n° 22890 | Fiche technique | 10609 caractères | 10609 1898 Temps de lecture estimé : 8 mn |
23/01/25 |
Résumé: La lecture d’un roman plonge une jeune fille dans une suite d’aventures improbables | ||||
Critères: #humour fh forêt | ||||
Auteur : benoit vitse Envoi mini-message |
Concours : Récit d'après 4 images imposées |
Vous retrouverez le règlement de ce concours ici.
Mollement allongée sur le lit, Elena ouvrit le gros livre et, bizarrement, elle tomba sur ces lignes :
Mollement allongée sur le lit, Elena ouvrit le gros livre.
Intriguée, elle se demanda qui avait pu écrire sur elle avant même qu’elle ne vive ce moment. Cela l’intrigua au plus haut point. Elle se dit que s’il est question d’une fille en robe noire, cela va devenir de plus en plus inquiétant. Elle se regarda dans la glace. La robe noire lui couvrait gentiment la poitrine et descendait tout en décence jusqu’aux mollets qu’elle avait jolis. Elle reprit sa lecture :
Revêtue de sa robe noire pailletée, sous laquelle elle portait une culotte d’un rose chatoyant, elle s’abandonnait au livre qui enflammait son imagination.
Elena prit peur alors. Pour contrarier ce romancier trop intrusif, elle enleva d’un geste vif sa culotte, effectivement d’un rose qu’on pouvait estimer chatoyant. Comme ça, se disait-elle, je ne serai plus l’héroïne de ce récit qui va me rendre folle si ça continue. D’ailleurs, c’était un de ses plaisirs que de se promener nue sous sa robe qui descendait assez bas pour que personne n’en susse rien. Elle reprit le livre :
Le début du roman était sage, mais déjà à la fin du premier chapitre, Elena, devant la description d’un jeune homme dans son bain, se défit de sa culotte pour laisser respirer tout son corps.
La situation devenait dangereuse pour la santé mentale de la jeune fille. Elle eut l’idée de reprendre le tissu rose qui se chiffonnait sur le couvre-lit, mais elle y renonça. Bizarrement, la peur se muait progressivement en désir, un désir impérieux, incontrôlable.
*
Albert, sorti du bain, était pour Elena l’équivalent de la Vénus anadyomène, une explosion de désir et d’émoi. Elle avait l’impression d’être devant ce livre, comme derrière un paravent. Précisément, la semaine précédente, Elena – pas celle du roman, mais la vraie – était allée se promener avec son cousin au bord du lac des Vieilles Forges. Il ne faisait pas si chaud, mais le garçon avait jeté par-dessus les buissons tout ce qu’il portait sur lui et avait plongé. Il était sorti de l’eau en frissonnant un peu et Elena avait remarqué qu’il avait la chair de poule, y compris sur sa verge. À ce souvenir, elle mouilla elle-même et les stimulations de son doigt n’arrangèrent rien. Évidemment, l’auteur avait tout prévu :
Elena posa son livre pour se satisfaire d’une caresse intime qui se transforma bientôt en clapotis. Elle releva alors sa robe noire pour se voir dans la glace en train de se masturber, presque vulgaire ; honteuse, vulgaire, mais fière.
Ce que fit aussitôt Elena.
Puis elle jeta le livre dans un coin de la pièce ; elle n’en pouvait plus d’entendre sa vie se répéter dans les moindres détails. Elle se décida pour une promenade. Il lui fallait changer d’air. Marcher sans penser à rien. Marcher à un bon rythme, ne pas courir, car elle sentirait alors l’air caresser son pubis et s’introduire plus bas encore. Marcher comme une brute. Pendant une heure, elle s’étourdit de ses pas dans l’herbe et la mousse. Et voilà que, sans l’avoir cherché, sans n’avoir rien calculé, en allant au hasard de sa fantaisie, elle se retrouve face au lac des Vieilles Forges. La température est bien plus douce aujourd’hui. Elle s’avance, se trempe les pieds et les mollets. Puis, comme personne ne semble hanter ces lieux, elle jette elle aussi sa robe par-dessus les buissons et, nue, s’enfonce dans l’onde claire.
Cela va me calmer, pense-t-elle, car il y a chez elle une retenue quasi-religieuse face à la montée du désir.
Elle n’en est plus à croire au diable, mais elle se dit que ce n’est pas bien de se donner du plaisir, comme ça, toute seule. Elle plonge sur l’eau limpide et, quand elle relève la tête, elle entend un bruit de cavalcade. Elle devient craintive. Le mieux est de rester dans l’eau en attendant que les importuns s’éloignent. En fait, il n’y a qu’un garçon qui est au bord de l’eau, et il lui adresse la parole :
Elena ne comprend pas bien de quoi il s’agit, le garçon est assez loin sur la berge. Elle s’approche un peu en ayant soin de ne rien dévoiler de ses charmes intimes.
