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Temps de lecture estimé : 18 mn
25/11/04
Résumé:  Dans une lettre ouverte posthume, un homme évoque le souvenir de son dépucelage par une prof de philo très portée sur les travaux pratiques...
Critères:  fh fplusag profélève école intermast pénétratio init
Auteur : Arnage      

Collection : Dernier voyage
Le Maître

Acte I.




Vous avez dû redevenir poussière depuis belle lurette, mais dans mon esprit, vous rayonnez encore de l’éclat de votre quarantaine triomphante. Notre dernière entrevue remonte à l’année de mon bac. Vous enseigniez la philosophie au lycée. J’étais votre élève. Pour votre grâce un peu aristocratique, la fierté de vos seins narguant la gravité, l’élégance féline de votre démarche de velours et votre voix languissante, je faisais exploser ma note de participation orale qui stagnait d’ordinaire dans des profondeurs abyssales. Narcissique, vous l’étiez jusqu’au bout de vos talons aiguilles, mais vous disposiez d’arguments à la hauteur de vos prétentions. Votre éloquence, votre culture raffinée et vos propos sur la psychanalyse des rêves me transportaient quand vos collègues ne parvenaient pas à me faire décoller de leurs manuels indigestes. Dans ce lycée de matérialistes bornés, entre le crétinisme des mathématiques et le rigorisme des déclinaisons latines, vos trois heures de cours hebdomadaires représentaient un exutoire inespéré que j’attendais avec impatience. Quel bonheur de vous entendre à nouveau, Madame ! Votre gestuelle précieuse et votre bouche sensuelle accompagnaient votre argumentaire des plus envoûtantes manières. L’onctuosité de votre voix me submergeait. Vous m’évoquiez furieusement ces femmes de lettres, de Sévigné, Récamier, de Staël, et la salle de cours, ces salons mondains où l’on venait palabrer avant de s’entretenir de choses plus futiles au fond d’intimistes boudoirs. Lors des devoirs sur table, je dissertais avec passion dans le secret espoir de vous séduire par les mots. Je me plaçais parmi vos meilleurs élèves.


La plupart des autres garçons snobaient le cours et me traitaient de fayot, ce dont je n’avais cure. Pendant que ces minables s’en allaient courir après leur baballe à l’intercours, je m’exerçais à la rhétorique en votre compagnie. Sous vos apparences un peu hautaines, vous n’aviez pas de dédain, Madame, pour celui qui venait discourir, à condition bien sûr d’y mettre les termes adéquats. Je polissais ma dialectique mais vous aviez toujours le dernier mot. Un changement d’intonation, un sourire de conclusion et vous me coupiez l’herbe sous les pieds. Impossible de relancer les débats d’aucunes façons, et à l’issue de nos Dialogues improvisés, en lieu et place du boudoir fantasmé, je devais me contenter d’une vulgaire pissotière pour apaiser mes penchants trop fervents. Et puis vint ce devoir au libellé providentiel : « Dans quelle mesure peut-on faire de l’audace un choix de vie ? » L’audace, quel mot magnifique ! À cette époque où je voulais encore changer le monde, l’audace me paraissait nécessaire à l’accomplissement de toute existence. Sans elle, l’humanité aurait végété dans l’obscurantisme. Bien sûr, bon nombre d’esprits audacieux s’étaient brûlé les ailes, mais le risque constituait le fondement même de l’audace, et j’appuyai mon propos d’une hardiesse fort démonstrative : l’aveu enflammé de ma passion pour vous. La remise des copies eut lieu dix jours plus tard, le vendredi soir précédant les vacances de printemps. Vous aviez l’habitude de rendre les notes dans l’ordre décroissant. À peine aviez-vous franchi la barre de la moyenne que je compris que ça allait mal tourner pour moi. Sept… six… cinq… les notes sombraient dans l’abîme, et à chaque nouvelle banane, vos commentaires prenaient l’allure de réquisitoires de plus en plus glaçants. La montre tournait, et je commençai à angoisser. J’allais être la risée de la classe. Tant pis, j’aurais assumé mon culot quitte à soutenir la teneur de mes propos devant tout le monde. Il ne restait plus que ma copie à remettre quand le tocsin marqua l’expiration de l’heure et le début des vacances. Les autres détallèrent et je dus me résoudre à vous accompagner dans la salle des professeurs. Nous nous retrouvâmes seul à seul dans une grande pièce déserte. Ça et là, sur les tables disjointes, des gobelets de café abandonnés témoignaient du départ précipité de vos collègues.



