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Temps de lecture estimé : 32 mn
27/02/25
Résumé:  Isabelle, sur les conseils de sa psy, noircit les pages de son journal intime. Elle y couche ses maux, sa colère et ses regrets, pour dévoiler une existence que l’on devine chaotique. La plume sera-t-elle son salut ou le début d’une descente aux enfers ?
Critères:  #journal #psychologie #rupture #adultère #enseignant fh fplusag profélève travail école amour fellation cunnilingu pénétratio
Auteur : Rainbow37      Envoi mini-message

Série : Journal d'un monstre

Chapitre 04 / 04
Journal d'un monstre 4

Résumé des épisodes précédents :

Isabelle commence à concevoir un avenir commun avec Vincent et Lilou au détriment de son mari Patrice.




Dimanche 6 janvier 2019


Cela fait trop longtemps que je n’ai pas écrit, mais… tout va bien. Je n’arrive pas à croire que je peux dire ça sans hésiter. Les fêtes se sont déroulées dans la famille de Patrice, et, contre toute attente, elles ont été agréables. Patrice a mis les formes, et de mon côté, j’ai joué le jeu, pour Justine, pour nos souvenirs communs. Mais, une fois le marathon des festivités terminé, je me suis empressée de retrouver Vincent et Lilou.


Je m’étais promis de ne pas céder à l’envie de la couvrir de cadeaux, mais… c’est tellement difficile de résister. Elle a cette manière si innocente de sourire qui fait fondre toutes mes résolutions. J’ai finalement choisi des petits présents simples : quelques vêtements, un doudou énorme presque aussi grand qu’elle… et après avoir hésité un peu, la gourmette en or gravée de son prénom, comme celle que j’avais fait faire pour Justine.


Vincent semblait un peu embarrassé, mais j’ai trouvé les bons arguments pour le rassurer.


Ces deux fois où j’ai passé la soirée avec eux, Patrice était avec son amie. Ce n’est pas dit explicitement, mais je sens qu’il commence à s’habituer à cette situation. Cependant, il ne découche plus. Et à chaque fois que je rentre, il me demande si on peut faire l’amour. Ce besoin, ce caprice presque systématique… Je ne sais pas si c’est une tentative de reconquête ou une façon pour lui de marquer son territoire. Mais c’est pesant et j’ai de plus en plus de mal à l’accepter.


Peu importe… Demain, c’est une journée spéciale. Les cours reprennent, et avec eux, la classe de Vincent. J’appréhende. Non plus de le voir, mais de me vendre. Je ne sais pas comment garder mon masque, comment ne pas trahir tout ce que nous vivons en dehors des murs de cette salle. J’ai peur d’être transparente. De trahir nos moments en laissant mon regard traîner un peu trop longtemps sur lui, ou en ayant un geste inapproprié.


Nous en avons discuté, et je lui ai donné des consignes strictes : interdiction de participer en classe, et encore moins de briller comme il sait si bien le faire. Aucun commentaire, aucune réponse, rien. Et moi, je ne lui poserai plus de questions, même indirectement. C’est la seule solution pour limiter les risques.


Mais, malgré toutes mes résolutions, une partie de moi meurt d’envie de le regarder, de capter ne serait-ce qu’un sourire. Il y a quelque chose d’inévitable, une force qui m’attire à lui-même dans ce cadre où tout devrait rester professionnel.


Nous verrons bien. Mais pour l’instant, je savoure cette accalmie dans ma vie. Que cela dure encore un peu, je ne demande pas mieux.




Mercredi 9 janvier 2019


J’ai rejoint Vincent et Lilou, comme tous les mercredis pour passer avec eux l’après-midi. En arrivant, je me suis laissé envahir par cette douce routine qui s’installe entre nous : un baiser échangé avec Vincent, tendre et complice, puis l’élan irrésistible de câliner ma petite.


Mais aujourd’hui, quelque chose d’inattendu s’est produit. Juste au moment où je tendais les mains pour l’attraper, elle a babillé un son familier : « Maman » … ou était-ce « Mama » ? Est-ce que j’ai entendu ce que j’avais envie d’entendre ?


Mon cœur a raté un battement en tout cas, et Vincent semblait aussi surpris que moi. Nous sommes restés là, immobiles, comme si un mot aussi simple avait le pouvoir de bousculer nos petites habitudes.


Je ne savais pas quoi dire ni quoi faire. Je voyais le visage de Lilou s’illuminer d’un sourire innocent, ses petites mains tendues vers moi, comme si elle ne comprenait pas la tempête intérieure que son mot avait déclenchée.


Vincent a rompu le silence en riant doucement, un rire nerveux, et a murmuré quelque chose comme : « Elle commence à parler, elle est très bavarde en ce moment, elle ne se rend sûrement pas compte de ce qu’elle dit. »


J’ai hoché la tête, mais mon esprit était ailleurs. Était-ce vraiment un hasard ? Ou Lilou, dans sa naïveté et sa pureté, venait-elle de poser un mot sur un rôle que, sans m’en rendre compte, j’étais en train de prendre auprès d’elle ?


Je l’ai finalement prise contre moi, et elle a éclaté de rire, comme pour désamorcer tout le poids de l’instant. Mais même maintenant, des heures plus tard, le son de ce mot résonne encore en moi.


Qu’a pensé Vincent ? Est-ce que cela l’a troublé autant que moi ? Ou bien essaye-t-il simplement de ne pas trop y réfléchir, de garder les choses simples ?




Dimanche 13 janvier 2019


Hier soir, en rentrant de chez Vincent, la maison était vide. Patrice n’était pas là, et il n’est rentré qu’en fin de matinée aujourd’hui, avec une mine radieuse, presque insouciante.


