n° 23048 | Fiche technique | 25206 caractères | 25206 4053 Temps de lecture estimé : 17 mn |
10/05/25 |
Résumé: Un secret chuchoté entre initiés. Aziel, voyageur hédosensuel désabusé, touche peut-être au terme de sa quête chimérique… au seuil de ce monde dont il perçoit les fragrances. | ||||
Critères: #délire #érotisme #sciencefiction #fantastique #initiatique jardin | ||||
Auteur : Leo Aristys Envoi mini-message |
Le voile palpite.
Une membrane irisée, vibrante, suspendue entre les dimensions. Aziel tend la main. La surface ondule sans résister. Juste avant d’entrer, il marque un temps d’arrêt. Toujours ce réflexe. Le dernier doute. L’instinct du voyageur qui, même blasé, sait que certains seuils ne se franchissent qu’une seule fois. Il soupire.
Encore une promesse…
Traverseur de mondes passé maître dans l’art de franchir les seuils de réalité, chaque escale lui avait vanté ses sirènes, plaisirs garantis, extase brevetée, qu’on lui avait vendus comme un parfum rare. À chaque fois, il y a cru. À chaque fois, il a fini par voir l’ombre derrière le voile : l’algorithme, la boucle, la ruse. Il a ri. Il a joui. Puis il a fui.
Il était devenu un cynique des sens, un explorateur en manque de vertige. Toutefois, son corps se souvenait. Il restait affamé de quelque chose qu’il n’avait jamais encore goûté.
Mais cette rumeur, cette légende – transmise non comme une information, mais comme un murmure entre initiés, entre hédosensuels – elle résonne autrement.
Un jardin vivant, disent-ils. Qui t’écoute. Qui répond à ce que tu es, pas à ce que tu veux. Un monde sans triche. Un monde sans mensonge.
Une bouffée d’odeur traverse le voile. Une senteur qu’il ne peut nommer, mais qui le traverse au plus intime. Pas une odeur – une mémoire. Ou plutôt : un souvenir qu’il n’a pas encore vécu.
Et si… c’était différent cette fois ?
Soudain il se sent nu. Nu de toutes ses défenses, de ses sarcasmes, de ses protections.
Peut-être que ce monde-là ne s’offre qu’à ceux qui n’y croient plus. Peut-être qu’il ne s’ouvre qu’aux âmes fendues.
Il pose un pied dans la lumière trouble. La membrane cède sans bruit.
Et Aziel, pour la première fois depuis longtemps, ne joue plus un rôle.
Il entre.
___
L’entrée du jardin est un enchevêtrement de lianes luminescentes, humides de rosée, respirant à son approche comme une créature vivante.
L’air est tiède, chargé de senteurs complexes, végétales, auxquelles se mêlent des touches d’algues, de musc, de chair, de fluides vénériens. Chaque respiration devient une caresse qui affole ses sens.
Comme une évidence, il se débarrasse de ses vêtements et offre son corps nu aux contacts délicats des herbes hautes qui l’effleurent. Le sol est couvert d’une mousse épaisse qui ondoie sous ses pieds.
À chaque pas, les herbes s’écartent doucement, puis reviennent contre sa peau comme autant de caresses, fluides et attentives, comme des langues végétales.
Un neuro-chuchoteur lui murmure :
Ici, aucun danger n’est à redouter.
On peut y manger tous les fruits qui y poussent, tant pour se nourrir que pour se désaltérer.
Pour vivre une expérience ultime, il faut lâcher prise et se laisser porter.
Les plantes sont avides de la moindre parcelle de l’essence des plaisirs distillée par le corps, pour lui révéler et exacerber des sensations dont il n’avait pas conscience.
Cette nature sensorielle est délicate, mais elle saura se défendre en cas d’agression à l’aide de poils urticants provoquant de sévères irritations génitales et un priapisme persistant durant plusieurs heures, qu’aucune masturbation ne saura calmer.
