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n° 23154Fiche technique10571 caractères10571
1967
Temps de lecture estimé : 8 mn
20/06/25
Résumé:  Et si le vrai pouvoir n’était pas dans la prise, mais dans le fait de ne pas fuir ce qui vous soigne ?
Critères:  #réflexion #psychologie #érotisme #initiatique #confession #personnages #domination
Auteur : majaas      Envoi mini-message
Douceur Obligatoire

L’Armure Craque



Je suis la dure. On me connaît comme ça. Les rumeurs précèdent mes pas, comme une traînée de talc dans un dojo. On dit que je tiens les hommes comme des chiens d’apparat. Que je les laisse m’admirer jusqu’à l’étouffement. Que je sais faire pleurer les plus résistants sans même hausser la voix. C’est vrai. Un peu. Mais ce n’est pas ça.


Ce que je suis, en vérité ? Une femme qui sait exactement jusqu’où on peut s’imposer sans se salir, et qui l’a fait si souvent qu’elle en a oublié… ce que ça lui faisait. À elle.


Alors voilà. Je suis dans cette salle. Lampe basse. Parquet net. Odeur de bois et de linge propre. Lui, à genoux, sans trembler. Nu, mais digne. Il ne me regarde pas. Parfait. Je n’aime pas les regards trop directs.


Je m’installe. Pieds nus. Robe fluide. Je le fixe un instant, et dis :



Il hoche la tête.



Je sens la colère monter en moi. Déjà. Pas contre lui. Contre moi. Parce que je vais le laisser faire, et je déteste déjà cette idée.


Il s’approche. Pas à pas. Ses mains sont grandes, mais pas lourdes. Il les pose sur mes cuisses comme on pose un drap sur un corps endormi. Et c’est là que ça me frappe : je suis tendue. Une crispation interne. Une rébellion de mon propre ventre. Mon clitoris, pourtant, frémit. Comme une gifle. Je pense « Non. Pas comme ça. Pas doucement. Pas… gentiment ». Mais je ne bouge pas.


Il me caresse, pour honorer. Ses doigts longent la peau, effleurent la hanche, descendent vers l’intérieur de ma cuisse sans jamais la conquérir. J’ai envie de le frapper. De lui hurler dessus. De retrouver le pouvoir qui claque, pas celui qui respire. Mais à la place, je reste assise. Les jambes légèrement ouvertes. Les paumes posées sur mes genoux.


Et je sens. Putain, je sens. Pas la caresse. Le manque de défense. Ce vide immense qu’il comble avec un geste simple.


Je frémis. Je fonds un peu. Et je déteste ce que ça révèle.


« Si je jouis… ce n’est plus une domination. C’est une offrande volée à ma propre cuirasse. »


Et pourtant, je sens mon ventre s’alourdir. Mes seins pèsent contre le tissu. Mon sexe devient sensible à des choses que j’avais interdites.




La Fêlure Tendue



Je ne l’arrête pas. Il continue. Ses mains, ouvertes. Ni hésitantes ni conquérantes. Juste… présentes.


La pulpe de ses doigts glisse lentement de mon bassin jusqu’à la naissance de mon ventre. Il ne touche pas mon sexe. Pas encore. Mais je suis déjà touchée, dans un endroit que je ne savais pas avoir laissé à découvert.


Je ne parle plus. Je respire en silence, pour ne pas m’entendre. Je me tiens droite, comme une statue qui voudrait s’effondrer avec grâce. Et lui, il caresse. Pas comme un homme qui obéit, comme un homme qui comprend la valeur d’un geste qui ne va nulle part.


J’avais dit : « Pas de lèche. » J’avais dit : « Juste tes mains. » Et maintenant ? Je n’arrive plus à décider si je veux jouir… ou juste pleurer dans sa paume. Parce que ce qu’il me donne, là, c’est pas du sexe. C’est une tendresse sous surveillance. Et c’est horrible.


Mon corps commence à me trahir. Le sang descend, la peau s’échauffe, et je sens – je sens tout – comme si on me lisait à voix basse en traçant les phrases du bout des doigts. Mon clitoris, que je méprise pour sa faiblesse, pulse comme un tambour de guerre dans un film qui ne veut pas faire de bruit.