Après quelques minutes, il est venu m’enlacer par-derrière et me susurrer à l’oreille qu’il avait envie de moi. J’ai agrippé ses mains et je l’ai retiré sèchement de mon corps. Je ne suis plus sa chose, je n’ai plus envie, même juste pour lui faire plaisir.


Il a reculé, l’incompréhension dans son regard. Alors j’ai décidé de mettre les choses au clair une fois pour toutes :



Il n’a pas répondu, puis il est allé s’enfermer dans son bureau pour le reste la journée. D’un côté, j’étais soulagé d’avoir dit le fond de ma pensée et d’avoir mis fin à ces séances de sexe pénibles.


Mais, d’un autre côté, un petit pincement au cœur s’est fait sentir. Notre longue relation n’a jamais été aussi proche de sa fin.




Lundi 21 janvier 2019


Aujourd’hui, en cours, j’ai surpris une camarade de Vincent en train de le dévorer des yeux. C’était flagrant. Elle ne s’en cachait même pas. Emma est jeune, belle, pleine de cette insouciance et de cette fraîcheur qui me manquent parfois.


Et moi, là, au tableau, avec mes cheveux relevés à la va-vite et ma tenue que j’ai à peine pris le temps de choisir ce matin…


Un frisson désagréable m’a parcouru l’échine. Était-ce de la jalousie ? Je crois que oui. Et ça me terrifie. Je n’ai jamais été jalouse à ce point avant. Pas même pour Patrice, même quand je savais qu’il voyait quelqu’un d’autre. Mais avec Vincent, c’est différent. C’est plus intense. Plus viscéral.




Mercredi 23 janvier 2019


Je crois que je n’ai jamais été aussi près de la folie, aussi prisonnière de mes pulsions. Mais qu’est-ce qu’il se passe avec Vincent ?


Ça s’est passé ce matin, pendant l’atelier informatique. J’adore ce moment. Je me sens moins prof, plus complice, plus connectée. Je flâne entre les rangées d’ordinateurs, observant les élèves travailler, les aidant quand ils butent sur un problème, appréciant leur concentration, leur créativité, leur énergie.


Et j’ai vu cette gamine, Emma, s’approcher de Vincent, le regard pétillant. Elle lui a parlé à voix basse, en riant, en lui touchant le bras, en lui faisant des compliments. Il lui a répondu, poliment, gentiment, il n’y avait rien de mal, mais c’était déjà plus que je ne pouvais supporter. Je devais agir, je ne pouvais pas la laisser me le voler sous mes yeux.


Une fois qu’elle a regagné sa place, j’ai senti le besoin irrépressible d’être près de Vincent. Il était concentré, absorbé par sa tâche, les sourcils froncés, les lèvres légèrement pincées. Il était si mignon, et il est à moi.


Alors, sous prétexte de vérifier son travail, je me suis approchée de lui, discrètement, en faisant attention à ne pas me faire remarquer par les autres élèves. « Excuse-moi, Vincent, je peux te montrer quelque chose ? » J’ai posé ma main sur la souris au-dessus de la sienne, me penchant sur lui légèrement. Il a esquissé un sourire. J’ai profité de l’occasion pour sentir sa peau, pour m’enivrer de son parfum. Puis, j’ai tapé du bout des doigts sur le clavier : « Elle est mignonne ». J’ai senti son corps se crisper.


Son regard a croisé le mien, et j’y ai vu un mélange de surprise, d’incompréhension, puis d’amusement. Il a placé ses doigts agiles sur le clavier pour compléter ma phrase : « … mais il n’y a qu’avec ma prof préférée que je souhaite faire des devoirs supplémentaires ».


Regardant le reste de la salle pour m’assurer de notre discrétion, j’ai glissé une douce caresse le long de son bras. Sa réaction m’a étonné… D’un geste vif, il a effacé nos mots pour les remplacer par : « J’AI ENVIE DE TOI ».


Cette simple phrase a été comme une étincelle. Un désir brûlant, une envie folle de le toucher, de le sentir, de le goûter m’a submergée. J’ai eu un instant de recul, sentant mes joues rosir, et je suis retournée à mon bureau en catimini. Une fois assise, j’étais gentiment agacée de le voir hilare et fier de l’effet qu’il avait eu sur moi.


J’ai tenté de me raisonner, mais ce petit jeu risqué m’avait déjà excitée plus que je ne l’aurais pensé. Je savais pourtant qu’on allait se voir après midi, mais je le voulais, maintenant. Alors, je me suis mis en tête de faire quelque chose de stupide.


Je me suis levé et j’ai débranché mon imprimante en râlant le plus bruyamment possible pour que les élèves me regardent. Puis j’ai annoncé, d’une voix forte et assurée :



J’ai vu l’étincelle dans ses yeux, il a acquiescé, et nous avons quitté la salle, laissant les autres élèves à leurs occupations. Au bout du couloir, le local informatique est un endroit isolé et discret, où personne ne risquait de nous déranger pendant les heures de cours.


Une fois seul, à l’abri des regards, Vincent a posé l’imprimante et je n’ai pas pu résister plus longtemps. Je l’ai attrapé par le col, je l’ai plaqué contre le mur, et je l’ai embrassé avec une fureur, une passion que je ne me connaissais pas. Ses lèvres ont répondu aux miennes, avec une avidité, une soif que je partageais pleinement. Nos corps se sont pressés l’un contre l’autre.



Je lui ai tourné le dos et j’ai baissé mon pantalon à la va-vite, écartant le tissu pour offrir ma peau. Il a commencé à s’abaisser, alors je l’ai tiré par une manche pour l’arrêter.



Il a compris, a senti mon urgence et a obéi à mes ordres.


J’étais tellement excitée qu’une légère poussée a suffi pour me pénétrer profondément. Il m’a prise rapidement, sauvagement, me tenant fermement par les hanches et me faisant souffler fortement, emportée par la cadence. Je me suis accrochée à ce que je pouvais, sentant mon cul rebondir énergiquement, amplifiant l’intensité de chaque poussée.


