Ayant appris que Thierry Ardisson est parti pour un monde qu’on dit meilleur, j’ai eu une idée de récit placé début des années 90. Bonne lecture :)
Interview 1
Dans le grand studio TV, le chauffeur de salle est en train d’annoncer ma venue. Il est l’heure d’entrer en piste.
- — Et voiciii veniiir Claude Beaufortain !
Sous les applaudissements nourris du public, je viens me placer au centre du plateau, puis je salue cérémonieusement l’assemblée. Cette émission est diffusée avec un léger différé, ce qui rassurent mes annonceurs. Il est rare que j’aie droit à des débordements, mais on ne sait jamais. Il suffit d’une seule fois pour ruiner ou compromettre une carrière. Demandez donc à Patrick Sabatier et aussi à Chantal Goya…
Mon (relatif) succès vient du fait que je pose sereinement les bonnes questions, tout en sachant les enrober mais pas trop. De plus, beaucoup de personnes estiment que j’ai un beau physique, bien que plutôt particulier, un peu à la David Bowie.
S’ils savaient…
Mon premier invité (légèrement poussé par son staff) est un sportif nettement plus connu pour ses fiestas et ses débordements que sa régularité sur le terrain. Un jeunot qui a très vite (trop vite) connu la gloire, avec de l’argent facile, et une petite cour de flatteurs et sans doute de profiteurs autour de lui.
Visiblement, il est interloqué par les diverses questions que je lui pose. Il me lance :
- — Eh mec, c’est quoi ce…
- — Premièrement, « mec », ce n’est pas mon prénom, ni même mon nom.
Encore heureux que j’ai un assez bon charisme, une bonne présence et aussi une haute stature qui en impose, ce qui me permet de calmer assez vite la plupart des indélicats. Ma voix rauque un peu étrange aide aussi. Dans les torchons qui tapissent les kiosques à journaux, on dit même que je suis un extra-terrestre. Je continue sur ma lancée :
- — Deuxièmement, je ne m’appelle pas Michel Drucker, mais je ne m’appelle pas non plus Thierry Ardisson. On va dire que je suis au milieu. Je veux bien être gentil, mais ça ne veut pas dire que je dois vous cirer les pompes, ou plutôt dans votre cas les baskets, d’après ce que je vois à vos pieds.
- — Pourtant, on m’avait dit que…
Flegmatiquement, j’assène :
- — Eh bien, on vous a mal dit. Troisièmement, moi, c’est Claude Beaufortain. Si vous aviez regardé au moins une de mes émissions, vous auriez su à quelle sauce vous risquiez d’être mangé. Comme visiblement, vous n’avez rien regardé, c’est donc que quelqu’un dans votre entourage a mal fait son boulot.
Tordant le cou vers l’arrière, il jette un regard mauvais vers les coulisses :
- — La deuxième option, on dirait, ouais…
- — J’en reviens à mes moutons. Vous n’êtes pas sans savoir que la carrière d’un sportif est courte, très courte parfois. Vous aimez vivre, c’est évident, mais avez-vous mis au moins un peu de pécule de côté ou investi dans quelque chose ?
- — Vu qu’c’est la même personne qui m’a dit de v’nir ici et qui s’occupe aussi d’mes finances, j’commence à avoir des doutes…
Comme il me tend la perche, je bifurque faussement :
- — Vous connaissez Michel Polnareff, tout au moins de nom et de réputation, je suppose.
- — Ouais, j’connais, j’ai même discuté avec lui, il y a quelques années. Un sacré artiste bien qu’assez bizarre. Mais j’vois pas en quoi ça m’concerne…
- — S’il s’est exilé aux USA, c’est parce qu’il n’aurait pas dû faire confiance à son homme de confiance…
- — Ah OK, j’vois… Z’êtes pas en train d’insinuer que j’ai fait trop confiance ?
- — Il est bon de faire de temps à autre un inventaire, un check point.
L’air renfrogné, mon invité grogne :
- — J’sens que j’suis pas v’nu ici pour que dalle…
- — Profitez-en, mes conseils sont gratuits.
- — Pas comme ceux d’mes avocats !!!
- — Vous en avez plusieurs ?
Il joint carrément le geste à la parole :
- — Un peu trop… ça m’coûte la peau des fesses !
