Une Histoire sur http://revebebe.free.fr/
n° 23010Fiche technique29401 caractères29401
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Temps de lecture estimé : 20 mn
16/04/25
Présentation:  Ici, on ne juge pas. On chouchoute.
Résumé:  Bienvenue dans Les Petits Pieds de Vénus, un salon de pédicure niché dans un centre commercial à la mélancolie bétonnée. On y entre pour un soin des ongles, on en ressort avec l’âme repatinée, parfois même le clitoris vibrant.
Critères:  #recueil #humour #délire #érotisme #initiatique #volupté #personnages #magasin #groupe #fétichisme pied
Auteur : L'artiste      Envoi mini-message
Les Petits Pieds de Vénus

Où l’ongle devient oracle



Le centre commercial « L’Agora des Jours Tristes » porte bien son nom. Il a été conçu dans les années 90 par un architecte probablement payé en dépression nerveuse. Couloirs gris, musique d’ambiance qui hésite entre celle d’attente téléphonique et le chant des damnés. Un lieu sans horloge, sans saison, sans mémoire.


Et pourtant, au deuxième étage, coincé entre un vendeur de cigarettes électroniques et le TeaBag Meun, un bar à bubble tea, se trouve Les Petits Pieds de Vénus, un salon de pédicure à l’enseigne défraîchie, vaguement sexy, mais sans conviction.


C’est là que travaille Léopold.


Léopold, 38 ans, cardigan trop grand, regard doux comme un yaourt grec nature, et des mains caressantes telles un nuage de lait dans un café. Il ne parle pas beaucoup, mais, quand il lime un ongle, il écrit un poème invisible dans le carnet d’un orteil refoulé.


Un homme qui fait des soins de pieds, c’est déjà rare. Mais si en plus il fait des miracles épidermiques par la simple pression d’un pouce sur une voûte plantaire, là on entre dans une autre dimension.


Ses clientes ? Dévouées. Fidèles. Fanatiques, parfois.


Il y a Claudine, DRH en reconversion vers « quelque chose de plus sensuel, tu vois ? ». Elle vient tous les mercredis à 10 h pétantes, boit une tisane verveine-gingembre, et repart toujours avec un sourire en coin et un vernis couleur « Rouge Aphrodite ».


Il y a aussi Anissa, influenceuse beauté, qui ne poste jamais de story sur lui, parce que, dit-elle, « c’est trop intime pour Instagram, tu comprends ? »


Et puis, il y a Josyane, 72 ans, veuve de trois maris successifs, qui murmure à chaque rendez-vous : « Tu m’as réveillé les nerfs du bas, mon chaton… »


Toutes sortent changées. Détendues. Flottantes. Et pourtant, il ne fait rien de plus qu’une pédicure. Pas de massages coquins. Pas de paroles lubriques. Juste des gestes doux, précis, lents. Et parfois, une question, posée comme un gant de soie sur une blessure, et là… les larmes montent. Toujours. Dans les yeux. Pas dans les orteils.


Certains disent qu’il a été moine. D’autres qu’il a fait du mime thérapeutique en Lituanie. Une rumeur circule : il aurait été le modèle des mains sur les pubs de crème hydratante Nivea en 2007. Lui, il reste muet. Ses doigts taillent le silence dans la corne de l’oubli. Il attend.



________________




Aujourd’hui, la clochette de la porte tinte, avec une sonorité plus métallique que d’habitude. Une silhouette se découpe dans l’encadrement. Talons hauts. Jupe crayon. Regard qui juge et mâche du chewing-gum en même temps.



Elle s’appelle Diane, et vient déconstruire ce que d’autres nomment une expérience sensorielle transcendante des phalanges inférieures.


Léopold sourit à peine. Il lisse une chaise, et dit simplement :



Elle s’installe, comme une présidente de jury prête à noter un triple axel podal, et croise les jambes, décroise, recroise. Sa jupe crayon émet un crissement autoritaire.


Elle sort son téléphone et commence à taper un message. Léopold applique une serviette chaude sur les chevilles de Diane, lentement, comme on déploie un rite, puis récupère ses outils – lime, polissoir, repousse-cuticules. Des objets anodins, inoffensifs, presque absurdes, qui entre ses mains prennent une dignité religieuse.


Elle lève un sourcil.