La scène n’a duré que quelques minutes, mais l’orgasme est venu tout aussi vite et j’ai eu du mal à tenir sur mes jambes. J’ai senti Vincent serrer les dents pour retenir ses gémissements lorsqu’il est venu à son tour. Nous avons remonté nos pantalons, ajusté nos vêtements et tenté de reprendre nos esprits. Puis, la porte claquée, nous avons regagné la salle de cours, d’un pas mal assuré, le regard fuyant.


En entrant dans la salle, j’étais rouge de gêne en voyant le regard des élèves sur moi. Mais ils ont vite replongé la tête dans leur écran. J’ai essayé de reprendre mon sérieux, de reprendre mon rôle de professeur, mais j’ai paniqué en réalisant qu’on avait oublié de ramener l’imprimante.


Je suis restée pétrifiée quand j’ai senti un liquide couler lentement le long de mes cuisses, accompagné d’une humidité désagréable entre mes jambes. J’ai réalisé que ma culotte et mon pantalon étaient tachés et j’avais peur que l’odeur ne se répande, que les autres ne remarquent mon état. Je me suis assise à mon bureau et j’y suis restée jusqu’à la fin du cours, malgré l’inconfort.


Enfin, la sonnerie a retenti, libératrice et salvatrice. Les élèves se sont précipités vers la sortie, et je suis restée seule jusqu’à ce que Vincent réapparaisse dans l’encadrement de la porte. Il avait perçu mon trouble, son regard était inquiet.



J’ai esquissé un sourire et j’ai hoché la tête, pour le rassurer. Puis, j’ai ramassé mes affaires et je suis sortie de la salle, en essayant d’adopter une démarche naturelle pour ne pas attirer l’attention. J’ai rejoint ma voiture le plus discrètement possible, la tête baissée, le pas rapide, espérant ne croiser personne.


Avant de retrouver Vincent et Lilou, j’ai fait un détour rapide par la maison pour prendre une bonne douche et me changer. Puis nous avons repris notre douce routine, mangeant tous trois avant de mettre Lilou à la sieste. Avec mon complice, nous n’avons pas manqué de refaire l’amour, tendrement, multipliant les baisers, les caresses, et c’était tout aussi agréable.


Serré l’un contre l’autre, profitant de la chaleur du lit, Vincent est revenu sur l’incident, un sourire malicieux se dessinant sur ses lèvres.



Et nous avons éclaté de rire.


Puis, dans un rare moment de lucidité dans cette journée dingue, je lui ai murmuré, le visage grave :





Dimanche 27 janvier 2019


Aujourd’hui, Patrice a insisté pour qu’on aille se promener. Je pensais qu’il voulait passer un moment avec moi, ce qui, en soi, était une bonne idée. Mais il semblait ailleurs, et très vite, il a commencé à trépigner.


Finalement, il a craqué et m’a demandé, presque avec hésitation, si ça me dérangeait qu’il parte trois ou quatre jours un week-end prochain pour une virée à Londres avec son « amie ».


Il a même essayé d’adoucir sa demande en me proposant de faire pareil avec mon « ami ». Je suppose qu’il voulait équilibrer les choses, comme si nous jouions à un jeu où chacun doit avoir sa part d’évasion.


Mais au fond de moi, ça m’était égal qu’il parte. En fait, j’étais même soulagée. Ça me donnait l’occasion de passer un week-end entier avec Vincent et Lilou, sans contraintes ni horloges.


Bien sûr, je me suis retenue de le dire. Je lui ai simplement souri et répondu que ça ne me dérangeait pas. Peut-être qu’il pensait que ça me toucherait davantage.




Mardi 29 janvier 2019


Hier soir, Patrice et moi dînions ensemble, pour une fois. C’était une soirée tranquille où nous parlons de tout et de rien, sans vraiment chercher à creuser. Mais, soudain, il m’a posé une question qui m’a prise de court :



J’ai failli m’étouffer avec ma bouchée.


Alors, il a précisé :



Je me suis ressaisie et, feignant l’indifférence, j’ai répondu que j’étais passée à autre chose. Que j’avais trouvé plus important à mes yeux. Patrice n’a pas insisté, se contentant d’un hochement de tête. Mais moi, je suis restée perturbée. Est-ce qu’il se doute de quelque chose ? Ça fait deux fois qu’il me pose la question quand même !




Mercredi 30 janvier 2019


Cet après-midi chez Vincent, tout se passait bien, jusqu’à ce qu’il soit obligé de s’absenter une petite demi-heure. Il m’a demandé si ça me dérangeait de rester seule avec Lilou… Mais quelle question !?!


Je lui donnais donc son goûter quand c’est arrivé. Entre deux petites cuillères de compote, elle m’a regardée avec ses grands yeux brillants et a dit, clairement, cette fois : « Maman. »


J’étais bouleversée, et l’émotion m’a submergée. Étant seule, j’ai laissé tomber mes réserves. Je l’ai prise doucement dans mes bras, la serrant contre moi, et je lui ai déposé un baiser sur le front.



À ce moment-là, j’aurais tout donné pour qu’elle soit vraiment mienne. Mais cette pensée m’a effrayée autant qu’elle m’a comblée.




Dimanche 3 février 2019


Aujourd’hui, Patrice est revenu à la charge avec sa question sur Vincent. Cette fois, j’ai été un peu sèche, n’en pouvant plus de tourner autour du pot. Mais contre toute attente, il n’a pas réagi comme d’habitude. Plutôt que de s’énerver ou de se détourner du sujet, il a semblé chercher ses mots.


Il m’a parlé de sa conversation avec son « amie », cette personne qui l’accompagne désormais dans ses escapades. Ils semblent avoir longuement discuté, et, apparemment, Patrice a eu une sorte de révélation. Il m’a avoué qu’on avait peut-être fait une erreur avec Vincent, qu’on l’avait jugé trop vite et qu’on avait mal réagi.