Je m’exécutai. La porte claqua. Vous vous assîtes en face de moi. Votre jeu de jambe d’une féline sensualité polarisait mon attention. Sous la gaine moulante d’une jupe fendue, votre jambe droite s’enroulait autour de sa jumelle dans les effleurements lascifs de vos bas nylon. Fraîchement extraite de votre serviette, ma copie glissa sur la table. En en-tête, les commentaires du correcteur s’étalaient comme les traînées de sang d’un carnage. Vous ne dîtes pourtant rien. Pire que cela, vous me dévisagiez en silence, un petit sourire au coin des lèvres. Je tentai le tout pour le tout.



Élégamment bottés de cuir, vos petits pieds effectuaient quelques coquettes rotations de cheville.



Les lignes élancées de la semelle pointaient vers le ciel comme l’étrave d’un fier navire. Des reflets glacés ondulaient sur le cuir noir.



Les bottes oisives s’effleuraient, cuir contre cuir, dans des crissements gratuits suggérant un ennui croissant.



Par l’ouverture de votre jupe, perdu dans l’entrelacement de vos jambes, votre sexe arrogant m’affamait par sa si suggestive absence. Une envie folle de me flatter s’emparait de moi lorsqu’un bruit soudain détourna momentanément votre attention. Un deuxième bruit vous incita à jeter un coup d’œil dans le couloir. Je me retournai sur votre passage. La nonchalance de votre séant entraînait mon regard fasciné dans son sillage désinvolte.



Il m’aurait été de toutes façons bien difficile de marcher dans l’état de luxuriance où je me trouvais. Le claquement de vos bottes s’éloignait. Vos talons cinglaient comme la lanière d’un fouet. J’en étais raide d’envie et de douleur. Une fois la désertion des locaux assurée, je vous entendis revenir dans mon dos. À chacun de vos pas, l’image de votre con s’entrebâillait dans ma tête sur une mer avide. Je me retournai. Vous étiez si proche de moi que je me levai, un peu gêné, en reculant contre la table. Je bégayai je ne sais quoi quand l’un de vos doigts se posa sur mes lèvres.



Un geste sec et précis vous suffit à me déposséder de ma ceinture. Mon pantalon tomba à mes pieds en révélant dans sa chute la bosse qui m’entravait. Sous son cocon blanc, mon désir prenait des proportions explicites. Vous le fîtes éclater au grand jour sans autre forme de procès. Si vigoureuse et cependant si fragile entre vos mains, la chose palpitante d’excitation ne pouvait retenir mon émotion. Conformément au trait d’esprit précédemment exprimé, vous vous mîtes à me sucer. Une sensation étrange et envoûtante s’empara de moi. Je m’engonçais dans un étrange bain de bouche, ballotté par les remous de votre langue houleuse. La gorge inondée, je luttais pour contenir l’onde libidineuse qui me transcendait le corps et l’âme. Il eut été si facile et si confortable de m’en libérer sur-le-champ, mais non, il me fallait tenir, résister, pour ne rien gâcher de cet instant insensé. Je n’aurais pas voulu m’envoler sans avoir au moins vu l’origine du monde. Sous mes yeux s’élevait le voile de votre jupe. La ligne de front reculait à mesure qu’apparaissait votre sanctuaire païen. Baignées des lueurs scintillantes de vos bas, vos cuisses altières imposaient leur grâce de calice sacré. Le levé du rideau me semblait éternel, mais j’aurais voulu qu’il dure toujours. Enfin, l’objet de mes convoitises s’ébaucha entre les rubans dentelés des jarretelles. Un soyeux triangle d’écarlate érigeait un dernier rempart entre votre intimité et le monde extérieur. Ma raideur redoublait d’exubérance. Je me rassis pour être au plus près de votre écrin de tentation.