Il commence le soin. Un ongle. Puis un autre. Ses gestes sont d’une précision chirurgicale, presque sadique dans leur délicatesse. Diane tente de ne pas réagir, mais elle sent déjà cette chose… cette chaleur étrange remonter depuis le talon.



Un silence. Puis un soupir. Le sien. Pas à elle. À lui. Ça lui arrive parfois devant un os trop raide. Une tension sous la peau. Un secret logé dans un coussinet plantaire.



Elle le fixe. Cligne des yeux, puis rit. Un peu trop fort.



Elle se fige. Il vient de poser la lime. Juste là. Sur la vérité. Diane se sent soudain très… humaine. Démaquillée par un pouce. Alors, elle regarde ailleurs, fixe le mur, les certificats de formation accrochés de travers. Elle s’apprête à répondre un truc cinglant, mais rien ne sort, parce que Léopold a pris son gros orteil entre ses doigts. Et à cet instant précis, elle ressent… un vide. Omniprésent.


Elle ne veut pas pleurer. Pas là. Pas devant ce type qui polit des pieds comme on repasse une vie.


Mais il murmure :



Il poursuit le soin, et elle, elle ne dit plus rien.


La suite se déroule dans un calme gluant d’intimité. De capitulation.


Une fois fini, il applique une touche de crème et expire un silence chaud, comme un secret déposé sur l’épiderme. Diane se rechausse lentement, comme si ses pieds étaient devenus trop fragiles, trop précieux pour être maltraités par du cuir.


Avant de partir, elle le regarde une dernière fois :



Et elle s’en va. Léopold, lui, nettoie ses instruments, puis se tourne vers la chaise vide et dit :





Claudine et les Larmes Vernies

(Ou comment un rouge cerise peut réveiller un utérus endormi)



Claudine arrive toujours en avance. Onze minutes exactement. Pas parce qu’elle aime l’attendre. Le fantasmer un peu. Se dire que bientôt elle s’y abandonnera, cuisses entrouvertes pour plus de confort, pendant qu’un homme appliquera des gestes doux et non négociables sur des zones qu’elle-même ne regarde plus sans lunettes et reniflement de mépris.


Elle a 43 ans, deux divorces, trois chats, et une libido qu’elle a rangée dans un tupperware émotionnel depuis l’épisode « Bernard et le vibromasseur qui parlait ». Elle pensait être devenue de ces femmes qui ne ressentent plus rien, sauf de l’acidité gastrique.


Mais depuis qu’elle a mis les pieds (littéralement) chez Léopold, elle doute.


Le premier soin ? Un frisson. Au deuxième ? Un abandon. Et au troisième, elle a failli demander s’il lui arrivait d’exercer en privé. Mais elle s’est abstenue, de peur de finir en position fœtale en chantant Dalida.


Aujourd’hui, elle veut plus. Elle ne sait pas quoi. Mais plus.



Elle prend place. Lui, il prépare ses outils. Et comme toujours, au moment où il effleure son pied, elle pense : « Voilà. C’est ici que ça commence. »


Cette fois, il scrute ses orteils. Longtemps.



Il lève un flacon. Un rouge profond, à peine vampirique, un peu insolent. Rouge Cerise 666, le genre de teinte qu’on n’applique pas à la légère.



Claudine fixe le vernis. Elle hésite. Elle songe à ses collègues, ses enfants, son miroir, et se dit : « Allez tous vous faire limer. »



Il sourit. Elle ferme les yeux. Et le soin commence.


Il pose une couche, puis une autre. Chaque trait du pinceau réveille en elle une langue oubliée. Elle sent des souvenirs remonter. Une main sur une hanche, un rire sous une couette, un dîner trop arrosé, une nuit qu’elle n’a jamais racontée.


Et puis ça se diffuse. Pas une chaleur sexuelle. Une tendresse. Une re-co-naissance.


Léopold, lui, tente de garder son calme, mais tremble un peu, parce qu’il sait ce que ce rouge provoque.


Et voilà. Ça y est. Une larme. Elle ne tombe pas sur la joue. Elle glisse depuis l’œil, lente, indécente, et vient s’échouer sur le genou.



Elle émet un petit rire nerveux et mouillé, puis elle pose sa main sur la sienne.



