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n° 22901Fiche technique18163 caractères18163
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Temps de lecture estimé : 12 mn
31/01/25
Résumé:  Deux piles à plat, le vibro en rade et tout son plan « plaisir » soigneusement programmé tombe à l’eau. Désespérée, elle se lance dans une quête d’alternatives sensuelles. Arrivera-t-elle enfin à assouvir son envie lancinante ?
Critères:  #humour #pastiche #volupté f cérébral
Auteur : Maryse      Envoi mini-message
Quand le plaisir tombe à plat…

Un moment attendu


Dans son appartement baigné d’une atmosphère tamisée, Maryse s’étira avec délice, savourant la promesse d’une soirée enfin rien qu’à elle. Toute la journée, elle avait affronté des échanges d’une stérilité affligeante sur un projet sans âme, ponctués par un déjeuner si fade que même le poulet de son sandwich semblait plus vivant que ses collègues.


Mais tout cela était maintenant derrière elle. Ce soir, elle l’avait décidé : plaisir, légèreté et un agréable oubli des tracas du quotidien. Tout était orchestré minutieusement, comme une scène tirée des Mille et Une Nuits. Une bougie parfumée à la vanille diffusait une lumière apaisante et chaleureuse, sa fragrance embaumant l’espace d’une promesse envoûtante. Le plaid moelleux s’étalait sur le canapé tel un cocon de douceur, et un verre de vin rouge – un Pinot noir grisant – trônait fièrement sur la table basse.


Elle-même avait pris soin de se parer pour la circonstance. Une nuisette satinée d’un bleu profond, bordée de dentelle délicate, effleurait sensuellement ses courbes gracieuses. Par-dessus, un léger peignoir en soie, noué à la taille, mais négligemment entrouvert, dévoilait juste ce qu’il fallait. Elle se sentait irrésistible ; une héroïne de conte, prête à s’abandonner à un ravissement exquis. Sous un coussin, dissimulé comme un secret bien gardé attendait son fidèle compagnon rose fluo. Un complice merveilleux, infaillible jusqu’ici, toujours à l’écoute de ses désirs.


Elle s’installa lascivement, un sourire béat illuminant son visage, et saisit l’objet tant convoité, le parcourant du bout des doigts comme pour savourer toute l’étendue de sa magie. Une montée d’anticipation, à la fois délicieuse et brûlante, fit frémir son ventre. Avec une lenteur presque cérémoniale, elle appuya sur le bouton.


Rien. Pas un ronronnement, pas une vibration.


Son cœur manqua un battement. Fronçant les sourcils, elle appuya de nouveau, puis tenta un léger mouvement de va-et-vient, comme si cette délicate sollicitation pouvait sauver son besoin de délivrance. Toujours rien.


Un soupir de désespoir s’échappa de ses lèvres, bientôt suivi d’une grimace… panne de batterie ! Évidemment, c’étaient les piles. Comment avait-elle pu négliger un détail aussi crucial ?



Ce moment parfait, méticuleusement préparé, venait d’être anéanti par deux vulgaires piles AA à plat !


« Un coup de Trafalgar ». « Une trahison ». « Peut-être même, le mauvais œil de sa meilleure copine » … Les phrases de déception jaillissaient par saccades. Elles déferlaient en elle vague après vague, balayant tous ses rêves de volupté.



Le moment de désespoir


Espérant un miracle, elle tapota nerveusement le vibromasseur contre sa paume ouverte, une expression mi-suppliante, mi-réprobatrice sur le visage, s’adressant à son « amant » défaillant :



Elle le secoua plus énergiquement, la panique montant inexorablement.



Un silence pesant lui répondit. Elle poursuivit, acerbe :



Dans un geste dramatique, elle le jeta sur la table basse avant de le fusiller des yeux, croisant les bras sur sa poitrine – fort jolie au demeurant.



Toujours aucune réaction… Le silence de l’appareil était assourdissant. Son visage se tendit de colère tandis qu’un élan vengeur l’envahissait. Elle songea un instant à le jeter à la poubelle, mais se ravisa. Une panne, ça arrivait à tout le monde, même aux plus forts, se raisonna-t-elle. Le pauvre devait être surmené. Il fallait se montrer compréhensive, le soutenir et l’aider à retrouver toute sa superbe. Après tout, elle l’aimait bien.


