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n° 23008Fiche technique20551 caractères20551
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Temps de lecture estimé : 15 mn
15/04/25
Résumé:  Je suis sortie de la chambre un peu ivre, un peu ivre de moi, de ce que je venais de réaliser et avec plus d’argent dans mon sac à main.
Critères:  #érotisme #volupté #sexetarifé #masturbation f prost hotel noculotte fmast fdanus
Auteur : Samir Erwan            Envoi mini-message
Mon goût sur les doigts

J’arrive toujours un peu en avance. Je n’aime pas courir. J’aime me poser, laisser les murs me reconnaître avant qu’un autre corps vienne y poser son odeur. La chambre est belle, propre, bien éclairée. Peut-être un peu trop blanche, peut-être un peu trop neuve, mais c’est comme ça la plupart du temps. De toute façon, je ne suis pas ici pour regarder la déco. Ce que j’aime, en arrivant en avance, c’est écouter ce silence particulier qu’on ne trouve que dans les hôtels ; il est impersonnel, une sorte de calme sous vide.


Je ferme la porte doucement derrière moi. Mes talons font à peine de bruit sur la moquette.

Je me regarde dans le miroir. Robe noire, fendue sur la cuisse, mes cheveux lâchés, une boucle qui effleure ma clavicule, mon maquillage simple, juste ce qu’il faut pour créer une attente. Je suis bien.


Je m’approche de la fenêtre et tire un peu le rideau. La ville est là, indifférente. En bas, des gens marchent vite ; des silhouettes floues, pressées, imperméables, sac en bandoulière, téléphonent à la main. Une femme court sous un parapluie, un gamin tire sur le bras de son père, un couple s’engueule sans se toucher. Les lumières des vitrines brillent déjà, artificielles, comme des bijoux en vitrine. La nuit tombe.


Moi, je suis au-dessus, à l’abri, dans une bulle.


Et je regarde tous ces gens avec une tendresse étrange. Ils vivent leur vie, ils ne savent pas ce que je fais ici, ce que je ressens. Je me demande parfois si je pourrais être l’un d’eux. Sortir du métro, aller faire les courses, attendre un message, rentrer chez moi, avoir un gamin peut-être ?


Ce soir, je suis ailleurs, je suis ici, avec mon corps, avec mon secret chaud entre les jambes. Je laisse le rideau retomber doucement. Le monde peut attendre.


Je m’approche du lit. Je caresse les draps du plat de la main. J’aime sentir le tissu, frais encore, avant qu’il se froisse, avant qu’il retienne une autre chaleur que la mienne. Je m’y assieds doucement, les jambes croisées. Je sens le tissu fin de ma culotte contre ma peau, la caresse légère de ma robe sur mes cuisses. Je balance un pied dans le vide. Mon corps se détend, je sens déjà la tension qui monte, discrète, inévitable.


Je me laisse glisser en arrière, sur le lit. Le matelas est ferme et accueillant. J’écarte un peu les jambes, juste assez pour respirer. Je ferme les yeux. Je pose ma main sur ma cuisse relevée.



*



La première fois, c’était un hôtel différent, un peu plus discret, un peu moins chic, un peu vieillot, mais propre. Je m’étais maquillée trop légèrement ou pas assez. Je ne savais pas encore ce qui marchait. J’avais cette robe rouge qui me donnait l’impression d’être quelqu’un d’autre, une héroïne de film.


Il s’appelait Marc. Il avait la quarantaine. Il n’était ni beau ni laid, gentil, je crois, gêné, assurément. Il m’avait souri en tentant d’atteindre mon regard, mais lui-même ne savait où regarder. Moi, je faisais semblant d’être détachée, je regardais autour, j’observais les rideaux, le fauteuil, la lampe. Mon cœur battait fort, très fort. J’avais l’impression d’entendre mon sang dans mes tempes. Il m’a demandé si j’étais prête. J’ai souri, j’ai dit oui.


Je croyais que ce serait comme une scène, froid, détaché, je m’étais dit pour me rassurer : tu vas faire ce qu’il faut, tu vas rentrer dans le rôle, tu vas être polie, douce, sexy… mais ça ne touchera pas ton vrai corps. Ton vrai toi.


Mais j’ai joui. Sans l’avoir prévu, sans le vouloir, presque.


Je crois que c’est là que tout a changé. Ce n’était pas lui, c’était moi, mon corps, mon plaisir, ma surprise. Il n’avait rien de spécial, ce Marc. Mais moi, j’avais découvert que je pouvais jouir dans ce contexte-là. Pas par amour, pas par attachement, juste par présence, parce que j’étais là, dans ma peau, et que je m’étais autorisée à être entière.


