n° 03672 | Fiche technique | 24551 caractères | 24551Temps de lecture estimé : 15 mn | 22/02/02 |
Résumé: De l'éphémère à l'éternel | ||||
Critères: ffh couplus extraoffre voisins | ||||
Auteur : Achour Envoi mini-message |
Épisode précédent | Série : La fortune de Mustapha Chapitre 02 / 02 | FIN de la série |
La fortune de Mustapha (2)
Dès que Mustapha a entendu le mot " police ", il sursaute comme un chat terrorisé par les grognements d’un chien tout proche. Toute sa superbe de mâle dominateur et repu l’a quitté et sa première idée est de se cacher sous le lit. À grands pas silencieux, il fonce vers la salle de bain, à la recherche de ses vêtements. " Piiiitainnn, Piiiitainnnn… Pour ine fois… Jé suis moudit, moi ! ", ne peut-il s’empêcher de penser. Son esprit est terrassé par des images de menottes, de tribunal, de mari outragé, d’expulsion, de sa pauvre femme en pleurs… " Pitain ! qu’est-ce jé vais lui raconter ? Voilà ce qui c’i di faire li haram "…
Sous une apparence calme, elle ne mène pas plus large que Mustapha. Dans sa tête, c’est du cent milles volts. La police frapper à sa porte ! En quel honneur ? Jamais, sa vie durant, elle n’a eu affaire à la police, sous quelque angle que ce soit ! C’est tellement surprenant, saugrenu, impensable, que, obligée en plus de passer une robe de chambre, de se précipiter, elle ne trouve aucun début de commencement de réponse. Parvenue à la porte, elle avale sa salive, secoue la tête comme pour se préparer au pire, et fait face à la réalité.
Sur le palier, trois uniformes, deux hommes et une femme, l’attendent. Ils sont jeunes et paraissent inoffensifs, animés des meilleures intentions… quelque peu confus aussi. À la vue de Maria, essoufflée, décoiffée, en sueur, dégoulinant de sexe et de plaisir, leur gêne augmente. C’est bien ce qu’ils pensaient. Ils ont failli ne pas venir, d’ailleurs ! Mais, devant l’appel terrorisé qu’ils ont reçu, par acquit de conscience, ils ont consenti à se déplacer, encore pour rien, apparemment. Ce n’est pas la première fois qu’on les sollicite pour un soi-disant viol et qui se révèle être tout simplement un torride corps à corps. De nos jours, les femmes se gênent de moins en moins lors des rapports sexuels. Elles manifestent leur plaisir - et la liberté fraîchement et chèrement conquise de ne plus le dissimuler - de manière très sonore, parlante en somme. Certaines, au grand dam de leurs voisins, en font même un préalable à tort ou à raison incontournable. Elles crient par principe, comme pour dire que plus jamais elles ne baiseront en silence. Chez elles, contrairement aux Marquises, gémir est bel et bien de mise !
Ouf, ce n’est que ça ! Le soulagement sur le visage de Maria est manifeste, elle retrouve sa raison… et sa langue :
Maria les suit du regard jusqu’à ce qu’ils disparaissent dans l’escalier, sans pouvoir contenir un sourire sournois, teinté de honte et de fierté à la fois, de satisfaction et d’amusement aussi. Elle a donc crié tant que ça ! Bien sûr, elle crie d’habitude en faisant l’amour, mais pas au point d’ameuter les forces de l’ordre, tout de même ! Et elle qui se posait des questions sur sa libido ! La voilà rassurée, à présent. Rassurée, certes, mais pas rassasiée, ni calmée… À l’idée de la suite des réjouissances, de sournois, son sourire vire au pervers. Ses yeux s’allument d’un éclair rêveur : elle a déjà tout prévu - et tout imaginé - pour la prochaine étape. Ça va sûrement la faire crier encore, mais tant pis. Elle serait folle de ne pas profiter pleinement de cette aubaine, un vrai torrent de délices et de félicité…