Au seul nom d’Albert, Elena ne peut se contenir. Elle s’avance vers le vacher. Seins nus, sexe à découvert, fesses humides. Le garçon couvre ses yeux avec sa casquette. Elle lui dit, tout en se revêtant de sa robe :
Elle lui prend la main et ils s’enfoncent dans les fourrés.
Effectivement, quelque cent mètres plus loin, on aperçoit le mastodonte broutant en faisant l’innocent. Ils s’approchent, lui caressent le flanc et le garçon parle au bestiau :
Puis, on se met en route.
On marche au rythme du bœuf, c’est dire si on a le temps de faire connaissance et de s’apprécier. On fait des plaisanteries, on s’étonne de ne pas s’être rencontré plus tôt. Mais à un moment, Albert prétend ne plus vouloir avancer d’un pouce. Inutile de pousser une telle bête, la taper, hors de question.
Alors on y va de bon cœur, dans le sens des poils, à contresens, en douceur, sur l’étendue de son pelage jaunâtre. Et alors, il reprend sa marche en avant. On continue le chemin du retour jusqu’à ce qu’Elena se bloque sur place. Roger s’inquiète, appelle, mais elle ne bouge pas. Il retourne la chercher. Elle lui sourit :
Le garçon se met à rire et à caresser ses cheveux châtains.
Alors, il s’exécute à travers le tissu noir ; elle sent monter le désir et lui voit monter la robe qui découvre des cuisses fermes, un ventre à la fourrure brune, des seins à ne plus savoir où donner la tête. De chaleureuses, les caresses deviennent chaudes. Mais il faut rentrer, car Roger doit encore bichonner son Albert, le brosser et lui enduire les sabots de noirs vernis. On se verra demain à la foire.
*
Le lendemain, il y a du soleil et beaucoup de monde sur le champ de foire. On a distribué des récompenses aux béliers, aux boucs, aux truies généreuses. Vient le moment tant attendu de la présentation des bœufs. Seulement les bêtes sont en situation de travail ; elles sont attelées à une carriole chargée de foin et doivent suivre un parcours qui se complique vers la fin en angle droit. Albert passe avec aisance tous les obstacles. Il est primé à la grande joie de ceux qui l’ont caressé la veille. Puis il est remis dans son étable et Roger invite Elena à boire un verre en sa compagnie.
Le foin est doux, presque suave. Le coup de rouge est vivifiant. Le couple tombe sous la bête qui ne peut plus copuler, mais qui en conserve le souvenir. Et c’est tout attendri qu’il regarde Roger bivouaquer dans la crevasse, comme on dit dans la région. Elena, rien qu’à sentir les effluves du bœuf, ne se sent plus de jouissances. Elle renie tout un passé de craintes, de pudibonderie, de remords catholiques et apostoliques. C’est incroyable tout ce que ce nom – Albert – peut libérer en elle. Et Roger, qui avait jusqu’ici fait l’amour en cachette avec quelques petites voisines peu loquaces, qui méprisaient vite, en se rhabillant, le vacher de la commune.
*
Or, voilà que cette même année, le Roger, le pauvre vacher, va gagner à être connu ! En effet, le propriétaire qui l’avait recueilli à sa naissance et en avait fait un excellent ouvrier agricole, vient à mourir sans prévenir. Il n’a pas d’héritiers et son testament ne comporte qu’un seul bénéficiaire : Roger, qui se trouve bientôt le maître de cette belle maison, où il n’allait qu’une fois par mois pour y présenter ses comptes.
Tout le monde en est soufflé dans le village. On essaie bien de trouver un vice de forme dans le testament, mais en vain. Roger Tourte est le propriétaire de tout ce qu’il a entretenu depuis son enfance. Après le triomphe d’Albert, ça fait beaucoup pour un garçon aussi modeste. Elena est restée son amante et sa confidente. Il lui fait visiter ce qu’il appelle désormais le château. Elle est heureuse pour lui, mais elle lui dit :
Et Roger de répondre :
Elena s’amusa beaucoup en respectant rigoureusement les impératifs vestimentaires de son amant. Elle s’avança au milieu de la forêt sur le chemin qui conduisait au château en se tordant un peu les pieds avec ses chaussures à talons, au point qu’elle en perdit l’équilibre et son chaperon qu’elle tint alors à la main.
Elle entendit un bruit dans les fourrés et elle souriait de plaisir en sachant que le loup allait faire son apparition. Ce qui n’a pas tardé. Un loup se jeta sur elle ; elle riait de bon cœur tant le déguisement était parfait. Elle se demandait même comment il pouvait ressembler autant à l’animal. Il la renifla avec appétit, commença à la griffer avec passion. Elena n’en pouvait plus de tant d’ardeur amoureuse. Mais bientôt elle fut sévèrement mordue et dégoulina de sang.
De fait, ce n’était pas un homme déguisé, mais un animal à l’appétit aiguisé. Ce n’était pas prévu. Le problème est venu de ce que le loup a disparu pendant un siècle et que l’on pouvait jouer ou crier au loup sans s’inquiéter. Mais maintenant qu’il a été réintroduit, il faut se méfier. Le loup est un animal qui ne supporte pas la concurrence.