J’étais sortie de la chambre un peu ivre. Un peu ivre de moi, de ce que je venais de réaliser.



*



Je rouvre les yeux, un frisson me traverse. Peut-être à cause du contraste entre le souvenir et l’air un peu trop climatisé de la chambre. Peut-être juste parce que j’ai envie. Peut-être parce que j’ai toujours eu ce corps réactif, curieux, tendre avec lui-même.


Je me redresse à moitié, mes cheveux glissent sur mes épaules nues. Ma main remonte le long de ma jambe, jusqu’au bord de la petite culotte. Elle est noire aussi, fine et en dentelle. Le genre qu’on choisit autant pour soi que pour l’autre. Peut-être même un peu plus pour soi, en vérité.

Elle serre juste ce qu’il faut.


Je la fais glisser, lentement. Mes hanches se lèvent dans un geste devenu naturel. J’aime cette sensation, se déshabiller pour personne, pour moi seule, juste parce que j’ai envie de sentir ma peau à l’air libre. Mes doigts descendent, doucement. Je suis rasée de près, lisse, satinée. C’est encore un peu sensible, j’aime ça aussi, cette finesse de peau, presque timide. Mon index effleure, puis presse légèrement, là où c’est chaud, là où c’est vivant.


Je respire plus lentement. Mes cuisses s’ouvrent. Il n’y a pas de hâte, pas de performance, je ne me regarde pas, je me sens. Je m’écoute. Un cercle, une pulsation, une caresse à peine appuyée. Je sais exactement comment mon corps aime être touché. Et je le fais avec une tendresse que personne ne m’a jamais vraiment donnée. C’est pour ça que j’aime ces moments. Ils sont complètement à moi.


Je ferme les yeux à nouveau. Et une autre image remonte, à contretemps, un autre souvenir, un autre homme, celui qui m’a fait comprendre que j’étais plus que belle.



*



Il ne ressemblait à rien de spécial. Il s’appelait… je ne sais plus. Peut-être Antoine ou Thomas. Il avait la quarantaine lui aussi, des lunettes trop épaisses, des gestes un peu maladroits. Il n’essayait pas d’impressionner. Il ne faisait pas semblant. Et surtout, il me regardait comme si j’étais réelle, je n’étais pas pour lui une actrice, un fantasme, j’étais une femme avec un vrai corps, un vrai souffle, une vraie peau.


Il a pris son temps. Moi aussi. Je m’étais déjà dit, les fois d’avant, que c’était agréable, que ce n’était pas si compliqué, que j’aimais bien, que mon corps s’adaptait. Mais là, avec lui, Antoine ou Thomas, je ne sais plus, c’était autre chose.


Il a posé ses mains sur mes hanches, doucement, comme si j’étais fragile. Ce geste-là, ce respect tranquille, m’a bouleversée plus que n’importe quelle fougue. Je me suis ouverte. Je ne sais pas pourquoi. Mon corps a vite répondu, de manière intense. Ce n’était pas lui, ce n’était même pas ses doigts, ni sa bouche, ni sa queue. C’était moi.


Moi, qui me suis rendu compte que je n’avais pas besoin d’amour pour jouir. Moi, qui prenais ce plaisir comme un acte de liberté.


Je me souviens de m’être rhabillée lentement après. Il m’avait payé, avec un sourire timide. Il ne savait pas ce qu’il m’avait donné. Ce n’était pas son rôle de le savoir. Je suis partie avec cette idée étrange dans le ventre : que je pouvais jouir dans un cadre tarifé, sans perdre une miette de ma dignité. Et même mieux : dans ce cadre-là, je pouvais exister sans devoir plaire, sans être gentille, sans m’attacher. Juste être là, entière, vibrante et libre.



*



Je reviens lentement. Mes doigts sont restés là, entre mes cuisses, posés, chauds, vivants. Le souvenir d’Antoine ou Thomas flotte encore un peu. Mais je suis revenue à moi. Et j’ai envie. Quelque chose de doux, de profond, une envie lente. Je laisse donc ma main reprendre ses cercles lents et réguliers. Je respire avec. Mon bassin suit le rythme, imperceptiblement. Je n’ai pas besoin de fermer les yeux, je suis déjà ailleurs. Je suis ici.


