n° 23110 | Fiche technique | 10986 caractères | 10986 1859 Temps de lecture estimé : 8 mn |
31/05/25 |
Présentation: Ce seront 30 récits que je vous proposerai durant les mois à venir. Ils résultent d’aventures de vie et ont été rédigés durant l’été 2024, là où j’aime me retirer pour écrire. LLR | ||||
Résumé: Au calme | ||||
Critères: #journal #chronique #philosophie #aventure | ||||
Auteur : Landeline-Rose Redinger Envoi mini-message |
Vous le savez, je ne suis pas coutumière du fait ; si vous m’y avez parfois cherchée, alors vous étiez là où je n’étais pas, vous étiez en somme mal avisé. Les clubs libertins, je l’ai dit déjà me désolent pour la réplique semblable qu’ils font de ce que la société dessine depuis des centaines d’années, soit le schéma dominant-dominé cher à Bourdieu, Édouard Louis et ses amis Geoffroy et Didier. Bref, pour un ami qui appréhendait de vivre son grand fantasme, je me suis donc laissé entraîner dans ce qui à ses yeux relevait de l’aventure et aux miens d’une affligeante banalité. À eux seuls les codes et le dress-code situent le manque cruel de dissociation du canevas structurel du capitalisme et du rouleau compresseur qu’il déplace inlassablement depuis Adam Smith et ses idées toutes bizarres. Le propos n’étant pas de remettre en cause les bases d’un système élaboré par un seul homme au sortir de son lit et qui, fort et convaincant comme une mère juive, a alors entraîné le monde dans les rouages d’une mécanique trop bien huilée, qui fait son effet encore de nos jours. L’avenir appartient à ceux qui ont des ouvriers qui se lèvent tôt disait le clown génial au gros pif ; mais je m’égare, je m’égare, je digresse, je fais de la politique !
Donc harnachée comme une pute provinciale, je posai mes grandes jambes dans le petit coupé BMW de mon ami nerveux qui trépignait des doigts sur le volant au bout de ma ruelle Santos.
Il démarra faisant un peu crisser les pneus plus par nervosité que par crânerie, tandis que je proposai un service intermédiaire, qu’il refusa au risque de ne plus accéder à la droiture requise au moment voulu.
Tout cela était bien enrobé d’un langage feutré et je rigolais sous cape pensant qu’en d’autres lieux, la préciosité langagière ne s’embarrassait pas de ronds de jambes littéraires, et pour tout dire n’existait pas. Je la retenais, pour mon propre compte bien plus prompte à la satisfaction des corps. Donc le voyage qui nous menait dans l’Yonne se passa dans une forme de fausse décontraction chez mon ami, celle propre aux évènements nouveaux que l’on appréhende ; vous-même avez sans doute connu cette tension qui nous tient, quand le chemin qui nous mène vers le plaisir nous apparaît plus rude que le désir qui le précède. C’est, je dois le dire, cette sente érotique qui fait que mon corps pressent l’éclatement du plaisir dans un lieu inconnu, dans un endroit où tous et nul autre, cherchent à me rencontrer, à me découvrir, à me posséder. Le parcours du désir à son assouvissement. Le reste n’est que commun, répétitif et même banalement affligeant ; mes détracteurs le soulignent à juste titre, quand leurs critiques fusent après la parution de mes aventures. Parfois, la haine les pousse à une pornographie langagière que je conspue.
Mon ami, nous l’appellerons LCG, pour ne pas trahir son véritable patronyme, car sa personnalité publique serait sans doute cible de quolibets et de rabaissement ; donc LCG dut, au détour d’une aire d’autoroute, descendre pour exécuter quelques exercices d’étirements et des enchaînements de respiration tandis que l’agencement linéaire des bahuts routiers me rappelait d’autres péripéties. Je le voyais désolé devant l’affaissement de ses chairs et tant de questions affluaient à son esprit que je soupçonnais l’abandon ou la partie remise.
