Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 22942Fiche technique12941 caractères12941
2269
Temps de lecture estimé : 10 mn
24/02/25
Résumé:  Paul et Clara, un couple de Parisiens, débarquent à la campagne.
Critères:  #société #ruralité #nonérotique #rencontre
Auteur : Laetitia            Envoi mini-message

Collection : Les clichés ont la vie dure
Ruraux vs Néo-ruraux

Les clichés sur les néo-ruraux ont la vie dure…


Ils sont arrivés avec le Covid et le télétravail, ils ont voulu que la campagne se fasse à eux, plutôt que l’inverse.

Ils râlent parce qu’il n’y a pas de restos de sushis à proximité, qui livrent 7/24. Ils râlent parce que c’est trop calme, mais aussi après les clochers qui ont le tort de sonner toutes les heures, voire même après les coqs qui chantent et les chiens qui aboient.

Après l’exode rural des 19e et 20e siècles, le 21e sera-t-il celui de l’exode citadin ?


Voilà l’histoire de Paul et Clara, pour qui le télétravail a tout changé, et de leur installation à la campagne.




oooOOOooo




Quand Jean-Claude a vu débarquer ses nouveaux voisins, il a doucement rigolé.



Il faut dire, ils étaient comiques. À peine arrivés, ils ont vidé le coffre de leur voiture en sortant les sacs Ikea, suivis rapidement par le camion de déménagement. Leur arrivée ne passa pas inaperçue. Débarquer avec une Tesla dans un village où l’on roulait encore en Peugeot diesel, c’était un peu comme atterrir sur la lune avec un drapeau étoilé.


Paul et Clara, de leur côté, n’en revenaient toujours pas. Une belle longère en pierre, nichée près de ce charmant petit village, avec un hectare de terrain et une vue sur la campagne environnante. Tout cela pour le prix d’un studio parisien en plus. Et à une heure de la gare de Lyon.

Après des années à rêver d’une vie plus simple, loin du stress de la capitale, ils ont sauté le pas. Ils ont vendu leur deux-pièces dans le 11e arrondissement à prix d’or et acheté cette maison en Touraine. L’idée était séduisante, un jardin, le silence, les nuits étoilées, une bouffée d’air frais loin du stress urbain.



Pourtant, quand ils ont annoncé à leurs amis qu’ils quittaient Paris pour s’installer en pleine campagne, les réactions furent quasi unanimes :



Clara, dont le métier était dans la communication, se déplaçait à Paris en présentiel deux jours chaque semaine. Paul, quant à lui, avait pris une année sabbatique. Dès leur arrivée, ils ont adopté un mode de vie en parfaite harmonie avec la nature. Potager bio, pain fait maison, vélo plutôt que voiture (même électrique). Ils partageaient leurs exploits sur les réseaux sociaux, expliquant à leurs amis comment ils réapprenaient les gestes oubliés des campagnes d’antan.


Jean-Claude faillit s’étouffer de rire quand Paul lui demanda s’il pratiquait la permaculture, s’il avait pensé à mettre un mur végétal sur la clôture qui séparait leurs maisons et ce genre de fadaises.


Mais très vite, le couple dut faire face aux réalités du monde rural. L’eau du puits était capricieuse, les nuits étaient froides, malgré le poêle dernier cri, et surtout, les locaux ne semblaient pas ravis de leur venue, hormis Jean-Claude, le voisin plutôt sympa, un des seuls à leur parler.


Chez l’épicier, on leur répondait par des monosyllabes. À la boulangerie, la patronne et les clients les regardaient avec une moue sceptique chaque fois qu’ils demandaient du pain complet bio.

Et puis, le vélo, c’est bien, mais dur ici. Le village est à cinq kilomètres, il faut pédaler, parce qu’il y a des côtes. C’est certain que c’est plus difficile qu’à Paris où il suffit de faire trois cents mètres en Vélib’ de l’appart au boulot.


Au bar-tabac du village, les conversations tournaient souvent autour de Paul et Clara :



Pourtant, Paul et Clara voulaient s’intégrer, étaient pleins de bonnes intentions, voulaient créer du lien, contribuer à la vie locale. Dès la première semaine, ils se rendirent au marché du village acheter des légumes bio, du fromage de chèvre « fait maison ».