Ma peau est chaude, mes jambes s’écartent un peu plus, mes doigts glissent maintenant plus facilement, humides. Je connais chaque recoin de moi-même, chaque nerf, chaque frisson. Je sais comment appuyer, comment varier, comment attendre juste assez pour faire monter la tension. Je ne joue pas une scène. Il n’y a pas de public. Il n’y a que moi et mes souvenirs, et ce corps, le mien, que j’ai appris à aimer sans condition, même quand il n’obéit pas, même quand il déborde.


J’enfonce deux doigts doucement en moi. Je sens mes parois s’ouvrir avec une lenteur presque solennelle. Je reste là, un instant, juste pour sentir cette chaleur, cette densité. C’est bon, simplement bon. Ma main libre caresse ma poitrine à travers la robe, puis glisse sous le tissu. Mes seins sont sensibles, mon téton durcit sous mes doigts. Je pince légèrement. Un gémissement me surprend. Je ris, à peine. Je suis toujours surprise par ma propre voix, quand elle sort comme ça, sans prévenir.


Et je recommence, plus vite, plus profond. Je me tends, mon ventre palpite. Je ne suis plus dans une chambre d’hôtel. Je suis dans un monde que personne ne connaît, sauf moi, un monde fait de soie, de feu, de battements sourds.


Et c’est là, juste là, que revient une autre voix. Une femme, une de celles qui m’a dit un jour quelque chose que je n’ai jamais oublié.



*



C’était un après-midi tranquille, dans un café un peu planqué, près de la gare. On s’était vues entre deux rendez-vous, comme deux collègues qui débriefent. Elle s’appelait Jo. Pas son vrai prénom, évidemment. Mais elle le portait bien : court, direct, sans fioritures. Elle avait la quarantaine, peut-être un peu plus. Des traits fins, des yeux fatigués, mais clairs. Elle ne souriait pas souvent, mais quand elle le faisait, ça fendait l’air. Je lui avais posé la question presque sans réfléchir, en jouant avec la mousse de mon cappuccino :



Elle avait haussé les épaules :



Elle avait tiré sur sa cigarette, lentement, puis elle m’avait regardée :



J’avais haussé les sourcils. J’ai ri, un peu nerveusement :



Jo avait souri, cette fois :



Elle s’était penchée vers moi, sa voix un peu plus grave.



J’étais restée silencieuse. Dans ce silence, quelque chose s’était décanté, comme une paix étrange, comme si ses mots avaient articulé une vérité que mon corps connaissait déjà, que ma tête n’osait pas encore penser tout haut.


Ce jour-là, j’ai compris ce que c’était de choisir ce qu’on donne, et ce qu’on garde.



*



Je rouvre les yeux. Le plafond est toujours blanc, toujours muet, mais je ne le regarde plus pareil. Il y a quelque chose qui danse sous ma peau, quelque chose qui pulse, qui cherche à s’échapper. Mon bassin ondule à peine, juste assez pour suivre le rythme de mes doigts, qui recommencent à bouger, plus pressés, plus humides.


Je suis chaude, brûlante, une fièvre lente, qui ne fait pas mal, qui ouvre. Mes doigts glissent avec plus d’assurance. Je ne pense plus. Tout devient sensation, frottement, pression, soupir qui m’échappe. Je ne me retiens pas.


J’ai passé trop de temps dans ma vie à m’excuser d’exister, à minimiser mes désirs, à faire comme si je ne prenais pas de plaisir, ou pas trop. Là, je veux tout.


Je vais chercher plus loin. Mes hanches se soulèvent, ma main s’ajuste, plus directe. Je caresse, je presse, je reviens, encore, encore. Ma respiration se brise, repart, halète. Je me mords la lèvre, mes cuisses tremblent.


Je ne suis pas en train de me donner du plaisir, je suis en train de me retrouver, de me rappeler que ce corps-là, avec ses failles et ses folies, est à moi. Et je sens que ça monte comme une marée qui ne recule plus. Je suis prête, presque, pas encore. Je veux aller plus loin, plus profond. Je veux tout prendre, même ce qui fait peur.



*



On était à la terrasse d’un bar, un soir d’été, les verres pleins et les épaules nues. Il faisait encore chaud, même après le coucher du soleil, et tout le monde riait trop fort. Chloé racontait sa dernière rupture comme si c’était une série Netflix. Manon se plaignait de son boulot. Léa sirotait son mojito, les yeux brillants, un peu pompette déjà. Moi, je les écoutais, sourire aux lèvres, en faisant tourner la paille dans mon verre. Je me sentais bien. Mais aussi… un peu ailleurs.


