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n° 22848Fiche technique8017 caractères8017
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Temps de lecture estimé : 6 mn
26/12/24
Résumé:  Dans un monde futur, la rencontre entre un jeune aventurier et une fille aux mystérieux pouvoirs.
Critères:  #aventure #sciencefiction
Auteur : Loriot      Envoi mini-message
Tout recommencer

L’averse de pluie rouge cessa brusquement. Déjà, le moutonnement des nuages paraissait moins menaçant, emporté par le vent du nord.


C’était de la direction opposée que venait la jeune fille dont les pieds nus semblaient immunisés contre l’acidité de l’eau stagnante. Un détail qui avait échappé aux pillards surarmés dont les instincts primaires accrochaient leurs regards sur les courbes à peine dissimulées par les habits blancs bouffonnant sous les rafales de vent.



Ses comparses saluèrent bruyamment la sortie du soudard qui défaisait la cartouchière de son pantalon camouflé trois tons. Les projectiles de calibre 12 tintèrent en heurtant le sol alors que l’homme se dirigeait d’une démarche grotesque vers sa proie.


Elle esquissa un geste et il recula de plusieurs mètres, frappé par un poing invisible. Sa tête cogna durement la roche et une mousse rosâtre s’écoula de ses lèvres tuméfiées.


L’effet de surprise passé, un autre malandrin épaula son Remington à huit coups. Un instant. Juste le temps d’éprouver une douleur intolérable dans son bras qui craquait comme un vieux cartilage de poulet.


Figé, le reste du groupe fixait l’inconnue. Mus par une crainte superstitieuse, ils s’écartèrent et la laissèrent passer.


Sa voix s’éleva, désincarnée et monocorde.



Sans concertation, ils la suivirent à une distance respectueuse.




***



La même scène se reproduisit les jours suivants, puis les semaines d’après. L’étrange jeune femme précédait une troupe sans cesse grossie par de nouveaux éléments, au hasard de ses rencontres. Pillards, soudards, vagabonds, villageois. Tous les débris d’humanité que la terre portait encore.


Certaines peuplades opposaient une résistance féroce à défaut d’organisation, retranchées dans des ouvrages de fortunes. Les portes cédaient spontanément, dégondées et fracassées. Parfois, les murs d’enceinte s’effondraient, sapés par une force surnaturelle.


Parmi le flot des derniers arrivants figurait un personnage assez singulier surnommé Tzi. Une sorte de Gavroche improbable qui devait sa survie à sa malice et à sa dextérité sans pareil au couteau, mais aussi aux conseils avisés de Falco qui commandait son petit groupe.


Reste qu’il se demandait où leur mystérieuse guide les emmenait. Ses compagnons se posaient la même question, mais, trop obtus ou obnubilés par quelque quête crapuleuse, le sujet ne leur inspirait guère plus que les monosyllabes dont ils étaient coutumiers.




***



La réponse à ses interrogations apparue un matin presque ensoleillé sous forme d’une ville fortifiée. Derrière la palissade grossière apparaissait un amas d’immeubles sommairement réhabilités. Au-delà se découpaient sur le ciel orange chimique des constructions étranges, sorte de bobines monstrueuses qui écrasaient les ruines alentour de leur masse grise.


La fille s’avança seule vers la cité. Cette ville ancienne se trouvait sur le domaine contrôlé par l’une des factions les plus puissantes et les mieux organisées du monde. Sans sommation, des nids de mitrailleuses ouvrirent le feu, tissant un rideau de balles dense et ajusté vers la jeune femme impassible. Les armes automatiques s’enrayèrent et les artilleurs prirent le relais. Les coups fusèrent tous sans exception et les canons restèrent muets.


La lourde porte métallique coulissa et livra passage à un char hérissé de mitrailleuses.


À demi sorti du toit, l’officier tout vêtu de noir apostropha l’inconnue.



