n° 22867 | Fiche technique | 21034 caractères | 21034 3627 Temps de lecture estimé : 15 mn |
12/01/25 |
Résumé: Destin était une divinité romaine issue de la nuit et du chaos. Ses lois étaient écrites pour l’éternité, rien, ni personne, ne pouvait les changer. Même le plus puissant des dieux, Jupiter, ne pouvait fléchir le destin.
Alors nous, pauvres hommes ! | ||||
Critères: #chronique #drame #coupdefoudre #regret #confession #adultère #transport amour | ||||
Auteur : Patrick Paris Envoi mini-message |
Les haut-parleurs de l’aéroport de Roissy diffusent pour la troisième fois le même message. Problème technique au départ, le vol a trois heures de retard, comme l’affichent les panneaux depuis plus d’une heure. Le Boeing 777 en provenance de San Francisco doit maintenant arriver dans le terminal en face, il faut traverser toute l’aérogare. Sans me poser de questions, je suis le flot des personnes concernées.
Mon épouse rentre d’un déplacement en Californie avec trois de ses collègues, pour accompagner son Président. Comme tous ceux attendant un proche, je suis venu la chercher, elle sera contente de ne pas avoir à faire la queue pour avoir un taxi. Pourtant, quand elle est partie, nous nous sommes encore disputés pour des futilités, comme trop souvent. Un peu borné, comme mon père, je l’ai laissée se démerder, elle a dû prendre un taxi. J’ai vite regretté, mais c’était trop tard, elle était partie.
Petits sourires, je reconnais quelques conjoints de ses collègues, nous nous sommes croisés lors de la fête de fin d’année.
Terminal 2, Porte F. Tiens, ce n’est pas une arrivée. Des employés d’ADP nous invitent à entrer dans une grande salle. Nous nous regardons, intrigués.
D’abord sans voix, chacun se regarde, ne sachant plus quoi penser. D’un coup, les questions fusent :
Se voulant rassurant, le représentant de la compagnie essaie de répondre :
Je suis abasourdi. Un silence de plomb s’abat sur l’assemblée. Plus personne n’ose parler. Sidéré, chacun imagine le pire. Des images de catastrophes me passent par la tête.
La liste des passagers est affichée. Nous sommes invités à retrouver l’ami ou le parent que nous sommes venus chercher, et d’aller donner nos coordonnées au personnel de la compagnie. Petite bousculade. Un peu anxieux, je m’approche.
Là, je lis et je relis plusieurs fois la liste, espérant me tromper. Aucun doute : Marie… Je blêmis… Y a-t-il encore un espoir ? Il va falloir attendre, et espérer.
La journée va être longue.
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Dix jours plus tôt, Marie prépare sa valise. Elle fait partie de l’équipe qui accompagne son boss à San Francisco, à Palo Alto dans la Silicon Valley pour être exact, pour une négociation capitale pour l’avenir de leur entreprise.
Ce voyage en Californie est inespéré, tous les cadres de la boîte aimeraient être à ma place. Je suis heureuse d’avoir été choisie pour accompagner le chef, j’espérais une prochaine promotion, c’est bon signe. Je vais pouvoir faire connaissance avec nos homologues américains, très utiles pour ma carrière, j’en ai déjà rencontré certains à Paris, mais venir les voir chez eux, c’est un plus. Ce sera aussi des vacances, je n’aurais pas grand-chose à faire, et des excursions sont prévues, les vignobles de Napa Valley, le cable car et les Wharf du port de San Francisco, la visite de l’île d’Alcatraz, la fameuse prison. Nous devons également aller à Sausalito, petite ville sympa en bord de mer, après avoir passé le Golden Gate… Un vrai rêve.
C’est la première fois que je suis obligé de laisser Nicolas seul si longtemps, j’aurais préféré faire ce voyage avec lui, ça nous aurait fait des vacances. C’était ridicule d’être partie en nous disputant, il faisait la tête, j’aurais tellement aimé qu’il m’accompagne à l’aéroport. Il devra se débrouiller tout seul, ça ne lui fera pas de mal de devoir se faire à manger, car pour le ménage, je n’y crois pas trop.
