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n° 23114Fiche technique43506 caractères43506
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Temps de lecture estimé : 30 mn
02/06/25
Présentation:  Sérène a trois cents ans, et deux canines en trop. Cependant, son immortalité ne l’empêche pas de sévèrement s’ennuyer...
Résumé:  Sérène, une vampire aux formes surréalistes, essaie de mettre un peu de sens dans son quotidien d’immortelle...
Critères:  #nonérotique #horreur #personnages fplusag grosseins groscul
Auteur : Plastica            Envoi mini-message

Série : Héritage de sang

Chapitre 01 / 03
Partie 1 : Une Vampire qui s'ennuie

Chapitre 1

Joy Division



L’aube s’étire, lumière pâle, maladive, qui peine à percer le brouillard épais. Les docks : un bien grand mot pour désigner cette étendue de conteneurs rouillés et de grues immobiles, figées comme des squelettes d’acier qui pourraient peut-être encore bouger s’ils se rappelaient comment faire. Une odeur lourde, agressive, de sel et de fer flotte dans l’air, mêlée à celles de l’essence et de la crasse. Au loin, une sirène de bateau déchire le silence, un cri rauque qui s’évanouit dans la brume.

C’est ici, dans cette zone oubliée des gens respectables, livré à ceux qui ne le sont pas, qu’un entrepôt se dresse ; une bâtisse aussi massive que délabrée, ses murs de vieille brique maculés de tags à moitié effacés. Ses fenêtres, en hauteur, sont rendues opaques par la poussière et le sel marin, et une pancarte rouillée pend au-dessus de l’entrée : Entrepôts Maritimes – Fermeture définitive. Tout, ici aussi, respire l’abandon.

Tout sauf le grondement sourd qui s’approche.


Une voiture surgit du brouillard. Une silhouette noire et trapue, caractéristique d’une Pontiac Firebird de 1970, aussi cabossée que, paradoxalement, bien entretenue. La peinture, jadis d’un noir profond, est désormais rayée, ternie par des décennies de carambolages, mais les lignes anguleuses de la carrosserie trahissent une puissance brute. Sa propriétaire l’a bricolée elle-même au fil des ans, renforçant le châssis, blindant les portières, remplaçant le moteur par un V8 modifié… La Firebird est une survivante, comme elle ; un vestige d’un autre temps, rafistolé pour durer.

Les pneus crissent sur le gravier détrempé alors que la conductrice s’arrête devant l’entrepôt, le moteur ronflant une dernière fois avant de s’éteindre. La portière s’ouvre avec un grincement métallique et une femme descend, ses bottes claquant sur le sol. Les talons, d’un noir mat percé de dizaines de clous à tête ronde, mesurent bien quinze centimètres, compensant sa petite taille et ajoutant une démarche féline à chacun de ses pas. Comme si cela était nécessaire pour faire d’elle un spectacle à part entière…


Le gravier crisse sous ses semelles, un son humide qui résonne dans le silence de l’aube. La femme porte un pantalon en cuir noir, si moulant qu’il semble peint sur sa peau, épousant chaque courbe de ses cuisses musclées et d’un fessier démentiel, rond, ferme, généreux, caricature érotique de la perfection. Le cuir luit légèrement sous la lumière blafarde, magnifiant les reflets ternes du brouillard.

Son débardeur, d’un bordeaux évoquant le sang, est tendu à l’extrême sur une poitrine démesurée, d’une fermeté surnaturelle. Le tissu, incapable de contenir un tel volume, est étiré au point que les coutures, sur les côtés, ont commencé à craquer, et chaque mouvement de l’inconnue, même le simple fait de fermer la portière, fait tressaillir ses seins en un balancement lourd et hypnotique.

Par-dessus, elle porte un blouson en cuir noir, ouvert, impossible à fermer à cause de la sus-citée poitrine. Les manches sont ornées de clous argentés, et une vieille broche en forme de croix inversée, ternie par le temps, est épinglée sur le revers – un souvenir d’une époque où la provocation l’amusait encore.

Ses cheveux noirs, coupés courts, encadrent un visage pâle, presque luminescent sous la lumière de l’aube. Une longue mèche, lisse et brillante, tombe devant son œil droit, rideau d’obsidienne qui contraste avec la froideur de ses iris dorés, légèrement luminescents.

Ses lèvres, pleines et pulpeuses, comme injectées d’un désir éternel, sont maquillées d’un noir profond, un choix qui accentue la blancheur de ses crocs quand elle esquisse un rictus. À ses oreilles, une cascade de piercings : des anneaux dorés, une barre argentée qui brille faiblement. Sous son débardeur, invisibles, d’autres piercings ornent ses tétons, un secret qu’elle garde pour elle, depuis l’époque désormais presque lointaine de l’émergence du punk.

Elle claque la portière de la Firebird, le bruit résonnant dans l’air humide, et s’avance vers l’entrepôt. Ses talons martèlent le gravier et, à chaque pas, sa poitrine rebondit légèrement ; un mouvement qui a fait tourner bien des têtes, humaines ou non, au fil des siècles…


Il existe sept grandes généalogies de vampires : une pour chaque péché cardinal. À en croire le physique improbable dont elle a hérité suite à sa résurrection, il y a fort à parier que celui qui l’a contaminée appartenait à la branche de la luxure.