Assise à ses côtés, je passai la main à l’endroit de son sexe, jouant de l’ongle de mon index qui crissait sur la toile de lin de son pantalon. La vie revenait et je stoppai là mon assistance logistique ne voulant pas que la chair parte en eau.
Je voyais sa mâchoire se relâcher un sourire s’esquisser, LCG reprenait goût à la vie. Je laissai aller le siège vers l’arrière, ma robe remontait à la lisière de mes bas Dim Up, l’échancrure du tissu laissait mes seins visibles à qui se tordait le cou, je somnolais en laissant à LCG un panorama qui je l’espérais le maintiendrait dans la vigueur qu’il souhaitait.
Pour mon propre compte, je l’ai dit, cette virée (qui contre toute attente me laisse un souvenir heureux) ne me laissait pas l’avant-goût que mes cabrioles routières m’avaient donné à vivre. Je donnerais le change ; des hommes me joueraient la parade comme des dindons affolés dans les salons cosy ; on me prendrait comme on le fait ici, avec politesse, autorité, avec courtoisie. Désolation. Et tout cela ne laisserait qu’un souvenir blanc dans le livre de mes pérégrinations. Bref, j’accompagnais un ami.
Que le temps fût vite passé n’avait rien d’une réjouissance pour moi ou l’inverse peut-être ; alors devrais-je me contenter de voir de tous ces corps en mélange celui de LCG expurger ce qu’il contenait comme une bourse qu’on ne voudrait pas vider. Contre toutes mes projections, il ne se passa rien pour moi, pas une main qui s’insinua, pas un frottement d’épiderme ; sans doute avais-je alors une aura maléfique, phéromones éclipsées, que les mâles reniflaient avant même la marche d’approche. Je me tortillais sur la piste de danse, ma coupe de Drappier à la main et sur les banquettes affalés quelques couples caressaient d’autres couples, rien qui faisait rougir le monde ; la chair ici était sans allant. Je me décidai pour une visite du propriétaire, où dans quelque chambre exiguë, quelques mâles membre à la main saluaient une femme encore jolie quand d’autres visionnaient comme à la maison un film désopilant. Poursuivant ma flânerie, je poussai une porte noire, mais ici tout est noir, donnant sur une lignée de sexes d’hommes dressés comme des sagaies derrière les parois percées, que des bouches prenaient dans un glouglou de succion poisseuse. Quand je retrouvai le bar, LCG dégustait en solitaire une boisson orange.
Pour le retour j’avais le jean et les converses, un pull ample sur ma poitrine libre. Je lançai mon sac Week-end à l’arrière du coupé et LCG me dit tout à trac qu’il m’emmenait vers un lieu de recueillement. Je fus heureuse qu’enfin cet homme me surprenne. Il avait quitté son costume HB, pour une tenue sportswear qui lui redonnait une présence plus juste au monde. Lorsqu’il stoppa la voiture sur la petite place, m’invitant comme s’il détenait un petit secret, un mystère, il se tint fixe devant la stèle érigée en l’honneur d’Albert Camus. Nous étions là dans le village où la Facel Vega de Michel Gallimard s’était écrasée contre un platane tuant l’écrivain humaniste sur le coup. Nous étions le 6 janvier 1960. LCG est né le 10 décembre 1957. Albert Camus recevait le prix Nobel de littérature ce même jour.
Je suis autant qu’on peut l’être lorsqu’on écrit, admirée, vilipendée, détestée, fantasmée. N’oublions pas que je suis une femme dans la force vitale, que selon ce qu’on me renvoie, je suis dans les canons de la beauté féminine telle qu’on la définit de nos jours. Voilà, les choses sont posées.