À vrai dire, je suis contente de prendre un peu de recul. Depuis plusieurs mois, notre couple bat de l’aile, on s’engueule pour un rien. Lassitude au bout de six ans de mariage, au lit, c’est le minimum syndical, je ne peux pas le blâmer, c’est autant de ma faute que de la sienne, j’en ai moins envie avec lui, pas plus compliqué que ça. Et lui, me trouve-t-il toujours aussi attirante ? Il ne me le prouve pas autant qu’avant, il a fait le tour de la question, si j’ose dire. Pourtant, à chaque fois, c’est toujours aussi agréable, je suis bien avec lui. Alors, si nous restons ensemble, c’est que je l’aime encore ? Ou juste pour mon petit confort ? Pour ne pas déranger nos habitudes ? Ne pas tout remettre en cause ?
À force de me poser des questions, inévitablement, ça devait arriver, j’ai pris un amant. Je n’ai jamais voulu tromper Nicolas, c’est arrivé sans crier gare, le besoin de plaire a été le plus fort. Je suis sorti un soir quand il était en déplacement, sans réfléchir, j’ai fait mon affaire avec le premier venu. Une fois, deux fois, des inconnus que j’oubliais dès le lendemain. Et j’ai rencontré Michel, nous nous sommes revus, avec lui tout est beau, tout est neuf, j’ai retrouvé mes vingt ans. Je crois être amoureuse, comment en être certaine ?
La vie est courte, dois-je quitter mon mari pour refaire ma vie avec lui comme il me l’a demandé ? J’ai été tentée, mais je n’ai pas envie de perdre Nicolas… Peut-on aimer deux hommes à la fois ? Ce voyage tombe à pic pour me permettre d’y voir plus clair. Depuis une semaine, j’ai demandé à Michel de ne pas m’appeler, de mon côté aussi, silence absolu.
Le dernier soir avant de partir, Nicolas était tendre, nous avons fait l’amour comme rarement depuis longtemps. Un peu triste de nous séparer une semaine pour la première fois, je n’ai pas eu besoin de me forcer, j’avais envie de lui, de ses baisers, de ses bras, et de son sexe. J’ai aimé sa tendresse, ses caresses, nous nous connaissons si bien. Il avait l’air amoureux, mais je me doute qu’au retour tout redeviendra comme avant.
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Tout a une fin, ces quelques jours sont passés sans que je ne m’en aperçoive. J’ai plus pensé à profiter de ces vacances inattendues qu’à Nicolas ou à Michel. C’est bon parfois d’être seule.
Hier soir, le patron nous a offert un bon repas pour nous remercier. Notre avion part en fin de matinée, pas besoin de courir. Dans onze heures, je retrouverais mon mari, malgré tout, j’ai hâte d’être dans ses bras. J’en suis au même point qu’au départ, quoi faire, Nicolas ou Michel. Je ne veux plus continuer comme ça, je ne peux plus, il va me falloir choisir, dire à Nicolas que c’est fini, ou rompre avec Michel.
Une heure d’attente pour faire enregistrer nos valises et passer les contrôles, je garde juste ma vanity en bagage cabine. Nous comparons nos cartes d’embarquement pour savoir qui est avec qui. Ouf ! Nous sommes tous éparpillés, je ne suis pas à côté d’un collègue. D’ailleurs, l’avion n’est pas plein, je n’aurais pas de voisin, je pourrais m’allonger sur les trois fauteuils et réfléchir tranquillement.
Tandis que mes collègues prennent un café, je vais faire un tour dans l’inévitable duty free. Machinalement, je choisis une bonne bouteille de Whisky pour Nicolas, ça devrait lui faire plaisir. Tant que j’y suis, je vais l’appeler pour lui dire que j’embarque. Il y a peu de chances qu’il vienne me chercher, mais on ne sait jamais, j’aimerais bien. Une fois, deux fois, je tombe sur sa messagerie, pas besoin de laisser de message, je le rappellerai plus tard.
