaient de mille feux.
Par cette confession, Damien venait de fendre l’armure. Il exposait une fragilité sans pour autant perdre une once de son charisme.
J’étais en feu. La vasque noire en émail me servait de bouée de sauvetage. Je sentais mes jambes trembler sous la force d’une émotion qui me terrassait. Elles ne me portaient plus. Le rythme de mes pulsations cardiaques montait en flèche. Mon cerveau me suppliait de ne pas faire ça, pas là, pas maintenant en tout cas, mais mon corps hurlait l’inverse. Mes tétons étaient gonflés à m’en faire presque mal et mon sexe déjà tout ouvert. Je le sentais.
Mais ce simple mot ne vint jamais. Au lieu de ça, dans un ultime geste de provocation, je remontai lentement le bas de ma robe jusqu’à offrir à lui la vision de mon pubis glabre. Il resta un moment à le contempler sans bouger. L’issue de ce jeu était connue d’avance, mais nous prenions un malin plaisir à en retarder la sentence. Un compte à rebours imaginaire égrenait ses secondes avant une inéluctable explosion.
Ces cinq lettres à peine murmurées nous firent basculer dans l’irrationnel. Précaution ne rimant pas avec passion, Damien n’en prit aucune quand il se jeta sur moi. Notre premier baiser emmena dans sa fougue des heures d’une tension qui s’était accumulée jusqu’à nous faire perdre la raison. Ma robe ne dut sa survie qu’au symbole qu’elle représentait, en l’occurrence la genèse de notre aventure. Malheureusement pour la chemise de celui qui allait devenir mon amant, ce n’était pas son cas. Même si je fus obligée de m’y reprendre à deux fois, elle fit les frais de mon ardant désir, ses petits boutons argentés s’écrasant telle une pluie d’étoiles sur le carrelage. La boucle de sa ceinture ne m’offrant pas plus de résistance, je sentis bientôt sa verge en érection palpiter contre ma peau.
Mon équilibre étant précaire et la position peu confortable, je me retournai pour lui offrir ma croupe. Rapidement, je sentis son gland turgescent chercher l’entrée de mon puits d’amour. La fébrilité qui guidait les gestes de Damien avait quelque chose d’émouvant. Sa maladresse était touchante. Il dut s’y reprendre à plusieurs reprises avant d’atteindre son but, mais n’eut besoin que d’un seul coup de reins pour me pénétrer.
Ce retour à ma langue natale démontrait ma perte totale de contrôle. Mon reflet dans le miroir situé en face de moi avait quelque chose d’obscène. Rendue trouble par les assauts répétés de Damien, l’image qu’il me renvoyait était celle de la trahison, de ma trahison. J’aurais pu avoir honte, me sentir sale, mais mon examen de conscience attendrait. Un puissant orgasme était sur le point d’exploser dans mon ventre et rien ne pouvait le retenir, surtout pas ma culpabilité. Je fermai les yeux… Je jouis !
J’étais montée tellement haut que mon retour sur terre me prit de longues secondes. Toujours farouchement accrochée au rebord du lavabo, je tremblais. Le souffle court, je sentais que Damien s’était retiré. Un liquide tiède et visqueux dégoulinait de mon vagin aux parois distendues. C’était du sperme, son sperme, forcément. Mon Dieu ce que je me sentais bien. Heureuse, épanouie, femme, tout simplement. Un sourire extatique au coin des lèvres, je voulais profiter au maximum de ce monde qui n’appartenait qu’à moi.
Mon amant devait être dans le même état que moi. À mon instar, il restait mutique. L’émotion était à son comble, certes, mais j’espérais que cette absence d’attention post-coït n’était pas un trait de caractère habituel. J’aime les gestes de tendresse après avoir fait l’amour ou avoir baisé comme des bêtes. Je n’imagine pas le sexe juste pour le sexe, qui plus est avec un homme à qui je tenais.
Ayant retrouvé un minimum d’assurance, j’allais gentiment me plaindre auprès de Damien de l’absence de ses bras quand j’en compris la raison. Un shoot d’adrénaline venait de déchirer le voile embrumant encore mon regard. Devant moi, à quelques mètres, la poignée de la porte encore dans la main, Élise découvrait avec incrédulité l’horrible tableau que son mari et moi lui offrions. Encore aujourd’hui, je ne peux qu’imaginer les flots d’émotions qui inondèrent son cerveau et firent chavirer son cœur. À droite, Damien, son mari, le pantalon sur les chevilles, la verge à demi molle encore luisante du voyage dans ma chatte paraissait tétanisé. À gauche, moi, son amie, la robe enroulée autour de la taille comme une vulgaire ceinture, le jus de son homme coulant sur l’intérieur de mes cuisses, j’étais saisie d’effroi.
Aucun de nous ne prononça le moindre mot. Élise aurait eu tous les droits de nous insulter, de nous hurler les pires insanités, mais elle n’en fit rien. Elle resta digne, sûrement pour préserver ceux qui festoyaient dans le salon et qui ignoraient tout du drame qui était en train de se jouer. Quant à nous, qu’aurions-nous pu dire ? Nous confondre en excuses ? Inventer une explication abracadabrantesque qui n’aurait eu aucune crédibilité ? Non, je pense que ça aurait juste rajouté de l’humiliation à l’humiliation. Et même si elle ne put empêcher une larme de couler sur sa joue, Élise se contenta de tourner les talons et de refermer la porte, nous laissant seuls face à nos consciences torturées…
Même après dix ans d’une vie bien chargée, le simple fait de poser le regard sur cette robe diabolique avait fait remonter le souvenir toujours vivace de ce réveillon. Mon corps réagit immédiatement. Si mes yeux sombres se remplirent de larmes, mes seins et mon sexe manifestèrent un tout autre sentiment. Et si je la remettais ? Ma silhouette n’avait que très peu changé après tout. Bingo ! Le tissu toujours aussi agréable épousait parfaitement mes hanches légèrement élargies par le temps et deux enfants. Le premier d’entre eux, l’aîné, déboula justement comme une tornade dans la chambre.
Appuyé contre le chambranle de la porte, les bras croisés, Damien me regardait. Son sourire en disait long sur les multiples pensées qui traversaient son esprit.
C’est marrant comme les enfants deviennent obéissants à l’approche de Noël. Une fois seul, Damien se glissa derrière moi pour me prendre dans ses bras. Un baiser sur la tête, un autre dans le cou, et il me susurra à l’oreille :