n° 22970 | Fiche technique | 13373 caractères | 13373 2173 Temps de lecture estimé : 9 mn |
13/03/25 |
Résumé: Selon une étude très sérieuse, un français sur deux, ça fait une pyramide... | ||||
Critères: #humour #pastiche #société #nonérotique | ||||
Auteur : Laetitia Envoi mini-message |
Collection : Les clichés ont la vie dure |
Il était une fois, dans un centre commercial, un cabinet d’études, coincé entre un fast-food et une salle de sport (le destin a le sens du contraste). Ce cabinet employait une équipe de scientifiques spécialisés dans les statistiques inutiles et néanmoins vitales, qu’elle monnayait aux médias, avides de ces études dont on nous abreuve quotidiennement.
Leur dernière trouvaille ?
Les hommes pensent au sexe 18 fois par jour, contre 10 fois pour les femmes1.
Un résultat précis, une affirmation percutante, qui bien entendu allait provoquer une réaction en chaîne immédiate.
Les médias s’emballèrent. Les experts en neurosciences et autres spécialistes en tous genres se disputaient sur les plateaux télé.
Quelques humoristes en faisaient des sketches. Les couples s’envoyaient des SMS :
Pendant ce temps, sur Twitter (ou X selon votre degré de nostalgie), c’était la panique :
Même les philosophes s’en mêlèrent.
Mais dans l’ombre, une vérité troublante s’imposait !
Et c’est là que les vrais chercheurs commencèrent à se poser des vraies questions.
Au cœur d’un vrai laboratoire de recherches, cette fois, le Professeur Donatien Van de Velde et sa jeune collègue, la Docteure Chloé Aleksandrovna œuvraient.
Le professeur Van de Velde était un homme de science, cartésien, méthodique et légèrement désabusé par le monde qui l’entourait. Après vingt années à observer l’absurdité des études en psychologie sociale et à tenter de donner un sens à l’existence à travers des statistiques douteuses, il croyait avoir tout vu.
Jusqu’au jour où Chloé entra dans son laboratoire.
Chloé était son assistante de recherches. Enfin, assistante était un mot bien faible. Elle avait un esprit brillant, mais était aussi dotée d’une plastique plus qu’agréable2. Leurs études et expériences communes avaient permis au laboratoire d’obtenir un semblant de crédibilité.
Donatien Van de Velde, absorbé dans son café du matin, ne prit pas la peine de lever les yeux.
Il lui fit face intrigué. Cela faisait trois ans qu’ils travaillaient ensemble et il savait que quand Chloé flairait une idiotie scientifique, elle ne lâchait pas l’affaire.
Elle s’assit en face de lui, posant son ordinateur sur le bureau.
Donatien Van de Velde fronça les sourcils.
Un silence gêné s’installa…
Le professeur Van de Velde reprit :
Il éclata de rire.
Un frisson d’excitation traversa le Professeur. Une excitation scientifique, bien sûr, mais également, provoquée par le postérieur de la Docteure penchée sur l’écran d’ordinateur, qu’ils consultaient tous les deux. Van de Velde a toujours été très sensible aux blondes à lunettes, surtout, en tant que scientifique, si elles portaient des blouses blanches. Il appréciait bien entendu l’intelligence acérée de Chloé, son sens du détail, son humour et son cynisme bien dosé, mais aussi sa plastique plus qu’agréable.
Elle ne se contentait pas d’analyser les chiffres, elle les défiait. Elle jouait avec les évidences, les tordait, les testait. Et depuis trois ans qu’ils travaillaient ensemble, elle adorait le tester, lui.
Se reprenant :
Elle haussa les épaules, faussement modeste.
Quelques semaines plus tard, après des nuits à coder et des litres de café, le Slipomètre 3000 vit le jour, un petit bijou de technologie.
Le concept ? Des capteurs ultra-miniaturisés, dissimulés dans des sous-vêtements capables de détecter les impulsions physiologiques associées aux pensées érotiques. Un véritable compteur automatisé, objectif, infaillible.
Chloé présenta les deux modèles expérimentaux à Donatien. Pour le modèle masculin, les détecteurs étaient cachés dans un boxer noir, classique. Le professeur avala sa salive quand Chloé exhiba le modèle féminin, un mini string rouge.
