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n° 23168Fiche technique16862 caractères16862
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Temps de lecture estimé : 12 mn
03/07/25
Résumé:  Momo n’est pas méchant, mais quelquefois, il devient tout fou et mord n’importe qui…
Critères:  #érotisme #initiation #adultère fh couple nympho voyage préservati pénétratio
Auteur : calpurnia            Envoi mini-message
Mordu !

Pause d’un quart d’heure sur la liaison routière Bordeaux-Barcelone. Le ciel de juin est sans nuages, mis à part le panache de vapeur qu’émet au loin la centrale nucléaire de Golfech. Le jeune Romain, étudiant en droit, chausse ses lunettes de soleil en descendant du car. Il se hâte de se diriger, malgré l’affluence, vers la boutique de l’aire de repos afin de trouver un petit cadeau pour la jolie Karine, sa copine, qui l’attend à Perpignan.


Simultanément, Agnès ouvre la portière arrière de sa Ford Fusion dans le but de libérer Momo, son chien de taille moyenne et de race indéterminée, six ans, pelage gris, museau court. Aussitôt, l’animal se met à courir en zigzaguant entre les voitures stationnées, au désespoir de sa maîtresse qui tente de le rappeler ; elle n’a pas eu le temps de lui mettre sa laisse et craint l’accident, avec tous ces vacanciers qui manœuvrent sans précautions.


Lorsque Romain voit Momo foncer vers lui en aboyant, il se fige sur le bitume, glacé. L’image de sa mère, quand il avait cinq ans, s’impose à lui. Agnès assiste à la scène et crie encore, de toutes ses forces : « Momo, ici ! » Cela n’empêche pas la morsure sur le mollet que le bermuda rend vulnérable. L’instinct du chasseur a pris possession du chien qui n’écoute plus rien.


Corentin et Anna, dans leur véhicule de gendarmerie discrètement positionné à l’ombre de la station-service, ont tout vu. Ils sont là parce qu’on leur a signalé, sur cette aire, les agissements d’un gang de pickpockets et de voleurs à la roulette. Pour eux, il n’y a pas de petite affaire. Corentin n’a pas peur des chiens, même ceux qui sont incontrôlables. Il a même été maître-chien dans l’armée de terre, avant – comme Nordahl Lelandais, qu’il a jadis croisé ; mais ceci est une tout autre histoire. Il chausse ses gants épais, descend rapidement de la voiture et saisit Momo par le collier, avec douceur, mais fermeté, en veillant à rester hors de portée des crocs. Anna propose à Romain de s’asseoir à l’ombre. Agnès s’avance vers le groupe, catastrophée.



Agnès attend pendant ce temps, en plein soleil, le visage couvert de transpiration, sans même se rendre compte qu’elle risque une isolation, tant elle est bouleversée. Elle voit le car repartir, sans Romain, et se dit qu’elle va lui proposer de le raccompagner chez lui. Cela ne suffira sans doute pas à se faire pardonner, mais c’est déjà une tentative pour apaiser la situation.


Sur l’autoroute, dans la voiture d’Agnès, au début, le silence est pesant. Elle se demande à quelle sauce son Momo va être mangé. Les gendarmes lui ont dit qu’elle a l’obligation de déclarer cet incident à la mairie. Et aussi d’autres démarches compliquées, avec son assurance responsabilité civile notamment – mais elle sait qu’elle n’est pas couverte pour cela. Elle n’a pas bien compris ce que la société attend d’elle, et cela lui fait peur (1). Alors, elle ose poser la question, et Romain lui répond que le juge va probablement décider d’une expertise par un vétérinaire qui devra déterminer la dangerosité de l’animal. Pour ne pas prendre de risques – parce que ce n’est pas la première fois, hein ? Agnès acquiesce tristement – le praticien ordonnera sans doute l’euthanasie.



