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n° 23153Fiche technique19612 caractères19612
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Temps de lecture estimé : 14 mn
20/06/25
Résumé:  Solstice d’été. L’ombre s’étire sur le monde. Six âmes oubliées s’élèvent. Un pas, une note, un mot. Geste après geste, l’harmonie se tisse. Et l’humanité s’accorde au chant des cœurs.
Critères:  #article #réflexion #psychologie #société
Auteur : Maryse      Envoi mini-message
Le chant des cœurs

Si, en météorologie, le battement d’ailes d’un papillon peut déclencher une tornade à l’autre bout du monde, pourquoi ne pas imaginer que cette même loi d’interdépendance s’applique à l’humanité ?


Nos gestes, nos émotions – aussi infimes soient-ils – résonnent bien au-delà de ce que nous imaginons.


Ce récit invite à croire en cette force invisible qui relie chacun de nous, et à reconnaître le pouvoir d’un simple élan partagé pour infléchir le cours des choses.




21 juin, solstice d’été,

jour le plus long de l’année



Sur certains territoires, le soleil brille avec générosité pour célébrer la fête de la musique. Sur d’autres, il glisse comme un feu destructeur sur les toits éventrés.


Ce jour-là, symbole de lumière, six vies, dispersées par-delà les continents, lèvent, à bout d’espoir, les yeux vers le ciel. Chacune, à sa manière, cherche un brin de clarté – même infime – pour raviver le sens de la vie.



La quête de lumière



Port-au-Prince – 6 h 12


Limyè1 s’est levée avec l’aurore. Pas de chant de coq ce matin – ou alors, trop de sirènes et de tirs pour l’entendre. Ici, dans les hauteurs du bidonville, tout est brisé ou sur le point de l’être.


Dans le seau vide, elle jette un bout de savon et la vieille planche à laver, rongée par le temps.


Elle court à travers la ruelle, slalome entre les gravats. Ce matin, elle veut laver sa robe – la seule qu’elle possède, celle qu’elle garde pour les grands jours – avant que la file d’attente devant le point d’eau de fortune ne devienne trop longue. Elle a entendu dire qu’une fanfare improvisée jouera dans le quartier d’à côté. C’est risqué. Mais elle rêve de danser. Juste une fois avant que tout s’effondre. Un éclat de lumière se réverbère au loin. Un appel, peut-être. Un bon présage, sûrement.



Gaza – 10 h 47


Nuri serre contre lui son violon, fragile trésor préservé des décombres qui ne cessent de s’étendre. Les coupures d’électricité et d’eau s’enchaînent, au rythme des explosions, des râles de désespoir et des cris de colère.


Aujourd’hui, il a trouvé un pan de toit, à moitié effondré, qui le protège de la chaleur déjà intense… et du danger. Il joue quelques notes, tremblantes, dans l’espoir que le son franchisse les murs disloqués. Il ne joue ni pour un public ni pour prêcher la paix – juste pour que la musique respire encore un peu. Et que ceux qui souffrent, puissent, eux aussi, le faire.


Le soleil cogne dehors. Ici, entre les ruines, la lumière est aussi fragile qu’un souffle. Nuri ferme les yeux, laisse vibrer les cordes, et murmure :




Mogadiscio – 14 h 03


Iftiin marche lentement sur la terre craquelée. Au-dessus, le ciel s’étire sous le soleil brûlant. Au poignet, un bracelet en argent transmis de mère en fille depuis plusieurs générations. Aujourd’hui, elle n’a pas le choix : elle doit l’échanger contre de la nourriture. Après ça, il ne lui restera plus rien.


L’accablement est là, prêt à fondre pour lui arracher bien plus que son dernier bijou : le peu d’espoir qui lui restait. Elle relève la tête, cherche dans le ciel un signe. Un soupçon de lumière. Une raison de croire encore. Mais l’astre caniculaire a tout carbonisé, et aujourd’hui, il prend son temps… plus que d’habitude.



Hpa-An – 17 h 36


Aalinn ajuste son chapeau en feuilles de palmier tissées, à l’ombre d’un vieux tamarinier. La pluie d’hier a laissé des flaques miroitantes sur le chemin boueux. Il a marché longtemps, son carnet à l’abri, glissé dans un sac de toile porté en bandoulière.


Écrire, pour lui, c’est garder la lumière : imprimer des éclats d’espoir dans le silence de la nuit interminable que ses compatriotes et lui traversent encore.