Non, elle ne se laisserait pas abattre. Ses yeux croisèrent son reflet dans le miroir mural. Avec sa lingerie féminine affriolante, glissant de son épaule, et ses chaussons-licorne, sûr, elle valait bien mieux que Lara Croft dans Tomb Raider ! Si cette dernière était capable de découvrir des artefacts mystérieux au fond de temples oubliés, elle arriverait bien à dénicher deux banales piles AA dans son appartement !



La fouille méthodique


« Pas de panique », pensa-t-elle en se dirigeant d’un pas décidé vers le tiroir à bazar de la cuisine. Ce sanctuaire des objets inutiles regorgeait de stylos sans encre, d’élastiques desséchés et d’un vieil appareil dont elle avait oublié l’usage. Elle fouilla frénétiquement, soulevant des tas d’objets disparates, mais aucune trace de piles AA.


Elle ne se découragea pas. Elle passa ensuite au réveil numérique, à la télécommande de la TV, puis elle démonta à la hâte une console électronique retrouvée au fond du placard. Rien. Elle exhuma, dans un ultime espoir, la lampe torche de la boîte à outils. Mais, cette dernière refusa obstinément de s’ouvrir, comme si un sortilège scellait son compartiment à piles.


Finalement, à bout de souffle et les cheveux en bataille, elle s’effondra sur le canapé.



Sa prière resta sans écho. Elle se redressa brusquement et, dans un geste théâtral digne d’une reine déchue, elle empoigna le vibromasseur inerte et le secoua violemment.



À bout de nerfs, elle serra les poings. À croire que l’univers tout entier s’était ligué contre elle ! Ce n’était plus une quête de plaisir, mais une impitoyable chasse au trésor. Et clairement, elle était mal partie pour empocher le gros lot !



L’interlude des voisins


Son regard se posa machinalement sur la porte d’entrée. Une idée germa dans son esprit. Les voisins ! Quelqu’un aurait forcément des piles AA. Après tout, ce n’était pas un luxe, mais une nécessité moderne.


Elle hésita une seconde, examinant sa tenue émoustillante. Trop pressée pour se changer, elle ajusta son peignoir autour d’elle, noua la ceinture pour se donner une allure (presque) présentable. Ses chaussons-licorne, eux, refusaient obstinément de paraître sérieux, mais tant pis ! Elle ne pouvait plus attendre.


Elle dévala les escaliers jusqu’au premier étage, préférant cette voie plus rapide à l’ascenseur trop lent pour sa quête où chaque seconde devenait une éternité. Sans hésiter, elle frappa impatiemment à la porte du geek en informatique qu’elle croisait parfois dans l’immeuble.


Le jeune homme ouvrit, vêtu d’un T-shirt froissé et d’un caleçon dépareillé, l’air à moitié réveillé.



Il rougit instantanément, ses yeux s’attardant un peu trop longtemps sur ses pieds. « Il n’a rien de mieux à admirer que mes petons », songea-t-elle, de plus en plus énervée.



Elle resta, un instant, interdite. Évidemment qu’il n’avait pas de piles ! Les geeks étaient toujours écolos. Quelle guigne !



Au second étage, elle tenta sa chance avec le vieux monsieur à lunettes. Mais après vingt minutes d’un récit interminable sur l’histoire de sa collection de timbres, elle dut essuyer, après l’avoir relancé sur le but de sa visite, un discours moralisateur sur comment, autrefois, on vivait très bien sans tous ces gadgets modernes. Valait mieux être sourde que d’entendre ça ! Elle ne demandait pas la lune ni un cours de philosophie… juste deux foutues piles AA, bon sang de bonsoir !


De retour chez elle, bredouille et frustrée, elle referma la porte d’un coup de pied rageur. Son regard se posa sur le vibro abandonné sur la table basse, gisant comme une idole déchue.



Elle continua, une moue boudeuse sur le visage.



Un sale tour, voilà ce que c’était. Une trahison dont elle tirerait une leçon. Demain, à la première heure, elle irait acheter un stock de piles digne d’une apocalypse. Mais ce soir, pas de miracle, ce sera diète. Quelle poisse !



Un brainstorming érotique


Le moral en berne, elle s’affala sur canapé recouvert du plaid à moitié chiffonné, laissant ses chaussons-licorne battre nerveusement dans le vide. Son regard se perdit un instant dans la contemplation du plafond. Puis, une lueur de défi apparut soudain dans ses yeux.



Elle passa mentalement en revue toutes les alternatives possibles. Le jet de la douche ? Certes, mais il faudrait ajuster la température, la pression, et tout ça risquait de tourner en une opération technique bien éloignée du plaisir spontané dont elle avait besoin.