À un moment, Manon m’a regardée en coin, mi-taquine, mi-curieuse :



J’ai haussé les épaules. J’ai souri. J’ai dit :



Et j’ai changé de sujet. Parce que comment dire ? Comment expliquer ? Pas seulement ce que je fais, mais ce que ça m’apporte : le plaisir, la liberté, la puissance tranquille. Comment dire à des filles que j’aime que je me fais payer pour faire l’amour… et que parfois, je préfère ça à leurs histoires d’amour bancales ? La vérité, c’est que je n’avais pas envie d’expliquer. Parce qu’au fond, je n’étais pas sûre de vouloir qu’on comprenne.


Et pourtant, parfois, entre deux silences, je me surprends à imaginer. Et si je leur disais ? Et si je leur proposais ? Juste pour voir : laquelle aurait ce même feu que moi au fond du ventre ? Laquelle aurait envie d’essayer ? De comprendre ? De se trouver ?


Mes clients, je les trouve par une plateforme élégante, bien cadrée. Pas de plan glauque, pas de perte de contrôle, tout est net, propre, choisi. Ce n’est pas compliqué. C’est même presque trop simple.


Alors parfois, je me demande : pourquoi pas elles ? Pourquoi que moi ? Est-ce que je pourrais leur dire un jour ? Vraiment les dire, me confier avec les vrais mots, sans me cacher derrière les sourires.


Mais ce soir-là, j’ai gardé le silence. Et j’ai ri plus fort que les autres.



*



Mes doigts sont trempés maintenant. Mon sexe palpite, mon ventre aussi. Je suis au bord, à la frontière, là où le plaisir ne pense plus, il s’accapare de nous. Je sens que j’ai besoin de plus, pas par manque, mais par gourmandise.


Je remonte mes genoux, écarte davantage les cuisses, laisse ma main glisser plus bas, entre mes fesses, là où c’est plus intime encore, plus sensible, plus vulnérable. Je ne suis pas pressée, je veux savourer. Mon doigt glisse doucement, explore, la peau est fine, tendue, réceptive. Je respire plus fort, un petit rire m’échappe.


J’aime tout, je crois. Je n’ai pas tout essayé, pas encore. Mais ce que j’ai goûté, je l’ai aimé. Le sexe, c’est comme une carte au trésor, il y a toujours un nouveau recoin, un sentier inconnu, une cavité secrète. Je suis mon propre pays à découvrir.


J’enfonce mon doigt, lentement. C’est étroit, c’est chaud, c’est bon. Mon autre main continue sur mon clitoris, plus rapide, plus pressante. Je gémis, cette fois sans retenue. Ma bouche s’ouvre. Mon corps ondule. Je suis fluide, entière, traversée de moi-même.


Là, je suis dans le vrai, pas dans la représentation, pas dans le rôle, pas dans le regard d’un homme, d’un client, d’un juge invisible. Juste moi, offerte à ma propre intensité.


Je me pénètre plus profondément. Mes muscles se tendent. Mes deux mains travaillent ensemble comme un duo parfait, une symphonie charnelle. C’est proche. C’est là. Ça monte, ça monte, encore. Ça gonfle, ça vibre, ça s’envole. Et juste avant de jouir, une pensée me traverse, une image presque tendre :


Lui.


Le garçon que je n’ai pas encore touché, celui qui ne paie pas, celui qui pourrait me voir.



*



Il est arrivé comme ça, presque par erreur, dans une librairie, un samedi pluvieux. Moi, en jean trop moulant, lui, avec ses boucles en bataille et une voix un peu timide. Il m’a demandé si j’avais lu ce roman. J’ai répondu que oui, mais que je ne l’avais pas aimé. Il a ri, il trouvait ça sincère.


Il m’a alors offert un café, m’a parlé de ses envies, de ses doutes, de ses rêves de photographe à mi-temps. On a parlé longtemps, trop longtemps, jusqu’à ce que le monde autour disparaisse. Et j’ai eu peur. J’ai eu peur de ce que ça réveillait.


Avec lui, je ne savais pas comment me déshabiller, je ne savais pas comment feindre, je ne savais pas tout à fait comment être vraie. On s’est revus deux ou trois fois. Il était calme et attentif.


Il m’a frôlée un jour, du bout des doigts, à travers ma manche. Ce geste m’a bouleversée plus que toutes les mains avides, les corps pressés, les nuits payées. Je l’imagine parfois, là, sur ce lit, à la place d’un autre. Je me demande : est-ce qu’il me regarderait pareil s’il savait ? Est-ce que je pourrais lui dire ? Et surtout, est-ce que je saurais encore faire l’amour sans tarif, sans rôle, sans masque ?