Sur le chemin, elle s’arrête, juste un instant : le temps de poser une caresse sur la tête d’un chat errant, à la queue tordue, qui vient se frotter à sa cheville. Puis elle atteint une porte latérale, discrète, cachée par un panneau de tôle rouillée. À côté, un petit clavier high-tech, incongru dans ce décor délabré, clignote faiblement, incrusté dans le mur de briques. La vampire pose son pouce sur le capteur optique et une lumière verte scanne son empreinte.



Le capteur vocal bipe, et la porte blindée s’ouvre avec un chuintement mécanique, révélant un sas sombre. Sérène entre, et la porte se referme derrière elle avec un claquement sourd.

À l’intérieur, l’ambiance change. Le sas donne sur un loft immense, un espace qui contraste violemment avec l’extérieur. Les murs de béton brut sont ornés de tapisseries anciennes, des pièces qu’elle a volées dans des châteaux européens au XVIIIème siècle, leurs fils d’or ternis, mais encore majestueux. Des néons industriels courent le long des poutres métalliques, baignant l’espace d’une lumière chaude. Le sol, en parquet noir ciré, est jonché de tapis persans élimés, au centre desquels trône un canapé en velours bordeaux, assez large pour accueillir une orgie – un meuble qui, d’ailleurs, a dû en accueillir quelques-unes, puisqu’elle l’a récupéré dans un bordel parisien des années 1920… Sur les étagères, un mélange éclectique : des vinyles de The Clash, Sex Pistols, The Damned, des crânes humains qu’elle a polis elle-même, des dagues anciennes, certaines encore tachées de sang séché. Plus loin, un ordinateur dernier cri. Dans un coin, une douche ouverte, moderne, sans paroi. Ailleurs, un énorme sac de frappe, sa chaîne pendant d’une poutre située cinq mètres plus haut. Une chaîne hi-fi vintage, un modèle des années 70 avec des haut-parleurs massifs, occupe une place de choix, entourée de piles de disques mal rangés. Les vitres industrielles, en hauteur, sont traitées contre les UV, mais laissent filtrer la lumière pâle de l’aube, qui se reflète sur une collection de miroirs baroques accrochés au mur – Sérène aime se regarder, peut-être par vanité, sûrement par habitude, en tout cas pour vérifier qu’elle est encore là.


Elle traverse le loft, les talons de ses bottes claquant sur le parquet, chaque pas faisant tressaillir sa poitrine sous le débardeur. Le mouvement est presque grotesque, mais tout est dans le « presque » … Un balancement lourd et sensuel qui contraste avec la froideur de son expression.

Elle laisse tomber son blouson sur une chaise, révélant ses épaules nues, les tatouages qui décorent ses bras ; des crânes, principalement. Il y en a une trentaine, en tout… Même pas un millième du nombre de victimes qu’elle a empilées au fil des siècles. Tellement de cadavres, tellement de sang… Et pourtant, juste un atome de goutte d’eau dans l’océan de l’histoire des drames humains.

Sérène s’effondre dans le canapé, un nuage de poussière s’élevant du velours. Le choc de son atterrissage fait rebondir ses seins, encore une fois. Un mouvement qui dure une seconde de trop, comme si son corps refusait les lois de la physique. Elle soupire, un son rauque, presque animal, et attrape un paquet de cigarettes sur la table basse. Elle glisse une clope entre ses lèvres noires, l’allume avec un briquet en argent terni, et tire une longue bouffée. La fumée s’élève en volutes paresseuses, brouillant son regard, filtrant la lumière des néons.

D’un geste las, elle se penche vers la chaîne hi-fi, ses seins frôlant ses cuisses dans le mouvement, et sort un vinyle de sa pochette : Unknown Pleasures, de Joy Division. Elle pose le disque sur la platine, et le crépitement de l’aiguille emplit le loft, suivi des premières notes de Disorder, graves et lancinantes. La musique résonne contre les murs, un écho mélancolique qui semble vibrer dans ses os – ou ce qu’il en reste, après trois cents ans.


Elle se redresse, traverse la pièce jusqu’à un petit frigo encastré dans un meuble en acajou, et en sort une poche de sang, estampillée d’un logo discret – celui d’une banque de don locale, qu’elle paie grassement pour sa discrétion. La poche est froide dans sa main, le plastique lisse sous ses doigts. Elle déchire l’opercule avec ses crocs, un geste précis, presque chirurgical, et porte la poche à ses lèvres. Le sang coule, épais, avec un goût de fer. Sérène boit lentement, ses yeux dorés fixés sur les vitres industrielles. Derrière, le soleil se lève, boule pâle noyée dans le brouillard, incapable de la blesser à travers le verre traité. Une goutte de sang perle au coin de sa bouche gonflée, glisse sur son menton, et atterrit sur son débardeur, tache écarlate sur le rouge sombre.