Bon certes il y a le fard, les accessoires, sachant que ce que l’on dit du bon goût, revêt plutôt pour la grande majorité des hommes que je rencontre, une certaine élégance dans le soulier, que les robes et jupes laissent dans la décence les jambes paraître, et la poitrine se faire envier, convoiter. Vous le savez, mais qu’ai-je donc à vous apprendre encore, mon activité d’Escort ne tolère point que je sois cette fille fardée à outrance sur des plateformes vertigineuses qui n’a d’autres desseins que de rendre fous les hommes. Que je sois courbée dans l’exiguïté de la cabine minable d’un non moins minable sex-shop, ne doit rien à la beauté, rien à ce qu’on pourrait attendre des critères élaborés de la belle-apparence féminine. Pour autant, si attablée ce jour de septembre à la terrasse des Trois Brasseurs à Troyes, je me prends à rassembler sur mon ordinateur portatif, les motifs de l’excitation que je suscite chez mes lecteurs, majoritairement masculins, la relecture de l’ensemble de la littérature de mes admirateurs met d’abord en relief un point commun, et pour ne pas m’étendre en analyse de textes, je dirais que le vocable commun serait : la distinction.
Vous le savez, j’apprécie la courtoisie, la bienséance et le fair-play. Mais, diront certains, Landie veux-tu que sous les yeux nous donnions à voir la liste non-exhaustive de la pornographie langagière dont tu as usé depuis…oh ! depuis…
À cela, je répondrais en usant d’un précepte de l’Ecclésiaste himself : il y a un temps pour toute chose sous les cieux.
Mes lecteurs ont pour la majorité de ceux qui osent me gratifier de leurs remerciements ou même de leur désarroi, l’élan de reconnaissance courtois qui me confère cette certitude que ma vie de femme n’est pas en dissonance avec une certaine réalité de la vie sociétale.
Ici, ce sera Tristan qui ira extraire une phrase, une que je n’avais pas remarquée, Tristan magnifie ma présence sensuelle au monde.
Là, Jean a le plaisir de découvrir mes récits qui le charment. Ma prose extrêmement excitante et quelquefois brutale comme il aime.
Jean-Michel célèbre dans son domaine professionnel, me narrera le ravissement de son corps qui se pose après la tension sans pareil que peut nécessiter la responsabilité de changer les cœurs. Et ce sera de son sexe qu’il laissera s’écouler les mots que j’écris, les images comme il les voit, comme il les vit.
Oui, j’aime vos textes d’une sensualité totale et vos talons qui résonnent…. dit celui-là.
Michel plus abrupt — le seul d’ailleurs — verrait comme naturel que mes jambes s’ouvrent sur sa bouche, quand la mienne tenterait en vain peut-être, avoue-t-il, de ranimer une chair sans vigueur.
Et puis il y a cet homme-là qui venu en touriste avisé dans ma ruelle Santos, a suspendu à mon huis un bouquet de jacinthes et s’en est allé par trop intimidé.
Mais Landeline-Rose, ne ferais-tu point une ode à ta petite personne diront les malveillants. Foin de vos boniments, riposterais-je illico presto.
Vous pensez bien, car vous n’êtes pas ce naïf-là que les intégristes, les adeptes de l’école privée catholique, les marie-chantal, nourrissent à mon endroit une haine à laquelle il serait dommage de donner une tribune. Le désordre que mes textes issus d’une peu enviable existence à leurs yeux, laisse dans leur schéma exigu et traditionnel me relèguerait bien au rang de sorcière et les marches du gibet m’enverraient finir mes canailleries, la hart au col.
Vous admettrez vous mes amis de correspondance, que je n’honore point vos délicates invites, que je ne me dévoile pas dans une séance de dédicaces chez Mollat, que je ne fasse un week-end sur le thème du libertinage, les chiennes de garde seraient alors sur le pied de guerre, plus encore qu’elles ne le furent pour le naïf Beigbeder.
Alors pour tout cela je reste cachée, offerte et ouverte encore et encore ; mais discrète, tellement discrète.