Il ne répond pas. Il souffle doucement sur ses ongles pour faire sécher le vernis ; elle pense que, pour une fois, ce n’est pas le rouge qui cache la blessure, mais qui l’honore.


En sortant du salon, elle claque du talon, se frotte à l’air comme si elle portait un orgasme en mode avion. Et elle sourit aux passants, sans raison. Plus tard, chez elle, elle s’assied nue dans sa salle de bain, regarde ses pieds et murmure :



Et elle se sent vivante.




L’Étrange Cas de Madame Toulemonde (et de son sixième orteil émotionnel)

(Ou comment un pied peut faire jouir une vie entière en position assise)



Madame Toulemonde n’est pas attendue. Elle ne figure sur aucun rendez-vous. Aucun créneau. Elle n’existe même pas dans la base client. Mais ce matin, à 10 h 37, elle passe la porte du salon, comme une tornade de cuir beige, de parfum trop floral et de lourds soupirs de préménopause refoulée.


47 ans. Enseignante en arts plastiques à la retraite. Militante féministe « pas contre la bite, mais faut qu’elle soit humble ». Et surtout, possédant une paire de pieds… comment dire… opulents.


C’est-à-dire qu’en retirant ses bottines, un plop charnel remplit la pièce, suivi d’un soupir de libération qui sonne étrangement comme : « Ah, enfin, mes armes de séduction massive. »


Léopold voit et comprend.


Ces pieds-là, ce sont des monuments. Des morceaux de féminité compactée par trente ans de compromis. Des talons qui ont tenu bon devant des profs, des élèves, des maris passifs-agressifs et un cousin relou. Des pieds avec du vécu, du gravier, et probablement des souvenirs sexuels planqués sous les cors.


Elle s’installe, écartant les jambes comme on déballe une offrande, puis souffle :



Et là, Léopold voit le sixième orteil émotionnel.


Il n’existe pas. Biologiquement, aucun surplus. Mais, spirituellement, il flotte, entre l’auriculaire et le néant. Un espace. Une vibration. Une attente. Un trou invisible, mais gorgé de frustration métaphysique.


Bain tiède. Huiles essentielles. Une pression circulaire sur les malléoles. Et déjà… les paupières de Madame Toulemonde papillonnent.


Puis il sort La Lime. Pas la petite. Pas la discrète. La grande. Celle en pierre volcanique qu’on n’utilise qu’en cas de situation lubrique avancée, et il commence à limer. Pas l’ongle. Non. La peau autour. Les rebords. Les zones sensibles qu’on oublie. Le liseré cutané du désir dormant. Et à chaque va-et-vient, elle frémit. Toute. Jusqu’au menton.



Et elle vrille.


Oui.


En pleine lumière néon. En robe pull. Sur un fauteuil en skaï couleur taupe. Jouissance silencieuse, mais intense. Pas une explosion. Une implosion. Une contraction du temps dans une voûte plantaire oubliée. Un orgasme de pied. Pur. Long. Pas sexuel, mais… sensuel.


Elle reste assise, yeux dans le vague, mamelons probablement en retraite anticipée.


Puis elle murmure :



Avant de prendre congé, elle sort un billet de 100 euros, le plie en origami pied gauche et le glisse dans le pot à pourboires.


Léopold note dans son carnet :


Certaines femmes ont des orgasmes vaginaux. D’autres des podaux. Les plus chanceuses ont les deux. Celles qui viennent ici repartent avec un bonus dans la voûte.




Diane revient, mouillée dès l’accueil, et elle veut tout.

(Ou comment la pédicure est devenue une descente aux enfers de plaisir, avec vernis semi-permanent et orgasme transcouche.)



Le centre commercial a des fragrances de pluie et de nouilles instantanées. Une météo intérieure typique des jeudis mornes à l’Agora des Jours Tristes.


Mais Léopold, lui, savait. Il l’avait senti dans sa lime. Une tension dans le manche. Une vibration presque imperceptible au fond du flacon de dissolvant à l’hibiscus. Diane allait revenir.


14 h 02. Portes battantes. La voilà. Pieds mouillés. Chemise blanche qui colle à la peau comme un orgasme en coton. Cheveux détrempés, regard de panthère constipée par le désir.


Elle entre. Clac. Clac. Clac. (Ce n’est pas ses talons. Ce sont ses pulsations intimes qui résonnent dans son bas-ventre.)