Le neuro-chuchoteur se tait, laissant le silence moelleux du Jardin emplir l’esprit d’Aziel.
Autour de lui, de hautes herbes ondulent sous une brise tiède, libérant des effluves sucrés, enivrants. Chaque mouvement fait vibrer l’air d’un bruissement tendre, une musique organique qui semble battre au même rythme que son propre cœur.
Aziel avance lentement, prêtant ses flancs, ses cuisses, son sexe, tout son corps à ces caresses végétales.
___
Les premiers frissons l’envahissent, doux, discrets, fourmillements sous la peau. Puis la sensation s’intensifie : une chaleur se diffuse dans son ventre, un picotement voluptueux se propage des reins à la gorge.
Que se passe-t-il ? Cette torpeur sensuelle qui m’envahit, me submerge… se peut-il que je sois parvenu au terme de ma quête ?
Il se surprend à sourire – un sourire de délice pur – alors qu’il sent ses résistances se dissoudre. À chaque pas, le plaisir grandit, profond, enraciné, une onde lente qui l’appelle à s’y noyer.
Dans cet abandon progressif, il réalise qu’il n’a même plus envie de penser. Il n’est plus un voyageur, un homme, ni même une conscience : il est sensation.
Cette luxuriance qui s’ouvre à son passage n’est plus seulement un décor vivant, mais des mains expertes, précises, presque conscientes qui explorent chaque parcelle de sa peau pour y traquer la moindre étincelle de plaisir, l’attiser et la faire brasiller.
Ils savent.
Le neuro-chuchoteur a repris, sa voix plus feutrée encore qu’un soupir :
Avant même que tu ne le ressentes, ils devinent ce qui te traversera. Le Jardin lit ton corps comme un livre ouvert.
Aziel s’arrête. Quelque chose change.
Dans cette tempête sensorielle qui se lève, ses sens s’affinent. Il discerne des sons. Des souffles, des soupirs, des gémissements, des râles, des cris étouffés.
Il n’est pas seul dans ce jardin. D’autres voyageurs, d’autres âmes, d’autres solitudes semblent avoir trouvé le chemin de ce lieu merveilleux.
Saturé de sensations, soumis à ces effleurements qui se muent en attouchements, il est électrisé. Le moindre frisson s’amplifie, son sexe dressé comme une offrande au milieu de la luxuriance. Des vrilles végétales viennent explorer et jouer avec ses tétons qui, pour la première fois, durcissent, se boursouflent de désir, deviennent sources de plaisirs intenses – une révélation qui le saisit et le tétanise sur place.
Un plaisir si neuf, si intense, qu’il n’a même pas les mots pour le penser. Ces pointes si sensibles qu’il avait toujours ignorées, le Jardin les connaît, et le lui révèle.
Troublé, Aziel comprend qu’il entre dans un territoire au-delà du plaisir. Un territoire où le corps n’obéit plus à l’esprit, mais à des lois plus anciennes, plus profondes, que seule cette nature souveraine connaît.
___
Encore frémissant de ses découvertes, Aziel parvient à une clairière baignée d’une lumière bleutée. Entre des pierres couvertes de mousse s’étend une baignoire naturelle, large et profonde, emplie d’une eau limpide dont la fraîcheur exhale une senteur d’argile et de fleurs écrasées.
À peine le dernier rideau d’herbes franchi, il les voit.
Un couple – un homme et une femme, nus au bord du bassin, luisants de sueur. Enfermés dans un déchaînement lubrique qu’ils tentent de contenir par une masturbation frénétique.
Saisis d’un impérieux prurit orgasmique, ils râlent l’un et l’autre :
Aziel les voit jouir à tour de rôle, les longs jets de semence et les ruissellements de cyprine aussitôt absorbés par la végétation, avec une avidité douce, presque reconnaissante.
Les feuilles se dressent vers les fluides comme des langues vertes, les buvant avant qu’ils ne touchent le sol.
