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Temps de lecture estimé : 16 mn
10/07/25
Résumé:  Dans un monde futuriste (mais pas trop), Alhya rencontre un "Spécial".
Critères:  #sciencefiction
Auteur : Myhrisse            Envoi mini-message

Série : Spécial

Chapitre 01
Illégalité

Un chuintement. Alhya se plaqua contre la paroi. Le véhicule électrique la frôla à toute vitesse. Les passagers ne pouvaient pas s’être rendu compte de quoi que ce soit. La voiture autonome en auto-partage roulait bien trop vite sur cette voie à grande vitesse réservée aux trajets intercités.


Naturellement, ici, les piétons étaient interdits. Aucune barrière n’en interdisait l’accès. Aucun policier ne surveillait. C’était inutile. Se promener ici était synonyme de mort. Sauf pour Alhya. Elle entendait le chuintement des véhicules. Il suffisait de se pousser. Elle ne voyait pas la difficulté.


Évidemment, quelques secondes d’inattention suffisaient à provoquer une collision. Les passagers ne s’en rendraient pas compte non plus. L’information n’aurait pas non plus le temps de monter au cerveau d’Alhya qu’elle serait disloquée. La vitesse laverait le véhicule si bien que nul ne se rendrait compte de rien. Sa mort serait invisible.


Qui cela intéressait-il, de toute façon ? Invisible. Insignifiante. Alhya n’existait pour personne.


Huit ans de vie familiale. Une mère épuisée par des boulots mal payés. Caissière le jour, femme de ménage la nuit. Son père, un colérique notoire, ne parvenait pas à rester dans une entreprise plus d’une journée. Il finissait toujours par casser le nez de quelqu’un si bien que plus personne ne voulait de lui.


Il passait ses journées à avaler des petites pilules. Il planait à longueur de temps, présent mais absent, corps sur Terre, esprit dans le brouillard. Il errait dans les quartiers pauvres, défoncé, se mettant en danger sans même s’en rendre compte, riant tout seul ou pleurant sans raison. Avec des mecs rencontrés quelques minutes plus tôt, il était entré dans une pharmacie. Probablement espérait-il y trouver sa dose ou un produit plus fort. Nul ne le saura jamais. Le propriétaire de la pharmacie n’avait pas hésité à défendre son bien. Deux morts. Le porteur de l’arme et le père d’Alhya.


La police n’avait pas mis longtemps à retrouver les autres brigands. Les travaux forcés, voilà ce qui les attendait. Du travail non rémunéré, ça ne manquait pas. Tout ce que personne n’acceptait de faire et pour cause, on survivait rarement plus d’un an.


Un monde asphyxié par des décennies de surproduction. La tâche d’assainissement ? Colossale. Inhumaine. Un effort collectif réalisé à bras d’hommes et de femmes, l’essence ayant disparu depuis longtemps. L’électricité produite devait être économisée et ne servait donc plus qu’en ville : lumière, chaleur, déplacement – et encore, seulement pour la population aisée. Les autres utilisaient leurs pieds ou des vélos.


Pour l’électroménager, les machines à laver et les sèche-linge se proposaient dans des laveries. Seuls les ultra-riches pouvaient se permettre d’en posséder un chez eux. Les lave-vaisselle n’existaient plus. Les cafetières non plus – à quoi bon ? Le café ne s’importait plus depuis l’autre bout du monde depuis longtemps. Le chocolat non plus d’ailleurs. Il ne manquait pas spécialement à Alhya qui ne l’avait jamais connu, étant née dans ce monde. Sa mère lui en parlait souvent en salivant. Des bananes aussi, et des avocats. Des fruits qu’Alhya ne dégusterait jamais.


Les congélateurs partagés permettaient de conserver les fruits et légumes venus des potagers communs. Seul un frigo de petite taille par famille était permis. La télévision individuelle avait disparu des foyers, remplacée par un grand écran collectif diffusant, dans chaque place centrale de chaque quartier, les nouvelles choisies par le gouvernement.


Quant à imaginer avoir accès à un ordinateur, une tablette ou un téléphone portable ! Ces objets se vendaient une fortune au marché noir. En posséder relevait du rêve. Parfois, un fouineur en trouvait un, égaré ou datant d’avant. Rien que les matériaux qui le composaient valaient une fortune. Il avait intérêt à taire sa découverte, la ranger, impassible et poursuivre comme si de rien était, sans quoi tous les autres l’étriperaient pour l’obtenir.