Le canon de la mitrailleuse de 14, 5 braqué sur son antagoniste, le militaire observait sa réaction. Elle continuait sa progression de la même démarche tranquille et obstinée. L’homme en noir actionna la mitrailleuse lourde qui resta muette. Le canon de 122 mm n’obtint pas plus de succès.



Dans un rugissement, le blindé s’élança vers sa proie. Les munitions de bord explosèrent en une gerbe blanc et jaune et l’engin disparut dans une colonne de fumée sombre.


La jeune femme s’engagea à travers la porte de la ville demeurée béante, suivie de sa troupe qui se répandit dans la cité tétanisée. Bientôt, les fameuses constructions apparurent derrière des vestiges de grillage avachi. Quelques barbelures lépreuses de rouille montaient une garde muette dans ce décor de fin des mondes.


À l’intérieur, diverses salles aux instruments incompréhensibles et des installations non moins mystérieuses, jusqu’à ce pictogramme formé de cônes noirs tronqués autour d’un point de même couleur. Falco observait le dessin peint sur fond jaune. La tôle émaillée avait souffert des outrages du temps, mais l’avertissement demeurait.



Les phalangistes avaient déserté et les habitants fraternisaient avec les nouveaux venus, rassurés par leurs intentions pacifiques.




***



Tzi était attiré par la femme inconnue, mais la crainte obscure d’un sacrilège tempérait ses ardeurs. Pas assez peut-être pour échapper à la sagacité de l’intéressée.


Un soir, elle le fit demander et l’entraîna dans sa couche. La douceur de la peau, le goût fruité des lèvres et la précision de ses caresses diluaient ses réserves premières. À sa grande surprise, il s’aperçut de sa virginité et n’en œuvra qu’avec plus de délicatesse. Le reste se perdit dans un brouillard cotonneux, leurs corps éclairés par la lueur discrète du feu de bois.


D’après la jeune femme, un métal spécial pouvait redonner vie aux antiques installations. Des boîtiers disponibles sur le site permettraient sa détection. Mûs par une crainte superstitieuse, nul des hommes présents n’osaient mettre en doute ses propos.


Ses pouvoirs et son instinct infaillibles alimentaient d’ailleurs les rumeurs bien au-delà de la région et attiraient des peuplades lointaines. Chacun apportait sa contribution et bientôt vint le moment de se mettre en quête du métal rare. Munis de leurs boîtiers, une centaine d’hommes scindés en petits groupes, dont celui mené par Tzi et Falco, partirent prospecter.


Ils explorèrent des territoires reculés, affrontèrent de multiples périls, mais, au terme de mois de vaines recherches, ils réintégrèrent la cité devenue une véritable métropole. La neige qui recouvrait les toits offrait des crevées là où les volutes de fumée de quelque cheminée rappelaient aux voyageurs les douceurs du foyer.


Pour Tzi, à cette image se superposait celle plus floue d’un jour de printemps, neuf mois auparavant, lors de son initiation aux plaisirs charnels avec celle qui peuplait ses nuits et obsédait ses jours.


Leur inquiétude concernant cet échec se dissipa à l’annonce du succès remporté par un autre groupe dont les indications avaient permis la découverte d’un gisement dont l’exploitation assurait un stock de minerai suffisant.


Pour l’heure, les techniciens achevaient la vérification des installations avant de lancer le processus au moyen d’un réseau de fils à l’usage encore mystérieux aux yeux de beaucoup.




***



La nuit, froide et dure, obscurcissait la cité quand Tzi, Falco et leurs deux compagnons rejoignirent la maîtresse des lieux.


Dans l’âtre, le feu dégageait sa chaleur bienveillante, éclairait parfois leur hôte d’une lueur crue. Sa silhouette gracile allongée sur sa couche, elle tenait un enfant que deux servantes venaient de l’aider à mettre au monde.


Avant que Tzi ne prononce une parole, la lumière inonda la pièce. La même scène se produisit dans l’ensemble de la ville, jusque dans les rues et les camps de fortune dressés par les nouveaux arrivants.





Fin