Puis, il m’a dit quelque chose qui m’a paralysée. Il a avoué qu’il ressentait parfois le besoin de savoir ce qu’est devenu l’enfant de Justine. Il m’a dit ces mots comme s’ils avaient du poids pour lui, comme s’il était en train de réaliser tout ce qu’il avait laissé derrière lui.


Je n’ai rien su dire. C’était comme si je me trouvais dans une pièce sans porte, incapable de sortir de ce moment étrange. Je savais qu’il parlait de Lilou, mais je ne pouvais pas prononcer son nom, moi qui la voyais grandir chaque semaine.


Je l’ai regardé sans rien dire, mon esprit noyé sous la vague de cette pensée.




Mardi 5 février 2019


En sortant mon journal de sa cachette, j’ai été frappée par son épaisseur. Je ne m’en étais pas rendu compte, mais il était devenu particulièrement épais, gonflé de mots, de pensées, d’émotions.


Au départ, je pensais à peine l’utiliser, juste quelques notes éparses, quelques confidences occasionnelles, quelques réflexions passagères. Mais voilà, une grosse partie des pages est désormais noircie par les écritures, témoignant du chaos de mes sentiments, de la complexité de mes relations. Mais surtout, le récit d’une transformation radicale, d’une métamorphose inattendue.


J’ai feuilleté les dernières pages, souriant ou m’attendrissant en relisant certains passages, certains moments privilégiés partagés avec Vincent ou Lilou. J’ai revu leurs visages, leurs sourires, leurs gestes, leurs mots, et j’ai éprouvé un sentiment de bonheur. Ça confirme que je suis sur la bonne voie, que j’ai enfin trouvé ma place.


Puis, attirée par une force invisible, je suis revenue plus loin dans le temps, progressivement, méthodiquement, remontant le fil de mon histoire, revoyant mes erreurs.


Et je suis arrivée aux premières pages, à ces mots que j’avais écrits sur Vincent et Lilou, à ces pensées que j’avais eues à leur égard, à ces jugements que j’avais portés sur eux, sans les connaître, sans les comprendre, sans les aimer.


J’ai mis ma main devant ma bouche, horrifiée, stupéfaite, abasourdie. Je n’en revenais pas. Je ne reconnaissais pas cette femme, cette personne, cette Isabelle que j’étais autrefois. Je ne comprends pas comment j’ai pu être aussi cruelle, aussi injuste, aussi intolérante, aussi méprisante.


Je me suis mise à pleurer, des larmes de remords et de regret. Je me demande si je mérite le bonheur que j’ai trouvé après les choses monstrueuses que j’ai écrites. J’ai pensé déchirer ces pages horribles et les brûler, pour les faire disparaître à jamais. Puis, me calmant, je me suis dit que je ne pouvais pas changer le passé. Que je devais apprendre de mes erreurs, que je devais me pardonner mes faiblesses, que je devais faire de mon mieux pour devenir une meilleure personne.


Alors, j’ai refermé mon journal, avec un soupir de résignation et d’acceptation, et je me suis dit que, finalement, je devais avancer malgré ça. Pour Vincent, et plus encore, pour Lilou.




Jeudi 7 février 2019


Ce week-end, c’est le grand saut. Deux jours entiers avec Vincent et Lilou. Rien que d’y penser, j’ai l’estomac noué. Je me mets une pression énorme, je veux que tout soit parfait. Alors, après les cours, j’ai fait les magasins. D’abord, pour des choses anodines : quelques douceurs à apporter, une bonne bouteille de Pouilly, un nouveau pyjama. Je ne sais pas pourquoi j’ai ri toute seule en l’achetant, parce qu’une partie de moi se demande si j’en aurai seulement besoin. Puis, par envie, je me suis retrouvée dans une boutique de lingerie.


Je me suis laissé tenter par un ensemble noir élégant, un peu audacieux, ce que je n’avais pas osé faire depuis des années. Sur le moment, ça m’a presque excitée, cette idée de renouer avec une part de moi-même que j’avais laissée en veilleuse depuis si longtemps.


Puis, en rentrant à la maison, tout a changé. J’ai essayé cette tenue devant le miroir. Et là… catastrophe. J’ai eu l’impression d’être un rôti ficelé, emprisonnée dans ce qui était censé me sublimer. Au lieu de me sentir belle, je me suis sentie moche, ridicule. Mes complexes ont pris le dessus, cette petite voix dans ma tête a commencé à murmurer que je n’étais plus à la hauteur, ni pour Vincent ni pour qui que ce soit.


Je me suis assise sur le lit, cette tenue encore entre mes mains, et j’ai senti mes certitudes vaciller. J’ai envie que ce week-end soit inoubliable, mais est-ce que je me mets trop de pression ? Est-ce que je suis en train de m’oublier, de me saborder ?


Je me suis forcée à respirer. Lentement. Profondément. Parce que, au fond, ce que Vincent aime, c’est moi, juste moi. Pas des tissus ou des apparences. Pourtant, cette confiance en moi vacille si vite…




Samedi 8 février 2019


Je suis arrivée très tôt chez Vincent ce matin, comme il me l’avait demandé. J’avais ma petite valise à la main, un mélange d’excitation et de nervosité dans le ventre. Dès qu’il m’a vue, il m’a accueillie avec une tendre accolade, un baiser doux et des bras qui me faisaient sentir la bienvenue. Lilou, fidèle à elle-même, m’a gratifié d’un bisou baveux agrémenté de son sourire espiègle. Rien que ça, ça aurait suffi à illuminer ma journée.