- — Comme vous avez parfois des paroles malheureuses, vos avocats vous ont quand même été utiles. Mais vous auriez fait beaucoup d’économies en restant muet.
- — C’est marrant, c’est c’que m’dit ma maternelle à moi ! Vous l’avez consultée avant que j’vienne ?
Je me renseigne un maximum, ça fait partie de mon métier. Néanmoins, je biaise :
- — Il faut toujours écouter sa maman quand elle veille sur l’avenir de sa progéniture !
- — Et sur le sien aussi !
- — Charité bien ordonnée est de commencer par soi-même.
Rien de spécial à tirer de cet invité qui est venu vendre sa soupe, c’est-à-dire ses mémoires, dont je suis certain qu’il n’a pas écrit une seule ligne, puisqu’il ne semble pas capable de se souvenir de ce qu’il a pu écrire dans son bouquin qui atteint difficilement les cent cinquante pages rédigées en gros caractères. Encore heureux qu’il y ait plein de photos pour meubler…
C’est avec un certain soulagement que j’accueille l’invitée suivante, une Lolita chanteuse, comme il en existe presque une tous les deux ans. Soulagement, c’est vite dit. Je me rappelle du vide abyssal de celle qui chantait à tue-tête « Turlututu, matou, tu m’as vue », un monument de la littérature française. Elle compensait par une poitrine avenante qui menaçait à tout moment d’expédier à travers la scène (ou dans le public) les boutons de sa tenue trop serrée.
Interview 2
Cette fois-ci, ma Lolita du soir semble avoir un cerveau opérationnel. Elle n’est pas aussi poitrinaire que l’autre, bien qu’ayant un certain décolleté. Disons que ses formes sont plus harmonieuses, mais ce n’est pas une maigrichonne. Visiblement, cette jeune chanteuse connaît mon émission, elle est même capable de me citer les précédentes que j’ai pu faire. Elle explique :
- — Ben oui, je vous regardais à l’époque où je n’étais pas encore connue et bien avant.
- — Houlà, Cricri (son pseudo), vous voulez me faire passer pour un dinosaure ?
- — Si tous les dinosaures étaient comme vous, ça m’irait bien !
Délaissant momentanément mes fiches, je souris :
- — C’est flatteur. À quoi dois-je ces flatteries ?
- — Non, c’est juste la vérité : vous présentez bien, vous causez bien, et vous avez un petit quelque chose d’étrange, comme les frères Bogdanoff, mais en mieux.
- — Ce n’est pas très difficile de faire mieux ! Mais assez parlé de moi, parlons plutôt de vous.
Cette petite jeune est intéressante, elle contraste fortement avec l’autre abruti. Ça fait une juste moyenne. Après quelques minutes de dialogue, je lâche :
- — J’ai la nette impression que vous valez nettement plus que le rôle qu’on vous fait jouer.
- — C’est bien la première fois qu’on me dit ça, et en plus devant des millions de téléspectateurs !
- — On devrait pourtant vous le dire plus souvent. Pas besoin d’être une idiote pour être rigolote (ça rime). Annie Cordy est un bon exemple de femme intelligente sachant divertir.
- — Je ne demande pas mieux, à condition qu’on me drive correctement…
J’en profite pour balancer une petite pique envers son auteur-compositeur-impresario-producteur et peut-être amant :
- — Bien que je ne sois pas exactement du métier, je pense qu’il serait judicieux que vous changiez tôt ou tard d’équipe. De toute façon, dans quelques années, voire quelques mois, vous serez devenue moins ingénue.
- — Une façon polie de dire « moins jeune » et donc « plus vieille » puis « has been » ?
J’affiche un petit sourire :
- — On ne peut pas éternellement être une Lolita, ma chère Cricri… sauf si vous disparaissez dans le bourgeon de l’âge. C’est la fenêtre qu’a choisi Mike Brandt pour devenir éternellement jeune.
- — Oh… je ne suis pas très fan du suicide…
- — Sans en arriver là, un simple accident suffit.
Toujours très posée, elle dit :
- — Je préfère me retirer de la scène, même si c’est pour ensuite végéter quarante ans dans un bureau ou à la chaîne… Euh, quoique… à la chaîne, je préfère éviter…
- — Ah bon ? Vous avez déjà eu une expérience ?