Aziel reste figé, sidéré, à mi-chemin entre fascination et effroi à la vue de ce couple haletant, ravagé de spasmes exténuants, les yeux révulsés, proies d’une fièvre libidineuse incontrôlable.
La voix du neuro-chuchoteur se glisse dans son esprit, plus grave, teintée d’une compassion distante :
Aucune crainte. Ils sont en voie de retour. Leur état n’est que transitoire.
Ils ont tenté de contraindre le Jardin. De prendre sans écouter. De déchirer, de forcer. La nature prodigue se donne… mais jamais ne se laisse soumettre.
Aziel, toujours hypnotisé, sent un frisson lui parcourir l’échine. Non de peur, mais d’une forme de respect sacré.
Une pause. Comme si le murmure laissait aux sens le temps de s’infiltrer dans sa conscience.
Le Jardin punit sans mutiler. Il enseigne. Il réajuste. Et bientôt… ils seront libérés. Leur corps aura appris. Leur âme, peut-être aussi.
Il recule d’un pas, humble.
Et dans ses reins, pourtant, la chaleur du désir reste vive.
Un rire cristallin le tire de ses pensées.
Sur le sol recouvert d’une mousse épaisse et tiède, à demi dissimulée dans une corolle d’ombre et de lumière, un corps de femme repose, enveloppé d’une myriade de fleurs, les seins recouverts de petites orchidées violettes qui frémissent comme sous un vent intime. Ses cheveux : une cascade de feuilles argentées. Et son regard : mutin.
Elle tend une main paresseuse vers lui.
Des vrilles minuscules dansent autour de ses doigts, comme si les plantes elles-mêmes l’habillaient de leur volonté.
Aziel recule d’un demi-pas, le souffle suspendu.
Ce visage…
Ce regard…
Il les reconnaît.
Une image fugace lui revient, comme un reflet dans l’eau agitée d’un souvenir : un bivouac sous deux lunes bleues, des rires étouffés, des lèvres volées dans la moiteur d’un désert souterrain…
C’était elle.
Elle incline doucement la tête, une mèche feuillue glissant sur sa joue comme une caresse végétale.
Aziel fait un pas vers elle. Elle ne bouge pas.
Les fleurs qui constellent sa peau s’épanouissent doucement, comme stimulées par sa proximité.
Elle rit à nouveau, cette fois plus bas, plus intime.
Devant lui se tient un fantôme de plaisir ancien, devenu messagère d’un monde nouveau.
Séliane – autrefois voyageuse libre, aujourd’hui nymphe du végétal, mi-femme, mi-rêve.
Elle s’approche sans bruit, glissant plus que marchant sur la mousse spongieuse, ses pieds nus effleurant le sol sans le froisser.
Sa voix est un souffle dans l’oreille d’Aziel, chaud et fragile à la fois. Elle tend la main, effleure sa hanche nue du dos des doigts.
Elle désigne un creux doux dans la végétation, où de larges feuilles soyeuses forment un nid naturel, légèrement tiède, bordé de brins souples comme des caresses.
Aziel, silencieux, sent son corps céder avant même que son esprit ne le décide.
Il s’agenouille, puis se couche lentement sur le lit végétal.
La mousse se referme sous lui comme une étreinte souple.
Les feuilles s’adaptent à ses formes, le soutenant, l’entourant, l’effleurant.
Le murmure de Séliane résonne maintenant en stéréo avec celui du neuro-chuchoteur.
Deux voix. Une ancienne. Une neuve. Toutes deux tissées de confiance.
Et il le fait.
Son souffle s’allonge.
Ses paupières se ferment.
Le visage penché, Séliane l’observe, les cheveux-feuilles retombant comme un voile autour de ses épaules.
Sa voix n’est plus qu’un souffle :
Ses doigts suivent les lignes de son torse, frôlant à peine, éveillant au passage un réseau de frissons qui se propagent en ondes concentriques.