Les tensions grondent toujours dans les collines avoisinantes, mais ici, entre les feuilles et la terre humide, Aalinn perçoit parfois une paix fragile. Il lève les yeux vers l’entrelacs serré des cimes. Peut-être que, malgré tout, la lumière trouve toujours un chemin.



Paris – 19 h 27


Lucie longe les quais de Seine, les mains dans les poches. Sur l’eau, la lumière des réverbères, mêlée aux scintillements des guirlandes de la fête de la musique, ondoie doucement au gré des vaguelettes. La ville résonne d’accords de guitare, de tambours enthousiastes, de chants et de rires. Paris est en liesse.


Mais Lucie marche en silence. Ce soir, elle n’arrive pas à se laisser emporter. Elle regarde les couples danser sur les pavés, les enfants courir après des bulles de savon, et pourtant quelque chose lui échappe. Elle devrait se sentir heureuse, mais elle n’y arrive pas. Sans raison.


Un peu plus loin, sous une arche du pont, un homme est assis, seul. Vieux manteau élimé, sacs plastiques à ses pieds, regard perdu dans les ombres. Lucie ralentit. Elle fouille dans son sac. Pas de monnaie. Juste une madeleine emballée. Elle s’approche, la dépose près de lui, sans un mot.

Il la regarde, puis murmure :



Le son fragile d’une clarinette s’élève doucement, aussi incongru qu’un rêve égaré. Lucie reprend sa marche, contemplant distraitement le ciel veiné d’oranger et de mauve. Peut-être que, ce soir, la vraie lumière est celle qu’on ose tendre, discrètement, avec sincérité, se dit-elle, mélancolique.



Kharkiv – 20 h 38


Svetlana serre contre elle un vieux châle. Infirmière, elle connaît par cœur la douleur, les blessés, la tristesse.


Ce jour du solstice est juste… un peu plus long à supporter.


Dans la pénombre de la salle, où s’alignent les patients, elle allume une bougie, éclat fragile qui danse, défiant l’obscurantisme de la guerre. Peut-être que la flamme tremblotante apportera un peu de réconfort à ceux dont l’âme est ensevelie par le noir.


Svetlana entoure le feu doux de ses deux paumes comme pour le protéger. Ou l’amplifier. Elle ferme les yeux et appelle de ses vœux les plus ardents, un avenir pacifique – un avenir où la lumière réunirait enfin tous les humains.



L’ombre, à l’affût



Le jour s’égrène inexorablement, mais ici, nul ne s’en préoccupe.


Limyè reste immobile, pressant sa robe karabela contre sa poitrine, les yeux fixés sur la poussière rouge qui flotte dans l’air. Le bruit d’une rafale l’a figée net. Un gang armé interdit tout passage… et tout espoir. Aujourd’hui encore, elle courbera l’échine, se fera toute petite pour ne pas être remarquée.


Nuri suspend ses notes après une violente explosion. Il rentre craintivement la tête dans les épaules, pétrifié par le silence menaçant qui précède la riposte. À quoi bon la musique lorsque tout est chaos ?


Iftiin recouvre le bracelet de sa paume, le serrant désespérément. Son ombre se découpe sinistrement sur la terre sèche, étouffant toute possibilité. Elle pense à sa famille, parquée dans un camp de réfugiés. Trop de bouches à nourrir pour son trop petit bijou, même ciselé d’histoire. Elle en aurait pleuré, si elle n’était pas déjà desséchée.


Aalinn a cessé d’écrire. Son stylo tremble un instant avant de glisser du carnet. Les feuilles du tamarinier ne bougent plus. Même le vent semble avoir déserté. Il ne peut détourner le regard du charnier à peine dissimulé par une bâche et des branchages, qu’il vient de remarquer.


Lucie regarde la Seine sans la voir. Elle se sent coupée, absente, comme si la fête se déroulait dans un autre monde. La petite madeleine oubliée dans la main d’un inconnu ne suffit pas à réchauffer son cœur. Comment s’immerger dans la fête de la musique alors que d’autres en sont exclus ?


Svetlana, enfin, regarde la flamme de la bougie vaciller. Elle croit la voir faiblir. Une seconde, elle imagine qu’elle va s’éteindre. Une seconde, elle sent que tout pourrait s’éteindre.


Et partout, sur la Terre, la lumière semble suspendre son cours.