Cependant, le plaisir qu’elle se promet est quelque peu assombri par ce débarquement des policiers. Mais qui donc a-t-il pu les appeler ! De ce côté de l’étage, il n’y que trois studios, le sien, celui, tout au fond, d’une sexagénaire qu’elle voit de moins en moins depuis sa retraite, et, enfin, celui juste en face, occupé par une jeune femme qu’elle croise parfois sur le palier, dans l’escalier ou encore au marché du coin… Entre elles, la relation est restée bien parisienne, c’est à dire ne dépassant guère l’échange courtois et distant d’un bonjour aussi laconique que conventionnel. Ça fait plusieurs jours que Maria ne l’a pas vue d’ailleurs… Elle tend l’oreille, regarde à droite et à gauche, sans déceler le moindre signe. Puis, obéissant à son instinct à présent aiguisé par la contrariété autant que par la curiosité, elle fixe la porte en face de la sienne. Chose curieuse, à cet instant précis, celle-ci s’ouvre et sa voisine apparaît…
Les deux femmes se regardent. La voisine baisse les yeux la première. Elle semble bien gênée, sur le point de s’écrouler sous le poids de l’accablement et la confusion. Maria lui trouve un air tout contrit, penaud, désolé. Nerveusement, elle se tortille les doigts, semble sur le point de dire quelque chose mais hésite, se retient… Elle avale plusieurs fois sa salive, puis, en un geste torturé, d’une voix pleine de remords, elle se jette à l’eau :
Maria est complètement déconcertée, ne sachant comment réagir devant cet aveu inattendu, mais qui a au moins le mérite de la sincérité. Elle aurait bien voulu écraser cette frustrée mégère par un méprisant " occupe-toi de tes fesses, mal-baisée " ; mais, bien visibles sur son visage rouge de confusion, les regrets et le repentir de la voisine la confinent sur le terrain de l’indulgence. Après tout, sa conduite est dictée par un bon esprit. Elle a crié exagérément, sans doute, et ce n’est que normal que cette femme s’en soit inquiétée. Et puis, à supposer qu’elle ait agi pour d’autres motifs, agacement, jalousie ou envie, c’est quand même un peu compréhensible dans son cas. L’expression de son visage dit assez tout cela et bien plus encore. Elle semble sœur de la frustration et tout indique qu’elle est en très bons termes avec la solitude…
Maria est de plus en plus perplexe. " Oui, oui, c’est ça ", pense-t-elle. " Tu veux te rincer les oreilles encore, t’exciter à mes dépens, hein ! Pourquoi pas ? " Elle sourit en conséquence et rassure sa voisine :
La voisine est ravie. Un faible sourire de reconnaissance et de soulagement éclaire son visage :
Sur ce, chacune regagne ses pénates. Maria est tout sourire. Ses pensées sont partagées entre la nuit qui l’attend et cette voisine qui semble en état de manque, n’attendant qu’une ouverture pour s’ouvrir d’elle-même, à toute proposition, comme on dit. Bien que plus jeune que Maria, elle à l’air d’une fleur assoiffée, flétrie, qui ne demande qu’à être arrosée… " Pourquoi pas ", se dit Maria encore une fois.
Chez elle, elle se dirige directement vers la salle de bain. Mustapha, tout habillé, est assis sur le bord de la baignoire. Sa " valise diplomatique " à la main, il semble attendre qu’on vienne le chercher pour être fusillé…
Maria réfléchit. Si elle lui disait qu’ils étaient venus suite au boucan qu’ils avaient fait, il serait capable de lui scotcher la bouche ou de s’arrêter de faire l’amour au moindre bruit qu’elle émet…
Rassuré, Mustapha se détend et retrouve son sourire. Il mange de tout, en fait, " sauf du hallouf " N’ayant nulle envie de faire la cuisine, Maria appelle une pizzeria et commande à manger ; à boire, elle a tout ce qu’il faut. Le temps de déguster l’apéro, accompagné de quelques amuse-gueule et autres amuse-lèvres en tout genre ; le temps de préparer la table aussi, le livreur sonne à la porte. En lui signant le chèque sur le palier, Maria est sûre que sa voisine la guette à travers le judas de sa porte. " Tu ne perds rien pour attendre ", se - et lui - promet-elle.