Elle pose sa main ouverte sur son sternum, et la mousse sous Aziel se met à pulser lentement, comme un souffle végétal en parfaite synchronie avec le sien.
Autour de lui, le Jardin s’éveille davantage.
Les feuillages changent de texture, deviennent plus chauds, plus soyeux, certains même humides.
Des parfums subtils, à peine détectables, font naître des souvenirs érotiques oubliés – le goût d’un baiser ancien, le cuir d’un fauteuil de plaisir, la peau d’un amant de passage.
Ses hanches s’animent d’elles-mêmes, comme une marée lente.
Il se cambre dans un frisson.
Et le Jardin, en réponse, entrouvre ses innombrables bouches, bras, pistils, peaux…
Prêt à l’accueillir, à le transformer… À lui révéler ce que même son corps ignore.
___
Son corps, livré en un abandon total, repose sur cette épaisse mousse qui vibre et ondoie en lentes vagues, comme si elle respirait sous lui.
Ce n’était pas qu’une simple couche. C’était un organe. Une matrice.
D’infimes dendrites translucides, fines comme des filaments de lumière, sondent chaque parcelle de peau.
Elles s’étirent, palpitent, s’ouvrent en éventail, puis se rassemblent, suivant un tropisme précis, une attirance pour les zones d’effervescence de flux neurochimiques.
Là où afflue la dopamine, les tissus végétaux vibrent d’une joie discrète.
Là où s’exhale la cytosine – messagère de l’attachement —, la mousse se fait câline, englobante.
La sérotonine luit à peine sous sa peau, captée comme une offrande.
Les endorphines, volatiles et chaudes, déclenchent une réaction florale : de petits calices charnus s’ouvrent, effleurant ses flancs, ses épaules, la base de son crâne.
Chaque mouvement d’Aziel, chaque soupir, est une information reçue, analysée, renvoyée sous forme de caresses, de pressions, de souffles.
Sa verge dressée est effleurée d’un contact si délicat qu’il en pleure presque – non de douleur, mais d’un plaisir pur, élémentaire, primal.
Des vrilles se lovent autour de ses cuisses.
Des pistils spiralés glissent entre ses doigts, ses orteils.
Une corolle douce et chaude se pose sur sa nuque comme une bouche sans mots, y déposant une brume neuroactive.
Il ne pense plus.
Il émet.
Et le Jardin répond, amplifie, célèbre.
Le tropisme n’est plus localisé.
Il devient global, polymorphe, symbiotique.
Une digitale purpurine, charnue, vibrante, aussi grande qu’une main, mais souple comme une bouche, se referme lentement sur son sexe, comme une fleur affamée d’aurore.
Ses pétales internes, chauds, veloutés, striés de nervures pulsantes, exhalent un parfum troublant, mi-sucre, mi-musc.
Chaque contraction de la corolle l’enveloppe d’un baiser rythmique, une danse musculaire lente, précise, qui maintient son pénis turgide, engorgé, en suspension voluptueuse.
Des étamines s’animent, explorent son gland, en parcourent la couronne en spirale, effleurant chaque millimètre avec une minutie d’orfèvre, tandis qu’un quasi-pistil cherche à explorer son méat, effleurant puis pénétrant cette petite ouverture sensible avec une délicatesse impossible.
Aziel gémit, non de douleur, mais d’un choc érotique auquel aucun mot, aucun souvenir, aucun fantasme humain ne l’avait jamais préparé.
Il sentait tout.
Je ressens au-delà de moi… Extase végétale.
Orgasme botanique. Inhumain. Magnifique.
Aziel, haletant, bouche entrouverte, cherche l’air et n’y trouve que parfums.
Il ne bouge plus. Il ne commande plus.
Son sexe bat en contrepoint avec le cœur végétal de la digitale, dans une polyrythmie sensuelle, une transe lascive.
Et il comprend que ce n’était que le début.
Les vrilles, d’abord curieuses, deviennent expertes.
