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Temps de lecture estimé : 8 mn
27/03/25
Présentation:  Cette collection revisite ces archétypes intemporels de façon plus ou moins érotique, entre tension et abandon.
Résumé:  Elle va chez le dentiste. Pour le plaisir… Oui, oui !
Critères:  #humour #psychologie #érotisme #rencontre #occasion #médical
Auteur : L'artiste  (L’artiste)      Envoi mini-message

Collection : Les clichés ont la vie dure
À Bouche Perdue

Les clichés naissent d’images répétées, de scènes vues et revues, jouant sur nos attentes, nos fantasmes, nos désirs et nos craintes. S’ils perdurent, c’est qu’ils continuent de nous captiver… et de nous enflammer.


Un trouble dans un ascenseur, une infirmière, pourquoi pas un patron avec sa secrétaire… un saut en parachute et bien d’autres…


La collection dont ce court texte fait partie revisite ces archétypes intemporels de façon plus ou moins érotique, entre tension et abandon. Bonne lecture !




Ding Dong.


Angélique inspire profondément devant la porte du cabinet.


Elle ajuste une dernière fois son chemisier dans le reflet de la vitre, lissant le tissu contre sa peau. Pas trop décolleté, juste ce qu’il faut pour attirer l’œil. Son rouge à lèvres, un nude un peu glossy, parfait pour paraître faussement innocente. Ses boucles lâches et savamment négligées encadrent son visage, résultat d’un quart d’heure d’efforts minutieux.


Elle n’a pas mal. Pas même un léger inconfort. Son sourire est nickel, digne d’une pub pour dentifrice. Mais aujourd’hui, elle va mentir, tricher, improviser…


Et tout ça pour un homme.



Deux jours plus tôt :


Tout avait commencé un samedi matin, à la terrasse d’un bistrot. Angélique, qui n’en avait que le nom, était tombée nez à nez avec lui.


La trentaine, chemise impeccable, barbe de trois jours parfaitement maîtrisée. Et surtout, ce regard franc, sûr de lui, qui donne envie de se tenir droite et de choisir ses mots avec soin.


Il avait commandé un café, sans sucre. Sérieux, sobre, précis.


Elle aurait pu tenter une approche classique, mais il dégageait quelque chose de trop posé, de trop confiant. Le genre d’homme qui a déjà entendu tous les stratagèmes, tous les prétextes.


Alors, elle avait sorti son arme favorite : la filature numérique.


Un rapide tour sur Instagram, puis sur LinkedIn… et bingo.


Mathieu Morel – Chirurgien-dentiste.


Quoi de plus innocent qu’une patiente inquiète, vulnérable, cherchant un peu de réconfort… ? Le plan d’approche était parfait.



Maintenant qu’elle est là, Angélique doute sévèrement de son propre génie.


C’est stupide. Au mieux, il devine la supercherie immédiatement, et elle passe pour une nympho. Au pire, il la fait souffrir pour le plaisir… et elle passe pour une cruche doublée d’une nympho. Dans le meilleur des cas, c’est pas la panacée.


Trop tard pour reculer : la porte s’ouvre.


Le voir en blouse blanche change tout. Mathieu, professionnel, dans son élément. Un contraste fascinant avec l’homme aperçu samedi dernier, l’air détendu, café en main. Différent et encore plus intimidant. Mais toujours aussi Craquant.



Sa voix est posée. Il la fixe droit dans les yeux, le regard analytique.


Angélique se redresse sur sa chaise.



Mathieu hoche la tête et ouvre son carnet de notes.



Elle n’avait pas prévu d’être interrogée comme une suspecte présumée coupable dans une affaire criminelle.



Il relève les yeux, marque une pause. Une lueur dans le regard. Un éclat indéchiffrable, quelque chose de troublant, de pénétrant.


Angélique a les jambes en coton. Être ici, devant lui, vaut tous les sacrifices. Il esquisse un sourire imperceptible. Juste assez pour faire chavirer un peu plus sa raison.



Il referme son carnet. Croise les bras.



« Oui, voilà ! Ça sonne crédible, ça, songe-t-elle, se croyant sortie d’affaires. »



Angélique s’installe, feignant une angoisse légère, jouant son rôle avec sérieux. Mais au moment où il ajuste l’appuie-tête et abaisse le fauteuil, elle n’en mène plus vraiment large.


Il enfile ses gants, lentement, et écarte ses doigts pour qu’ils soient bien en place. Le claquement sec du latex la fait sursauter. Elle sent son ventre se nouer, pour de vrai cette fois.



Un mensonge trop rapide. Trop évident. Elle se racle la gorge.



À cette réflexion, Mathieu esquisse un sourire imperceptible. Il attrape un tablier en papier et l’agite brièvement avant de l’attacher autour du cou de sa patiente.


Elle se crispe.


Elle avait sous-estimé un détail crucial : affublée ainsi, elle n’a plus rien de séduisant… Impossible d’avoir l’air attirante avec ce truc ridicule.


Elle capte son reflet dans le plafonnier. Aïe.


Il ajuste la pince pour fixer la bavette, ses doigts effleurant la nuque délicate de la jeune femme. Un frisson absurde la parcourt.


Sans la laisser souffler, il incline le fauteuil.


Elle, son seul réconfort : l’espoir que sa jupe courte, dans cette position, ne passe pas inaperçue.



(La bouche, évidemment.)


Le parfum léger de son après-rasage flotte entre eux.


Elle obéit. Elle n’a plus d’autre choix.


Il se penche plus que nécessaire, l’ombre de son corps couvrant partiellement son visage. Son souffle est proche. Trop proche.