Mustapha a bien mangé, bien bu aussi. Tout comme Maria, il a un bon coup de fourchette, doublé d’une descente facile. Durant le repas, ils font plus ample connaissance. Mustapha répond volontiers aux questions qu’elle lui pose et parle de son métier, " blâtrier ", le chantier où il travaille, " à Malakouff ", le foyer où il habite, à Colombes … Il lui faut plus d’une heure pour rentrer, d’ailleurs, et il ne faut pas qu’il rate " li mitro "…
Rassuré de dormir " au choud ", Mustapha se relaxe positivement. Torse nu, en caleçon, allongé sur le lit, il " tiscute " et boit avec plaisir. Les sens apaisés, il paraît au faîte de la plénitude. Maria est aux anges, ravie et fière d’avoir domestiqué enfin ce cheval des steppes. Le voilà qui résiste mieux à ses caresses, les sollicite même, et semble les apprécier pleinement. En revanche, il n’a pas l’air de savoir les rendre. À Maria qui lui caresse la poitrine, promène ses lèvres sur tout son corps, il ne fait que lui caresser inlassablement les cheveux, sur lesquels il semble faire une véritable fixation. En plus, le vin semble l’avoir quelque peu engourdi. Sa queue ne réagit plus aussi promptement aux attouchements et aux coups de langue. Maria est un peu déçue. Bah, on ne peut pas tout avoir du premier coup ! Heureusement, pour la partie sérieuse de la chose, il assure ! Ça ne sert à rien de lui réclamer ceci ou cela, encore moins de l’exiger ; ces choses-là ne viennent qu’avec le temps… Le temps, l’envie, le sentiment… ça se cultive tout ça. Grande est la différence en effet entre un homme qui vous caresse par envie et un autre qui le fait parce que les choses doivent être ainsi faites, mécaniquement presque, sexuellement correct, quoi ! Et Maria est bien placée pour le savoir…
N’empêche ; elle aurait sacrément apprécié quelques caresses ! Son corps les réclame, et c’est tellement meilleur quand ça vient de la part du mec, spontanément ! Mais pourquoi ne met-il pas la main sur son ventre, putain ! Elle y sent comme un nœud. Il suffit qu’il y pose la main pour qu’elle s’ouvre comme une figue, mûre, mielleuse, dégoulinante… Et ses seins ! Pourquoi ne lui caresse-t-il pas les seins ! Elle les sent tendus, gonflés, à fleur de peau ; ils n’attendent que ses mains, ses lèvres… Personne n’est resté indifférent devant ses seins… Hommes et femmes…
Tilt ! Maria se dresse.
Elle ne répond pas. Sa voisine ! Elle sent ses seins se tendre davantage. Quant à son bas-ventre, ce n’est certainement pas Mustapha qui va en déguster de la figue ! Béate d’envie, Maria se lève, obéissant à son imagination. Mustapha ne suit plus.
Sans plus d’explication, elle le plante là et fonce vers la porte. Son pas est décidé et sa décision est prise. Elle ne veut peser ni le pour ni le contre. Souvent, à réfléchir sur ses élans, on trouve mille raisons de les freiner. Le temps de traverser le couloir, donc, la voilà qui frappe chez sa voisine. Sans répondre, celle-ci ouvre directement sa porte. De se trouver nez à nez avec Maria à moitié nue et le regard allumé d’une lueur explicite, ne paraît pas la surprendre plus que ça. Au contraire, ses yeux, interrogateurs, cherchent ouvertement ceux de Maria, comme pour y lire confirmation de ses pensées. Maria la fait languir un instant, s’attendant de sa part à une question, une parole quelconque. Mais la voisine ne dit mot. Et qui ne dit mot, n’est-ce pas ? Son regard est toujours accroché, chargé d’attente, ouvert à toute proposition et plus si affinité. " Elle a dû en voir de toutes les couleurs ", se dit Maria en repensant à sa cavalcade avec Mustapha. Alors, jugeant le fruit mûr à souhait, elle le cueille :
En guise de réponse, les yeux de la voisine rient tout seuls, sa poitrine se gonfle et sa bouche se tord pour contenir un irrésistible sourire d’aise et de plaisir. Néanmoins, elle trouve moyen de sauver les convenances :
Et, pour lui ôter tout scrupule, elle avance la main et lui caresse la joue. Un peu étourdie, la voisine penche sa tête du bon côté.
En voyant Maria revenir main dans la main avec une autre femme, Mustapha sursaute et se glisse pudiquement sous le drap.