Les légumes dans son frigidaire ? Elle visualisa rapidement la courgette qui y traînait depuis deux semaines et fronça le nez : même en état de manque, il y avait des limites.


Quant à l’idée fugace d’aborder le premier inconnu croisé dans la rue, elle l’écarta, exaspéré. « Non, mais sérieusement, on est en 2025, et toi tu envisages de jouer dans une mauvaise comédie romantique, t’es complètement ringarde ou quoi ? »


Elle poussa un soupir dramatique. Le sèche-cheveux ? Non, beaucoup trop bruyant, et elle n’avait pas envie d’alimenter les potins des voisins. La brosse à dents électrique ? Possible, mais elle ne voulait pas mélanger extase et hygiène buccale. Même l’idée d’utiliser son téléphone en mode vibreur fut balayée par un frisson de dégoût : non seulement c’était dangereux, mais, avec sa chance actuelle, elle finirait par appeler accidentellement sa mère.


Un ricanement désespéré lui échappa alors qu’elle se redressait. La machine à laver ? Pourquoi pas, tant qu’elle y était ! Elle s’imagina grimpant sur le tambour en plein essorage et éclata d’un rire nerveux. À bout, elle explorait des solutions de plus en plus absurdes.


C’est alors qu’une idée lumineuse lui traversa l’esprit : si elle ne pouvait pas actionner son engin en manque d’énergie, peut-être pouvait-elle activer son imagination…



À la découverte du site salvateur


Elle s’installa devant son ordinateur, le regard résolu.



Elle tapa quelques mots-clés dans la barre de recherche : « Sexe », « Subtilité », « désespoir » … Résultat ? Un torrent de sites aux titres beaucoup trop explicites. Les bannières clignotaient de mille feux, comme si elles avaient été conçues pour attirer des papillons de nuit peu craintifs pour leurs ailes délicates. Elle fronça le nez devant certains slogans : « Des récits torrides pour vous embraser ! », « Le septième ciel en moins d’une minute ! », « Du fantasme qui vous décoiffe ! », et apothéose « Une crampe au poignet assurée ! ».


« Non merci », pensa-t-elle horrifiée. Elle cherchait quelque chose de plus élégant, de plus raffiné… une expérience capable de stimuler son imagination aussi bien que l’aurait fait son chéri rose fluo – ce félon !


C’est alors qu’un site attira son attention. « Le site de l’imaginaire : des histoires qui vous font rêver » proclamait une typographie délicate. Le logo, sobre et intrigant, représentait le visage d’une femme mystérieuse dissimulé sous le rebord d’un large chapeau, avec l’extrémité d’un doigt posé érotiquement sur ses lèvres entrouvertes.


Avec une pointe d’appréhension, elle certifia qu’elle était majeure. Elle accéda à l’interface qui la rassura aussitôt : des tons doux, aucune image vulgaire et une sélection d’histoires soigneusement classées par thèmes. Intriguée, elle parcourut les catégories proposées : « Romance sensuelle », « Étreintes au clair de lune », « Passion interdite »


Enfin, quelque chose d’encourageant qui alliait style et piquant, loin des clichés sordides habituels. Elle esquissa un sourire.



Comme quoi une simple panne de pile pouvait révéler bien des surprises ! Son déserteur de vibro n’avait qu’à bien se tenir !


Curieuse, elle ouvrit un premier texte au titre prometteur : « la bibliothèque des désirs ». Elle imagina déjà une rencontre enfiévrée dans les rayonnages d’une vieille bibliothèque mystérieuse, digne d’Harry Potter revisité. Mais à la lecture, elle déchanta rapidement. L’héroïne glissait sur une pile AA traînant sur le parquet ciré pour atterrir dans les bras du bibliothécaire salvateur. Aussi beau qu’Apollon, aussi fort qu’Hercule, aussi intelligent qu’Einstein et aussi expérimenté que… Rocco Siffredi. « Sérieusement ? » pensa-t-elle, dubitative. Un pur fantasme. Aussi impossible à trouver qu’une pile AA chez elle !



Elle changea de rubrique et cliqua sur « Étreintes sous les tropiques ». Là encore, déception : tout commençait bien avec une plage de sable blanc et un mystérieux inconnu au charme assuré. Mais rapidement, l’histoire s’embourba dans une métaphore interminable de banane « gigantesque, pulpeuse et juteuse », aussi peu probable que de découvrir une bague sertie d’une énorme pierre précieuse sous son oreiller. À mi-parcours, elle se surprit à lire en diagonale, espérant une montée en intensité qui resta aussi molle qu’une feuille de laitue défraîchie.