Alhya avait entendu parler de fouineurs qui disparaissaient. Tués ou devenus riches en vendant une des reliques du temps passé ? Impossible à savoir. Pour sa part, elle n’avait jamais rien trouvé. Ceci dit, elle ne cherchait pas et dans cette voie rapide, rien ne traînait.


Alhya arriva à la ville haute. Les pauvres y étaient rares voire inexistants. Par la voie piétonne, il fallait cinq heures de marche pour parvenir ici. La voie rapide offrait un trajet d’à peine une heure, permettant à Alhya de profiter des installations des riches.


Elle entra dans le centre commercial lumineux et coloré. En ville basse, seules des boutiques mal éclairées proposaient des denrées aux acheteurs sales et puants. Tout ici sentait bon et rutilait.


Alhya s’avança sans crainte. Habituée, elle passa les portes doubles automatiques et se dirigea vers le centre de surveillance. Elle frappa à la porte : trois coups, deux puis un. Un code convenu entre elle et Fred, le vigile en poste à cette heure-ci.


Elle s’engouffra dans la porte entrouverte qui se referma d’un souffle derrière elle. Elle retira son manteau à capuche et dégrafa son chemisier. Inutile d’échanger avec Fred. Leur relation était bien rodée. Un ballet muet et bien huilé.


Les seins nus et fermes de la jeune femme apparurent. Le vigile les dévora des yeux. Il lui tendit un carton. Tandis qu’elle en découvrait le contenu, Fred sortit sa queue de son pantalon et commença à la caresser. Alhya n’y prêta aucune attention.


Sa mère aurait hurlé si elle avait su. Sauf que voilà, terrassée par la maladie et incapable de payer pour les soins dont elle aurait eu besoin, elle était morte en laissant sa petite fille de huit ans seule. Alhya avait été admise dans un foyer. Elle y avait été bien traitée, découvrant l’école où elle n’avait jamais mis les pieds jusque-là. Elle mangeait un repas chaud par jour et dormait dans un lit à peu près propre. Ce n’était pas si mal.


À sa majorité, elle avait dû quitter le foyer. Devant la porte entrouverte, elle avait constaté, dans la rue, la présence de plusieurs hommes, les yeux rivés sur le foyer. Alhya s’était tournée vers le directeur et l’avait supplié de lui permettre de sortir ailleurs.


Le directeur, compréhensif, lui avait fait emprunter les couloirs réservés au personnel pour lui permettre de sortir par le parking. Ce geste de compassion, si rare, avait permis à la jeune femme d’échapper à la prostitution et à la drogue. Le manteau à capuche qu’il lui avait donné aussi. Large, il ne laissait rien voir d’elle qu’une forme floue. Ainsi fagotée, nul ne s’en prenait à elle.


C’était Alhya qui était allée trouver Fred. D’abord réticent, il avait sautillé sur place en découvrant ce qui se cachait sous le large habit sale. Depuis, chaque jour, elle lui permettait de se masturber en lorgnant ses seins. La durée de cette exhibition dépendait du contenu du carton. S’il contenait à manger, elle dégustait devant lui. Les autres cadeaux – des invendus du grand magasin où le vigile travaillait – devaient être découverts dans la petite pièce.


Une fois son repas et son inspection terminés, Alhya se rhabilla, emportant son trésor sous son bras. Fred jeta les mouchoirs pleins de sa semence dans une poubelle avant d’ouvrir galamment la porte à sa visiteuse qui repartit. Ils n’avaient pas échangé un mot.


Alhya déambula dans le centre commercial où elle avait ses habitudes. Chaque boutique proposait des objets qu’Alhya ne pourrait jamais s’offrir. Elle entra dans l’une d’elles et se dirigea vers la vendeuse. Elles disparurent dans la réserve et le troc commença. Un truc contre un truc. Alhya savait qui voulait quoi. La jeune femme obtenait ainsi des petits plus alimentaires, parfois une paire de chaussettes, quelques vêtements et, dans les bons jours, une paire de chaussures à sa taille, souvent le modèle d’exposition.


Sa boîte à moitié vide, elle s’arrêta devant le kiosque à journaux et lut les titres. Ici, elle obtenait des informations plus variées que sur l’écran central. Alhya offrit trois bobines de fil à la marchande. En échange, elle put recueillir les informations sans se faire chasser.