La culotte tomba à vos pieds. La découverte, d’une triviale beauté, bouscula ma vision très schématique du saint des saints. À travers une végétation fournie, je perdis mon innocence dans les sinuosités d’un trait de côté déchiqueté dont les plis et replis m’entraînaient d’explorations en surprises. Le dégradé des teintes dans l’interstice perçant sous la friche pileuse, appelait un univers changeant au gré des courants et des marées. En guise de commentaire, il vous prit la fantaisie de plagier Socrate.



Mon membre en main, vous aviez déjà fendu le fruit de la connaissance d’une large cicatrice rouge sang. Je me sentis partir au simple contact de cette blessure aqueuse. Votre sexe s’empala sur le mien. Ensorcelé par vos lancinants aller et venues, je fondis dans un abîme de volupté tout en plongeant ma tête dans votre corsage. Votre asile chaud et humide se dilatait extraordinairement. La douceur de ses parois malléables à l’infini exaltait mon foisonnement sanguin à chaque coup de boutoir. Au fil de vos déferlantes, vous m’excitiez de plus belle au son de ces longs soupirs suaves que vous alliez chercher au fond de votre gorge. Mes chairs s’irradiaient de spasmes sous l’irrésistible effet de mon ascension séminale. Vos gémissements, tellement plus incendiaires que ces ridicules piaillements de pucelle, allaient en s’étirant. Était-ce cela, jouir ? Approchant du paroxysme de mon désir, je cultivais l’espoir fou qu’au moment de me répandre en vous, vous eussiez ressenti comme une petite étincelle, ne serait-ce qu’un frisson de moi. Il me fallait encore tenir un tout petit peu. Enfin, à bout, je cédai sous les soubresauts de trois belles giclées d’amour en retombant sur le dossier de la chaise. Derrière moi, sur la table, les commentaires de ma copie délaissée épiloguaient.


Vous avez mesuré l’audace au risque encouru.

Aujourd’hui, l’audace a payé, je vous mets 18, mais n’oubliez pas le prix du risque : - vous méritiez 2…




Acte II.




De quelle manière avais-je perdu ma débilité ! Les autres pouvaient pavoiser sur leurs pétoires avec des gamines post-pubères, moi j’avais fait l’amour avec une muse. Vous aviez deux fois l’âge des boutonneuses de ma classe, mais aucune ne vous arrivait à la cheville. Dans l’ombre longiligne de votre fière silhouette, ces midinettes lobotomisées se cherchaient une raison d’exister dans la dernière mode. Avec un goût pour l’émulation que l’on ne retrouvait guère que chez certains ruminants, les charcutages dégénérés succédaient aux ornementations les plus grotesques. À côté de la fine élégance de vos petits cigares, ces pauvres greluches ne semblaient s’amuser que de cigarettes en chocolat. Je me détachais de leur univers infantilisant pour me rapprocher de votre sphère. En travaux pratiques, je m’empressais de terminer les analyses sémantiques pour écrire les textes érotiques que vous m’inspiriez. Un jour où j’eus le malheur de snober un texte de Bergson, vous me surprîtes en train d’ébaucher quelques mots obscènes sur mes brouillons.



À ces mots, un « 02 » humiliant souilla ma feuille.