Devant leurs tentatives de cultiver leur potager, les plaisanteries fusèrent :



Un jour, Paul décida de prendre le taureau par les cornes et de briser la glace.



Le vieil homme eut un sourire en coin.



Le jour J, une poignée de villageois vinrent, répondant à l’invitation, méfiants, mais curieux. Après quelques verres de vin bio et des tartinades maison, Jean-Claude prit la parole :



Clara haussa les épaules.



Jean-Claude éclata de rire :



Paul sentit son enthousiasme vaciller. Mais il ne voulait pas abandonner.



Jean-Claude sourit.



Un jour que Paul et Clara peinaient à débroussailler leur terrain, Jean-Claude arriva avec son tracteur.



Petit à petit, ils furent acceptés. Même si les villageois s’amusaient encore de leurs maladresses. Quand Paul avait voulu faire du pain au levain dans le four de sa grange, il avait failli mettre le feu et avait fini par acheter une baguette sous plastique au supermarché. Quand Clara avait annoncé vouloir « se connecter aux rythmes de la terre », elle avait vite déchanté en découvrant que ça incluait de se lever à 5 heures du matin pour traire les vaches.


Un jour, Jean-Claude les invita, à son tour, à prendre l’apéritif chez lui. Il leur présenta sa nièce, Manon, présente-t-elle aussi ce soir-là.



Manon était du coin, trente ans, un franc-parler légendaire et une ferme qu’elle exploitait seule.


Quand elle avait vu le couple galérer à planter trois radis en suivant un tuto sur YouTube, elle n’avait pas pu s’empêcher de rire. Puis, elle avait décidé de les aider.



Paul avait protesté, vexé, mais il avait fini par suivre les conseils de Manon. Et contre toute attente, il avait aimé ça. Il avait découvert qu’il aimait travailler la terre, qu’il n’était pas si nul en bricolage et surtout… qu’il aimait bien travailler avec Manon.


Parce que Manon n’était pas juste une fille du coin plutôt rude. Elle était drôle, passionnée et finalement terriblement séduisante sous sa salopette maculée de terre.


Quelque temps plus tard, Paul se rendit un samedi soir à la salle des fêtes du village, pour une soirée organisée par la Mairie. Il y retrouva Manon.



Un soir d’été, après une longue journée passée à réparer une clôture endommagée par un sanglier dans la ferme de Manon, Paul était assis à côté d’elle sur une botte de foin, face au soleil couchant.

L’odeur de la terre fraîchement retournée, le chant des oiseaux et la brise tiède donnaient à l’instant une saveur particulière.


Paul, les bras courbaturés, les mains pleines d’ampoules, le dos cassé, jeta un regard vers Manon. Elle était là, le front perlé de sueur, un brin de paille coincé dans ses cheveux blonds en bataille.



Manon, lui donna un coup de coude dans les côtes.



Manon a esquissé un sourire en coin, comme si elle s’y attendait.



Paul a grimacé, avant de concéder :



Paul s’esclaffa :



Un silence complice s’est installé entre eux. Le soleil terminait quasiment sa lente descente derrière les collines et un chien aboyait au loin.

Manon, toujours assise à côté de Paul, jouait distraitement avec un brin d’herbe. Puis elle ajouta d’un ton moins sarcastique :



Manon l’a regardé un instant, son sourire s’adoucissant. Puis d’un geste spontané, l’a attrapé par le col et l’a attiré à elle.

Leur baiser fut bref, mais intense. Quand elle s’est reculée, elle le fixa avec son air de défi habituel.



Jean-Claude passant par là, les regarda en souriant derrière un arbre.



Puis il s’éloigna en sifflotant, convaincu que, finalement, les Parigots, c’est comme le bon vin, faut juste leur laisser le temps de s’affiner.


Il ne resta pas pour voir Manon et Paul rouler dans l’herbe haute, avant de se relever et de partir main dans la main vers la ferme et la chambre.