Mais une surprise m’attendait. Je n’ai pas tardé à remarquer que Vincent avait aussi préparé des affaires, comme s’il partait en voyage. Intriguée, je lui ai demandé ce qu’il mijotait. Il m’a répondu, avec ce sourire énigmatique que je commence à bien connaître :



Et voilà, après une heure de route, nous étions au bord de la mer, devant une charmante maison de vacances qui appartenait à sa responsable. Rien que la vue de l’océan m’a coupé le souffle. Vincent, toujours prévoyant, avait tout bien organisé.


Le reste de la journée a été parfait. Le soleil brillait, la température était douce, presque printanière, comme si l’hiver avait décidé de nous accorder une trêve. Nous avons commencé par une promenade au marché local. Pour la première fois, Vincent et moi avons osé nous tenir la main en public. Ici, personne ne nous connaît, et c’était étrangement libérateur.


À midi, nous avons déjeuné dans un petit restaurant face au port. Une serveuse, charmante et bavarde, s’est arrêtée un instant près de notre table. Elle a regardé Lilou, puis moi, et a spontanément déclaré :



Je n’ai même pas eu le réflexe de la contredire. J’ai juste souri, et quand j’ai croisé le regard de Vincent, rempli de tendresse et de complicité, j’ai senti mon cœur se gonfler de bonheur. Ce compliment, même erroné, m’a touchée plus que je ne saurais le dire.


Maintenant, je suis installé près de la grande baie vitrée, donnant sur la mer, avec mon journal et une tasse de thé. Lilou dort paisiblement dans la chambre à côté, et Vincent est parti faire quelques courses pour le week-end.


Je ne me suis jamais sentie aussi bien. Le murmure des vagues au loin, l’odeur des embruns, les rires de Lilou encore dans mes oreilles, et Vincent… Tout semble en harmonie. Je ne sais pas si je mérite tout ce bonheur, mais aujourd’hui, je décide d’y croire.




Dimanche 9 février 2019


Il est tard. Je viens de rentrer, la maison est silencieuse, et Patrice ne reviendra que demain. Et je ressens ce besoin viscéral d’écrire, de coucher sur papier les souvenirs encore brûlants de ce week-end parfait. Et c’est précisément pour cette raison que la journée de demain s’annonce difficile. Revenir à la réalité après avoir touché un petit coin de paradis, ce n’est jamais simple.


Hier après-midi, une fois Vincent rentré des courses, nous avons pris possession de la cuisine. Pas pour un simple plat improvisé comme d’habitude, mais pour préparer un véritable festin. Nous avons concocté des filets de poisson en papillote, accompagnés de légumes rôtis délicatement parfumés à l’ail et au thym. C’était délicieux, encore plus parce que ce repas est né d’un moment de complicité partagée : couper les légumes ensemble, échanger des baisers volés, goûter la sauce avec la même cuillère…


Après le dîner, c’était l’heure de coucher Lilou, et, comme toujours, j’ai insisté pour m’en occuper. C’est devenu mon rituel, mon moment privilégié avec elle. Elle s’est blottie dans mes bras en me regardant avec ses grands yeux pleins d’innocence, et je me suis demandé à nouveau comment une si petite personne pouvait occuper une si grande place dans mon cœur.


Mais ensuite, je n’ai pas immédiatement rejoint Vincent. Je suis passée par la salle de bain, hésitante, encore hantée par mes doutes. Ce fichu ensemble de lingerie, acheté dans un élan de courage, me semblait toujours aussi intimidant. Mais je me suis forcée à le mettre, à me regarder dans le miroir, à trouver du courage en moi. Pour Vincent.


Quand je suis retournée le voir, il était assis sur le canapé, un magazine à la main, l’air détendu. Je me suis assise à côté de lui, l’air de rien. Il a tourné la tête pour me parler et s’est arrêté net, ses yeux glissant sur moi, incrédules.



Il a laissé sa phrase en suspens, visiblement à court de mots. Son regard était si intense, si empreint d’admiration et de désir, que mes doutes se sont dissipés d’un coup. Je n’avais plus besoin qu’il parle, tout était dit dans ses yeux.


J’ai senti mes joues s’empourprer, il s’est penché vers moi pour m’embrasser, lentement, tendrement. Puis, avec un sourire en coin, je lui ai murmuré :



Il s’est rapproché encore, ses mains trouvant leur chemin sur ma taille, tandis que je sentais ses lèvres sur mon cou. J’ai glissé ma main dans ses cheveux pour le guider. Je l’ai senti sourire contre ma peau, comme s’il comprenait exactement ce que je voulais. Puis il m’a délicatement délivrée de ma précieuse lingerie.



Sa bouche s’est ouverte sur moi, et un gémissement de plaisir m’a échappé. Il a d’abord exploré minutieusement mes tendres replis avant de me manger avec plus d’avidité. Il a pompé, sucé, enserré mon clito avec ses lèvres chaudes. Puis sa langue a fouillé l’intérieur de ma fente, suçotant chaque lèvre. Ses baisers, précis, gourmands, avaient le don de me faire perdre toute notion de temps.


Ensuite, il a dirigé ses mains sous mes fesses, soulevant délicatement mon corps, se délectait de ma féminité et me faisait frémir de plaisir. Un orgasme intense a traversé mon corps, me faisant agripper ses cheveux. Je n’ai eu aucune retenue, gémissant son nom. Il est resté entre mes cuisses, déposant de doux baisers ici et là, me laissant le temps de reprendre mes esprits.


Après, j’ai repoussé doucement son visage et ai pris la décision de reprendre le contrôle, de mener le jeu. Je l’ai redressé, en le regardant droit dans les yeux, un sourire mutin sur mes lèvres. J’ai glissé mes mains sous son haut, caressant sa peau, les muscles de son torse se contractant sous mes doigts à chacun de mes effleurements. Son corps était tendu, ses yeux brillants de désir. J’ai pris mon temps pour déboutonner sa chemise, puis faire glisser son jean jusqu’à ce que son corps soit enfin à découvert, si beau, si appétissant.