Cette fois-ci, l’audace n’avait pas payé. Nous nous retrouvâmes une nouvelle fois en vis-à-vis dans la salle des professeurs. J’usai de l’étroite marge de manœuvre que m’accordait votre patience.



Pas de réponse. Vous demeuriez impassible. Je pris mon courage à deux mains.



Je vous tendis mon brouillon crayonné des ébats imaginaires que j’avais rêvés au son des frôlements d’étoffes sous votre jupe. La feuille à peine arrachée des doigts, je me demandais si je n’avais été trop loin en observant votre lecture en silence au bord de la fenêtre. Le silence pesait. La lecture achevée, votre visage s’illumina d’un sourire presque pervers ne faisant aucun doute de vos visées ludiques.



Je reconnais que mon scénario ne volait pas bien haut. Vous prendre par derrière sur votre bureau, devant la classe médusée, cela manquait d’élégance.



Vous commenciez à perdre patience.



Que n’avais-je pas dit là !



Je fus entraîné vers les toilettes des femmes. La menace du renvoi dissuadait en ce temps-là toute velléité de résistance. Forcé de m’asseoir sur la cuvette, je vous vis me lier fermement les poignets autour du tuyau d’évacuation des eaux. Dépossédé de mes pantalons et sous-vêtements, je me trouvai livré à votre bon vouloir. À cheval sur moi, la jupe retroussée et le bas-ventre tout juste cacheté d’une culotte minimaliste, vous me contrôliez selon votre envie en dédaignant la protubérance que vous aviez fait sortir de sa tanière. Je ressentis pourtant le coton blanc de votre cache-sexe du bout de mon fruit fraîchement éclos. La toile était si fine que la moindre cavité de votre vulve s’esquissait au passage de mon membre. Entre vos mains, celui-ci avait l’air d’un jouet en plastique. L’un de vos doigts écarta la fine langue de tissus et j’éprouvai à nouveau la douce onctuosité de vos muqueuses. Pas pour longtemps. Vous vous contentiez de me faire louvoyer aux portes du Graal. À peine étais-je suffisamment excité pour vouloir pénétrer davantage que vous vous retiriez. Cet insupportable petit jeu se prolongea le temps de me faire venir. Vos lèvres luisantes de mouille m’exaspéraient. Je vous suppliai de m’introduire plus profondément en vous. En vain. Au moment où je me sentais partir, il vous prit la cruauté de vous dégager brusquement de moi. Mes salves orgasmiques s’en furent comme autant de balles perdues. Tout juste quelques petites particules blanches échouèrent sur votre toison bouclée. Alors que je me vidais de désespoir et que mon émoi dégoulinait piteusement sur le carrelage, mon sémaphore vacilla d’une gifle.



L’une de vos bottes se logea entre mes jambes. Le talon phallique me pressait horriblement les parties génitales tandis que ma tour de Babel s’écroulait sur le cuir noir en répandant quelques filets de dépit sur les pliures de la cheville. Au-dessus de mon ventre, vos doigts glissèrent sur les rebords disjoints de vos grandes lèvres. Ils s’ouvrirent en ciseau sur la clé de voûte des nymphes en forçant le clitoris à émerger. Je l’entrevis enfin, ce phallus mystérieux, ce bouton presque magique dont le mystère m’inspirait autant d’admiration que de crainte. Vous vous mîtes à le malaxer, le faisant par ce geste bander furieusement. Vos soupirs de délectation grandissaient proportionnellement à son érection alors que vos eaux commençaient à pleuvoir sur ma jeune touffe. Je crus une seconde vous voir foutre sur moi. Vos yeux se fermaient comme pour mieux me démontrer mon inutilité à cet instant crucial. Je me sentais profondément ridicule, les jambes étalées, le sexe vaincu. Vous fûtes le témoin de l’effondrement de ma fierté. J’en mesurais le caractère infiniment fragile et dérisoire. Une fois redescendue sur terre, votre visage se fit moins dur.