- — Ma mère a travaillé durant dix ans à la chaîne… J’adore ma mère, mais je n’ai absolument pas envie de suivre son exemple. Elle méritait mieux !
- — Tout comme vous, je me répète.
Le reste de l’entrevue se passe bien. Cette Cricri est une gentille fille qui est tombée dans les pattes d’un exploiteur bien connu, un presse-citron comme on dit, le genre de bonhomme que je n’aime pas du tout, un vrai salopard, mais tout ce qu’il fait reste légal, même si ce n’est pas moral.
Puis arrive l’heure de la courte pause, un quart d’heure de publicité, avant d’embrayer sur deux autres interviews.
Dans ma loge
Ayant échappé à son impresario, la jeune chanteuse vient me voir dans ma loge :
- — Vous étiez sérieux quand vous avez dit que je devais changer de manager ?
- — Vous pouvez rester encore un peu avec lui, mais tôt ou tard, il faudra que vous en changiez si vous ne voulez pas finir dans les oubliettes de la célébrité.
- — C’est bien ce que je pensais. C’est bien beau de changer, mais si c’est pour avoir pire !
- — Je constate avec plaisir que vous avez le sens des réalités.
Assise sur une chaise, elle fait la moue :
- — Vous croyez que ça me fait plaisir de jouer des gourdes ? Mais bon, il paraît que c’est bon pour mon image.
- — Ça me fait penser à France Gall, Charlemagne, les Sucettes…
- — Oui, il y a de ça. Elle a vécu sa traversée du désert avant de rencontrer son actuel mari. Elle a eu du bol. Mais avec la chance que j’ai…
Je relativise :
- — Vous avez au moins la chance d’être une chanteuse qui vend bien !
- — Je suis dans le même cas que Sheila du temps de ses couettes, je ne vois pas beaucoup la couleur des sous que je gagne à la sueur de mon front, parce que pour me trémousser, je me trémousse pas mal tous les soirs un peu partout dans l’Hexagone et ailleurs !
- — Dois-je comprendre que le contrat est bien verrouillé ?
Elle lève les yeux au ciel :
- — Oh oui ! Mes parents ont signé sans le lire !
- — Vos parents ? Ah oui, c’est vrai, vous étiez mineure.
- — Figurez-vous que je suis toujours mineure !
Un air interloqué s’affiche sur mon visage, je consulte aussitôt mes fiches :
- — Eh merde ! Comment j’ai pu passer à côté de ça !? Ah, si la date est bonne, ce ne sera plus le cas à la fin du mois.
- — Oui, le 29, j’aurais 18 ans.
- — Honnêtement, je vous croyais un peu plus âgée…
- — Je sais… assez vieille pour certaines choses, mais pas assez pour d’autres…
Je la regarde fixement :
- — J’y pense : si vous êtes mineure, on vous a peut-être demandé de faire des choses que vous n’aurez pas dû faire.
- — Ne vous cassez pas la nénette, j’ai été émancipée à 16 ans…
- — Dommage, ç’aurait été une bonne façon de rompre ce contrat. Vous avez un exemplaire de celui-ci sous la main ?
- — Pourquoi ?
Moi-même, je me demande pourquoi je viens de dire ça. Néanmoins, je reste impassible :
- — Juste pour y jeter un coup d’œil afin de voir s’il n’y aurait une faille.
- — Pourquoi vous feriez ça pour moi ?
- — Pourquoi je ne le ferais pas ? J’ai la nette impression que vous valez nettement plus, et ce ne serait pas la première fois que j’aide un ou une jeune artiste, même un simple coup de pouce…
- — Oui, c’est vrai, vous l’avez déjà fait plus d’une fois, mais je dois être un cas désespéré !
Je me mets à rire :
Elle me regarde d’un air étrange :
- — C’est curieux, je ne vous connais pas plus que ça, mais… j’ai confiance en vous, Claude. Pourtant, vous êtes un homme !
- — Merci. Peut-être qu’il ne faudrait pas me faire confiance…
- — Je tente le coup !
Puis elle se penche pour m’embrasser sur la joue. La seconde suivante, sans que j’aie eu le temps de réagir, elle n’est plus dans ma loge.
xxx
J’ai revu plusieurs fois Cricri. Comme aujourd’hui, chez moi dans mon appartement parisien, mais cette fois-ci, elle est accompagnée par ses parents. Je fais très attention : toujours avoir au moins un témoin avec soi quand on rencontre certaines personnes. On ne sait jamais.