Sur la banquette arrière, Momo est couché, mais la tête relevée, légèrement inclinée, l’œil brillant, affligé. Il se doute que les humains sont déjà en train de le juger pour son nouveau forfait. Il est comme ça, Momo : fidèle à sa maîtresse, mais avec des coups de folie passagère, des pulsions violentes qu’il ne parvient pas à contrôler, malgré sa bonne volonté. C’est dû à sa jeunesse difficile, avant que la SPA le recueille et qu’il soit adopté par Agnès. Il devine que cette fois, c’est grave. Il ne lui suffira pas de faire amende honorable, de se tenir tranquille pendant quelque temps, d’accepter la laisse sans protester pour toutes les promenades. Il entend le mot « vétérinaire » qui a fait tressaillir sa maîtresse et le comprend comme un monstre incroyablement féroce qui va le dévorer tout vivant, mi-serpent mi-araignée – il a horreur de ces bestioles. Il consent pourtant à son destin avec fatalisme. L’espèce canine n’a pas été créée pour contrôler son existence. Sa pauvre vie n’est qu’un souffle minuscule dans le grand tumulte du monde. Alors il baisse la tête et se résigne, en se promettant de se montrer courageux lors sa dernière heure viendra, afin de ne plus faire honte à sa maîtresse.



Agnès éclate de rire.



Un silence se fait. Le périphérique toulousain est encombré, mais passé la ville rose, l’autoroute ensoleillée se dégage et Agnès accélère, dépassant le car qui aurait dû emmener Romain.



Il écrit un SMS à Karine pour lui dire qu’il est dans le car, coincé dans les bouchons, et qu’il arrivera avec une à deux heures de retard. Il reçoit aussitôt une réponse accompagnée de beaucoup de petits cœurs remplis d’impatience. Momo lève sa truffe. Il a perçu que sa maîtresse est en phase de plateau, proche de l’orgasme. Il connaît bien cette odeur, il sait qu’elle aura de la joie, il l’aime et il est content pour elle, lui qui n’a jamais eu l’occasion de s’accoupler avec une femelle de son espèce – il n’est pas fort pour se battre, il n’a rien d’un mâle alpha.



***


Le lendemain, en fin de matinée, Agnès appelle Romain, affolée. Momo a encore fait le fou. Cette fois, c’est un petit garçon qu’il a mordu, dans un jardin public où il n’aurait jamais dû se promener en liberté. L’enfant est à l’hôpital et son père va porter plainte. Ce coup-ci, c’est vraiment grave. Elle se représente le gamin cloué à vie dans un fauteuil roulant. Sans parler du sort de Momo, sans espoir de s’en sortir.



Agnès raccroche. Elle attrape la laisse et va promener Momo. Il mérite bien ça, comme une dernière cigarette du condamné.


Romain rappelle Agnès dans l’après-midi.



***



Romain se souvient que lorsqu’ils ont fait l’amour pour la première fois, au moment de l’orgasme, après s’être laissé pilonner pendant de longues minutes, Agnès n’a pas pu s’empêcher d’ouvrir sa bouche et de montrer ses crocs. Elle a hurlé comme une louve affamée. Il l’a vue dans le miroir, juste en face du pied du lit. Sa figure paraissait inhumaine. Serait-ce cela, l’extase ? Elle semblait comme dans un état second, transformée par une volupté qui prenait possession de son esprit. Cette image a effrayé Romain. Dans une autre position que la levrette, elle aurait pu le mordre. Mais il la tenait fermement par les hanches, et lorsqu’il a relâché son étreinte, elle s’est effondrée sur le lit, épuisée. Jamais il n’avait imaginé qu’elle pût avoir en elle une telle puissance sexuelle.


Ce soir, ils essaieront la posture d’Andromaque, où la femme est assise sur l’homme. C’est lui qui le demande. Elle fera de lui ce qu’elle voudra. Le mordre au moment où elle attendra le sommet du plaisir, éventuellement ?



*



(1) Si vous souhaitez savoir ce qu’il se passe légalement lorsqu’un chien mord, voici le très complexe « protocole chien mordeur » : Que faire en cas de morsure par un chien ?