Elle détourne le regard. Mauvaise idée.


Son attention tombe sur un bout de torse dévoilé par le col un peu trop lâche de la blouse. Elle aperçoit la courbe de ses muscles qui tressaillent à chaque geste. Elle ferme les yeux, comme une naufragée accrochée à une bouée. Mais c’est pire. Dès lors, son imagination s’enflamme.



Une pression. Légère et furtive. D’une main sur sa cuisse. Certainement un simple appui pour se repositionner. Rien d’anormal… en théorie. Mais son cerveau, lui, implose. Son souffle devient plus court. Une volée d’étincelles fuse dans son ventre. Il est trop proche.


Mathieu, imperturbable, tapote doucement sa joue du bout des doigts.



« Pourquoi pas ? Ça nous ferait gagner du temps. »


Il insère ses instruments, commence à inspecter.


Angélique essaie de reprendre le contrôle. Surtout ne pas fixer ses avant-bras sous les manches retroussées. Ne pas sentir la pression légère de ses doigts sur sa mâchoire. Ne pas penser à cette chaleur qui irradie son corps.


Mais cette fichue salive vient tout gâcher.


Elle s’accumule. Elle va déborder.


Panique.


Elle tente d’avaler.



Il insère le tube entre ses lèvres. Un petit bruit de succion retentit.


Gênant.



Elle veut protester, mais rien d’intelligible ne sort. Mathieu, lui, devient bavard.



« Vraiment ? Maintenant ?! »



Il continue son examen, sa main libre se posant cette fois sur l’épaule. Un simple point d’appui… ou pas ?



« Pardon ?! »


Elle écarquille les yeux.



Mathieu poursuit, imperturbable.



Elle tente un mouvement de tête. Erreur. Sa bouche heurte un gant.



Ses doigts traînent un peu trop longtemps.


Il retire enfin ses outils, entraînant un filet de bave pas très glamour avec eux. Angélique se décompose, mais peut maintenant parler.


Elle s’apprête à répondre…



… Que déjà il reprend. Et s’installe encore plus près.


La hanche du dentiste convoité appuie légèrement contre sa cuisse. Une pression douce, mais affirmée. Elle ne rêve pas.


Puis… Il s’interrompt.


Il la fixe.


Une, deux, trois secondes.


Il tapote son menton, soucieux.



Silence.


Ça a l’air dramatique.


Son regard plonge dans celui d’Angélique.


Elle veut parler. Elle ne peut pas. Sa bouche reste grande ouverte, bloquée par les écarteurs.



« Quoi !? »



Il laisse un blanc.


Elle panique.


Mathieu pince ses lèvres, comme s’il hésitait avant d’annoncer une terrible nouvelle.



Elle sent une sueur glacée parcourir son dos.



Explosion intérieure.


Elle voudrait hurler, mais rien. Silence total.


Juste un regard affolé.


Son cœur bat beaucoup trop vite alors que Mathieu, implacable, s’éloigne légèrement pour préparer son matériel.


Elle l’observe avec un mélange d’effroi et d’incrédulité. Que faire ?


Il ouvre un tiroir et en sort une seringue. Puis une pince. Et même une scie.


Énormes.


MONSTRUEUSES.


L’aiguille, longue, fine, menaçante, brille sous la lumière du scialytique.


Trop longue. Beaucoup trop…


Elle tente de parler.



Mathieu tapote la tige métallique du bout du doigt, vérifie qu’il ne reste plus de bulles d’air.


Puis il tourne la tête vers elle.


L’expression grave.



Les yeux d’Angélique s’écarquillent. Elle tente à nouveau de protester, sa voix étouffée par l’écarteur buccal.



Elle se débat comme elle peut, ses doigts s’incrustant dans les accoudoirs, un dernier « Ppphhiiitééé !!! » s’échappant de sa gorge.


Il maintient son menton d’une main. Fermement.


L’aiguille approche. Insidieuse.



La pointe effleure sa gencive. Sa tête tourne.



Silence absolu.


Totalement déstabilisée, Angélique est stupéfaite.


Il se redresse, retire nonchalamment ses gants, puis éclate de rire.



Angélique ne comprend plus rien.


Il se marre. Vraiment.


Elle le fixe, bouche encore maintenue grande ouverte par l’écarteur, au bord de la crise cardiaque.


Mathieu essuie une larme au coin de l’œil, puis se penche de nouveau vers elle.



Il pose une main sur son bras.


Un effleurement. Chaud et rassurant.


Puis il murmure :



Un silence.


Elle comprend.


Il savait.


Il savait tout depuis le début.


Il lui retire l’engin de torture qui lui bloquait la mâchoire, et elle se redresse, la gorge sèche, honteuse comme jamais.



Mathieu, toujours amusé, croise les bras et la toise avec un sourire joueur.



Elle avale sa salive.


Mathieu continue, d’une voix veloutée.



Angélique rougit, se frotte nerveusement la nuque.


Lui, savoure son trouble.


Puis propose, calmement :



Mathieu penche légèrement la tête, feint une réflexion, puis se mordille la lèvre avant d’acquiescer lentement.


Angélique, encore fébrile, lui tend la main et se dirige vers la porte.


Mathieu la retient par le coude, juste un instant.



Elle pivote vers lui, bouche bée. Mais il a déjà tourné les talons, sifflotant doucement, l’air faussement innocent.


Son cœur cogne.


Son esprit est en ébullition.


Et elle comprend une chose.


Elle n’a pas seulement survécu à cette consultation. Elle vient de tomber sur l’arracheur de dents le plus menteur et roublard qu’elle n’ait jamais rencontré.