« Ce n’est plus de la domination. Ce n’est plus du pouvoir. C’est pire. C’est de la paix. »


Je ne suis pas faite pour la paix. Et pourtant, je suis là. Jambes ouvertes. Bassin lourd. Les yeux qui piquent. Il ne me regarde même pas. Il caresse mon ventre. Puis mes hanches. Puis remonte. Et, très lentement, il effleure mes seins sous le tissu.


Et moi, je fonds.


Je ne gémis pas, pas encore, mais un souffle m’échappe. Un de ceux qui ressemblent à un pardon.


« Si je jouis là… maintenant… comme ça… je vais perdre un royaume que j’ai bâti seule. Mais peut-être qu’il est temps… d’ouvrir les portes. Juste pour voir si quelqu’un entre sans les forcer. »


Je pose mes mains sur ses poignets. Il s’arrête. Attend. Pas pour se justifier. Pas pour supplier. Juste pour me laisser décider. Et c’est là que je pleure des larmes que l’on n’essuie pas, et qui creusent.


Il ne dit rien, ne bouge pas, et garde ses mains, là. Sous les miennes. J’ai envie de le prendre contre moi, de l’éloigner, de le remercier, de le gifler. Tout en même temps.


Mais je dis simplement :



Il comprend.





La Douleur d’Aimer Doucement



Je ne voulais pas.


Je veux que ce soit clair. Je voulais qu’il se trompe. Qu’il presse trop. Qu’il glisse. Qu’il montre un soupçon d’arrogance. Je voulais une erreur. Un moment où je pourrais redevenir forte. Reprendre les rênes. Fermer la porte. Mettre fin à ce théâtre tiède. Mais il ne m’a pas donné cette sortie.


Ses mains ont glissé. Plus bas. Et cette lenteur… Ce supplice de soie… Ce silence dans ses gestes, cette obéissance fluide, sans peur ni attente… C’est ça qui m’a brisée.


Il n’a pas touché mon sexe, il l’a contourné. Comme si ce n’était pas l’endroit. Comme si c’était une zone à protéger, pas à conquérir. Et moi, ridicule forteresse fendue, j’ai senti ma chaleur couler entre mes cuisses. Sans cri. Sans convulsion. Une liquéfaction. J’étais en train de rendre. Pas jouir. Rendre. Tout ce que j’avais volé. Tout ce que j’avais refusé. Tout ce que j’avais nié.


Il a fini par oser. Deux doigts. À peine. Sur moi. Pas en moi. Il ne m’a pas pénétrée. Il m’a confirmée. Et j’ai senti mon clitoris se durcir comme un secret trop bien gardé. Il m’a trahie. M’a pointée. M’a désignée comme cible vivante.


Lui l’a effleuré. Une pression. Un cercle. Un seul. Puis il a attendu.


Et là… j’ai explosé.


Mais tout à l’intérieur. Pas un cri. Pas un mot… Un effondrement. Ma jouissance, c’était une goutte d’eau tombée dans un feu de camp. Une vapeur douce, une disparition. Et c’était insupportable. C’était la chose la plus violente qu’on m’ait faite.


Il ne m’a même pas regardée jouir. Il a posé son front contre ma cuisse et a expiré. Moi, j’ai mis la main sur son crâne. Pas pour le guider. Pas pour le repousser. Pour dire : « Je suis encore là. Mais je ne sais plus si c’est une bonne nouvelle. » Et je me suis entendue murmurer :



Comme un aveu sous la torture. Comme une trahison écrite avec des fleurs.


« Est-ce encore de la domination… si je fonds dans ses mains ? Ou est-ce que j’ai juste appris – trop tard – que le pouvoir, parfois, c’est de ne pas fuir ce qui te soigne.




Réponse Assise



Je l’ai regardé. Encore à genoux. Encore dans son rôle. Toujours à distance. Et j’ai compris que j’étais fatiguée. Pas de lui. Pas de ce qu’il me donnait. Fatiguée de ne pas me donner à moi-même le droit de descendre aussi.