Alors que je déambule dans les boutiques, les haut-parleurs annoncent le début de l’embarquement de notre vol. Tant pis pour le parfum que je voulais m’acheter, je n’ai plus le temps.
Les voyageurs se sont précipités, la file d’attente est déjà bien longue… Je ne vois pas mes collègues. Peut-être sont-ils déjà installés.
Ma carte et mon passeport à la main, je passe le contrôle d’accès, quand mon téléphone vibre dans ma poche. Ce doit être Nicolas qui me rappelle. Un coup d’œil, c’est Michel. Sans réfléchir, je décroche :
Ça ne passe pas. Pour trouver un coin où il y a du réseau, je recule un peu dans le flot des passagers qui me bousculent :
Mon téléphone à l’oreille, j’entends bien l’hôtesse sans penser qu’elle s’adresse à moi. Rapidement, je suis happée par la foule des autres passagers pressés d’embarquer.
Il m’annonce qu’il est en déplacement à Oakland, il serait heureux de me voir, juste le temps d’une nuit. Je me doute que, me sachant à San Francisco, sa présence n’est pas due au hasard. J’ai aussi envie de le voir, mais c’est impossible :
Mon cœur bat à tout rompre. J’aimerais, j’hésite… Il insiste :
Je suis folle, d’un coup de tête, c’est décidé. Il faudrait que j’appelle mon mari pour le prévenir, enfin pas tout de suite, je suis trop excitée à l’idée de passer la nuit avec Michel. Pas le temps non plus de le dire à mes collègues, ils sont sûrement dans l’avion, et doivent me croire à ma place.
Je trouve facilement le bon train, le Bart. Un billet au distributeur, c’est parti. C’est alors que je réalise la folie que je suis en train de faire. Qu’est-ce qui m’a pris ? Que vais-je pouvoir dire à Nicolas, et à mes collègues ?
À l’arrivée, Michel est sur le quai, nous nous jetons dans les bras l’un de l’autre. Nous avons tellement de choses à nous dire, j’en oublie d’appeler Nicolas.
La soirée passe vite, trop vite. Petit repas en amoureux dans un bon restaurant de poissons, avec en entrée des huîtres chaudes au chablis, un régal. L’hôtel est magnifique, avec vue sur la baie, le lit est immense, aussi large que long, je m’y perds. Michel est tendre, attentionné, j’aimerais que cette nuit ne se termine jamais.
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Pourquoi ce retard ? Dans cette salle froide de Roissy, des informations venues d’on ne sait où circulent à voix basse. Il y aurait eu un problème avec les passagers au départ, plusieurs avaient changé de place, le compte n’y était pas.
Inquiet comme toutes les personnes présentes, des idées noires me passent par la tête. Peur de l’accident, peur de l’attentat… Marie ne m’abandonne pas, reviens vite, ce serait trop bête. Bien sûr, notre couple n’est plus ce qu’il était, est-ce ma faute ? Un peu, beaucoup, je me rends compte que je l’ai négligée. J’aime toujours Marie, mais est-ce de l’amour ou simplement l’habitude ? Je ne sais plus où j’en suis, j’ai peur, peur de la perdre.
Il y a un an, j’ai eu une aventure avec Florence, une collègue. Ça n’a pas duré très longtemps, elle aussi était mariée. Au bout de quelques semaines, ne voulant ni l’un ni l’autre mettre notre couple en danger, on a arrêté d’un commun accord. Je ne l’ai jamais regrettée.
De son côté, Marie est-elle irréprochable ? A-t-elle aussi une liaison alors que je lui fais confiance, comme elle m’a toujours fait confiance ? Je préfère ne pas savoir, pour ne pas souffrir… C’est bien la preuve que je l’aime encore… Il faudrait que nous partions quelques jours à Venise ou ailleurs, pour nous retrouver, pour nous parler.
Je n’ai pas faim, je m’affale dans mon fauteuil sans avoir la force d’aller manger, même au frais d’Air France.