Je m’adresse aux trois personnes qui me font face :
- — Je ne vais pas tourner autour du pot : ce contrat est bien verrouillé et vous avez été bien arnaqués.
- — C’est ce qu’on avait déjà compris, hélas !
- — Je ne voudrais pas vous offrir de faux espoirs, mais il semble qu’il y ait une faille. Une de mes très bons amis, qui est avocat, est en train de creuser dans cette direction. Je peux lui donner votre numéro de téléphone pour qu’il vous dise quoi quand il aura trouvé ?
Illico, Cricri intervient :
- — Tout ce que vous voulez !
Je me mets à rire :
- — Fais attention à ce que tu dis, ça pourrait être mal pris.
C’est à sa demande que je la tutoie depuis quelques jours. Il est vrai que mon âge est situé entre le sien et celui de ses parents.
- — Oh, avec vous, je sais que je n’ai pas à faire trop attention à ce que je dis.
- — Tu n’es pas assez méfiante, jeune Padawan !
- — Ah, vous avez vu la trilogie ?
- — Je l’ai vue, revue et re-revue ! J’ai les cassettes vidéo de toutes les éditions.
Elle semble très intéressée :
- — Ah oui ?
- — Revenons à ce contrat. Il y a deux jours, je me voyais vous annoncer une mauvaise nouvelle, et casser ce contrat vous ruinerait. Mais Martial, mon ami avocat, m’a téléphoné hier midi, apportant une lueur d’espoir.
Le père me serre chaleureusement la main :
- — Merci pour tout ce que vous faites pour ma fille !
- — Pas de quoi. Je le fais surtout parce que je n’aime pas son manager. Ce genre de type devrait aller en prison, mais ce ne sera pas pour aujourd’hui.
Je me tourne vers Cricri :
- — Bon, pour le bien, ne te fais pas trop d’illusions quant à une rupture du contrat, il vaut mieux être négatif que trop optimiste. Néanmoins, il y a toujours moyen de faire en sorte que ce soit lui qui rompe le contrat. Mais il faudra la jouer subtilement.
- — Vous avez un plan en tête ?
- — Pour l’instant, voyons ce que Martial va dénicher. Si cette piste est une impasse, on avisera alors, et je t’expliquerai diverses méthodologies.
Elle me regarde avec une sorte d’adoration :
- — C’est marrant quand même ! Je suis vos émissions depuis un bon paquet d’années et c’est vous qui allez me sortir de la mouise !
- — Je me répète : ne va pas trop vite en besogne !
- — Je pensais que tous les hommes étaient des pourris, je suis en train de réviser mon opinion.
Son père intervient :
- — Tous les hommes, des pourris ? Merci pour moi !
- — Oh, toi papa, tu ne comptes pas dans les hommes !
- — C’est encore pire !
Elle lui fait un petit câlin :
- — Tu as très bien compris ce que je voulais dire par là, papounet !
Cette jeune fille est amusante à sa façon. Elle passe d’un rôle de femme à celui de fillette en un rien de temps. On ne doit pas s’embêter avec elle. Puis comme convenu, puisque c’est un jour de repos pour Cricri, nous nous dirigeons tous les quatre vers le studio où je vais enregistrer une autre émission, mes trois invités seront au premier rang. J’ai demandé à la jeune fille de modifier un peu sa coiffure pour qu’on ne la reconnaisse pas.
Révélations
L’intérêt de bien gagner sa vie est qu’on peut s’offrir divers menus plaisirs. Celui que j’affectionne le plus trône dans ma grande salle de bain sous la forme d’une baignoire-jacuzzi. J’adore me délasser dans l’eau chaude avec plein de bulles autour de moi. Certains trouvent le paradis dans des substances plus ou moins légales.
Moi, c’est en utilisant du H2O…
Mon jacuzzi peut accueillir jusqu’à quatre personnes, mais comme j’ai une grande taille, ce nombre descend à trois, voire deux. J’ai déjà eu le plaisir d’avoir des partenaires de bain, je suis loin de détester le sexe, mais pas avec n’importe qui.