La musique continue, Ian Curtis chantant sa désillusion, et Sérène s’assied sur le dossier du canapé, la cigarette au coin des lèvres, la poche de sang à moitié vide dans une main. La lumière de l’aube dessine des ombres sur son corps, accentuant la taille de ses seins, celle de ses fesses contre le velours. Elle est une statue, une icône punk figée dans un décor qui hurle son passé – un passé qu’elle traîne comme un boulet, siècle après siècle. Elle tire une dernière bouffée, écrase la cigarette dans un cendrier noir, puis murmure, d’une voix rauque, presque inaudible par-dessus la musique :





Chapitre 2

Josh



Le loft de Sérène baigne dans une pénombre tiède ; les vitres industrielles, laissées volontairement sales pour ne pas attirer l’attention, transforment la lumière crue du milieu de journée en un voile grisâtre. Un silence épais, presque palpable, enveloppe l’espace. Sur le canapé en velours, Sérène dort – ou du moins, elle essaie. Son corps est étendu, abandonné dans une nudité complète qui contraste avec la saison automnale. Il faudrait qu’elle se trouve en Alaska, au moins, pour commencer à avoir vaguement froid.

Ses seins, dont la fermeté comme l’énormité doivent elles aussi à sa nature vampirique, s’étalent légèrement sur les côtés, dans cette position allongée, leurs courbes soulignées par les piercings à ses tétons. Ses lèvres, encore marquées d’une trace de maquillage noir, sont entrouvertes, laissant entrevoir la pointe de ses canines supérieures, au nombre improbable de quatre, aiguisées comme des lames de rasoir. Même ainsi endormie, il faudrait être le dernier des eunuques pour nier l’aura magnétique que dégage Sérène.

Un bruit sourd résonne soudain, brisant le silence. La porte blindée du loft s’ouvre avec un chuintement mécanique. La vampire grogne, un son rauque et agacé, mais ne bouge pas tout de suite. Des pas, trop énergiques à son goût, traversent le sas, puis une voix masculine, légèrement moqueuse, s’élève.



Josh entre dans le loft comme s’il était chez lui, son sac à dos élimé sur l’épaule. À trente-et-un ans, il a l’allure d’un éternel étudiant : cheveux noirs en bataille, lunettes à monture épaisse légèrement de travers, chemise à carreaux rouges et noirs ouverte sur un t-shirt gris, et jean usé qui a vu trop de concerts. Il est dessinateur et écrivain, survivant grâce à des BD sombres et des nouvelles fantastiques qui, ironiquement, flirtent avec le monde qu’il a découvert en rencontrant Sérène.

Même si elle ne le lui dirait jamais, ça lui ferait trop plaisir, à ce petit con, la vampire le trouve doué. Il lui est même arrivé, une fois ou deux… ou dix ou vingt… de se masturber en regardant les scènes de sexe et de violence que Josh aime dessiner.


Ils se sont rencontrés il y a quatre ans, dans une ruelle près d’un club punk, lorsqu’elle l’a sauvé d’un loup-garou… Enfin, pour être plus précis, elle a tué la bête par simple haine pour ces créatures. Le fait d’avoir sauvé cet humain par la même occasion, ce n’était qu’un accident totalement involontaire. Mais disons que, l’un dans l’autre, elle a fait une bonne action… Ce sera toujours ça à mettre à son crédit, le jour où elle mourra, non ?

Depuis cette fameuse nuit, Josh s’est autoéduqué au monde des ténèbres, apprenant l’existence des vampires, des démons, des loups-garous, des anges… Et, pour le plus grand malheur de l’intéressée, il s’est pris d’affection pour Sérène, malgré – ou à cause de – son caractère mordant.

Le gamin traverse le loft sans gêne, ses baskets laissant des traces de boue sur le parquet noir. Ses yeux s’attardent sur Sérène, nue sur le canapé, et un sourire en coin se dessine sur son visage.



Sérène ouvre un œil, son iris doré luisant dans la pénombre, et grogne à nouveau, plus fort cette fois.



Sa voix est encore alourdie par le sommeil, mais il y a une pointe d’amusement derrière l’agacement. Juste assez pour que Josh ne dégage pas vraiment.

D’ailleurs, il l’ignore royalement. Il sort une canette de Coca du frigo – un frigo qu’il sait rempli de poches de sang, mais où Sérène garde toujours quelques sodas pour lui, geste qu’il interprète comme la preuve d’une bienveillance qu’elle n’assume pas. Il ouvre la canette avec un pschitt sonore, prend une gorgée, puis s’installe dans le canapé, ses baskets crasseuses posées sur la table basse. Sans demander l’autorisation, il saisit les pieds de Sérène, dont les ongles sont vernis de noir, et commence à les masser.

Pour la vampire, un combat commence : elle refuse de montrer son plaisir… Mais, ouais, le gosse est doué. Ses pouces calleux appuient exactement là où il faut. Malgré elle, ses orteils se crispent un peu. Josh se tourne vers elle, ses yeux glissant sans aucune discrétion sur le corps nu de la vampire.



Son ton est à la fois sincère et provocateur, et il ne se cache pas de mater ses courbes, dans la lumière tamisée. Sérène, toujours allongée, se redresse légèrement sur un coude. Son mouvement fait tressaillir sa poitrine, un balancement lourd qui capte d’autant plus l’attention de Josh. Elle le remarque, bien sûr, et décide de jouer un peu. Lentement, elle s’étire, arquant le dos de manière exagérée, ses seins se soulevant et se repositionnant avec une grâce provocante, les piercings scintillant sous la lumière.