Entre ses cuisses, elles tissent un cocon de douceur tiède, effleurant ses bourses d’un frémissement ininterrompu, comme si la plante respirait à travers lui.
Des feuilles fines, duveteuses, plus chaudes qu’il ne l’aurait cru possible, s’enroulent autour de ses testicules, les maintenant en suspension, les caressant dans une chorégraphie que nul amant n’aurait pu concevoir.
Assoiffée d’essence de plaisir, la mousse de sa couche progresse et recouvre bientôt son périnée, frémissant à chaque libération hormonale.
Polymorphe, de longues dendrites s’étirent, souples, gracieuses, venant explorer et tourmenter son anus richement innervé, suggérant sans forcer ni imposer, effleurant l’anneau de chair telle une langue sans bouche, tournant autour comme une question posée en silence.
Les dendrites se rassemblent en faisceaux et pulsent doucement au rythme de son souffle à l’orée du pertuis, s’imbibant de ses réactions, s’ajustant à chaque frémissement.
Et le Jardin apprenait.
Il écoutait son corps mieux qu’aucun être humain ne l’avait jamais fait.
Il lisait ses désirs non formulés, ses nœuds cachés de plaisir, ses interdits à peine effleurés, et les transformait en réponses sensorielles parfaites.
Aziel se laisse emporter, les yeux révulsés, le corps tendu entre béatitude et dissolution.
À son tour, l’explorateur est exploré.
Il aurait suffi d’une crispation légère pour refuser et se débarrasser de cette visite s’il en avait été indisposé. Mais ces sensations nouvelles excitent autant sa chair que sa curiosité, qui deviennent l’une et l’autre insatiables.
Le Jardin ne force pas.
Il offre.
Il propose.
Il s’adapte à la respiration du désir.
Mais Aziel ne refuse pas.
Mieux encore : il se surprend à s’ouvrir.
Non pas en soumission, mais en permission.
Une curiosité vibrante, gourmande, presque vorace, le saisit à chaque nouveau frisson.
Les dendrites, sentant cette disponibilité, s’enfoncent d’un millimètre, pas plus.
Juste assez pour toucher une frontière sensorielle restée intacte.
Et là, dans cette zone aveugle de conscience, une sensation nouvelle jaillit.
Pas seulement physique.
Structurelle.
Comme si quelque chose se réorganisait au fond de lui – une carte de ses zones érogènes redessinée par une main botanique, savante, douce.
Son anus, désormais effleuré de l’intérieur, se met à palpiter doucement, synchronisé au massage du périnée, à l’enveloppement des bourses, à la succion lente et régulière de la digitale sur son sexe.
Tout est relié.
Il se découvre organe total.
Tout son corps devenant récepteur, transmetteur, amplificateur.
Et au fond de lui, une pensée émerge :
Je ne suis pas ici pour jouir. Je suis ici pour évoluer.
Le Jardin avait trouvé son centre.
Glande où siègent de tous les plaisirs sexuels, sa prostate devient l’objet de toutes les attentions, de tous les massages qui la pressent en tous sens.
Ce noyau de chair, discret, ignoré, souvent réduit à un tabou chez tant d’hommes, devenait à présent l’autel d’un culte sensoriel millénaire.
Le Jardin savait. Il savait depuis toujours.
D’invisibles filaments s’étaient glissés autour, dessous, en spirale douce.
Ils ne pressaient pas – ils dansaient autour d’elle, l’enveloppant de pulsations lentes, profondes, précises.
Les muscles pelviens – ces inconnus tendus entre symphyse pubienne et coccyx – se mettent à vibrer.
Par vagues, ils se contractent et se relâchent indépendamment de sa volonté, comme s’ils répondaient à une musique intérieure, une partition jouée directement sur ses nerfs.
Il est l’instrument, vibrant sous l’archet d’une nature amoureuse, patiente, divine.