Elle pose son sac, retire ses chaussures et dit, sans bonjour, sans sourire :



Léopold se redresse, essuie ses mains sur une serviette molletonnée et répond :



Il hoche la tête. Elle n’est plus une cliente, il la regarde comme une symphonie en attente de partition. Elle s’installe alors que lui s’agenouille. Ses pieds sont mouillés. Trempés. Un mélange de pluie, de sueur, et peut-être de préjouissance plantaire.


Il commence par les arches et trace de longues lignes avec son pouce.



Léopold masque un discret sourire carnassier et lui écarte les orteils avec un doigté qui relève du rituel tantrique. Chaque articulation craque comme une promesse. Il explore le deuxième à gauche, celui du doute, puis le petit à droite, celui des caprices. Diane s’enfonce dans la chaise. Ses fesses font des micro-vagues contre le similicuir.


Puis il masse la plante. Avec une huile tiède. À la fève tonka et aux regrets bien cuits.



Et là, elle explose.


Premier orgasme. Podal. Fulgurant. Elle tremble des mollets et serre les dents. Ses cuisses se referment comme le ferait un coquillage pudique surpris par la marée. Elle doute un micro-instant, puis, finalement, retire sa culotte (bordeaux, dentelle, ambiance : « j’ai hésité devant le miroir »), la laisse tomber au sol et dit :



Léopold hausse un sourcil, puis se lève. Sans se presser. Il ôte son tablier et sort un coussin, le cale sous ses genoux. Et là, sans un mot, il glisse deux doigts de sa main droite dans le vagin, pendant que son pouce gauche poursuit le massage de voûte. Un double mouvement circulaire synchronisé.


Diane bascule la tête en arrière et pousse un cri court, net, limite administratif. Elle mord sa manche, et bande des orteils. Léopold, imperturbable, continue. Soigne ses douleurs avec une cadence de moine bouddhiste sous Lexomil.


Et enfin, elle jouit. Pour de bon. De partout en même temps. Le vagin, les pieds, le cou, la mémoire, le karma. Un orgasme global. Systémique. Une panne d’identité tellement ça vient fort.


Elle s’évanouit brièvement. Quand elle revient à elle, il lui tend une serviette, une tisane et un flacon de vernis couleur « Extase perlée n° 9 ».



Elle rit faiblement, puis murmure :





La Nuit des Pieds Libres

(Ou comment un centre commercial s’est transformé en culte de l’orteil partagé)



Ça commence par une rumeur. Un flyer imprimé sur du papier cartonné couleur corail et glissé dans les sacs des clientes :


Les Petits Pieds de Vénus vous invitent à une nuit de libération plantaire.

Un massage pour tous. Une onction pour chacun. Une vérité pour vos talons. »


Derrière : un horaire. Un dress code : pieds nus, esprit ouvert. Et une signature en bas : un orteil stylisé avec une auréole.


Le buzz est immédiat. Dans les couloirs de l’Agora des Jours Tristes, on ne parle que de ça. La boutique de leggings K-Wet suspend ses soldes. Le kiosque à sandwichs « Pain & Graisse » ferme exceptionnellement à 18 h. Même la sécurité est briefée : « Si ça gémit, c’est normal. »


Et à 20 h pile, elles arrivent. Des corps aux pieds tremblants d’anticipation. Certaines viennent avec de l’huile essentielle dans leur sac à main. D’autres déjà pieds nus et en peignoir.


À l’intérieur du salon, Léopold a tout préparé. Des coussins au sol. Des serviettes chaudes roulées… des sushis de tendresse. De l’encens léger – note de cardamome et fétichisme discret. Une lumière tamisée. Des nappes de musique douce, où les synthés soupirent comme des clitoris bien ventilés.


Et là, il parle. Sa voix, grave, lente, presque biblique.



Un murmure. Une onde. Puis les couples se forment. Les duos. Les trios.


On commence à masser. Tendrement. Un pied par ici, deux par là. Des orteils entrelacés. Des talons posés sur des cuisses. Une femme fait des ronds avec sa langue sur un ongle fraîchement verni. Une autre gémit alors qu’on lui mord doucement le coussinet plantaire gauche. Et Léopold passe, parfois prend un pied entre ses mains et le caresse. Le bénit. La personne jouit sur place. Silencieusement. Ou bruyamment, selon le karma.