Cette voix… Alhya se pétrifia. Lentement, elle pivota. Le client. Rangers aux pieds, pantalon solide vert foncé, veste renforcée, gants en cuir noirs, capuche et masque : un membre des forces spéciales.


Ces gars étaient des tueurs. Formés à traquer les criminels, ils ne rataient jamais leur cible. Peu nombreux, ils ne chassaient pas les voleurs à la tire ou les brigands de bas étage. Seuls les hors-la-loi de haut vol se retrouvaient dans leur viseur.


Alhya avala difficilement sa salive. Elle savait qu’ils portaient un masque mais le savoir et le voir étaient deux choses bien différentes. Cet homme n’avait pas de visage. À la place, une cascade d’eau sombre coulait. Sa voix, modifiée par un modulateur, s’échappait dans des basses profondes, augmentant encore son allure terrifiante.


Il tourna la tête vers elle. Elle s’empressa de fixer les dalles du sol avec une adoration rarement vue. Il la fixa un clignement d’œil puis s’éloigna, son journal à la main.



Pourtant, elle n’avait rien vu de tel dans les gros titres.



Alhya l’observa s’éloigner. Tout le monde s’écartait devant lui. Son uniforme n’était pas seul responsable. Sa démarche assurée s’en serait chargée seule.



Alhya comprenait. Ce spécial en imposait. Son seul mouvement de tête vers elle avait suffi à immobiliser la jeune femme, à la figer, à lui faire oublier de respirer.


Alhya secoua la tête, reprenant ses esprits, éloigna le spécial de son esprit. Elle avait à faire et elle devait se presser. Le centre commercial ne tarderait pas à fermer. Ensuite, elle attendrait dehors. Impossible de prendre la voie rapide tout de suite. Trop de trafic. Il valait mieux attendre que tout le monde soit rentré chez soi.


Alhya termina sa tournée des boutiques à temps. Elle sortit et le centre commercial ferma pour la nuit. Toutes les lumières moururent. Le noir complet. Pour économiser l’énergie, les magasins devaient tout éteindre. Seules les salles froides tournaient en permanence.


Alhya profita du silence pour se détendre. Elle étira ses épaules et fit rouler sa tête. Son cou l’en remercia. Un peu de méditation ne serait pas de trop. En bas, elle ne pouvait pas en faire. Trop de risques de se faire agresser.


Dans les hauts quartiers, pas de danger. Elle pouvait relâcher son attention. Elle n’avait pas hâte de retourner en bas et pourtant, il le fallait. Si elle était prise à dormir dehors ici, ça serait un aller simple vers les travaux forcés.


Le canon d’une arme sur sa nuque la figea. Elle leva les yeux pour constater, reflet procuré par la lune dans la vitrine éteinte devant elle, qu’un homme la tenait en joue. Son cœur rata un battement. Rangers, pantalon et veste sombres, gants, capuche, visage insondable, pas de doute : un spécial.


Alhya se retint difficilement de se pisser dessus. Elle respira avec peine. La mort allait frapper, elle en était certaine. La raison lui échappait. D’accord, les pauvres venaient rarement dans ce coin mais ce n’était pas interdit et même si ça l’était, le spécial ne s’occupait pas de la plèbe dans son genre. Sa mission concernait les hors-la-loi de haut vol. Il ne perdrait pas son temps pour une futilité de ce genre.



Alhya tremblait comme une feuille. Sa mâchoire s’ouvrait et se fermait sur des sons muets. Elle ne parvenait même pas à gémir. Tout était bloqué.



Le cerveau d’Alhya força ses muscles à bouger. C’était ça ou mourir. Se déshabiller n’était pas le problème. Bouger l’était. Il lui aurait demandé de sauter sur place que ça n’aurait pas été plus facile.


Ses doigts tremblants luttèrent avec les boutons du vêtement offert par le directeur du foyer. Ce manteau. Son armure. Son dernier lien avec la compassion humaine. Il tomba au sol. Les boutons du chemisier résistèrent mais finirent par céder. La poitrine se dégagea sans que le spécial ne bronche.


Alhya en était certaine : il s’en fichait du corps se dévoilant devant lui. Les spéciaux étaient des machines à tuer, formées en ce sens. Il lui demandait de retirer ses vêtements par sécurité, afin d’être certain qu’elle ne porte pas d’armes, probablement afin de la fouiller plus à son aise. À aucun moment elle n’imagina qu’il eût des idées perverses.


Les baskets offertes par une gentille vendeuse rejoignirent le tas de vêtements. Le pantalon suivit.