C’est presque plus obscène, cette idée, plus nue que le reste. Je crois que je pourrais l’aimer. Mais est-ce que je veux ? Est-ce que j’en suis encore capable ?



*




J’avais des rêves, tout plein. Plein. Comme tous les enfants, j’imagine.


Je pouvais devenir physicienne, astronaute, infirmière, vétérinaire, prof de danse, interprète dans une ONG… Je voulais sauver le monde, comprendre l’univers, prendre soin, créer, guérir, voler. J’aurais pu faire tout ça. J’en étais convaincue. Je regardais le monde comme un buffet infini de possibles.


Et puis j’ai grandi, un peu, pas trop vite. J’étais à la fac, dans une ville moyenne, avec ses trottoirs gris et ses réverbères tristes. J’étudiais vaguement la biologie, ou la socio, je ne sais plus vraiment ce que je cherchais là. Je vivais dans un studio minuscule, qui sentait l’humidité et le thé au jasmin. Je parlais souvent d’amour avec mes amies. On en faisait des analyses comme en cours de philo, comme si chaque message reçu signifiait quelque chose. On se racontait nos histoires de garçons comme des romans dont on ne maîtrisait jamais la fin.


Je couchais aussi avec des gars gentils, ou un peu cons, ou juste paumés, des corps un peu pressés, un peu perdus. Je prenais du plaisir parfois, je faisais semblant d’autres fois. J’étais dans le don, mais ça me laissait dans l’indifférence. Un jour, par hasard, je suis tombée sur un témoignage d’une femme qui racontait son choix d’être escort, avec des mots si simples, si clairs, si lumineux que ça ne ressemblait pas à ce qu’on nous racontait d’habitude. Il n’y avait pas de misère, pas de drogue, pas de dégoût, juste du désir, de la liberté, du contrôle. Et quelque chose, en moi, a cliqué.


Et si mon corps n’était pas qu’un outil de séduction passif ? Et s’il pouvait être un terrain de jeu, de pouvoir, de don… et d’argent ? J’y ai pensé longtemps. J’ai tourné autour. J’ai testé des applis, des profils, je n’ai pas passé à l’acte de suite. Et puis, une nuit, un type plus âgé, qui écrivait bien sur une appli, a été direct : « Je peux te payer pour passer du temps avec toi. Rien d’obligatoire. Juste… de la compagnie. » J’ai eu un frisson, un frisson de curiosité et d’interdit. Un frisson pour cette idée avant tout, pas pour l’argent, pas d’abord, pour cette idée avant tout : « Et si, pour une fois, c’était moi qui décidais ? Et si je pouvais prendre ce qu’on m’avait toujours demandé de donner gratuitement… et le transformer en choix, en pouvoir, en plaisir ?


C’est là que l’idée s’est plantée, comme une graine minuscule, tenace, un chemin possible.



*



Je reste allongée, mon corps encore humide, détendu, flottant. La chambre est silencieuse. Le lit est un peu défait. Mes doigts sentent encore moi. Et mon cœur, lui, bat avec régularité, calme et je pense : est-ce que je pourrais arrêter ? Pas aujourd’hui, pas maintenant, mais un jour ? Est-ce que ce serait si difficile ? Je pense que non. Et en même temps… pourquoi le ferais-je ?


Je ne suis pas brisée. Je ne suis pas soumise. Je suis curieuse, vivante, joueuse. Tant que je suis là par choix, est-ce qu’il y a vraiment quelque chose à réparer ? Je pourrais arrêter. Mais est-ce que je le veux ?


Je me redresse lentement. Mes jambes pendent au bord du lit, un peu fléchies. La robe est remontée sur mes hanches. Je sens l’air frais contre ma peau nue. Je ne remets pas ma culotte. Je n’en ai pas envie. Je passe une main dans mes cheveux, je remets mes bretelles en place. Je suis prête.


Et puis : toc, toc, deux petits coups secs, polis, à la porte. Il est là. Je souris. Je me lève. Pas de stress. Pas de gêne. Juste la sensation étrange que je suis là où je dois être. Je traverse la chambre, talons nus sur la moquette. Je sens encore mes cuisses moites, mes lèvres ouvertes, l’écho de mon orgasme entre mes jambes.


J’ouvre la porte. Je suis nue sous ma jupe. C’est la chose la plus naturelle du monde. Il est là, droit, hésitant, presque ému. Et je murmure, sourire invitant aux lèvres :