Claudine, nue sous une étole en mohair, suce un orteil avec dévotion. Josiane lit du Camus pendant qu’on lui malaxe la voûte. Anissa, en string léopard, lèche un talon en pleurant.


Diane, elle, trône. Assise sur le fauteuil de Léopold. Deux femmes à ses pieds. Une autre sous sa jupe. Et elle murmure :



Léopold, quant à lui, ferme les yeux, écoute les souffles, les gémissements, les petits cris, le frottement contre les coussins, le son de la honte qui se dissout dans l’huile de sésame tiède. Il n’est plus un pédicure. Il est un passeur. Un chaman. Un guérisseur des âmes fêlées par les talons trop serrés de l’existence.




L’Inspection Générale

(Ou comment deux fonctionnaires ont failli perdre leur foi dans une voûte plantaire communautaire)



Le Ministère de la Santé et de la Propreté Intime (nouveau nom depuis la réforme de 2024) avait reçu des plaintes anonymes. Ça sentait la secte, la moiteur, le danger sanitaire parfum lavande. Alors, ils ont envoyé les deux plus tristes fonctionnaires de la République. Madame Faure, 52 ans, croque-mort dans une autre vie, haleine au vinaigre blanc, culotte en nylon renforcé. Monsieur Dantier, chauve par esprit de discipline, en couple avec une imprimante depuis 2006.


Ils arrivent le lendemain matin de La Nuit des Pieds Libres. Le centre commercial est encore engourdi, comme après une partouze d’âmes.


Ils toquent.


Léopold ouvre en peignoir. Pieds nus.



Ils regardent autour d’eux, et ce qu’ils voient les frappe de plein fouet. Des coussins tachés d’huile. Des serviettes mal roulées et témoins de massages équivoques. Au mur, une photo de Diane en train de lécher le gros orteil de Claudine, nue, yeux clos, auréoles floues.


Faure fronce le front. Dantier transpire déjà. Un parfum de sexe doux flotte dans l’air, comme si le salon avait absorbé des soupirs.



Léopold les regarde. Calmement.



Faure tousse. Dantier bafouille.



Mais Léopold prend la main de Madame Faure et l’attire vers le fauteuil. Elle s’assied. Il lui retire ses chaussures.



Elle ouvre la bouche pour répondre, mais ferme finalement les yeux et gémit.


Et c’est alors que Dantier saisit l’opportunité de sa vie. Cela fait onze ans qu’il tente de séduire Faure à coups de rapports bien formatés et de compliments sur ses classeurs. Rien. Mais là… là, il la voit frémir sous la caresse d’un inconnu sur son pied gauche.



Faure rouvre un œil. Surprise. Piquée. Presque choquée.



Mais elle ne dit pas non. Trop tard. Trop curieuse.


Dantier s’agenouille. Il a le regard d’un homme qui vient de comprendre l’éveil du clitoris à travers le pied qu’il saisit avec une douceur inespérée. Il a retenu la leçon : les orteils sont des sexes qu’on peut montrer.


Il commence à masser, maladroitement, mais sincèrement. Il improvise un langage amoureux par les phalanges. Faure pousse un soupir… Un vrai. Court. Contenu. Fonctionnaire. Puis… une larme. Une confession. Une faille.



Il ose. Il sort le prénom à voix basse. Comme une incantation. Elle glousse. Puis, dans un moment d’oubli bureaucratique total, elle ouvre les cuisses. Légèrement. Dantier comprend et pose ses lèvres sur le dessus du pied, glisse sur la cheville, puis monte, juste là, au creux… pour mettre un petit coup de langue là où ça pulse.


Faure gémit comme une clause mal traduite. Et d’un coup, elle le tire vers elle. Il bascule sans grâce, mais avec ferveur. Les papiers tombent. Le formulaire 41B vole dans les airs.


Elle arrache sa chemise. Il tente de retirer son pantalon sans quitter le fauteuil. Ça rate. Il chute à moitié, mais elle le rattrape avec ses jambes. Pieds croisés dans son dos.


Ils font l’amour comme deux personnes ayant rempli trop de tableurs sans jamais être touchées. C’est moite. C’est maladroit. Ça claque. Ça pleure un peu. Elle jouit en murmurant « validation administrative… » et lui finit en soupirant « fonction publique… »


Ils repartent décoiffés et étourdis. Dans le rapport qu’ils enverront à la hiérarchie, on pourra lire :


Nous n’avons observé aucune infraction directe. Toutefois, nous recommandons un classement du site comme centre expérimental de libération podale et émotionnelle.

