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n° 22916Fiche technique9842 caractères9842
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Temps de lecture estimé : 7 mn
09/02/25
Présentation:  La collection que ce court texte inaugure revisite ces archétypes intemporels de façon plus ou moins érotique, entre tension et abandon.
Résumé:  Un homme claustrophobe et une avocate se retrouvent coincés dans un ascenseur.
Critères:  #humour #rencontre #personnages fh
Auteur : L'artiste  (L’artiste)      Envoi mini-message

Collection : Les clichés ont la vie dure
L'Ascenseur

Les clichés naissent d’images répétées, de scènes vues et revues, jouant sur nos attentes, nos fantasmes, nos désirs et nos craintes. S’ils perdurent, c’est qu’ils continuent de nous captiver… et de nous enflammer.


Un trouble dans un ascenseur, une infirmière, pourquoi pas un patron avec sa secrétaire… un saut en parachute et bien d’autres…


La collection que ce court texte inaugure revisite ces archétypes intemporels de façon plus ou moins érotique, entre tension et abandon. Bonne lecture !




Un couloir impersonnel, un panneau indiquant « Compagnie d’Assurances Dupin & Associés – 12e étage » et un ascenseur aux portes déjà prêtes à se refermer.


Paul, clopinant sur sa cheville blessée, hésite. Il déteste les ascenseurs, mais il est hors de question qu’il descende en boitant comme un grand-père grabataire. Il prend son courage à deux mains, se glisse à l’intérieur… et appuie sur le RDC.


Un soupir lui échappe alors que les battants scellent temporairement son destin.


Enfin, il croit.


Une main s’interpose, forçant le métal à s’écarter. Paul sursaute, le cœur au bord de l’explosion, tandis qu’une silhouette féminine s’engouffre prestement dans la cabine. Une femme élégante, la trentaine assumée, un dossier sous le bras, une posture affirmée. Chemisier blanc impeccable, yeux noisette au regard pénétrant sous des lunettes fines. L’homme pourtant angoissé se perd un instant sur la courbe de sa hanche, soulignée par le tailleur ajusté. Un léger parfum flotte entre eux ; quelque chose de floral et de sophistiqué. Sans un mot, elle appuie sur le – 2.


La boîte suspendue se met en mouvement. Paul ravale sa salive.


11e… 10e… 9e…


Serrant les mâchoires, il tente de respirer calmement, mais le plafond semble soudain bien bas, l’air plus dense.



Paul esquisse un sourire crispé.



Elle le fixe enfin, stupéfaite.



Il est nerveux, c’est indéniable. Mais il est aussi attachant, d’une manière qu’elle ne saurait expliquer. Ce mélange d’humour et d’anxiété le rend presque… attendrissant. Pas comme ces hommes trop sûrs d’eux qu’elle croise en permanence dans son métier. Lui, il a quelque chose de sincère, et ça lui plaît. Elle esquisse un sourire avant de replonger dans ses dossiers.


8e… 7e…


Un grincement sec. Une légère secousse. Paul agrippe la rampe, blême.



Elle relève à peine les yeux.



6e… 5e… 4e…


La lumière clignote une fraction de seconde. Paul manque un battement.



Elle arque un sourcil.



Paul déglutit bruyamment.



À l’aide de ses béquilles, il essaie de bouger, et sa jambe frôle par inadvertance celle de sa voisine. Il sent une chaleur inattendue lui monter aux joues. Merde. Son tailleur ne trompe pas : elle a des courbes exquises, d’une douceur qu’il devine. Il a du mal à soutenir son regard. Son cœur accélère, et pas seulement à cause de sa phobie actuelle. Il se fige, elle aussi. Il panique.



La femme d’affaires, elle, capte son trouble. Il a l’air totalement perdu. Pourtant, ce contact fugace a réveillé quelque chose en elle. Elle se mord discrètement l’intérieur de la joue. Pourquoi est-ce si agréable de le voir dans cet état ? Peut-être parce qu’elle-même n’est pas aussi indifférente qu’elle le voudrait…



Elle attend. Un silence gênant s’installe.