C’est alors que je songe à Cricri…
J’aurais bien aimé qu’elle soit là, mais dans ce cas, elle saurait qui je suis vraiment, et ça, je préfère éviter. Je sais qu’elle a l’esprit ouvert, mais qui sait. Cette fille m’attire, je le sais très bien, mais je crains que ce ne sois pas réciproque. Donc, il ne me reste plus qu’à faire une croix sur un éventuel rapprochement entre elle et moi.
- — Houhouuu, Claude ! Vous z-êtes là ?
Quand on parle du loup ! Mais qu’est-ce qu’elle vient faire ici chez moi ? Comment est-elle entrée ? Sans complexe, elle clame à voix haute :
- — Vous êtes où ? J’ai un truc urgent de chez urgent à vous dire !
Qu’est-ce que je fais ? Je lui réponds ou pas ? Sans attendre une quelconque réponse de ma part, elle enchaîne :
- — Le contrat, ça y est, il est cassé ! Il fallait que je vienne vous le dire tout de suite ! Tout ça, c’est grâce à vous !
Ça, c’est une très bonne nouvelle pour elle, mais moins pour moi si elle ouvre la porte de la salle de bain. Justement, loi de Murphy oblige, celle-ci s’ouvre aussitôt sur la jeune fille :
Elle se fige, tétanisée, ouvrant de grands yeux ronds. Fébrile, elle s’approche prestement du jacuzzi sans me demander la permission :
- — Mais !? Vous êtes une femme ?
- — Assez masculine quand même…
Je ne dirais pas que je suis une erreur de la nature, mais bien que je sois biologiquement une femme, j’ai le physique et la carrure d’un homme. Sous mes vêtements, mes menus seins passent pour des pectoraux, d’autant que je fais de la musculation.
Avec une certaine gourmandise, Cricri me regarde visiblement d’un autre œil :
- — Eeeh, ça change pas mal de choses…
- — En quoi ?
Sans cesser de me scruter de haut en bas, elle s’agenouille devant le jacuzzi :
- — Je me disais bien qu’il y avait quelque chose de bizarre en vous. Je me sentais à l’aise avec vous, en sécurité, alors que les hommes sont en général des loups pour les filles comme moi. Ça me semblait étrange… parce que… euh…
- — Parce que ?
Ses mains sur le rebord du jacuzzi, me fixant droit dans les yeux, elle se penche légèrement vers moi :
- — Je… je n’aime pas les garçons… pas du tout…
- — C’est amusant, moi aussi… Mais avant tout chose, petite effrontée, peux-tu me dire ce que tu fais chez moi ?
- — Ben, je voulais vous informer tout de suite de la bonne nouvelle, Claude…
- — Eh bien, c’est fait, tant mieux pour toi… et auquel cas tu l’ignorerais, le téléphone, ça existe… J’ai même un répondeur dernier cri.
Elle me dévisage de façon très insistante :
- — Et je viens d’avoir une autre bonne nouvelle.
- — Ah bon !? Laquelle ?
- — Que vous êtes une femme et que vous aimez aussi les femmes.
Passant outre sa déclaration, agitant mon index sous son nez, je la gronde :
- — Depuis quand on entre chez les gens comme ça !? Au fait, tu as fait comment ?
- — Ben… la dernière fois, j’ai bien regardé le mouvement de vos doigts quand vous avez tapé les deux digicodes, celui de l’entrée de l’immeuble et l’autre pour votre appartement.
J’aurais dû faire plus attention, c’est bon à savoir pour le futur. Finalement, une clé à l’ancienne, c’est finalement mieux que tous ces machins électroniques qui ne sont pas vraiment sécurisés. Toujours assise au fond de l’eau chaude, je soupire :
- — Tu mériterais une punition pour t’être introduite chez moi comme une voleuse !
Se redressant sur ses genoux, elle bat carrément les mains :
- — Oui, oui, oui ! Une punition !!!
- — Comme punition, tu vas tout me raconter de A à Z, ma petite impertinente.
Elle semble déçue. Je précise :
- — Avec moi, dans le bain.
- — Toute nue ?
- — Il est rare qu’on se baigne avec ses vêtements.
Tout en ôtant précipitamment ses vêtements, Cricri me lance un large sourire enjôleur. Le reste nous appartient à elle comme à moi.