Alors j’ai tiré la chaise. Une chaise dure. Stable. Froide. Comme moi.



Il a obéi. Bien sûr. Il est comme ça, maintenant. Je me suis approchée. J’ai mis mes genoux de chaque côté des siens et me suis assise sur lui. À califourchon. Sur ses cuisses. Poids entier. Présente.


Il n’a pas bougé. Ses yeux me cherchaient, mais moi, je regardais plus bas. Son torse. Ses bras et ses mains.



Parfait.


J’ai défait sa chemise. Une chirurgienne de l’âme. Bouton après bouton, une tension à chaque clic. Son torse était tiède. Légèrement tremblant. Je l’ai caressé d’un doigt. Pas deux. Juste la pulpe. Le bout de moi qui sent sans effort. Il a tendu le dos comme une corde d’archet, mais n’a pas gémi. Alors j’ai été plus loin. J’ai effleuré ses tétons. Là, il a fermé les yeux. Je crois qu’il a voulu s’évader, mais moi, je suis restée.



Je suis descendue. Bouche sur son ventre. Sur sa hanche, mais pas sur son sexe. Pas ce soir, ce serait trop doux. Je l’ai contourné. Je l’ai refusé. Je l’ai caressé avec mes absences. À la fin, j’ai posé mes deux paumes à plat sur ses joues et ai dit :



Et il l’a fait. Juste deux larmes.


Je me suis levée et l’ai laissé là. Assis. Dur. Vide. Rempli. Et en partant, j’ai soufflé, presque pour moi :





Épilogue – La Lettre Froide



Il a attendu. Pas comme un mendiant. Comme un récipient posé au soleil. Une semaine. Deux. Le temps n’avait pas d’importance. Il savait qu’elle ne préviendrait pas. Et puis, un matin, une enveloppe cartonnée glissée sous sa porte. Grise. Sans adresse. Pas fermée. Pas scellée. Juste… glissée.


À l’intérieur : une seule page. Écrite à la main, fine, droite, sans rature. Pas une lettre d’amour. Une consigne.


Tu m’as tenue entre tes doigts comme si j’étais de verre. Tu m’as découverte sous mes angles morts. Tu as osé la caresse. Pas le contact. Tu m’as effeuillée sans m’ouvrir. Et j’ai fondu, oui. Mais ce n’est pas une faiblesse. C’est la preuve que j’existe. Que j’ai le droit de jouir sans perdre le contrôle. Que tu peux me donner ce que je ne savais pas vouloir. Tu n’es pas un homme doux. Tu es un homme capable de douceur. C’est bien plus dangereux. Et bien plus rare.


Je te dois une chose : le vertige de ne plus dominer. Je te rends une chose : ma peau. Elle a appris à écouter.


Tu peux me relire. Mais ne me rejoue pas. Le reste, maintenant… c’est à toi.


  • — E.


Il a rangé la lettre dans une boîte, avec ses autres silences, et a recommencé à vivre. Parfois, au lit, il glisse sa main sous ses draps pour vérifier que la tendresse est encore là. Et qu’elle pèse.



Post-scriptum – L’Éveil Autonome


Un an plus tard, il est dans une autre ville, une autre vie, mais pas un autre corps. Non. Celui-là, il le connaît mieux. Il en connaît les bords, les creux, les habitudes.


Il a gardé peu d’objets. Pas de trophées, pas de preuves, sauf une chose : un tissu. Gris. Doux. Le premier avec lequel il l’avait touchée. Il ne l’utilise pas. Il le plie. Et parfois, il le repasse. Comme un texte sacré.


Un soir, il reçoit un message. Pas signé. Pas attendu. Une phrase.


Je n’ai jamais su où m’asseoir. Jusqu’à toi.


Il sait que ce n’est pas elle. Ce n’est pas « E. » Ce n’est pas une suite. C’est une suite possible. Alors, il nettoie la table, lave ses mains, sort le tissu et attend que le silence s’installe. Car maintenant, il sait. Il n’est pas un homme qui sert. Il est un espace.


Et un espace… ça attire les mondes.