Concentrée sur le calibrage du Slipomètre, Chloé lâcha sans lever les yeux.
Donatien faillit recracher son café. Chloé savourait son malaise.
Il reprit contenance et la fixa d’un air blasé :
Elle éclata de rire.
Pourtant flegmatique, Donatien sentit une étrange chaleur lui monter aux joues.
Elle se leva, s’approcha lentement et posa une main légère sur son épaule. Son parfum (vanille avec une pointe de musc) effleura les narines de Donatien.
Les jours suivants furent étranges. Ils travaillaient comme d’habitude, mais quelque chose avait changé. Les regards étaient plus appuyés. Les silences plus longs. Les gestes plus calculés.
Lors d’une séance de calibrage du Slipomètre, Chloé s’était penchée derrière lui pour atteindre son clavier. Son souffle avait effleuré sa nuque. Il s’était tendu imperceptiblement et elle l’avait remarqué.
Quelques semaines plus tard, 2000 volontaires (1000 femmes et 1000 hommes), représentant plusieurs tranches d’âge, catégories « sociaux-professionnelles », un échantillon représentatif, comme on dit, fut équipé, sans qu’ils sachent exactement ce que mesurait le sous-vêtement high-tech.
Les résultats tombèrent et ce fut un véritable séisme scientifique.
Les hommes et les femmes pensaient à la chose… en moyenne 412 fois par jour, sans différence notoire entre les sexes.
Oui, vous avez bien lu. 412 fois, soit une pensée coquine toutes les trois minutes.
Et ce chiffre était sous-estimé, car, même pendant le sommeil, les cerveaux semblaient très inspirés (mais cela, c’est une autre étude).
En prenant connaissance des résultats, Donatien dit à Chloé :
Ils se regardèrent un instant. Un de ces moments suspendus où l’univers semble s’arrêter.
Donatien hésita. Il connaissait Chloé, si elle lançait ce défi, c’est qu’elle savait déjà que les résultats seraient amusants.
Elle éclata de rire.
Il se leva, contourna le bureau et s’arrêta juste à côté d’elle en ajoutant :
Elle haussa les épaules.
C’est ainsi que le dossier contenant leurs propres résultats fut scellé à jamais et protégé par un mot de passe que même eux s’interdirent de retrouver.
Après tout, certaines vérités scientifiques ne méritent pas d’être révélées.
Les travaux de Van de Velde et d’Aleksandrovna furent publiés dans une revue scientifique :
Les réactions furent immédiates. La nouvelle secoua le monde entier. La machine s’emballa.
Sur les réseaux dits sociaux :
Les experts en psychologie de comptoir furent abasourdis
Les publicitaires, quant à eux, se frottèrent les mains.
Ce fut le début d’une nouvelle ère de publicités encore plus suggestives, même les spots pour les assurances ou les lessives.
Les différents responsables religieux tentèrent d’ignorer l’information, mais même le Dalaï-Lama lâche un « Waow » en lisant les résultats.
Et les philosophes, qui s’étaient tant disputés sur les résultats de la première étude ?
Un des plus grands penseurs du pays soupira profondément en lisant les résultats et lâcha cette phrase sibylline :
Puis, il retourna scroller sur Instagram, où une influenceuse fitness expliquait, sur une vidéo, comment booster sa testostérone avec des graines de lin et des baies de goji.
Loin de ce tumulte, Chloé et Donatien, nus sur un lit (ils avaient en effet découvert à l’occasion de l’étude qu’ils avaient les mêmes pensées au même moment, même s’ils en ignoraient le nombre), observaient les réactions avec un mélange d’amusement et de consternation.
Un silence, puis un regard complice.
Puis, après un regard sur le dos de Chloé, il se dit qu’il venait probablement d’ajouter une pensée de plus au compteur.
C’est ainsi que le monde continua de tourner, que l’humanité continua son existence, oscillant éternellement entre deux instincts primaires : manger et penser à des choses inavouables.
1. ↑ Ce n’est pas du pipeautage, ça a réellement donné lieu à une étude.
2. ↑ Pour vous faire une petite idée de l’apparence de Chloé, faites une recherche sur la Docteure Harleen Frances Quinzel, interprétée au cinéma par Margot Robbie notamment.