Chaussettes et culottes s’agglutinèrent avec leurs copains.



Aucun signe d’agacement dans sa voix. Il précisait ses ordres. L’accessoire avait été offert par sa mère pour ses six ans. Alhya y tenait. Elle la retira sans attendre. Mieux valait ne pas mettre le spécial en colère. Quand il aurait constaté qu’elle ne transportait rien d’illégal, il la laisserait partir et elle pourrait reprendre ses biens.


De tout l’effeuillage, il n’avait pas bougé. À peine le canon de son arme suivait les mouvements de sa cible. Sa posture générale, pieds ancrés dans le sol, équilibre parfait, centre de gravité maîtrisé, prouvait qu’il savait parfaitement ce qu’il faisait.


Alhya se retrouva entièrement nue. Pauvre, elle ne portait aucun bijou. Ni bague, ni collier, ni bracelet. Pas de piercing ni de tatouage non plus. Son corps naturel s’offrait sans que le spécial n’y sembla réceptif.



Elle obtempéra. Dans la vitre, elle le vit rengainer. Pour autant, elle ne broncha pas. Ces gars étaient aussi dangereux armés qu’à mains nues, elle n’en doutait pas. Il sortit des entraves en fer et les lui plaça autour des poignets. Retenir son urine devint plus difficile pour Alhya.


La stature générale du spécial se détendit. Sa proie nue et attachée, il se permettait de baisser un peu sa garde. Les poignets liés dans le dos, Alhya ne put que constater qu’il sortait un bandeau souple d’une autre poche pour le placer sur les yeux de sa victime. Alhya perdit la vue. Elle gémit, tremblant plus fort que jamais.



Un bâillon vint remplir sa cavité buccale, bloquant efficacement l’air. Les gémissements devinrent étouffés, à peine audibles. Les tremblements s’accentuèrent encore.


Il l’attrapa par le bras et la fit avancer. La sensation du cuir de son gant froid sur sa peau amena des larmes à Alhya. La respiration haletante, elle suivit sans résister, trop apeurée de ce qu’il lui ferait si elle osait s’opposer.



Il la fit avancer avec douceur. Lorsqu’elle sentit le contact avec le pare-choc, elle leva une jambe. Il l’aida en lui soulevant les bras. Il protégea son crâne d’une main sur le haut de sa tête. Un choc sourd la prévint de la fermeture de la partie arrière de la voiture. Un chuintement qu’elle venait de démarrer.


Alhya tira sur ses entraves. Solides, évidemment. Le contraire aurait été étonnant. Le bâillon la faisait baver. L’incertitude de l’avenir lui transperçait le ventre. Où l’emmenait-il et surtout, pourquoi ? Quelle loi avait-elle transgressée sans le savoir ? Une loi assez grave pour qu’un spécial se déplace ? C’était la mort assurée !


Le chuintement léger cessa et sans surprise, un souffle d’air frais indiqua l’ouverture du coffre.



La tenue, le masque, la voix permettaient de les rendre indiscernables les uns des autres. Effet terrifiant garanti.


Elle se redressa. À nouveau, il l’aida, protégeant sa tête et la soutenant par les bras. Des sols froids et lisses succédèrent à des sols tièdes et rugueux, pour redevenir froids, puis chauds. Les sensations s’enchaînèrent sans permettre à Alhya d’y donner du sens. Alors qu’il l’avait fait stopper et attendre, Alhya sentit son estomac lui envoyer un signal qu’elle fut incapable d’identifier, un genre de nausée en plus doux. L’effet se reproduisit une seconde fois puis Alhya fut priée d’avancer encore avant de s’arrêter.


Où l’amenait-il ? Dans quel complexe ? Vers quelle prison ? Un centre de détention de haut niveau, à n’en pas douter. Quelles tortures allait-elle devoir subir ? Elle leur dirait volontiers tout ce qu’elle savait. Seulement voilà, elle avait beau chercher, elle ne voyait pas ce qu’elle pouvait savoir d’intéressant.


Le bandeau sur ses yeux disparut. Le spécial se trouvait devant elle. Il déposa le bandeau sur une surface sombre puis retira son masque. Sa capuche suivit. Elle découvrit le visage d’un homme jeune, vingt-cinq, vingt-six ans tout au plus, la mâchoire carrée agrémentée d’une barbe de trois jours, des yeux brun profond, des sourcils marqués, les cheveux marron ondulant sur sa tête.