Pour passer le temps, je regarde mon téléphone. Tiens, Marie a essayé de me contacter, elle n’a pas laissé de messages. C’était quand ? … Avant le départ de son avion, sûrement à l’aéroport. Je n’ai rien entendu, elle devait vouloir m’annoncer le retard de son vol. De toute façon, si elle fait toujours la tête, elle ne doit pas s’attendre à ce que je vienne la chercher. J’espère que ce sera une bonne surprise pour elle, que ça lui fera plaisir. Faut bien faire un premier pas.
Je tremble, en me retenant pour ne pas pleurer. C’est dans les moments tragiques que l’on se rend compte de ses sentiments. Il faudra que je prenne plus soin d’elle.
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Ce matin, Marie s’étire dans le grand lit de l’Hôtel Marriott à Oakland, aux côtés de Michel. Elle est heureuse. Elle se laisse aller dans ses bras qui vont une nouvelle fois l’emmener au septième ciel. Ses baisers, ses caresses, elle s’accroche de toutes ses forces aux épaules de son amant. En fermant les yeux, le visage de Nicolas lui apparaît. Elle n’a pas pensé à lui durant tout son séjour, elle a encore oublié de lui téléphoner, pourquoi juste au moment où elle sent le plaisir qui l’envahit, « oui, mon chéri, oui ». Un bref cri la libère de la tension qui montait en elle. Reprenant ses esprits, lentement, elle ouvre les yeux, troublée de découvrir le regard de Michel posé sur elle :
« Nicolas, Michel », « Michel ou Nicolas », Marie ne sait plus quoi penser.
Elle met du temps à se lever pour aller le rejoindre, il est déjà en train de se raser. Juste une bise en passant. Inconsciemment, elle a évité le câlin sous la douche. Sous l’eau, elle ferme à nouveau les yeux, elle n’est plus à l’hôtel aux États-Unis, elle est chez elle à Paris, elle se blottit dans les bras de Nicolas qui l’attend avec une serviette. Elle l’embrasse tandis qu’il la caresse plus qu’il ne la sèche. Michel l’embrasse dans le cou, c’est lui qui l’essuie en souriant.
Ce matin, Marie se sent bien, elle est amoureuse. De qui ?
En se tenant par la main, ils se dirigent vers le buffet du petit-déjeuner.
Sans savoir pourquoi, Marie est heureuse. Elle sourit à Michel. Pourquoi pense-t-elle autant à Nicolas depuis ce matin ? Elle devrait être à Paris, dans ses bras. Elle secoue la tête pour chasser son image. Même si c’est une folie, elle ne veut pas qu’il gâche ses deux jours hors du temps, hors de leur couple. C’est décidé, elle lui parlera, mais pour dire quoi ?
Une heure plus tard, elle est assise à côté de Michel dans la Ford Mustang qu’il a louée, direction l’aéroport de San Francisco. Le ciel est bleu, un beau soleil inonde la baie. En passant sur le Bay Bridge, la vue est magnifique, au milieu de l’eau l’Île d’Alcatraz, qu’elle a visité avec ses collègues et le Golden Gate en toile de fond. Elle prend quelques photos, pour les montrer à Nicolas, elle dira qu’elle était là avec ses collègues. D’humeur joyeuse, Marie chantonne, affectueusement, elle pose sa main sur celle de son amant.
Michel aussi est heureux, une nouvelle vie commence, il a eu raison de venir la retrouver aux États-Unis. Il appuie sur l’accélérateur, la voiture bondit, ils arriveront plus tôt à l’aéroport, le temps de prendre un verre avant l’embarquement.
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Dans la salle de l’aéroport de Roissy, l’ambiance est lourde. Personne ne parle. Le temps passe, toujours aucune nouvelle. Plus aucun doute, l’avion s’est crashé en mer, son réservoir doit être vide depuis longtemps. Des avions de la Marine nationale sont partis à sa recherche, panne technique ? Acte de terrorisme ? Toutes les hypothèses sont possibles.