Josh sourit, puis secoue la tête.



Il prend une autre gorgée de Coca, puis sort de son sac un carnet rempli de croquis et de notes sur son dernier projet en cours. Sérène se redresse complètement, s’asseyant en tailleur sur le canapé, sans faire le moindre effort pour se couvrir. Ses cuisses musclées se tendent sous sa peau pâle, dévoilant son sexe lisse, et ses seins, lourds et imposants, reposent contre son torse, leurs courbes accentuées par la position. Elle attrape une cigarette sur la table basse, l’allume avec son briquet en argent, et tire une longue bouffée, la fumée s’élevant en volutes paresseuses.



Josh hausse les épaules, feuilletant son carnet.



Il lève les yeux vers elle, et son regard s’attarde à nouveau sur son corps, incapable de s’en empêcher. Sérène décide, généreuse, de le taquiner encore un peu, histoire qu’il ait de quoi se branler ce soir. Elle se penche en avant, soi-disant pour attraper un cendrier, mais en réalité pour lui offrir une vue plongeante sur sa poitrine, ses seins se balançant dans le mouvement, leurs piercings capturant la lumière. Josh déglutit, ses joues s’empourprant légèrement, et elle ricane, un son rauque et moqueur.



Josh secoue la tête, un sourire gêné aux lèvres, et se racle la gorge.



Le jeune homme s’adosse au canapé, son Coca à la main, et la regarde avec une curiosité sincère, sachant d’instinct qu’elle dit vrai. Sérène tire sur sa cigarette, exhale un nuage de fumée, et hausse les épaules, un geste qui fait tressaillir ses seins, une fois de plus.



Le rire franc de Josh emplit le loft.



Elle lui lance un regard en coin, mélange d’agacement et d’affection, et tire une dernière bouffée sur sa cigarette avant de l’écraser dans le cendrier. Josh commence à lui parler de sa nouvelle, ses lunettes glissant légèrement sur son nez.

Ce gosse l’agace.

Mais elle l’apprécie assez pour le laisser faire.




Chapitre 3

Le Styx



Le Styx se niche dans une ruelle étroite du sud de la ville, une venelle si sombre que même les rats, perspicaces, hésitent à s’y aventurer. De l’extérieur, ça ressemble à un entrepôt abandonné de plus : une façade de tôle rouillée, une porte en acier cabossée, une enseigne au néon à moitié cassée qui clignote faiblement. Mais pour ceux qui tutoient les ténèbres, c’est une oasis – ou du moins, un endroit où on peut boire sans se faire arracher la gorge. Pas exactement le paradis, probablement, mais c’est déjà ça… À l’entrée, deux démons massifs montent la garde, des colosses de trois mètres à la peau d’ébène luisante, leurs yeux rouges perçant le brouillard. Leurs cornes torsadées frôlent le linteau, et leurs bras, épais comme des troncs, sont croisés sur des torses nus bardés de cicatrices. La règle est simple, gravée sur une plaque rouillée au-dessus de la porte : Armes et magie interdites. Ici, vampires, mutants, démons, et même quelques anges déchus, boivent côte à côte, leurs instincts meurtriers tenus en laisse par la menace des videurs.

À l’intérieur, l’ambiance est suffocante. La lumière, tamisée par des ampoules rouges suspendues à des câbles apparents, baigne l’espace d’une lueur sanguine. Les murs de béton sont couverts de graffitis ésotériques, certains vieux de plusieurs siècles, d’autres tagués la veille par des clients éméchés. Des tables en métal rouillé sont éparpillées dans la salle, entourées de chaises dépareillées – certaines en bois, d’autres en acier, toutes bringuebalantes. Au fond, un juke-box crache une reprise punk de Sympathy for the Devil par un groupe obscur des années 80, le son saturé se mêlant au brouhaha des conversations. L’odeur est un mélange écœurant d’alcool frelaté, de sueur, et d’une note métallique qui pourrait bien être du sang. Derrière le comptoir, la barmaid, une femme à la peau verdâtre, officie avec une efficacité froide. Ses cheveux, ou plutôt les tentacules qui en tiennent lieu, ondulent lentement, chacun terminé par un œil qui cligne à intervalles réguliers. Elle sert des verres troubles à une créature au pelage grisonnant, tout en lançant un regard méfiant à un ange déchu qui sirote un liquide doré dans un coin.


Sérène est accoudée au comptoir, un verre à la main. Le liquide, d’un rouge presque noir, dégage une odeur âcre, mélange de sang, de piment et de vodka volontairement frelatée – une spécialité du Styx, réservée aux vampires. Ses bottes à talons hauts claquent sur le sol crasseux quand elle change de position, ajoutant une quinzaine de centimètres à son mètre cinquante-sept. Son t-shirt, un vieux modèle siglé Nirvana, est déchiré au col – un décolleté artisanal qui expose largement sa poitrine hors-normes. Le tissu, usé, trop fin, est tendu à l’extrême, les coutures prêtes à lâcher. Ses cheveux noirs, coupés courts, sont en bataille, mais sa longue mèche tombe devant son œil droit, comme d’habitude. Ses lèvres, maquillées de noir, enserrent une cigarette qu’elle vient d’allumer, la fumée s’élevant en volutes paresseuses autour de son visage.