Lors d’une convulsion plus intense, son corps s’étreignant, agrippé à son périnée, une vague de plaisir l’éclabousse des cheveux aux orteils. Fulgurante, une pensée vient percuter son esprit :
Mais… Mais… JE M’AIME ! Aaah ! que c’est bon !
La progression du plaisir semble sans fin, il se tend comme un arc, tout son être convulse de plaisir comme s’il surfait une vague extatique.
Soudain, c’est un déferlement, le déferlement d’un orgasme total qui secoue tout son corps – une éjaculation sèche sans fin, sans la moindre émission de sperme, une sorte d’effroi extatique quasiment mystique.
Une éjaculation d’âme, pensa-t-il, terrifié.
À peine un léger reflux, puis un autre train de volupté s’empare d’Aziel : un nouveau Big O, monstrueux, phénoménal.
Dans cette tempête sensorielle, succession ininterrompue d’orgasmes, chacun plus intense que le précédent, le temps se suspend dans une extase cosmique.
Soudain, une pensée émerge :
Je… je… aaah ! Incroyable… comment est-ce possible ? Je jouis encore… encore et encore… comme une femme… Oh oui ! Comme une femme ! Merveilleux ! Je suis multi-orgasmique !
Riant. Pleurant. Ou les deux.
Il n’aurait su dire.
Une panique douce et délicieuse, comme si son cœur ne battait plus que pour éclater de plaisir.
L’extase libère peu à peu le corps d’Aziel, encore vibrant de ce plaisir céleste.
Il se redresse lentement, comme un homme revenu des cieux.
Ses yeux rencontrent ceux de Séliane, allongée à quelques pas, haletante, nue, offerte au Jardin comme à un amant infini.
Il murmure, la gorge serrée d’émotion :
Séliane, elle, semble à la limite du seuil – entre lucidité et abandon.
Elle tente de répondre… mais ce ne sont d’abord que des gémissements rauques, puis des soupirs, et enfin, un cri contenu, comme si une forme nouvelle luttait pour naître à travers elle.
Ses jambes s’ouvrent d’elles-mêmes.
La vigne avait travaillé de ses vrilles avec une lenteur sensuelle, inflexible.
Son clitoris, jadis perle discrète, à force de succions et d’aspirations florales, était devenu un sceptre charnel, gros phallus palpitant et vibrant.
Ses petites lèvres, hypertrophiées, avaient pris la forme de bourses vivantes, luisantes, gonflées de sève.
Le Jardin l’avait façonnée comme un mâle.
Mais un mâle né de la femme.
Un homme-femme.
Dans un dernier soupir végétal, la vigne libère de ses vrilles son sexe transformé, tandis que le fourreau charnu s’écarte en corolle, libérant un immense gland tremblant.
Et dans un hurlement qui n’avait plus rien d’humain, elle éjacule.
Longs jets.
Pulsés avec violence, rythme, douleur même – mais une douleur extatique, fondatrice.
Ses yeux se révulsent, puis s’ouvrent à nouveau, brillants de larmes et de feu.
Elle hurle.
Elle accouche de sa puissance.
Et dans ce cri, dans cette décharge, Aziel vit le reflet de sa propre révélation.
Deux corps.
Deux âmes.
Deux pôles inversés.
Et au centre : le Jardin.
Le Jardin comme matrice, comme forge, comme sanctuaire.
___
Aziel et Séliane se regardent, encore haletants de leurs métamorphoses respectives. Quelque chose de nouveau brille dans leurs yeux : une lueur d’évidence, de reconnaissance. Le Jardin a fait son œuvre – ils ne sont plus seulement eux-mêmes, mais eux-mêmes révélés, dépliés jusqu’au dernier repli secret de leur être.
Sans un mot, ils s’approchent.
Le sol les accueille, formant une alcôve de mousse soyeuse, tiède, odorante. Les feuillages s’écartent dans un bruissement de respect. Les fleurs, en corolles ouvertes, palpitent autour d’eux comme une audience silencieuse.