Le représentant de l’aéroport n’est pas optimiste, il nous conseille de rentrer chez nous quand on annonce la venue du Président de la République, accompagné du ministre des Transports. Il est suivi d’une nuée de photographes et de caméras. BFM et CNews essaient en vain de tendre leurs micros à des familles dont la peur se lit sur le visage.
Avec une tête de circonstance, le Président serre la main de toutes les personnes présentes. Les flashes crépitent. Cette seule présence n’est pas rassurante, bien au contraire, elle m’effraie. Comme à son habitude, il prononce un discours à la mémoire des victimes. On a compris, il n’y a plus d’espoir.
En arrivant chez moi, la maison me semble vide. J’allume machinalement la télévision, un journaliste présente l’événement du jour, le crash du Vol AF0083 dans l’océan Atlantique. Quelques images du Président venu à Roissy réconforter les familles des victimes, suivies de vues d’une mer déchaînée. Des avions de reconnaissance ont repéré des débris à la surface de l’eau, au milieu d’une grande tache d’huile. Les premiers éléments prélevés sont sans équivoque, ce sont bien les restes du Boeing qui s’est abîmé au milieu de l’océan.
Qu’est-il arrivé ? Nous devrions le savoir dans les prochains jours, dès que le temps permettra de récupérer la boîte noire de l’avion, car la mer est trop forte aujourd’hui.
Il n’y a plus aucun espoir de repêcher des survivants. Le commentateur annonce un grand nombre de Français parmi les victimes. Il précise qu’il sera difficile de remonter tous les corps, la carlingue gît à plusieurs centaines de mètres au fond de l’eau, et il y a des courants.
Une information chasse l’autre. Des images d’un autre drame.
Un camion et une voiture en feu sur un pont aux États-Unis, et une voix off qui commente : « Spectaculaire accident en Californie, un camion a percuté, ce matin, une voiture qui venait en sens inverse. Les deux véhicules brûlent au milieu du pont reliant San Francisco à Oakland. La circulation a été interrompue pendant plusieurs heures, l’embouteillage est gigantesque ».
Le journaliste précise qu’il n’y a pas de survivant. « Compte tenu de la violence du brasier, les pompiers n’ont rien pu faire, les corps ont été entièrement carbonisés. La voiture percutée par un poids lourd est une Ford Mustang de location de l’agence Alamo. Le conducteur pourrait être un ingénieur français arrivé il y a quelques jours, le passager de sexe féminin n’a pas pu être identifié, ce pourrait être une jeune femme aperçue, dans un hôtel d’Oakland, en sa compagnie. L’enquête est en cours, mais sans éléments concrets, il y a peu de chances qu’elle aboutisse. »
Décidément, c’est le jour. Trop de mauvaises nouvelles, je préfère éteindre le poste.
Deux jours après, une journée de deuil national est décidée, l’Élysée fait paraître un communiqué :
Dimanche prochain, dans la cour des Invalides, un hommage national sera rendu aux victimes du vol AF0083, en présence des familles et des corps constitués. À cette occasion, le Président de la République prononcera une courte allocution. Cette cérémonie sera retransmise en direct par toutes les chaînes du groupe France-Télévision.
Le soir même, un gendarme me porte à domicile une invitation officielle, et me demande si je peux prêter une photo de Marie. En absence des cercueils, au moment où leurs noms vont être égrenés, il est prévu de présenter les visages de toutes les victimes.
Le pays entier pleure ses morts. Plusieurs millions de personnes suivent la cérémonie à la télévision.
Quelques jours plus tard, avec tous les collègues de Marie, je me retrouve dans le hall de son entreprise pour une cérémonie plus intime. Je reconnais quelques personnes que j’ai entrevues à l’aéroport, nous nous saluons d’un bref hochement de tête. Une plaque commémorative est dévoilée en mémoire des victimes par le directeur qui prononce quelques mots. La direction et les syndicats déposent plusieurs gerbes de fleurs, avant de se retirer.
La gorge nouée, en retenant mes larmes, je m’approche. En gros caractères, « Victimes du vol AF0083 », suivi d’une date et de cinq noms, celui de Marie est en seconde position, après celui du Président.
Personne ne peut échapper à son destin.