Elle tire une bouffée, exhale lentement, et porte le verre à ses lèvres. Le sang épicé brûle sa gorge, lui rappelant l’espace d’un instant ce que c’était que de se sentir vivante. Elle repose le verre avec un claquement sec. Ses seins tressaillant légèrement sous le t-shirt, un mouvement qui attire l’œil d’un vampire à quelques mètres, assis à une table avec une humaine éméchée. Sérène lui lance un regard glacial, ses crocs luisant brièvement, et il détourne les yeux, soudain très intéressé par son propre verre. Contrairement à la croyance populaire, les vampires mâles sont généralement de bien piètres amants. Leur flux sanguin ralenti rend les érections difficiles.


La porte du Styx s’ouvre à nouveau, laissant pénétrer une bourrasque d’air froid et humide. Kael entre, sa silhouette emplissant l’encadrement. Deux mètres de haut, une peau grise comme la cendre, des cornes penchées en arrière qui se mêlent à des cheveux blancs et lisses tombant sur ses épaules. Le démon porte un costume sur mesure, noir avec des revers dorés, que Sérène, immédiatement, qualifie mentalement de « costume de tocard ». Kael traverse la salle d’un pas assuré, ignorant les regards méfiants des autres clients, et s’arrête à côté de la vampire, s’accoudant au comptoir comme si de rien n’était. La barmaid, ses tentacules frémissant légèrement, lui lance un regard d’avertissement, qu’il l’ignore.



Ses yeux rouges glissent sur son corps, s’attardent sur sa poitrine, mais il n’y a pas la même lueur joueuse que chez Josh – chez Kael, c’est un regard de prédateur, un mélange de désir et de calcul. Sérène tire une nouvelle bouffée, exhale la fumée droit dans la direction du démon, et répond sans le regarder.



Il ricane et, d’un geste, commande un verre de quelque chose de noir et visqueux.



Il baisse la voix, se penchant légèrement, son souffle chaud contrastant avec la froideur de la peau de Sérène.



Sérène tourne enfin la tête vers lui, ses iris dorés le transperçant comme des lames. Elle repose son verre.



Elle tire une nouvelle bouffée sur sa cigarette, exhale lentement, et ajoute :



Kael serre les dents, une lueur de colère traversant ses yeux rouges, mais il se reprend vite et éclate d’un rire forcé.



Il vide son verre d’un trait, le liquide noir laissant une trace luisante sur ses lèvres, et se redresse, ajustant son costume.



Il tourne les talons et sort, sa silhouette disparaissant dans la ruelle. Sérène ricane, un son rauque qui se perd dans le brouhaha du bar.



Elle écrase sa cigarette, puis commande un autre verre à la barmaid, qui hoche la tête sans un mot, ses tentacules plaqués en arrière. Autour d’elle, le Styx continue de vibrer, microcosme où les prédateurs boivent côte à côte, leurs instincts tenus en laisse… Pour l’instant.




Chapitre 4

Plus de sang



L’aube approche, mais le ciel reste d’un mauve plombé, une chape de brouillard étouffant la lumière naissante. Les docks sont silencieux, hormis le clapotis des vagues contre les quais et le grincement lointain d’une grue rouillée agitée par le vent. La Pontiac Firebird de Sérène surgit de la brume, ses phares trouant l’obscurité, et s’arrête devant son entrepôt avec un crissement de pneus sur le gravier détrempé. Le moteur s’éteint dans un grondement sourd, et la vampire descend, ses bottes à talons hauts claquant sur le sol, le cuir de son pantalon grinçant contre ses fesses larges et fermes. Le goût du sang épicé du Styx colle encore à sa gorge, mêlé à ceux de la fumée et de l’air salé.

Elle claque la portière de la Firebird, le bruit résonnant dans le silence, et s’avance vers le coffre. Ses seins rebondissent légèrement à chaque pas, déformant le logo du groupe Nirvana. Elle ouvre le coffre et en sort plusieurs gamelles en métal cabossé, ainsi qu’un sac contenant des restes de poisson et de viande qu’elle a récupérés derrière une épicerie – rien de bien ragoûtant pour un humain, mais un festin pour les chats des docks. Sérène s’accroupit, ses cuisses gonflant son pantalon, et pose les gamelles près d’un conteneur rouillé, à quelques mètres de l’entrepôt. Ses gestes sont étonnamment doux, contraste saisissant avec son allure punk et son aura de prédatrice.



Quelques chats émergent des ombres, des créatures faméliques aux pelages miteux – un tigré avec une oreille déchirée, un noir aux yeux jaunes, et une petite tricolore qui boite légèrement. Ils approchent prudemment, reniflent les gamelles, et commencent à manger, leurs ronronnements discrets emplissant l’air. Sérène s’assoit sur ses talons, ses seins écrasés contre ses cuisses, et tire une bouffée de sa cigarette. Elle les observe, un sourire au coin des lèvres. Ces chats, elle les connaît depuis des années – certains depuis des décennies, leurs lignées se succédant sous ses yeux immortels. Ils sont les seuls êtres qu’elle se permet d’aimer ; ils ne parlent pas, ne jugent pas, et meurent assez vite pour qu’elle n’ait pas le temps de vraiment s’attacher.

