n° 23161 | Fiche technique | 16240 caractères | 16240 2878 Temps de lecture estimé : 12 mn |
29/06/25 |
Présentation: Une petite histoire assez courte, située au début des années 80. | ||||
Résumé: Le château de Flaxy est réputé depuis des siècles pour son parc aux Biches. Mais je soupçonne que la nature des biches a changé. C’est pour cette raison que je me suis infiltrée dans cette demeure. | ||||
Critères: #société #policier | ||||
Auteur : Patrik (Carpe diem diemque) Envoi mini-message |
Collection : Destins insolites et improbables |
Une petite histoire assez courte, située au début des années 80. Bonne lecture :)
Le château de Flaxy est réputé depuis des siècles pour son parc aux Biches. Mais je soupçonne que la nature des biches a changé. C’est pour cette raison que je me suis infiltrée dans cette demeure.
Je suis journaliste d’investigation, j’ai déjà réussi divers scoops, ce qui me vaut la reconnaissance de mes pairs, mais aussi l’animosité de certaines personnes parfois haut placées. On se méfie souvent peu de moi, me prenant pour une gentille fille plutôt jolie, mais un peu cruche. C’est l’impression que mon physique donne, ce qui est utile pour endormir les soupçons.
Depuis presque une semaine, je suis devenue l’une des résidentes du château. Mis à part plein de formulaires à remplir à l’entrée, je me croirais en colonie de vacances, sauf que la plupart des personnes présentes sont des jeunes filles et jeunes femmes majeures. Très vite, j’ai sympathisé avec Mady et Odile. Elles sont arrivées avant moi, elles n’ont plus trop la notion du temps, car il n’y a aucun calendrier dans le coin.
Celle qui vient d’être citée répond :
Mady prend à nouveau la parole :
Je souris :
Oui, c’est vrai, les jeunes femmes qui vivent ici sont classiques, presque banales, pas des mannequins pour couverture de magazine. Elles ne sont pas moches, c’est certain, mais elles sont plutôt « passe-partout », comme moi. La plupart des invitées passent leur temps à faire bronzette ou plouf dans la piscine installée à l’arrière du château, le tout dans un enclos assez arboré, le fameux parc aux biches, complètement ceinturé d’arbres, ce qui offre une bonne intimité pour faire se faire dorer ou de profiter de l’eau pas trop chlorée.
C’est pour cette raison que la plupart des filles se baladent en bikini ou en monokini. Parfois, deux ou trois demoiselles s’offrent le luxe d’être carrément nues, surtout quand il y a des gardes ou des vigiles dans le coin.
De loin, on pourrait croire que tous les gardes du corps sont identiques, rien que des « Messieurs Propres » au crâne luisant et aux muscles saillants, lunettes noires sur le nez. De plus près, on constate des différences. Mais on pourrait penser qu’ils viennent tous de la même famille, frères, cousins, parents plus ou moins éloignés.
Très vite, je me suis acoquinée avec l’un d’eux, Charles, un bonhomme que j’aurais bien aimé avoir rencontré plus tôt dans ma vie et dans mon lit.
En parlant de lui, on ne voit pas souvent le Professeur, le propriétaire des lieux. C’est un bel homme en blouse blanche qui semble avoir la quarantaine assez sportive, assez éloigné de l’idée qu’on se fait d’un scientifique. Par trois fois, j’ai eu droit avec lui à une sorte de séance psy, allongée sur un divan, tandis qu’il prenait des notes. Ce type connaît son métier, il est même dangereux avec ses petites questions faussement innocentes. Encore heureux que j’aie bien révisé le personnage que je suis censée être ici !
Afin de m’offrir une petite pause pour récupérer un peu du flot de questions, je pointe du doigt sa blouse :
J’essaye d’inverser les rôles :
Quand il ne s’occupe pas de nous, le Professeur est parfois accompagné par une femme d’aspect un peu sévère, ayant sensiblement le même âge, elle aussi en blouse blanche, une certaine Maryse. Il se murmure que c’est sa maîtresse. Je pense que c’est plutôt sa collaboratrice. Ils semblent assez proches l’un de l’autre, mais comme je ne les vois pas souvent ensemble et que c’est furtif, je ne peux rien déduire pour le moment. Je pense que c’est purement professionnel.
En tout cas, je n’arrive pas à savoir quel est le vice caché de ce château. Ça ressemble un peu à une émission de caméra cachée, mais sans caméra. Ou alors, elles sont bien cachées !
Ça va faire presque quatre semaines que je suis ici, et je n’ai pas beaucoup avancé dans mes investigations. Ou bien je suis rouillée, ou bien il n’y a rien à trouver. Je compense cette déception en passant la plupart de mes nuits avec mon Monsieur Propre qui sait très bien s’occuper de moi. À tel point, que je me lève souvent tard pour récupérer de tout ce qu’il a pu me faire subir !
