n° 23046 | Fiche technique | 7149 caractères | 7149 1294 Temps de lecture estimé : 6 mn |
10/05/25 |
Présentation: Un texte que vous pouvez facilement vous abstenir de lire | ||||
Résumé: Petite élucubration sur un sujet qui n’en est pas vraiment un | ||||
Critères: #exercice #humour #pastiche #chronique | ||||
Auteur : Charlie67 Envoi mini-message |
Collection : les clichés ont la vie dure |
Bonsoir tous, installez-vous confortablement, prenez une petite bière ou un thé, selon votre goût et apprêtez-vous à lire mes fadaises.
Enfin, ne vous sentez surtout pas obligés.
Il faut dire que quand on n’est pas motivée par un sujet, il n’est pas évident de disserter dessus. Alors, me direz-vous, pourquoi te lances-tu dans cette aventure ? Ben, parce que j’ai promis… !
Ben oui, quoi, un échange de bons procédés : Tu me ponds un texte pour tel concours, OK si tu en ponds un pour la série des clichés. Voilà comment on se retrouve devant une page blanche sans trop savoir comment la noircir…
Bon, il faut peut-être commencer par le commencement, non ? C’est quoi : un cliché ? Vite, Google mon ami, que m’apprends-tu ?
Cliché :
Nom masculin
1. Image négative d’une photo.
Holà, me dis-je, vais-je devoir rouvrir mes livres d’histoire pour pouvoir disserter sur les arcanes de la photographie en partant de Nadar et Niepce et en passant par Doisneau et Capa ? Non, passons à la deuxième acception.
2. Plaque en relief pour la reproduction, l’impression typographique.
Mais dans quoi me suis-je donc fourrée, c’est que je n’y connais strictement rien en typographie. Passons à la troisième définition, en plus classée sous « péjoratif » … Ça ouvre des horizons.
3. Idée ou expression trop souvent utilisée (synonymes : banalité, poncif, lieu commun, truisme)
Ah, ah voilà qui est nettement plus intéressant. L’amusant est que nous en utilisons quotidiennement. Qui n’abuse pas des« du coup », « en fait », pas de souci » ou « ça me va ».Ce sont des choses tout à fait usuelles dans nos conversations.
Moi qui lis beaucoup, livres et journaux, je savoure les : « alignement des planètes », « avoir le vent en poupe », « la cerise sur le gâteau », « être dans la tourmente », « avoir la langue de bois » et bien sûr l’incontournable« carpe diem ».
Les clichés, il en apparaît de nouveaux tous les jours. J’ai relevé que pour parler de notre président, Monsieur Macron, les médias le trouvent « clivant » … Et c’est reparti pour relire ce mot à chaque détour d’article politique.
Bref, je pourrais vous en étaler encore des dizaines, quitte à faire dans le lieu commun… ! Toutefois, le but est tout de même de s’amuser et de ne pas juste faire une bête énumération.
Dès qu’on grandit, on nous gave de bons conseils. Des proverbes. Des phrases toutes faites prêtes à être serinées lors de réunions professionnelles (ou électorales) ou que l’on retrouve sur un mug publicitaire que vous avez eu la chance de gagner après avoir collectionné cinq mille points de quelque chose.
Mon cliché préféré : « il faut suivre son cœur » … Alors, j’ai suivi le mien qui m’a incité à appeler Uber Eat et m’a fait commander des sushis, puis à m’avachir devant Netflix pendant un bon nombre d’heures… ! Que voulez-vous, mon cœur est un gros flemmard, assez lâche et très porté sur les facilités culinaires.
On m’a aussi dit : « Quand on veut, on peut ». Ah oui ? Alors j’aimerais bien pouvoir télétravailler depuis une plage des Seychelles, devenir millionnaire sans même jouer au loto et parler couramment le japonais sans jamais l’apprendre (quoique, cela dépend du prof…). Donc, je veux très fort, mais je peux… rien du tout. Apparemment vouloir, c’est bien, mais pouvoir, c’est quand même mieux, si on y arrive.