Limyè se recroqueville derrière un immense baril, cabossé et troué, sa robe et son seau désormais inutiles à la main. Elle n’ose plus bouger. L’air, tout comme sa dernière chance d’aller danser, semble sur le point de se briser.


Nuri, tétanisé, presse convulsivement son violon contre son torse. Il n’entend plus que les hurlements de désespoir qu’aucune note ne peut adoucir. Tout autour, la pénombre gagne du terrain.


Iftiin, bracelet au poignet, fige son pas, trop harassée pour continuer. Le ciel l’écrase plus lourdement encore. Le chagrin lui irradie la poitrine, comme si on lui arrachait le cœur. Et si survivre signifiait tout perdre, même les racines qui la relient aux siens ?


Aalinn lève la tête. La canopée dense cache le ciel. Comme un couvercle qui se referme irrémédiablement. Plus un mot. Plus une phrase. L’encre n’ose plus couler. Écrire est inutile.


Lucie regarde l’eau de la Seine. La clarinette s’est tue. Ou peut-être ne l’entend-elle plus. Elle sent brusquement une absence. Celle de la fête qui s’est éloignée d’un seul coup.


Svetlana écoute le silence après sa prière. Même la bougie semble se faire toute petite. Sur le seuil de la pièce, le noir rôde, prêt à fondre et à tout engloutir.


Chacun, dans sa solitude, impuissant. Chacun, face à l’ombre implacable, qui se répand inéluctablement.



L’élan qui s’étoffe



Paris, au crépuscule


Lucie est revenue sur ses pas. Toujours aussi maussade. Sa longue errance à travers les rues pleines d’orchestres ne l’a pas soulagée. La Seine s’écoule, toujours aussi indifférente.


La fête, qui bat son plein autour d’elle, semble si lointaine. Dérisoire.


Sous le pont, le sans-abri l’aperçoit. Il se lève lentement, s’approche.



Elle le regarde, surprise. Il sourit.



Lucie hésite. Puis hoche la tête.


Un pas. Puis un autre. Deux silhouettes, d’abord maladroites, qui s’accordent doucement.


Et le monde, l’espace d’un instant, recommence à tourner.


Le vieil homme esquisse une pirouette, riant comme un enfant. Lucie suit, le cœur soudain plus léger.


Elle danse. Pour de bon.


Leur joie partagée s’élève, se répand dans l’air. Passerelle invisible entre deux mondes différents. Et quelque part, sans qu’ils en aient vraiment conscience, un nouvel espoir s’éveille…



Port-au-Prince, au même moment


À l’autre bout du monde, dans la poussière rouge, Limyè se redresse d’un bond. Son cœur bat plus fort. Elle ne sait pas pourquoi.


Une vibration. Une image. Peut-être une hallucination. Deux silhouettes dansantes, comme une vision projetée au fond d’elle. Une invitation à les rejoindre.


Elle enfile sa robe qu’elle n’a pas lavée, puis, de ses mains calleuses, la lisse méticuleusement contre son corps. Ses bras se lèvent. Elle hésite. Puis s’élance. Oubliant tout, elle se met à danser, pieds nus sur la latérite dure, couleur sang.


Un tour. Puis un second. Elle tourbillonne encore, encore, jusqu’à perdre haleine.


Entre les carcasses, les tôles, les éclats de peur, elle tisse des spirales de lumière.


Et le bidonville la regarde – d’abord interloqué, puis conquis. Les regards les plus durs s’adoucissent. Les armes se baissent. Un rire jaillit. Le sien, peut-être. Ou celui d’un autre… Qu’importe : c’est le premier depuis des semaines.


Le vent l’amplifie. Et le transporte précieusement.



Gaza, dans le même élan


Un nuage frêle, éthéré, dérive au-dessus des ruines. Nuri le fixe machinalement. Tristement.


Sa forme… on dirait… une jupe qui tourne… une danseuse.


Son cœur bondit. Il ne sait pas pourquoi. Il attrape son violon, l’ajuste sous son menton.


Un instant… Une première note, tremblante. Puis une autre. Il s’enhardit. Ses doigts courent sur les cordes. Son archet vibre de musique.


Et bientôt, un doux halo naît, s’intensifie, l’exhorte à continuer, lui insufflant une énergie neuve, une inspiration renouvelée.


Il joue pour le nuage – et à travers lui, pour tous les abandonnés, privés de musique. Pour ceux qui n’osent plus danser.


Ce n’est plus une fuite. Ni un refuge qu’il cherche… Juste sa façon d’illuminer le monde, avec le peu qu’il a.