Il retira ses gants puis se passa une main dans les cheveux, geste nonchalant terriblement sexy. Putain, il était beau comme un dieu.


Le cerveau d’Alhya, cependant, ne s’en rendit qu’à peine compte car tout ce qu’il parvenait à répéter était « Il m’a montré son visage. Je suis morte ».


Il retira sa veste et ses rangers, qu’il jeta un peu plus loin. Alhya peinait à rester debout. Elle ne comprenait pas.



Chez lui ? pensa Alhya qui se rendait enfin compte de son environnement. Pas un centre de détention. La surface sombre sur laquelle reposaient le bandeau et les gants se trouvait être un comptoir de cuisine. Très bien aménagée, d’ailleurs. Frigo double, congélateur, four, micro-onde, cuisinière à induction, évier double et des meubles dans un style moderne. Ouverte sur une salle à manger, la grande salle se poursuivait à droite vers un salon, à peine visible depuis l’entrée.


Le tout n’était clos que par une immense baie vitrée surplombant la ville, de très haut ! Alhya se trouvait dans un immeuble de super riches. À droite, deux portes closes. À gauche derrière la cuisine, une autre entrouverte mais à cette distance et dans cet angle, Alhya ne pouvait pas voir ce qui s’y trouvait.


Il l’avait amenée chez lui ? Dans son appartement ? Dans son immeuble ? Alhya n’avait aucune idée de ce que cela signifiait. Son cerveau naviguait dans un brouillard total.



Son esclave ? s’étrangla Alhya en pensées. Depuis quand cette pratique était-elle légale ? Elle réfléchit deux secondes. Elle n’était pas légale. Aucune loi ne lui permettait de s’approprier ainsi autrui et il s’en fichait. Elle ne risquait pas de le dénoncer. Sa disparition n’affecterait personne. Pas même Fred. Il supposerait qu’elle s’était écartée trop tard dans la voie rapide, voilà tout. Dans ce monde impitoyable, mort et vie se côtoyaient dans une indifférence générale.



Alhya étudia une seconde fois son environnement. Des boîtes moisies traînaient un peu partout. Des vêtements jonchaient le sol, les chaises, les étagères. Toutes les plantes gisaient, desséchées. La poussière régnait en maître.



Alhya comprenait bien sa mission, même si elle trouva compliqué de « deviner » les préférences du maître des lieux simplement en l’observant.



Ne pas lui parler ? Comment allait-elle… Elle n’eut pas le temps de se poser mille questions qu’il précisa :



Alhya cligna des yeux. Son esprit s’apaisait doucement tandis que l’angoisse de l’incertitude diminuait. Certes, elle venait d’apprendre qu’elle était devenue un genre d’esclave domestique mais elle préférait ça à l’ignorance. Au moins, elle savait à quoi s’en tenir.


La respiration ample, son cerveau recevait davantage d’oxygène, lui permettant de remarquer des détails qui lui avait échappé et l’un d’eux lui sauta aux yeux : son interlocuteur la fixait dans les yeux. À aucun moment son regard ne déviait vers le corps nu offert. À croire qu’il s’en fichait. C’était probablement le cas. Il s’était trouvé une bonne gratuite, une pauvresse dont tout le monde se fichait et dont la disparition n’inquiéterait personne.


Il l’avait réellement dévêtue pour s’assurer qu’elle n’amènerait rien avec elle : ni téléphone caché, ni traqueur, ni rien. Il s’assurait que la nouvelle venue était sécurisée. Alhya frémit tandis qu’un filet de bave coulait sur son ventre plat, détail que le spécial ignora superbement.



Alhya ouvrit de grands yeux. Évidemment qu’elle ne l’attaquerait jamais ! Qui était assez stupide pour s’attaquer à un spécial ?



Elle approuvait. Deux règles à suivre donc, la troisième étant une évidence. Nettoyer, ranger, laver, aménager l’appartement. Être invisible. Totalement faisable.


Il la contourna pour lui retirer les entraves, libérant ses bras.



Tandis qu’il partait vers la porte entrouverte à gauche derrière la cuisine, Alhya monta les mains sur le bâillon, pour le découvrir verrouillé avec un cadenas.



Par expérience ? frémit-elle. Elle n’était pas la première. Il collectionnait les esclaves. Qu’étaient devenues les autres ? Pourquoi s’en était-il débarrassé ? Alhya enroula ses bras autour de son torse avant de commencer son inspection.