J’ai retiré son caleçon, et son sexe dressé, vibrant de désir, s’est offert à ma vue. Puis, avec une lenteur étudiée, j’ai caressé le sommet de son sexe avec ma main, en imaginant le plaisir que cela lui procurait.


J’ai laissé échapper un petit rire, un mélange d’excitation et de provocation, un aveu de mon propre plaisir à ce moment de proximité. J’ai continué de jouer, avec de petites bises le long de sa verge, puis j’ai picoré son gland du bout des lèvres. Voyant que la tension était à son comble, je l’ai pris à pleine bouche et j’ai entamé une série de va-et-vient. Il frémissait sous mes caresses.


J’ai continué à le stimuler, mes mouvements plus rapides, plus intenses, savourant sa montée en puissance. Mon corps entier s’est concentré sur lui, mon unique objectif étant de le mener à l’extase. Sa respiration est devenue saccadée, sentant son membre se raidir, je compris qu’il allait jouir. J’ai ralenti délibérément pour rendre notre connexion plus intime, pour que nos regards se croisent, pour qu’il voie dans mes yeux le reflet de son propre désir.


J’ai senti son corps se tendre à son paroxysme, et au moment où il a voulu repousser ma tête avec une de ses mains, cédant à la force de sa jouissance imminente, j’ai bloqué mes lèvres à la base de son gland, refusant de briser notre connexion, refusant de le priver de ma présence. D’une main ferme, je continuais de le masturber, partageant son plaisir, intensifiant sa sensation. Il a poussé un gémissement profond, un cri primal de plaisir pur, et j’ai senti sa semence chaude se déverser dans ma bouche, goûtant pour la première fois son plaisir.


Il semblait déstabilisé, surpris par ma hardiesse et ma passion. Un sourire reconnaissant est apparu sur ses lèvres.



J’ai posé mes mains sur ses joues, en le regardant droit dans les yeux, pour lui témoigner mon amour et ma confiance.



Il m’a redressée et serrée contre lui.



Après ces aveux, Vincent m’a porté comme une jeune mariée à sa nuit de noces et m’a emmenée sous la douche. Nos mains parcouraient nos corps sous les jets d’eau, nos bouches s’embrassaient avec une ferveur renouvelée. Nous avons goûté de nouveau au plaisir. C’était une danse improvisée, une envie mutuelle et immédiate, un abandon total à nos désirs. La jouissance fut rapide, intense, et notre passion apaisée, au moins pour un temps.


Plus tard, nous nous sommes endormis, épuisés, mais heureux. Mais le sommeil n’a pas duré. Au petit matin, nos corps se sont cherchés naturellement, guidés par le désir qui ne s’était pas éteint. Notre peau, encore chaude du lit, s’est embrasée à nouveau. Ce fut doux, tendre, un murmure de plaisir dans le silence du matin.


J’aurais aimé que ce week-end dure toujours.




Mardi 11 février 2019


J’ai trouvé Patrice changé depuis son retour. On s’est enfin revus pour la première fois depuis des jours et pourtant, son baiser était furtif comme un réflexe conditionné par des années de vie commune, et, tout au long du dîner, il semblait ailleurs, plongé dans ses pensées.


Je connais ces regards perdus, comme sur un petit nuage, je pense qu’il est amoureux. Je ne suis ni jalouse ni en colère, moi aussi je ne suis plus tout à fait là depuis de week-end passé avec Vincent et Lilou.


Je ne me pose plus beaucoup de questions sur mon avenir commun avec Patrice…




Dimanche 17 février 2019


Le sujet de Justine est revenu souvent ces derniers temps avec Patrice. Après quelques échanges hésitants, il m’a lâché :



Je n’ai pas su quoi répondre sur le moment. J’ai simplement promis que je « verrais ce que je peux faire », une réponse vague qui me permettait de gagner du temps, encore.




Jeudi 21 février 2019


C’était une première. Après la journée de cours, j’ai rejoint Vincent chez lui comme tous les mercredis, mais pour la première fois, je ne suis pas rentrée chez moi, si tant est que la maison que je partage avec Patrice soit encore chez moi. Quand j’ai appelé Patrice pour lui dire que je ne rentrais pas, il m’a souhaité une bonne soirée avec une sincérité qui en dit long sur notre relation actuelle.


En m’endormant dans les bras de Vincent, j’étais surprise à me sentir sereine, presque comme si cet arrangement devenait une évidence. Chez moi… C’est avec Vincent et Lilou.




Dimanche 3 mars 2019


C’est fait. Après des semaines de réflexion, de discussions avec ma psy et avec Vincent, j’ai enfin parlé à Patrice. Il savait déjà pourquoi. Il a baissé les yeux avant que je dise quoi que ce soit. À voix basse, il a avoué qu’il avait manqué de courage pour aborder ce sujet, mais qu’il reconnaissait qu’il était temps.



Nos mots ont été doux, presque tendres. Patrice a admis qu’il avait encore des sentiments pour moi, mais qu’ils étaient différents maintenant, comme un amour apaisé, presque nostalgique. Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire, car au fond, je ressentais la même chose. Nous étions sur la même longueur d’onde sur tout : la vente de la maison, le partage des affaires, les démarches administratives. Rien ne semblait difficile ou conflictuel. C’est peut-être étrange, mais nous nous sommes mis d’accord avec une facilité déconcertante.


C’était tellement… convenu. Un divorce heureux.




Mercredi 6 mars 2019


Aujourd’hui, je n’ai pas passé l’après-midi chez Vincent comme d’habitude, mais… chez nous. La petite maison que Vincent nous a trouvée grâce à son travail, une semaine seulement après avoir commencé à en parler sérieusement. Nous l’avions décidé avant même ma discussion avec Patrice.