PS Le parquet était un peu collant. À désinfecter.



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Une heure plus tard, une cliente entre dans le salon. Nouvelle. Jeune. Elle s’assied, tend ses pieds, et dit :



Léopold sourit, y pose ses mains et répond :





FIN




Chapitres Bonus :

Parce qu’il en fallait un, alors clique ici pour savoir comment Léopold découvre la dernière phalange et voit l’intérieur de l’univers.

Clique ici pour que ton ongle incarné se mue en une zone érogène insoupçonnée.


Le Massage Interdit de l’Hallux Suprême

(Ou comment Léopold découvre la dernière phalange et voit l’intérieur de l’univers)



Ce chapitre n’a jamais existé. Il n’est pas dans les souvenirs de Diane et n’a été raconté qu’à demi-mot, autour d’un couscous à l’huile de jasmin, entre deux pieds qui frémissaient sous la table.


Mais voici ce qu’on murmure :


Une nuit. Très tard. Léopold était seul dans son salon. Il s’entraînait et essayait de se masser lui-même. Pas par narcissisme. Par exploration. Par curiosité professionnelle. Et parce qu’il sentait… une tension. Quelque part entre le sphincter de l’âme et le petit orteil gauche.


Il a commencé doucement. Crème tiède, doigts souples. Il a caressé son propre pied comme on lit une lettre de rupture. Et là… il a découvert un nerf qu’il ne connaissait pas. Un point de fusion. L’Hallux Suprême. Un nœud énergétique niché dans une zone que même les podologues tibétains refusent de nommer.


Il a appuyé. Juste une fois. Et son anus a cligné. Pas de peur. De compréhension. Il a senti une onde traverser son périnée, faire une pause à la prostate, envoyer un e-mail à son cœur, puis exploser dans sa rétine.


Il a vu Dieu. Un Dieu-pied. Un orteil géant, auréolé de vernis transparent, flottant dans l’espace. Et ce Dieu lui a dit :


  • — Léopold… tu as ouvert la dernière phalange. Tu es prêt.

Puis tout a disparu. Il s’est réveillé le lendemain, nu, son gros orteil brillait. Littéralement. Depuis, il ne touche plus les pieds comme avant. Il les bénit. Il les entend.


Parfois, quand il effleure un talon bien hydraté, il entend une musique céleste en La mineur et des chœurs qui chantent « Respire par tes orteils, petit agneau. »


Ce chapitre, bien sûr, n’existe pas officiellement, mais certains prétendent que, si tu demandes à Léopold « le Soin du Neuvième Orifice », il ferme la porte, baisse les lumières, sort une huile très rare et murmure :


  • — T’es sûr de vouloir voir à l’intérieur du cosmos par ton pied ? Parce qu’après ça, tu peux plus jamais porter de chaussettes normales.



Pour Maryse

(Le Jour où le Commentaire S’écrivit sur la Peau)



Le centre commercial « L’Agora des Jours Tristes » est toujours aussi déprimant. Une atmosphère générale d’attente sans fin. Mais une silhouette traverse ce décor gris avec une certaine fébrilité : Maryse.


Jupe fluide, humeur nerveuse, et une douleur discrète au pied gauche : un ongle incarné qui n’en fait qu’à sa tête depuis trois jours.


Ce n’est pas ça qui l’a poussée ici. C’est une envie. Sourde. Inavouable. Tapie quelque part entre son talon et son imaginaire. Depuis qu’elle a lu «  Une Empreinte dans le Sable », et qu’elle a commenté cette histoire, un peu trop sincèrement, elle y pense. L’été approche, et ses petons doivent être irréprochables et sexy…


Clochette. Odeur d’huile d’amande douce et de péché contenu. Léopold relève les yeux, la voit, et quelque chose se fige en lui. Il fixe ses sandales ouvertes. Cet ongle légèrement enflammé. La forme des orteils. La ligne de la voûte. Et là, il comprend.


  • — Ce pied… C’est… C’est vous ? Vous ? Ma… Maryse ? LA Maryse de Revebebe ?