Mais ce matin, elle fronce les sourcils, son regard doré scrutant les ombres.



Il est toujours le premier à venir, d’habitude.

Elle se redresse et fait le tour de l’entrepôt, ses talons claquant sur le gravier. L’odeur de poisson et de sel marin se mêle à une autre, plus âcre – celle du sang, mais pas humain. Elle s’arrête net, à une vingtaine de mètres de chez elle, son regard tombant sur une forme immobile près d’un tas de palettes pourries.

Rusty gît là, son petit corps écrasé, la fourrure rougie par le sang, une marque de pneu bien nette traversant son flanc. La blessure est fraîche, l’odeur encore vive – ça s’est passé il y a moins d’une heure.

Sérène se fige, ses iris dorés s’étrécissant, une lueur animale traversant son visage. Ses lèvres se retroussent, dévoilant ses six canines acérées, et un grognement sourd monte de sa gorge. Une fureur viscérale s’empare d’elle, comme une vague de lave dans ses veines mortes. Elle a besoin de plus de sang. Maintenant.

Elle ferme les yeux, ses sens surnaturels s’aiguisant. Son ouïe, affûtée par trois cents ans de prédation, capte chaque son dans un rayon de plusieurs centaines de mètres – le clapotis des vagues, le cri d’une mouette, et puis… des voix. Masculines, avinées, à environ cinq cents mètres, près d’un quai désaffecté.



Sérène rouvre les yeux, ses pupilles réduites à des fentes, et disparaît dans un mouvement si rapide qu’elle semble se dissoudre dans l’air.

En quelques secondes, elle est là, surgissant du brouillard comme un spectre. Les trois motards, des humains dans la trentaine, sont avachis contre leurs motos – des Harley cabossées, encore chaudes de leur virée nocturne. Ils puent la bière bon marché et la sueur, leurs blousons en cuir ornés de patches mal cousus. En voyant Sérène approcher, ses talons claquant sur le bitume, ils se redressent, un sourire lubrique étirant leurs visages mal rasés.



Un autre, un chauve avec un anneau dans le nez, ajoute en sifflant :



Ils éclatent de rire, leurs regards glissant sur sa poitrine, qui tressaillit sous le t-shirt à chacun de ses pas, et sur ses fesses moulées dans le cuir. Sérène ne répond pas. Elle n’a pas besoin de mots – ses actes parleront pour elle. Elle s’arrête à deux mètres d’eux, ses iris brillant d’une lueur meurtrière, et, avant qu’ils puissent comprendre, elle agit.

D’un bond, elle est sur le plus grand, ses ongles vernis de noir s’enfonçant dans sa gorge. Le sang gicle, un jet chaud et écarlate éclaboussant généreusement son visage et son t-shirt, trempant le logo Nirvana. L’homme hurle, un son qui se transforme en gargouillis alors qu’elle arrache sa trachée d’un geste sec, ses doigts gluants de sang. Les deux autres restent figés une fraction de seconde, tétanisés, avant que le chauve ne sorte un couteau de sa ceinture.



Elle esquive sans effort, sa vitesse surnaturelle la rendant presque invisible, et attrape son poignet, le brisant comme une brindille. Il hurle, mais le son est coupé net quand elle lui enfonce son poing dans la poitrine, ses griffes perforant son sternum. Le sang jaillit à nouveau, éclaboussant ses seins, le liquide chaud coulant le long de ses courbes massives, suivant leur forme comme une rivière écarlate. Elle retire son bras d’un coup sec, tenant son cœur encore battant, et le jette au sol avec un bruit humide. Le troisième motard, un maigre avec une queue-de-cheval, tente de fuir, trébuchant sur sa moto.



Elle l’attrape par les cheveux, le soulève comme s’il ne pesait rien, et lui brise la nuque d’un mouvement sec.

Le silence revient, pesant, seulement troublé par le clapotis des vagues. Sérène se tient au milieu des corps démembrés, couverte de sang, sa mèche noire collée à sa joue droite, ses seins et son ventre luisant d’hémoglobine. Elle respire profondément, ses yeux encore brillants de fureur, puis se lèche les lèvres. La soif de sang s’apaise lentement.

Sans un mot, elle attrape les corps un à un, les soulevant comme des poupées de chiffon, et les jette dans l’eau noire du port, leurs silhouettes disparaissant sous la surface avec un plouf sourd. Les motos suivent, balancées sans effort, leurs carcasses métalliques coulant à leur tour.

Elle retourne à l’entrepôt, ses talons claquant sur le gravier, le sang gouttant de son corps à chaque pas. Elle s’agenouille près de Rusty, et ramasse son petit corps brisé. Elle creuse un trou dans le sol avec ses mains, ignorant la terre qui se glisse sous ses ongles, et dépose le chat avec une douceur infinie, recouvrant la tombe de gravier.



Elle se redresse, sale de sang et de terre, et entre dans son loft, laissant derrière elle une traînée écarlate sur le parquet noir.




Chapitre 5

Journal du matin



Derrière les vitres anti-UV du loft, le ciel de la ville portuaire est d’un gris sale, une pluie fine tambourinant contre les carreaux encrassés. À l’intérieur, l’air sent la sueur, un parfum acide et métallique qui trahit l’effort physique, même sans chaleur corporelle.