Elle sourit.


3e…


Un BRUIT ÉTRANGE résonne. Un choc. Un grincement. Et la cabine s’arrête. Paul pâlit instantanément.



Paul ouvre la bouche, la referme.



Il appuie frénétiquement sur le bouton d’urgence. Aucune réponse. Il se retourne vers elle, désespéré.



Elle croise les bras, puis secoue doucement la tête avec un sourire distrait.



Elle l’observe tambouriner contre la paroi et exhale, agacée, mais attendrie. Sous son masque d’ironie, elle sent qu’il a besoin d’être rassuré. Et puis… il n’est pas désagréable à regarder, avec ses traits légèrement tendus et ses yeux vifs qui trahissent plus que la peur. Quelque chose d’authentique. D’innocent. Elle se surprend à apprécier cette spontanéité qui manque cruellement à son quotidien trop policé.



Elle le fixe un instant. Puis elle désigne le sol.



Il obéit, adossé à la paroi. Elle s’accroupit face à lui, son regard ancré dans le sien. Leurs genoux se touchent presque.



Le sourire de Léa devient énigmatique.



Elle l’observe. Longtemps. Son sourire ne faiblit pas, mais au fond d’elle, une question surgit.


Et si… ce n’était qu’un jeu ? Juste pour détourner son stress ?


Pourtant, maintenant… maintenant, c’est autre chose. Il y a cette tension, ce trouble qu’elle sent chez lui. Et qu’elle sent chez elle, aussi. L’envie de pousser l’expérience.


Alors quoi ?


Son cœur bat un peu plus vite, imperceptiblement. Et après tout… pourquoi pas ?


Un éclat espiègle traverse son expression. Ses doigts glissent sur son chemisier. Lentement, elle défait un premier bouton.


Paul cligne des yeux.



Il tente de déglutir. Échec. Il n’a plus peur. Enfin… pas du vide. Son regard est irrémédiablement attiré par l’espace infime dévoilé. Une dentelle noire, délicate, terriblement séduisante. Il se sent… foutu. Et fasciné. Comment est-il passé de la panique à ce vertige d’une tout autre nature ?


Léa l’observe, et cette fois, ce n’est plus uniquement pour s’amuser de lui. Il lui plaît. Plus qu’elle ne l’aurait imaginé en montant. Et il y a cette sensation étrange, un frisson d’excitation qu’elle ne devrait sans doute pas ressentir, mais qu’elle ne veut pas repousser non plus.



Elle s’approche. Il sent son souffle sur sa peau.



Elle rit.


Et s’agenouille. Son chemisier s’écarte peu à peu, sur une poitrine fichtrement tentante. Puis elle tend la main. Le ceinturon est débouclé. Paul peine à respirer.



Il ne la repousse pas. Et bientôt, il ne parle plus du tout.


… Jusqu’à ce que la cabine s’ouvre dans un DING triomphal.


Le regard encore fiévreux, Léa se fige. Paul aussi.


Un silence de plomb.


Devant eux : quatre personnes stupéfaites.


Une mamie outrée. Un technicien éberlué. Un ado qui ricane. Un homme, téléphone en main, qui filme la scène.


Léa, poitrine en semi-liberté, se redresse lentement. Paul, l’air penaud, reboutonne précipitamment son pantalon.


La mamie, scandalisée :



Léa, imperturbable, se recoiffe, et rajuste méthodiquement son chemisier. Le technicien, toujours figé, les informe :



Léa décide de rester jusqu’à sa destination. Paul hésite. La mamie monte dans la cabine.


Il jette un regard à Léa. Puis, soupirant :



Le technicien, impassible :



L’ado explose de rire. Léa attrape son dossier, puis, avec un sourire radieux, glisse une carte dans la poche de son compagnon d’infortune avant qu’il ne sorte.