Décidée à persévérer, sa soirée en dépendait, elle se rendit dans la section « Audace et frissons ». Elle ouvrit un premier texte, curieuse.


Il la plaqua contre le mur, son souffle brûlant caressant son cou. Tu es à moi, murmura-t-il, ses yeux étincelants comme des diamants dans la lumière de la pleine lune.


Elle haussa un sourcil. « Des diamants, vraiment ? Dommage que ce ne soient que des yeux ! ». Elle se vit la bague au doigt, un bijou si éclatant qu’il risquait d’aveugler ses connaissances… et de provoquer quelques évanouissements de jalousie. Le rêve s’évapora au bout de quelques instants, la ramenant brutalement à la réalité. S’imaginant à la place de l’héroïne coincée entre le mur et cet homme suffocant, elle fronça le nez. Non, mais, on la prenait pour qui ? La garniture d’un sandwich panini ?


« À vous dégoûter de ce type d’en-cas », grommela-t-elle, échaudée.



Au moins, ceux qu’elle avait l’habitude de consommer pour le déjeuner étaient agrémentés de crudités. Légers et savoureux, eux !


Sa libido, jusque-là refroidie, battit en retraite derrière une rondelle de tomate cerise. Elle soupira, mais s’accrocha – son envie la lançait –, se forçant à poursuivre sa lecture.


Ses mains, fortes comme celles d’un bûcheron, glissèrent sur sa peau, douce comme de la soie.


Un ricanement lui échappa. Elle imagina un bûcheron en chemise de laine, les manches roulées sur ses bras vigoureux, déplissant avec délicatesse un foulard Hermès.


« Allons bon, même les fantasmes manquent de réalisme ! »


Les phrases qui se voulaient enflammées devenaient de plus en plus absurdes :


Il l’embrassa avec la force d’un ouragan, la passion d’un volcan en éruption, et la précision d’un chirurgien cardiaque. »


Elle referma l’onglet, désabusée. Même les mots échouaient à assouvir le besoin bien naturel qu’elle cherchait à combler.



Le dénouement heureux


Allongée sur le canapé, elle balaya la pièce du regard. Tout cela n’avait aucun sens. Ce n’était pas la première fois qu’elle se retrouvait dans cette situation : insatisfaite, à chercher quelque chose qu’elle n’arrivait pas à nommer.


Ces plaisirs solitaires, pratiques et accessibles, avaient leur place, bien sûr. Ils répondaient à un besoin immédiat, à une envie passagère. Mais à force de s’y réfugier, on risquait de se perdre dans une illusion de confort et de facilité. De s’isoler, de croire qu’ils pouvaient combler un vide que l’on n’avait jamais vraiment osé affronter.


Elle ouvrit la fenêtre, laissant l’air frais de la nuit l’envahir. En bas, des voix s’élevaient : des rires, des bribes de conversations. Elle les écouta un instant, les yeux fermés. Ces éclats de vie n’étaient ni calculés ni parfaitement maîtrisés. Ils avaient ce côté maladroit, mais toujours sincère. Authentique aussi. Et peut-être que c’était ça, le vrai frisson. La vie réelle, avec ses incertitudes, ses expériences qui ne débouchaient pas à chaque fois sur quelque chose d’extraordinaire. Un peu comme ces textes érotiques : il fallait en lire plusieurs avant de tomber sur un qui réussissait à vous captiver pleinement.


Elle esquissa un sourire. Rien n’était plus stimulant, finalement, que cette part d’inconnu que la réalité portait en elle. Certes, cela demandait du courage, un peu de patience, parfois des déceptions aussi. Mais c’était dans ces hasards, dans ces rencontres inattendues, dans cette incertitude, que résidait la vraie magie. Et un jour, sans que rien ne l’annonçât, on tombait sur un moment qui nous emportait, riche de détails inespérés, au détour d’un chemin… celui de l’existence.


Peut-être que ce qu’elle cherchait, comme tant d’autres, ne se trouvait pas au fond d’un tiroir ou dans un coin d’Internet. Après tout, le célèbre slogan avait raison : « cent pour cent des gagnants ont tenté leur chance ! ».


Elle attrapa son téléphone, hésita, puis tapa un message :



Elle appuya sur « envoyer » et s’allongea, un sourire léger aux lèvres. Pour la première fois de la soirée, elle se sentait vraiment connectée à ses attentes : pas une fiction, mais une possibilité.