Un souffle, frêle, venu de loin, enfle doucement. Il emporte la fragile symphonie avec une tendre délicatesse.



Hpa-An, quelques instants plus tard


Aalinn s’éloigne, le dos courbé, le cœur plombé. Sonné par l’atrocité qu’il vient de découvrir. Il ne ressent plus rien. Rien qu’un gouffre béant. Pas même la brise légère qui lui sèche les yeux.


Elle l’effleure pourtant, par à-coups, comme pour le tirer de sa torpeur.


Un nouveau frôlement dissipe l’air pesant. Des notes ? Il croit rêver.


Il tend l’oreille. Rien. Et pourtant…


Quelque chose vibre. Peut-être en lui. Une mélodie fragile, portée par le vent. Une plainte douce. Un écho venu d’ailleurs. Un appel.


Sans s’en rendre compte, il s’accroupit, rouvre son carnet. Ses doigts, d’abord hésitants, se referment sur le stylo. Il n’écrit pas. Pas encore. Il écoute.


Puis les mots se forment. Comme soufflés par une voix invisible.


Peuples de la Terre, marchons unis,

Qu’importe ce qui nous différencie.

Repoussons la nuit, la peur, l’infamie,

Ranimons l’élan, la douce harmonie.


De nos peines monte un feu hardi,

Un chant fraternel, une symphonie.

Semons l’espoir, ferment de vie.


De son souffle clair, vibrant, infini,

Peut s’élever, sans chaîne ni déni,

Un arbre de lumière à la vigueur inouïe…2


Les vers jaillissent vivement comme l’eau pure qui sourd des profondeurs de la terre. Ils ne sont pas de lui – ou pas seulement. Ils arrivent de plus loin. De partout. D’eux. De tous.


Son regard se lève vers le ciel. Et déjà, les mots s’élancent, invisibles et impatients, vers d’autres cœurs encore en veille.



Kharkiv, à l’unisson


Svetlana parcourt lentement la salle où s’alignent les lits. L’hôpital de fortune sommeille, mais la douleur, elle, ne dort jamais.


Elle passe de lit en lit, d’un blessé à l’autre, réajustant une couverture, murmurant un mot, posant la main sur un front fiévreux.


La bougie qu’elle a allumée brûle encore, infime flambeau qui refuse de céder. La flamme ondule, capte son regard, perce sa lassitude. Elle la contemple, les yeux implorants. La lumière ténue lui murmure un air, des mots.


Elle croit rêver. Tend l’oreille. C’est presque inaudible, comme une brise légère – celle qui fait danser la flammèche, plus vive. Une incantation, un chant à peine chuchoté. Une voix d’enfant peut-être, ou de lointains souvenirs. Mais non : ce sont des paroles, portées par un courant impalpable, plein de ferveur.


Peuples de la terre, marchons unis…

Qu’importe ce qui nous différencie…


Elle s’arrête net. Ferme les yeux. Se laisse emporter.


Malgré la nuit, qu’une flamme adoucit,

Chantons ensemble pour que les peines plient.

Car c’est dans le chœur que bat la vie.


Sa gorge se serre. Elle se met à fredonner, d’abord à mi-voix, puis un peu plus fort. Les mots la réchauffent. Une vieille femme ouvre les yeux. Un enfant sourit. Un soldat blessé entonne la suite.


Et peu à peu, les voix se joignent, les unes après les autres. Faibles, cassées, mais unies.


Le chant s’élève, souffle de résilience et d’espoir. Onde lumineuse, ténue, mais tenace, transmise de cœur en cœur. Pour tous ceux qui souffrent, pour toutes les oreilles capables de l’entendre.


Svetlana serre son châle contre elle. Et pour la première fois depuis longtemps, elle sourit. Vraiment.



Mogadiscio, d’une même voix


Accroupie sur le bas-côté de la piste défoncée, aux abords des faubourgs de Mogadiscio, Iftiin serre toujours son bracelet. Le crépuscule est tombé, mais la chaleur reste accablante. Le vent, brûlant et incessant, la cingle de sable.


Soudain, un frisson traverse l’air. Comme s’il devenait moins hostile. Une mélodie, des mots prennent forme dans son esprit. Tissant lentement une chaîne d’espoir…


Iftiin fronce les sourcils. Un chant ? Ici ? Elle lève la tête vers l’horizon flou. L’écho se propage, ténu, irrésistible. Une voix ? Un cœur, peut-être. Ou le murmure du désert devenu poème. Elle ferme les yeux. Elle écoute.