Ce matin (si on veut, car il est presque midi), Odile étant en train de transpirer en salle de gym, au-dehors dans le parc près de la piscine extérieure, Mady expose voluptueusement son corps aux trois quarts dénudé au soleil. La regardant vautrée sur son transat, je lui demande :
Aussitôt, elle se redresse sur les coudes :
Elle n’a pas tort, je préfère ne rien répliquer. Se calmant un peu, Mady s’allonge à nouveau :
Je suis un peu déboussolée :
Je fais remarquer :
Je n’aime pas trop qu’on me balance en pleine figure des vérités que je n’apprécie pas d’entendre. D’habitude, c’est moi qui balance.
Je n’avais pas songé à cette possibilité. J’ai trop souvent côtoyé des vieillards qui couchaient avec des jeunottes, des hommes trop matures et trop vicieux… Quant à moi, je ne compte plus les propositions pas très honnêtes ! Peut-être que je suis déformée par ce que j’ai pu apprendre et révéler lors de mes enquêtes. Pour moi, personne n’est blanc comme neige, on a tous quelque chose à cacher.
En tout cas, ce Professeur a les moyens ! Sa petite communauté est constituée d’au moins quarante personnes. Oui, il y a des serres, des élevages, des champs, mais faut quand même nourrir tout le monde. Peut-être qu’il a gagné au loto ou qu’il a vendu très cher un brevet…
Pour l’instant, mis à part des petits points de détail assez curieux pour lesquels je n’ai pas d’explication, je dois avouer que je n’ai rien à me mettre de potable sous la dent. Je sens qu’il va falloir explorer les sous-sols du château. D’après ce que j’ai découvert lors de mes recherches avant de venir, il semblerait qu’il y ait deux niveaux.
J’ai mis du temps à trouver un accès vers les caves. Pas celle des provisions qui est accessible à tout le monde, mais les autres qui étaient indiquées sur un vieux plan dessiné à la hâte que j’ai pu consulter. Peut-être qu’il n’y a rien dedans, mais il faudra que je m’en assure.
Quand l’occasion se présentera, j’irai faire un tour, mais en attendant, je vais faire comme Mady : je vais continuer à faire bronzette.
Tout le monde dort paisiblement. Mon amant est de garde de nuit. Je décide d’aller faire un petit tour en bas. Armée d’une lampe torche que j’ai pu dénicher quelques jours auparavant, je constate que les caves que j’explore servent de débarras, avec des meubles, des chaises, des appareils de gym, des cartons. Rien de réel à me mettre sous la dent.
Ayant une intuition subite, j’éclaire le sol et je farfouille. Je constate très vite qu’il y a une sorte de chemin plus propre, plus poli, comme si on transitait souvent dessus. Je le suis à la trace. Celui-ci s’engouffre dans une cave banale assez étroite. Derrière un empilement de boîtes, je me retrouve nez à nez avec une porte.
Je l’ouvre délicatement, il y a un peu de lumière derrière, ou plutôt une pénombre. Je constate que c’est un escalier qui descend vers un peu plus de lumière. Bingo, je crois que j’ai trouvé le second niveau. En revanche, la lumière m’inquiète un peu. J’espère que c’est juste une veilleuse.
Avec précaution, je descends une à une les marches. J’arrive sur un palier coudé. Une autre porte que j’ouvre avec prudence. À ma grande surprise, j’arrive dans une grande salle très futuriste avec des tas de structures en métal et des tubes de verre. Ci et là, diverses loupiotes clignotent, éclairant la pénombre, créant ainsi un décor qui me fait un peu froid dans le dos.
Avec précaution et en silence, je m’approche d’un premier tube de verre : il est rempli par du liquide bleu-vert qui me semble légèrement visqueux. Je pivote vers un autre tube : même constatation. Je m’avance avec précaution vers un troisième situé plus loin.
Le tube n’est pas vide, un corps de jeune femme relié à divers tuyaux flotte dedans. Ses bras et ses jambes ondulent lentement sous l’action d’un faible courant, sans doute que quelque chose aspire le liquide pour le réinjecter, comme dans une piscine.
À moitié sonnée, je me retourne vers un tube voisin de quelques mètres : on dirait que c’est un garde du corps qui flotte dedans à présent. Commençant à reprendre mes esprits, je m’approche de la vitre épaisse, je colle presque mon nez dessus :
Stupéfaite par ce que je viens d’entendre, je sursaute. Je me retourne prestement pour me retrouver face à deux Professeurs identiques en train de sourire. Pétrifiée, j’ai quand même la force d’articuler :
Paisiblement, ils s’approchent tous les deux vers moi, je recule :
Celui qui parle depuis le début présente maintenant son jumeau :
Abasourdie, je m’exclame :
Je regarde à nouveau les grands tubes de verre :
Je plisse des yeux :
Je m’étonne :
J’en ai su quelque chose avec Charles. Ouvrant les bras, ma curiosité étant plus forte que ma peur, je demande :
Mains dans les poches, Numéro Un explique :
Bravache, je réponds :
Numéro Deux affiche un petit sourire amusé :
Le second Professeur explique :
Les mains toujours enfoncées dans les poches de sa blouse blanche, Numéro Un est à deux doigts de se mettre à rigoler franchement :
Et ils se mettent à rire de bon cœur tous les deux.