Il y a son corollaire, tout aussi célèbre : « chacun fait ce qu’il veut ». Sauf que, quand moi je veux et que toi tu ne veux pas, ben on est juste parti pour une soirée de « soupe à la grimace » … Tiens, c’en est aussi un, de cliché !
Ensuite, il y a ce monument de sagesse : « Ce qui ne tue pas te rend plus fort ». Alors, je ne sais pas pour vous, mais personnellement, il y a tout de même pas mal de trucs qui ne m’ont pas tué (dommage, diront certains…). Je me sens surtout fatiguée, irritable et intolérante, un peu au gluten et beaucoup à la connerie humaine. Plus forte ? Probablement pas, juste beaucoup plus cynique.
Ma cousine Gertrude, elle, est adepte du fameux : « Il faut savoir tourner la page ». Sauf qu’elle les tourne tellement vite qu’on pourrait comparer sa vie à un magazine people. En deux ans, elle a changé huit fois de job, dix-huit fois de mecs et trente-quatre fois d’esthéticienne. À force de tourner la page à une telle cadence, elle va devenir un maelstrom, la Gertrude.
Mon Coach de vie m’a récemment dit, avec l’enthousiasme suspect de quelqu’un qui boit du jus de betterave tout en parlant de l’alignement des chakras, que : « chaque échec est une leçon ». Bon, si j’en crois mes derniers jours, j’en ai eues, des leçons. J’ai appris à foirer un soufflé, j’ai appris comment poser une étagère qui se casse la gueule quand on y pose un bouquin et surtout j’ai appris ce qu’est un râteau lors d’une rencontre censée être romantique. Que de leçons, je m’autocongratule de toutes ces choses apprises !
Bien sûr, bien sûr, il y a le suprême cliché, le poncif qui règne sur tous les autres, comme Sauron sur la terre du Milieu : « Le bonheur est dans les choses simples ». Oui, enfin, sauf que ces choses simples, on les trouve sur You tube, chez des influenceurs drapés de tabliers blancs immaculés, dans des cuisines toutes aussi immaculées et avec des produits dont je ne me souviens même pas du nom. Moi, mes choses simples, c’est une pizza surgelée que je n’aurais peut-être pas cramée ou un kebab de la boutique turque du bout de la rue et une soirée à surfer sur le net sans avoir de plantage.
Ceci dit, il « faut garder le moral », n’est-ce pas ? Sinon, il paraît que c’est mauvais pour le foie, ou la rate, ou la bile, enfin un de ces trucs qu’on a dans le ventre et qui peut nous pourrir la vie. Et si jamais, tout va vraiment mal, on philosophera en disant que « demain est un autre jour ». C’est techniquement tout à fait exact. Cependant, si vous êtes un dimanche soir, peinard devant la téloche et que vous savez que demain vous avez une réunion intitulée : synergies croisées des paradigmes disruptifs des écosystèmes interfonctionnels… Il y a des chances que vous préféreriez rester au dimanche.
Pour conclure, méfiez-vous des clichés, poncifs et autres lieux communs. Ce sont des phrases en kit qu’on vous vend comme des vérités profondes. Mais souvent elles tiennent aussi debout qu’une armoire Ikea montée d’après un manuel en Inuit et quelques vis manquantes.
Alors, personnellement, je dis : vive l’absurde et le non conventionnel, et surtout, vive ceux qui vivent leur vie sans la faire rimer avec des proverbes. Mais avec beaucoup d’autodérision, je terminerais ces absurdités qui à force doivent vous ennuyer.
Toutefois, toutefois, comme j’espère vous l’avoir démontré, on n’échappe pas au cliché. Il est en nous, ancré dans nos âmes et surtout nos habitudes linguistiques. Pourquoi vouloir batailler pour les extirper de notre être, surtout que notre environnement nous en remet chaque jour une nouvelle couche. Laissons faire et « carpe diem »… Zut, encore un cliché… !
Et oui, les clichés ont la vie dure.
Merci d’avoir fait l’effort de lire jusqu’au bout, cette futilité hautement philosophique. Pour paraphraser le très regretté Pierre Desproges, c’était la minute nécessaire, non de monsieur Cyclopède, mais de Charlie.