Vincent a déjà commencé à s’installer, quelques meubles ici et là, ses livres, et cette chaise bancale qu’il refuse de jeter. Moi j’ai ramené quelques cartons : des vêtements, des livres et quelques objets personnels. Rien d’extravagant. Pendant que je rangeais, Lilou jouait tranquillement à côté de moi, mais j’ai encore du mal à réaliser que je vais profiter d’elle chaque jour.




Dimanche 10 mars 2019


Deux utilitaires étaient garés devant la maison que Patrice et moi avons partagée pendant tant d’années. Elle porte déjà un panneau « À vendre ».


Nous avons commencé à trier nos affaires. Ce qui nous importait, ce qui nous rappelait Justine, ce qui devait partir ou être jeté. Puis nous avons nettoyé chaque recoin, comme pour laisser la maison prête à accueillir de nouveaux souvenirs. Quand tout a été fini, nous avons ouvert une bouteille de Merlot et nous nous sommes assis sur des cartons, comme deux vieux amis.



J’ai été surprise, mais pas autant que je l’aurais cru. Il était sérieux, presque timide, et j’ai compris que cette idée l’effrayait autant qu’elle l’emballait. J’ai proposé de le faire mercredi.


Son visage s’est figé un instant avant qu’il murmure :



Bien sûr. Le jour où Justine nous a quittés. Mais au lieu de replonger dans cette douleur, je lui ai souri :



Il a retrouvé son sourire à la seconde, et m’a demandé, piaffant d’impatience :



J’ai hoché la tête. Il en voulait plus, mais je lui ai demandé d’être patient :





Lundi 11 mars 2019


C’est la fin des vacances, la reprise du travail. Le réveil a sonné trop tôt, j’ai eu du mal à quitter la chaleur du lit et la douceur des bras de Vincent.


Au moment de quitter la maison pour aller en cours, on s’est regardés, un sourire triste se dessinant sur nos lèvres. Y aller séparément, faire semblant de ne pas nous connaître alors que nous sommes si heureux ensemble. Et tout ça pour mieux nous retrouver quelques heures plus tard dans la clandestinité de notre amour. C’est dur, mais il est vrai qu’il faut faire attention, ne pas griller des étapes. Pour le bien de chacun.


C’est d’autant plus bizarre que c’est désormais moi qui vais déposer Lilou à la nounou le matin. Et ça, c’est non négociable, c’est mon moment privilégié avec elle et mon chéri n’a pas eu son mot à dire.


Alors, après un dernier baiser volé, nous avons quitté la maison chacun de notre côté, moi dans ma voiture, lui en bus.




Mercredi 13 mars 2019


Toute la journée, une boule s’est installée dans mon estomac. L’idée de cette rencontre ce soir, que j’avais proposée si spontanément, me semble soudain terriblement mauvaise. Pourquoi ne pas en avoir parlé à Patrice avant ce soir ? Lui dire que « l’ami » avec lequel je construis une nouvelle vie est Vincent aurait évité ce saut dans l’inconnu.


Ce matin, en cours, je n’étais pas moi-même, j’étais d’ailleurs « pâle et nerveuse, ne souriant pas » d’après Vincent. Il a ajouté que c’était dur de faire semblant d’être indifférent, de ne pas pouvoir venir me prendre dans ses bras. Si je n’étais pas aussi stressé, ça aurait pu être drôle, car j’y ai aussi pensé pendant tout le cours.




Jeudi 14 mars 2019


La rencontre d’hier soir ne s’est pas déroulée aussi mal que je le craignais. Mais ce n’était pas la soirée idéale que j’avais naïvement fantasmée non plus.


Patrice est arrivé plus tôt que prévu, ce qui m’a un peu perturbé. Avec lui, il y avait un homme que je ne connaissais pas. Stéphane. Quand Patrice me l’a présenté comme « son ami », la surprise m’a complètement déstabilisée. Je ne m’y attendais pas du tout, moi qui pensais si bien le connaître après toutes ces années, je me suis toujours figuré une jeune femme. Et Patrice n’a jamais abordé le sujet de près ou de loin, restant toujours vague quand il s’agissait de son ami. J’ai vu une gêne passer sur son visage, un mélange de malaise et de vulnérabilité qui m’a pris de court.


Vincent, pendant ce temps, était dans la salle de bain à se préparer. Lorsqu’il est sorti, ce fut un autre moment tendu. Patrice a levé les yeux, l’a vu, et pendant un instant, je me suis demandé si l’atmosphère n’allait pas exploser. Stéphane a été le premier à briser la glace en serrant la main de Vincent, ce qui a permis à Patrice de suivre, bien que plus froidement.


Je me suis sentie soudain stupide, comme une enfant qui croyait qu’il suffirait de réunir tout le monde dans une pièce pour que tout se passe bien.


Puis, Lilou. Ma petite étoile. Elle est arrivée derrière son père, ses grands yeux curieux fixant tout le monde. Je l’ai prise dans mes bras et je me suis tournée vers Patrice :



Je l’ai vu vaciller. Mais au lieu de se fermer, il a souri doucement. Lilou a regardé Patrice, intriguée, et il n’a pas résisté à lui faire un petit sourire. Cet instant, fragile et émouvant, a désamorcé une partie de la tension.


L’apéritif s’est déroulé dans une ambiance un peu suspendue, mais chacun semblait vouloir faire des efforts. Patrice évitait soigneusement toutes interactions avec Vincent tout en restant courtois. Stéphane, percevant le malaise, entretenait la discussion avec Vincent pour maintenir un semblant de normalité.


Le moment le plus marquant a été lorsque Patrice a pris Lilou sur ses genoux. Elle a ri en touchant sa barbe, et quelque chose en lui s’est adouci. Il lui a parlé doucement, avec une tendresse que je ne voyais plus chez lui depuis longtemps. Ma petite étoile au centre de l’attention a permis une ambiance plus sereine à mon plus grand soulagement.