Sérène est au centre de l’espace, face à un sac de frappe suspendu à une poutre par une chaîne rouillée. Elle cogne dessus avec une précision brutale, chaque coup faisant vibrer la toile, la chaîne grinçant sous la force de ses impacts. Elle porte un simple string noir, si minimaliste qu’il disparaît presque entre ses fesses massives, et un soutien-gorge de sport, forcément sur mesure, qui peine à contenir sa poitrine démentielle. Le tissu, d’un noir mat, est tendu à l’extrême, les coutures menaçant de lâcher à chaque mouvement, et ses seins tressaillent lourdement à chaque coup. Les piercings de ses tétons forment deux reliefs sous le tissu, scintillant légèrement sous les mailles étirées, la lumière matinale glissant sur le métal. Le corps de la vampire luit de sueur, des gouttes roulant le long de ses cuisses musclées, de son ventre plat, suivant la courbe de ses seins comme une caresse liquide. Ses cheveux noirs sont collés à son front par l’effort. Ses lèvres généreuses sont pincées d’une concentration froide, ses iris dorés fixant le sac comme s’il était un ennemi à abattre.


Un bruit sourd interrompt le rythme de ses coups – la porte blindée qui s’ouvre. Josh entre, comme toujours sans être invité, un journal roulé sous le bras et son sac à dos sur l’épaule. Il porte son habituelle tenue d’éternel étudiant fauché : une chemise à carreaux, un jean usé, et ses lunettes épaisses sur son nez. Ses cheveux sont en bataille, comme s’il venait de se lever, et un sourire en coin éclaire son visage dès qu’il pose les yeux sur Sérène. Ses yeux glissent sans aucune discrétion sur son corps dégoulinant de sueur – ses seins qui rebondissent à chaque coup, ses fesses exposées par le string, ses cuisses musclées qui se tendent à chaque mouvement.



Sérène ne s’arrête pas, continuant à frapper le sac avec une force qui ferait voler un humain à travers la pièce. Le choc de ses poings résonne dans le loft, un bam-bam-bam régulier. Elle ne regarde pas Josh, mais un rictus moqueur étire ses lèvres.



Josh ricane, pas du tout intimidé, et traverse le loft pour s’installer sur le canapé, ses Converses posées sur la table basse. Il déplie le journal – un torchon local, le genre de canard qui survit grâce aux faits divers sordides – et lit le gros titre à voix haute, son ton chargé de sarcasme :



Il lève les yeux vers Sérène et ajoute, moqueur :



Sérène continue de frapper, imperturbable, ses poings s’écrasant contre la toile usée. Le sang des motards de la veille a été lavé, mais l’odeur métallique flotte encore dans sa mémoire, un souvenir qui apaise à peine la fureur qu’elle canalise dans chaque coup.

Elle ne répond pas, son regard fixé sur le sac, mais Josh sait qu’elle l’a entendu. Il sait aussi de quoi il retourne – il n’est pas idiot. Il a vu assez de choses, entendu assez d’histoires, pour comprendre que Sérène est capable de ça, et de bien plus encore. Et pourtant, il ne lui fait pas la morale. Il accepte sa nature. C’est une part de ce qui la rend si fascinante – une fascination qui, il le sait, frôle l’amour, même s’il ne l’admettra jamais à voix haute. Il feuillette le journal, jetant un œil aux photos floues des corps repêchés, et commente, d’un ton plus sérieux cette fois :



Sérène s’arrête enfin, son dernier coup faisant vaciller le sac avec un grincement. Elle se tourne à moitié vers lui, ses seins se soulevant légèrement sous le soutien-gorge de sport alors qu’elle reprend son souffle. La sueur perle sur sa peau pâle, roulant le long de sa gorge, gouttant sur le parquet noir. Ses yeux croisent ceux de Josh, un regard perçant, presque animal, mais teinté d’une étrange douceur.



Josh hoche la tête, et pose le journal.



Il s’adosse au canapé, ses yeux glissant à nouveau sur son corps – le string qui disparaît entre ses fesses, les courbes massives de ses seins, la sueur qui luit sur sa peau – et il sait qu’il ne pourra jamais se lasser de ce spectacle, peu importe combien de cadavres elle laisse derrière elle.

Sérène retourne à son sac de frappe, et reprend son entraînement.




Chapitre 6

Garous



La nuit est lourde, dans cette partie de la ville, loin des docks où Sérène a ses habitudes. Ici, les rues sont un labyrinthe de béton fissuré, bordées de bars clandestins et de clubs miteux dont les néons clignotants jettent des éclats rouges et bleus sur les pavés humides. Une odeur de bière éventée et de pisse flotte dans l’air, mêlée à celle de la fumée qui s’échappe de la cigarette que Sérène tient entre ses lèvres.

Elle rentre d’un concert ; un minable groupe local qui massacrait des reprises des Misfits ; mais l’énergie de la foule lui a fait du bien. Elle porte un short en latex noir, si moulant qu’il crisse à chaque pas sur ses fesses démentielles, et un débardeur blanc qui moule sa poitrine massive. Le tissu est tendu, ses coutures prêtes à exploser, et ses seins se balancent à chaque mouvement, au même rythme que la mèche qui cache son œil droit. Ses lèvres, maquillées de noir, exhalent une volute de fumée alors qu’elle fredonne distraitement un riff de Last Caress.

