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1965
Temps de lecture estimé : 8 mn
14/03/25
Résumé:  Les Belges ont-ils plus d’humour que les Français ? Une fois.
Critères:  #humour #pastiche humour
Auteur : Patrick Paris            Envoi mini-message

Collection : Les clichés ont la vie dure
Il était une histoire belge, une fois



Comme tous les samedis, je prends un pot avec mes potes, Alex, Bastien et Jérôme dans un bar branché du 11e. Je viens de leur annoncer que mon patron m’a proposé un poste intéressant en Belgique.



Ils me regardent d’un drôle d’air, avec un petit sourire en coin. Et c’est parti, chacun y allant de sa petite blague belge, en prenant l’accent, enfin celui que l’on prend en France soi-disant pour les imiter.



Et tous de s’esclaffer bruyamment.



Jérôme ne veut pas être en reste :



J’essaie de défendre ma future patrie :



Ils avaient dû se donner le mot, c’est à celui qui en rajoutera :



Alex ne peut s’empêcher de rajouter en pouffant :




— --oOo---



Le Thalys me dépose gare du midi en plein centre de Bruxelles, je saute dans un taxi direction l’hôtel. Repensant à mes amis, la première phrase du chauffeur me fait sourire :



Bel hôtel, la boîte ne s’est pas moquée de moi.



Je crois entendre mon chauffeur de taxi. Je prends la clé qu’il me tend, sans bien réaliser ce qu’il vient de me dire.


On m’attend. Le temps de déposer ma valise, me voilà reparti. Pour me rendre dans l’entreprise dont les bureaux sont dans la périphérie, je dois faire confiance au chauffeur de taxi, en espérant qu’il a compris l’adresse avec mon accent français.


Reçu par le directeur en personne, il me fait visiter les locaux et me présente mes futurs collègues. A midi, accompagné du Comité de Direction, direction la cantine. Surprise, menu unique, moule marinière frite pour tout le monde. Voulant me faire plaisir, le directeur ajoute :



Je ne sais comment le remercier, sans éclater de rire.


Le planning prévu est assez dense. Le lendemain, le DRH doit m’accompagner à Anvers. Dans le fond, ils sont bien sympas, j’ai du mal à les comprendre, mais sympa.


Le soir, je me retrouve dans ma chambre d’hôtel, en tête-à-tête avec l’écran de télévision. Je tombe sur une chaîne belge, les infos locales :


Terrible accident près de Namur, un hélicoptère militaire s’écrase dans un cimetière. Les sauveteurs ont déjà dégagé plus de 500 corps.


Liège, dans le plus grand magasin de la ville, un escalator tombe en panne en pleine heure de pointe, quarante personnes restent coincées pendant cinq heures.


Information sportive, nouveau record du monde : un Belge a battu le record du 100 mètres, il a couru 102 mètres !


Quittant la chaîne d’info, je zappe d’un programme à l’autre. La chaîne Sport diffuse une rétrospective des critériums cyclistes de l’année, bof ! Mais chic, sur une chaîne Cinéma, un western commence dans quelques minutes, ça me changera les idées, « Il était dans l’Ouest une fois ».


Décidément… Vais-je pouvoir m’y faire ? On verra demain. En me couchant, je repense à ce que m’ont dit mes potes, j’aurais dû les écouter, ils n’avaient pas tout à fait tort.


Cette visite à Anvers m’a permis de travailler mon anglais, aucun ne parle un mot de français. À midi, pas de surprise au déjeuner, menu habituel. Je commence à regretter la cantine de Paris, c’est tout dire.

En partant, je me suis aperçu qu’ils parlaient couramment français, sans accent. Pas très sympa ceux-là, dire qu’il me faudra travailler avec eux, ça ne m’emballe pas.


Je retrouve le sourire, en rentrant à l’hôtel. Une invitation de ma future collègue, chef des services financiers, qui m’invite au restaurant en ville, ça va un peu me changer. En plus, elle est bien mignonne, ce qui ne gâche rien. Je l’avais remarquée en arrivant, avec un peu de chance, la soirée se terminera bien. Je sens que je vais emballer dès le premier jour.


Je déchante en lisant la carte, moules marinières, moules poulette, moules flamandes, moules bruxelloises… Avec accompagnement frites, mayonnaise et bière comprise. Elle surprend mon étonnement :



Étonné par son attaque, je ne sais quoi répondre, je dois vraiment avoir l’air bête. Sans me ménager, elle profite de la situation :



Devant le choix, je la laisse décider, ce sera comme elle. Charmante durant tout le repas, elle me parle de la boîte, de nos collègues, de ce que j’aurais à faire. Son accent est de plus en plus ravissant, l’exotisme.

Au dessert, avec une petite idée de vengeance, je me lance :



D’un coup, le rouge me monte aux joues. Elle ne se démonte pas :



Sans me laisser le temps de répondre, elle enchaîne :



Je repique un fard, de plus en plus gêné, d’autant qu’elle rajoute condescendante :



Bonne fille, elle change de sujet. La fin du repas est plus tranquille, son accent, de plus en plus charmant, m’envoûte, je me perds dans ses yeux, et j’ai du mal à me détacher de son décolleté.


Je déchante en nous quittant, pas même une petite bise. Dommage, ce ne sera pas pour ce soir.


Ma nuit fut agitée. J’ai rêvé que j’étais entouré de gens qui criaient « une fois » « une fois » en me lançant des frites et des moules. J’allais être submergé. Un vrai cauchemar, ça m’a réveillé en sursaut, je transpirais à grosses gouttes.


Difficile de retrouver le sommeil. Je me suis tourné et retourné sans cesse dans ce grand lit. Pour m’endormir, j’ai pris un livre sur la pile posée sur la table, manque de chance, ils étaient tous en flamand, je n’ai pu que regarder les images. Heureusement que je connais toutes les histoires de Tintin.


Dans le train qui me ramène à Paris, je déguste un jambon beurre SNCF à peine rassis. Ce soir, il faudra bien que je prenne une décision. Que vais-je bien pouvoir dire à mon patron ?



— --oOo---



Le samedi suivant, je retrouve mes potes dans notre bar préféré. D’une même voix, ils m’accueillent d’un « Et alors ? » :



Je me lève d’un bond et pars en courant pour ne plus les entendre.