Elle fronce les sourcils, sourit à moitié, intriguée.


  • — Vous lisez… Revebebe ?
  • — Surtout les récits fétichistes, évidemment… et je suis tombé sur votre évaluation, délicieuse, en priant pour être le pédicure heureux élu.

Maryse rougit. Mais un éclat passe dans son regard. Un éclair de défi. Léopold vient de déverrouiller une porte qu’elle gardait entrouverte. Et soudain, le salon prend une tout autre teinte. L’ongle incarné ? Une excuse. L’excitation ? Bel et bien là.


  • — Installez-vous, murmure Léopold, comme un prêtre trop lent.

Elle retire sa chaussure et lui tend son pied comme un secret.


Il tremble. Et s’agenouille. Pose ses doigts autour de la cheville. Respire, puis commence la pédicure. Sa lime frôle avec une tendresse de vierge concentrée, et les orteils de Maryse frémissent.


  • — Vous avez toujours été… aussi appliqué ? interroge-t-elle, la voix basse, presque moqueuse.

Il répond par un baiser sur l’ongle. Juste un. Elle tressaille.


  • — Voilà. Maintenant… c’est plus un soin, Léopold. C’est une invitation.

Il lève les yeux. Elle sourit et écarte lentement les cuisses, laissant entrevoir un triangle de dentelle d’un blanc si tendu qu’il pourrait servir à filtrer les fantasmes.


  • — Montre-moi si t’as bien lu mon commentaire, mon doux adorateur de voûtes.

Et là, il plonge. Sa bouche se referme sur son gros orteil comme on déguste une relique. Il le suce. Tendrement d’abord. Puis plus fort. Maryse halète.


Elle remonte sa jupe d’un geste vif et glisse ses doigts sous sa culotte. Elle est déjà trempée.


  • — Oui… dévore-moi comme t’as fait pour mes mots, Léopold…

Il passe au deuxième orteil, puis au troisième, les lèche un à un avec une ferveur qui frôle l’hérésie. Ses mains caressent les mollets, puis les cuisses. Mais il ne va pas plus haut. Pas encore. Elle, elle gémit. Un doigt en elle, un autre sur son clitoris, elle savoure, comme si chaque succion sur ses phalanges envoyait une onde directe dans son bas-ventre.


  • — Tu veux jouir, hein ? Mais tu vas d’abord me regarder me salir pour toi.

Léopold lève la tête. Il voit la vulve trempée, la culotte à peine repoussée. La chatte est luisante sous la lumière douce du néon. Il est à genoux, et pourtant il vibre d’adoration.


  • — Mets-toi debout, lui ordonne-t-elle. Là. Devant moi.

Il obéit. Elle glisse son pied nu entre ses cuisses, atteignant sa braguette.


  • — Sors-la.

Sa verge est tendue, rouge, pulsante. Maryse se mord la lèvre, grisée par la puissance ressentie.


  • — Mmh ! C’est mes mots ou mes pieds qui te font bander comme ça ?

Elle enserre la queue offerte. Vernis éclatant. Et commence un mouvement lent, souple et hypnotique.


  • — Tu vas jouir, comme Antoine. Je veux être ton Elsa.

Elle le masturbe ainsi, avec une maîtrise de prêtresse antique. Ses pieds glissent, pressent, caressent le gland. Les orteils se referment autour, malaxent, pincent légèrement.


  • — Regarde-moi. Et dis mon nom.
  • — Maryse… Maryse… Maryse…
  • — Plus fort, bébé pédicure.
  • — MARYSE !!!

Et là, il explose. De puissants jets, chauds, giclent sur les chevilles de Maryse, qui éclate de rire, triomphante, les yeux brillants, et laisse un peu la semence couler sur sa peau délicate.


  • — Voilà ce que t’as gagné pour avoir bien lu mes commentaires, mon chat.

Elle se rhabille sans se presser. Puis se penche, lui embrasse le front et murmure à son oreille :


  • — Et dis-toi bien une chose : peut-être que je reviendrais marcher pieds nus dans ta boutique.

Elle rajuste sa jupe, se rechausse et sort. Pas honteuse. Souveraine.


Léopold, lui, reste là. En silence. Les mains tremblantes, le sexe encore douloureusement sensible.


Et sur le carnet des rendez-vous, il écrit :


Maryse, aux pieds de cerise.




FIN