La voisine s’assoit sur la chaise que lui désigne Maria, entre le lit et la table, juste à la hauteur de Mustapha. Ce dernier, bien qu’intimidé comme on l’imagine, ne perd pas le sens de la politesse. Il se dresse et cale ses épaules contre le mur pour faire face à la voisine. Maria reprend sa place à ses côtés. On se verse à boire. Mustapha est obligé de se pencher pour atteindre son verre. Ses yeux obliquent vers la voisine. Elle est en survêtement, sans doute du cent pour cent coton, ample et léger, à travers lequel la culotte est bien visible. Par contre, en haut, rien ; les seins sont libres, menus, bien arrondis. Mustapha sent son sexe bouger. " Salobard ", l’insulte-t-il intérieurement. Il le connaît son zob. Tel un chien, il paresse en présence des femmes connues et se dresse à l’approche des inconnues ! Car il est bien dressé maintenant, à tel point que Mustapha reste plié en avant pour le dissimuler. Mais Maria n’est pas dupe. Elle y pose directement la main.
La voisine écarquille les yeux, la bouche ; peut-être autre chose encore mais, pour l’instant, ça se voit pas. Instinctivement, elle s’approche et avance la main.
Elle semble se réveiller et se le tient pour dit, à regret apparemment. Cependant, elle ne peut détacher ses yeux de cet engin…
Mustapha n’est pas moins étourdi qu’elle. Il ne sait plus où regarder, ni que faire. Il tourne la tête vers Maria, comme s’il s’attendait à trouver chez elle la solution, la clef de tout cela…
Maria paraît sceptique. Elle plonge, néanmoins, la main sous l’oreiller et la ramène avec un préservatif. D’un geste ample, théâtral, elle le présente à la voisine :
Incrédule, la voisine fait ce qu’on lui dit de faire. Au moment où elle s’apprête à s’agenouiller devant Mustapha, Maria la saisit aux cheveux et l’oblige à la regarder. L’une et l’autre ont les lèvres frémissantes et elles se trouvent naturellement, se mélangent avec les langues, la salive, la respiration… Mustapha n’en croit pas ses yeux. Il semble électrocuté et un sifflement menace de lui exploser la tête. " Jé rêve ou quoi ! " Tout irréel qu’il soit, ce baiser lui tord le ventre de désir. Ses yeux enregistrent chaque mouvement et aucun geste de cette lutte au bouche-à-bouche ne lui échappe : la voisine qui s’accroche à Maria comme si elle craignait de la voir changer d’avis ; les mains de Maria qui se promènent sur ce corps, descendent tout au long du dos, s’attardent sur les fesses, glissent sous le pantalon, la culotte, s’affairent pour les écarter… La voisine se tortille de son mieux pour l’aider et la voilà les fesses en l’air… À cette vue, Mustapha se dresse et y dirige instinctivement sa queue… Maria intervient :
Effectivement, ils ne s’endorment qu’aux aurores…
Le temps a passé. Filent les jours… les mois… les années… Pftttttt, ça passe tellement vite…
Mustapha est à la retraite à présent. Maria le sera dans deux ans. Accomplissant le cycle de sa vie, elle a quitté Paris et s’est acheté un trois-pièces en banlieue. C’est là où désormais elle chante la chanson des vieux amants avec Mustapha. Depuis sa retraite, ce dernier passe son temps entre le pays et la France, quelques mois là-bas, quelques mois ici. Bien qu’il passe la majeure partie de son temps chez Maria, il a quand même gardé sa chambre au foyer, " on ne sait jami " n’est-ce pas ?
Pour l’heure, allongé sur le canapé, il regarde la télévision, zappant de chaîne en chaîne, l’âme en paix et le corps repu. Maria ne partage pas le même engouement que lui pour la télévision. Assise devant son ordinateur, elle navigue sur Internet, auquel elle a vainement tenté d’intéresser Mustapha. Sa réponse est restée invariable : " ça coûte cher, ci tric-là " Aussi, navigue-t-elle en solitaire, de site en site… Avec le temps, les sites de cul sont devenus assommants de répétitivité et seuls quelques-uns uns trouvent grâce à ses yeux, ceux consacrés aux histoires érotiques notamment…
Perdu dans un océan d’images, Mustapha n’a pas entendu grand chose de ce qu’elle a dit ; rien, pour ainsi dire. Il se rappelle néanmoins avoir nettement entendu " bon marché ".