Ce matin, Patrice m’a appelée. La conversation a commencé un peu tendue, encore marquée par la rencontre d’hier. Il m’a dit qu’il avait du mal avec Vincent, qu’il aurait préféré quelqu’un d’autre, me demandant comment j’avais pu « tomber aussi bas ». Mais rapidement, le sujet a glissé vers Lilou :



Ses mots m’ont émue, et je lui ai répondu calmement :



Et là, il a soufflé, presque résigné :



C’était le début d’un nouveau chapitre, peut-être toujours aussi complexe pour nous, mais aussi, je l’espère, le plus heureux.




Samedi 12 octobre 2019


Je n’ai plus beaucoup touché à ce journal, parce que ma vie est bien remplie. Et tout va si bien. Plus de crises d’angoisse, plus de périodes sombres, plus de séances chez la psy. J’ai trouvé mon équilibre, ma sérénité.


Avec mon chéri et Lilou, nous formons une belle petite famille. Elle grandit si vite, et Vincent est un père exceptionnel. Il s’investit dans chaque détail, que ce soit pour organiser une sortie au parc ou pour choisir des livres à lire avec elle avant de dormir. Parfois, en les regardant ensemble, j’ai l’impression d’assister à une scène idéale de bonheur simple.


À part le souvenir de Justine qui nous lie encore avec Patrice, ma vie d’avant appartient au passé. L’ancienne maison que nous partagions a été vendue, et notre divorce a été validé par le tribunal. Nous avons tout réglé à l’amiable, sans heurts. Je vois encore Patrice, bien sûr, lorsqu’il rend visite à sa petite fille. Il s’est métamorphosé en grand-père gâteux, incapable de résister à l’envie de lui offrir des cadeaux à chaque visite. C’est difficile de le raisonner, mais je comprends que Lilou représente pour lui une nouvelle chance. Il adore la couvrir d’attentions, et elle, évidemment, le lui rend bien.


Avec Vincent, la relation s’est apaisée. Ils ont pris du temps pour trouver leur rythme, mais ça va beaucoup mieux. Patrice est même venu regarder un match à la maison avec Stéphane récemment.




Vendredi 10 juillet 2020


Vincent a terminé sa deuxième année de BTS Professions Immobilières dans des conditions compliquées à cause de la pandémie, mais il s’en est sorti haut la main. Il est brillant, et je suis si fière de lui.


De tous ses professeurs, je suis celle qui lui a donné l’appréciation la plus sobre sur son bulletin. J’avais peur d’en faire trop, que cela puisse paraître suspect. Je m’en veux un peu, parce qu’il méritait plus. Mais désormais, cette période appartient au passé. Il n’est plus mon élève.


Nous n’avons plus besoin de cacher notre relation. C’est une libération pour nous deux, même si nous ne comptons pas l’exposer de manière ostentatoire. Nous continuons simplement à avancer, à construire, sans les ombres qui pesaient sur nous avant. Je me sens enfin complètement libre d’aimer cet homme, et chaque jour me confirme que j’ai fait le bon choix.


Mais aujourd’hui, ce n’est pas seulement la réussite de Vincent que je célèbre. Cet idiot m’a demandé en mariage !





Mardi 7 septembre 2021


Un mot sur le grand jour, mon union officielle avec Vincent.


Ce n’était pas une grande cérémonie, pas un mariage de conte de fées, fastueux, somptueux. C’était simple, intime et authentique. Un mariage en petit comité, uniquement à la mairie, entourés de nos proches, de nos amis, de notre famille, de ceux qui comptent vraiment. Certes, certains proches ne sont pas venus, n’ayant pas compris ou pas accepté la manière dont je mène ma vie. Mais je n’en veux à personne, je respecte leur décision, et je me concentre sur ceux qui sont là, sur ceux qui partagent ma joie, sur ceux qui ont célébré notre bonheur.


Vincent, lui, était magnifique. Il était à la fois le marié, l’homme que j’aime, celui qui partage ma vie, qui me fait rire, qui me rassure, qui me comprend, qui me protège, qui m’aime… Il est tout pour moi. Je l’ai regardé, éblouie, et je me suis dit, pour la millième fois, que j’avais fait le bon choix et que j’étais la femme la plus chanceuse du monde.


J’avais choisi un bouquet de fleurs colorées, symbole de bonheur et de prospérité. Et, comme dans les films, je l’ai lancé en arrière pendant le vin d’honneur, sous les applaudissements et les rires. Pour être honnête, je m’étais mise d’accord avec Stéphane pour l’envoyer sur ma gauche, et il l’a parfaitement réceptionné, avec un clin d’œil entendu. Patrice faisait une drôle de tête alors que le reste de nos amis et familles présents étaient hilares.


Et Lilou, ma Lilou, ma petite fille d’honneur, mon petit trésor. Elle était plus belle que la mariée, plus rayonnante que le soleil, plus lumineuse que les étoiles. Oui, j’en fais toujours trop avec elle.


D’ailleurs, si j’écris, c’est parce que ce matin, j’ai reçu une lettre du tribunal. L’avis favorable pour l’adoption est officiel. Quelle émotion de se sentir pleinement responsable d’un être aussi précieux ! Je ne pouvais pas rêver plus belle reconnaissance de la place qu’elle a prise dans ma vie. Lilou est maintenant, juridiquement comme dans mon cœur, ma fille.


Je ne peux m’empêcher de sourire en écrivant ces lignes. La vie est douce, et je suis comblée. C’est une bonne manière de clôturer ce journal. Il n’y a plus besoin d’écrire ici pour chercher des réponses ou apaiser mes doutes. Il n’y a plus qu’à vivre ces moments pleinement, sans se retourner.


Vincent. Lilou. Je vous AIME 💖.