D’une graine, même dans le désert tari

Peut jaillir l’élan d’un souffle infini,

Un arbre de lumière, source de vie…


Son cœur se serre. Les paroles résonnent dans sa poitrine comme une chaleur nouvelle. Elle sent le poids sur ses épaules se dissiper. Le bracelet glisse, presque hors de son poignet décharné – elle le retient.


Cette chanson, ce souffle, entrouvre un chemin qu’elle croyait à jamais condamné.


Iftiin se redresse, le dos plus droit. Au loin, un grondement. Des moteurs. Des phares déchirent la pénombre. Un convoi humanitaire approche. Les camions s’arrêtent près d’elle, lourdement chargés.


Une bénévole descend. Avec un sourire bienveillant, elle lui tend des vivres, un bidon d’eau, des médicaments. Iftiin la regarde, confuse. Elle reçoit plus qu’elle ne peut porter. Mais elle y arrivera. Elle a connu pire.


Aujourd’hui, elle ne vendra pas son trésor familial. Pas tant que la terre aride porte encore ce chant.


Non, elle ne troquera pas – elle partagera ce qu’on lui a donné, transmettra ce qu’elle a reçu. Et sur ses lèvres craquelées naît un murmure, une promesse :


Semons ici l’espoir, où rien ne fleurit,

Sans lui, nulle survie ne s’écrit.

C’est par lui que le miracle surgit.



Paris, un peu plus tard


Lucie et son cavalier du moment, essoufflés d’avoir trop dansé, s’approchent d’une terrasse. Une brasserie tranquille.



Il lève les yeux, surpris, puis sourit. Leurs regards se croisent, et chacun reconnaît dans l’autre cette lueur qui a traversé les continents, d’âme en âme.


Et quelque part, sans qu’ils aient besoin de le dire, ils savent.


Aux quatre coins du globe, d’autres, comme eux, sèment sans bruit, sur leur passage, des graines de vie – minuscules, mais aux effets insoupçonnables.


Avec elles, des gens se relèvent, des pas résonnent, des regards s’illuminent, des cœurs s’ouvrent…


Et la lumière, doucement, patiemment, chemine…



Six battements, un fil de vie



Ils étaient six. Peut-être plus. Nul ne le sait. À ressentir sans se restreindre. À agir sans se retenir. À amplifier, sans le savoir, ce que d’autres avaient initié.


Leurs gestes, leurs voix, leurs présences ont tissé un fil invisible, d’un bout à l’autre de la Terre.


Ce fil existe. Il suffit d’une attention authentique, d’un sourire, d’un pas de danse partagé, pour le fortifier, pour le prolonger.


Alors, si la musique vous atteint ce soir, laissez-la vous emporter. Chantez, dansez, riez. Pour vous. Pour les autres. Car si ceux qui peuvent encore célébrer ne le font pas… que restera-t-il à ceux qui ne le peuvent plus ?


Même les silences attendent une note. Même l’ombre espère un éclat. Et parfois, il suffit d’une fête pour que la lumière reprenne sa course.


Ainsi se propage l’espoir.


Ainsi se propage la vie.


En tout cas… j’aime le croire.


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1. Les prénoms « Limyè », « Nuri », « Iftiin », « Aalinn », « Lucie » et « Svetlana » signifient tous « Lumière » dans les langues suivantes : créole haïtien, arabe, somalien, myanmarais (birman), français et slave. Ce choix symbolique souligne l’universalité de l’espoir et de la lumière, traversant les cultures et les territoires. Bien d’autres régions du monde, sur tous les continents, tout aussi marquées par les conflits, les crises humanitaires ou les espoirs brisés, auraient pu être évoquées. Elles sont trop nombreuses pour être toutes citées. Chacun pourra remplacer les lieux mentionnés par d’autres. Car à travers ces terres et ces peuples divers, l’élan de lumière et de résilience ne cesse de vibrer. Je ne les oublie pas.



2. Les paroles de la chanson font écho à celles d’Enrico Macias dans sa chanson Enfants de tout pays, qui invite à l’unité et à la fraternité au-delà des frontières. Il a lui-même porté, à travers sa musique, un message de paix entre les peuples, les cultures et les religions, toujours aussi d’actualité.


Enrico Macias – Enfants de tous pays

https://www.youtube.com/watch?v=88tb6Xma0Qw