Ça fait plusieurs minutes, maintenant, qu’elle est consciente de la présence dans son dos. Un regard qui pèse, une odeur qui lui hérisse les poils.

Mais Sérène n’est pas du genre à fuir.

Elle tire une dernière bouffée sur sa cigarette, l’écrase tranquillement sous sa botte, puis tourne soudain dans un dédale de ruelles isolées, un coin où les lampadaires sont tous brisés, où les ombres s’étendent comme des griffes. Elle ralentit, ses talons claquant sur le pavé, et se retourne d’un mouvement fluide, ses iris dorés brillant dans l’obscurité.



Un grognement sourd lui répond, et une silhouette massive émerge des ténèbres.

Un loup-garou.

Sérène grimace.

La bête fait plus de deux mètres. Hirsute, sa fourrure noire est crasseuse, et sa gueule difforme déborde de bave mousseuse. Ses yeux injectés de sang brillent d’une lueur affamée, et son odeur frappe Sérène comme une gifle : un mélange écœurant de sueur rance, de crasse, de sang séché, de sperme aigre.

Entre ses pattes, un sexe difforme, rouge et énorme, semblable à celui d’un chien, mais en version XXL, se dresse, en érection, palpitant d’un désir primal.

Sérène retrousse les lèvres, dévoilant ses canines acérées, et un grognement monte de sa gorge. Elle sait qu’on ne discute pas, avec un loup-garou : ce sont des fauves, des machines à tuer et à violer, obsédés par le sexe et le sang.

Et elle sait aussi pourquoi il la traque : les femelles vampires sont pour ces chiens des proies de choix, leurs corps surnaturels étant les seuls à pouvoir résister à la brutalité de leurs assauts sexuels.

Un flash traverse l’esprit de la vampire – une nuit vieille d’un siècle, des griffes qui lacèrent sa peau, un grognement qui vibre dans l’air, une humiliation qu’elle n’a jamais oubliée… Le loup-garou qui l’a violée, qui l’a mise enceinte. Un patriarche, un monstre d’une puissance écrasante. Il est toujours en vie quelque part ; cette pensée ravive une rage viscérale dans le ventre de Sérène.

Mais ce n’est pas lui, ce soir, face à elle… Dommage.


Elle serre les poings, et se jette sur la bête.

Dès le premier échange de coups, le combat est surhumain, explosion de violence pure qui fait trembler la ruelle étroite. Sérène frappe comme un ouragan, son poing s’écrasant contre la gueule du loup-garou, brisant ses crocs. Le latex de son short crisse, ses fesses se contractent sous l’effort, ses cuisses musclées se tendent comme des ressorts. Elle pousse un cri d’effort, et plante ses ongles en pointes dans le flanc de la bête, lui arrachant un hurlement guttural. Le loup-garou riposte, ses griffes lacérant le bras de la vampire, traçant des lignes écarlates sur sa peau.



La bête bondit, lourde et maladroite, mais d’une puissance écrasante, et projette la vampire contre un mur, le béton se fissurant sous l’impact. Sérène grogne, ses seins tressaillant sous le choc, et se relève d’un bond, ses yeux dorés brillant de fureur.

Un autre flash : l’odeur d’une fourrure humide, la douleur qui déchire son vagin, son ventre gonflé par l’enfantement d’un fils contre-nature… Une honte qu’elle a enfouie sous cent ans de sang et de violence. Cette défaite humiliante la hante encore.

Elle canalise sa rage, ses ongles s’enfonçant dans la gorge du loup-garou, et elle commence à prendre l’avantage, le forçant à reculer, un coup de poing après l’autre, sur sa gueule, son museau, son front, le sang de la bête éclaboussant le débardeur de Sérène.

Mais un deuxième hurlement déchire la nuit.

Suivi d’un troisième.

Deux loups-garous supplémentaires surgissent des ombres, aussi massifs et répugnants que le premier. Leurs sexes en érection, gluants de pré-sperme, luisent dans l’obscurité, leurs grognements vibrants de désir.

Sérène se fige, son cœur, mort depuis des siècles, semblant s’arrêter. Elle sait ce qui l’attend : un viol collectif, une agonie à laquelle elle ne survivra pas, cette fois.

Les trois bêtes s’approchent, leurs griffes raclant le pavé, leur bave mousseuse gouttant sur le sol, leur odeur suffocante emplissant l’air. Sérène recule et, pour la première fois en un siècle, elle sent la peur. La vraie. Cette peur qu’elle croyait avoir dominée.

Soudain, une vague de feu démentielle rugit dans la ruelle. Un brasier infernal qui engloutit les loups-garous dans un hurlement de douleur.

Les flammes, froides, d’un rouge surnaturel, dansent autour de Sérène sans la toucher, réduisant les bêtes en cendres en quelques secondes. La vampire reste figée, couverte de sang et de sueur, ses yeux dorés écarquillés, tandis que l’odeur de chair brûlée remplace celle des loups-garous.