Leurs mains se cherchent, se trouvent.
Leurs peaux frémissent au moindre contact.
Mais ce n’est plus un simple attouchement charnel – c’est une marée. Une boucle. Un retour.
Chaque caresse se répercute en l’autre, puis revient amplifiée.
Un baiser d’Aziel sur le sein de Séliane déclenche un frisson propulsé dans sa moelle épinière.
Quand Séliane effleure son sexe transformé, une douce contraction serre le bas-ventre d’Aziel.
Ils se regardent, bouche entrouverte, stupéfaits de cette symétrie des sensations, de ce miroir des plaisirs.
Il n’y a plus de frontière entre donner et recevoir.
Chaque orgasme naissant est reflété, renvoyé, nourri par l’autre.
Aziel pénètre lentement Séliane – ou est-ce elle qui l’englobe ?
Le geste est doux, presque solennel.
Mais le feu… oh, le feu est total.
À chaque va-et-vient, leurs regards restent fixés, ancrés, comme pour s’assurer que l’un n’éclipse pas l’autre.
Le Jardin répond, murmure, vibre avec eux.
Les plantes frémissent, les pistils s’ouvrent, les fruits se gonflent.
C’est une célébration silencieuse, organique, électrique.
Et puis, tout devient lumière.
Non pas aveuglante, mais intérieure, irradiante.
Ils jouissent ensemble – en même temps, de la même chose, comme un seul être.
Ce n’est pas une explosion, mais une diffusion.
Leur plaisir se répand dans le Jardin comme un tsunami d’amour pur, de reconnaissance.
Ils s’embrassent alors, tendrement, comme s’ils s’étaient enfin retrouvés après une très longue absence.
Ils restent ainsi, enlacés, immobiles, dans le silence après l’orage.
Le Jardin, repu, s’apaise autour d’eux.
Ils ne sont plus homme et femme.
Ils sont plénitude.
___
Quand Aziel rouvre les yeux, le Jardin a changé.
La lumière n’est plus la même : plus blanche, plus crue, comme celle de l’aube sur un monde redevenu tangible. Le parfum capiteux des fleurs s’est adouci, presque effacé. Les feuilles ne frémissent plus. Le silence s’est fait. Non pas un silence hostile, mais un silence de fin de cérémonie.
Séliane dort encore contre lui, son souffle paisible soulève doucement sa poitrine. Son corps n’est plus orné de vrilles ni de fleurs – simplement nu, humain, splendide.
Autour d’eux, la végétation se referme doucement, comme si le Jardin lui-même se retirait dans une pudeur respectueuse.
Le neuro-chuchoteur, à nouveau actif dans son oreille, souffle doucement :
Tu portes désormais en toi le souvenir du Jardin. Tu pourras y revenir… mais jamais de la même façon.
Aziel se lève lentement. Son corps lui semble différent. Plus léger, mais aussi plus dense. Ses membres frémissent encore d’échos. Sa peau garde en mémoire chaque caresse, chaque onde.
Dans l’eau claire d’un bassin proche, il se reconnaît.
Et en même temps, il ne se reconnaît plus.
Une sérénité étrange l’habite, mêlée d’un chagrin doux : il sait qu’il a quitté un lieu sacré.
Qu’il vient de vivre une forme de vérité… qui ne peut être racontée sans être trahie.
Il regarde une dernière fois autour de lui, puis ramasse ses vêtements épars.
Séliane ouvre les yeux et lui sourit, simplement, sans un mot. Elle comprend.
Elle aussi.
Le Jardin s’efface déjà derrière eux.
Ils franchissent ensemble la lisière du monde végétal.
Le vent n’a plus la même odeur.
Leurs pas les mènent ailleurs, chargés d’une expérience qui les a rendus entiers.
Et le Jardin, satisfait, se rendort, attendant… le prochain voyageur prêt à s’y perdre pour se retrouver.