Armée de votre cœur et de votre con, vous aviez défendu la cause de votre sexe mieux qu’aucun manifeste.




Acte III.




Cette dernière entrevue n’eut aucune incidence sur la distance que vous mainteniez entre l’élève et le maître. J’avais beau vous connaître intimement, vous ne vous laissiez nullement aller aux familiarités. J’attendais en vain un signe de vous. Un insoutenable mystère planait quant à vos intentions futures. Je continuais à me passionner pour la philosophie et à obtenir de bons résultats, jusqu’à mon premier plantage sur un libellé érudit : « dans quelle mesure peut-on dire que le savoir est plus relatif qu’absolu ? » Cet échec me valut six. Quelque peu désemparé, à une époque de l’année où le spectre de l’examen final se faisait de plus en plus pressant, je vous demandai humblement quelques recommandations à l’intercours. Ma déception s’estompa vite devant un commentaire inattendu.



Bluffé, j’en oubliai la hantise de la réprimande parentale et la difficile plaidoirie qu’il m’aurait fallu mener le soir même devant le Pater Noster. Notre rendez-vous se tint le soir d’une de ces « booms » que j’eus le bonheur de rater par votre bonne grâce. Vous habitiez un agréable pavillon d’une banlieue bien cotée. La mémoire enjolive probablement un peu les choses, mais les grilles à l’entrée et l’architecture néoclassique donnait à votre demeure l’allure d’un petit château. Les portes s’ouvrirent par interphone interposé et je rangeai mon vélo dans la petite cour intérieure à côté de la Mercedes noire dont vous faisiez votre quotidien. Votre silhouette m’apparut en contre-jour dans l’embrasure de l’entrée. Votre chemise de nuit à l’opacité douteuse laissait poindre les lignes vaporeuses de cuisses suggestives. Comblé par un sens de l’accueil digne du corps diplomatique, je vous précédai dans une grande pièce où trônait un bureau style Louis XV encombré de livres et de carnets griffonnés. Je parvins à vous arracher quelques éléments autobiographiques à la faveur d’un climat décontracté. Vous viviez seule une bonne partie de l’année. Votre mari étant régulièrement pris entre Paris et New York, vous vous consacriez à vos deux passions, l’écriture et l’enseignement. La bâtisse avait été totalement réaménagée dans un savant mélange de styles mariant le mobilier d’antan à l’art contemporain. Votre bon goût très intuitif accordait toute leur importance aux éclairages intimistes. En fond musical, un jazz apaisant de discrétion servait sans doute de toile de fond à vos travaux nocturnes. Vous prîtes congé le temps d’achever de vous préparer, et je pris mes aises dans le salon cuir à votre invitation. Livrée à ma curiosité sur tout un pan de mur, votre impressionnante bibliothèque m’incitait au voyage au fil de ses titres évocateurs : La femme de papier, Nuit d’encre, La morsure de la neige… Je me souviens aussi de cet opuscule exaltant les saveurs érotiques du vin, mais aussi du regard de George Sand dont l’insolence blasée constituait à elle-seule la plus envoûtante des incitations à la luxure. Ces objets appelaient une vie de libertinage et d’aventures diverses menée aux yeux et à la barbe d’un mari qui devait par ailleurs bien vous le rendre. Votre retour dans le salon me coupa le souffle. Comment restituer fidèlement le tableau incendiaire qui s’offrit alors à mes yeux ? Des reflets affolants de votre guêpière de cuir aux zébrures de vos cuissardes à lacets, de la voûte gothique de votre porte-jarretelles à l’interminable écrin de vos gants en latex, vous aviez sorti l’ensemble des grandes circonstances. La luisance de vos peaux synthétiques m’évoquait la plus vénéneuse des veuves noires, à moins que vous ne vous identifiiez à l’une de ces pin-up américaines des années cinquante. L’ample chapeau Belle Époque et le porte-cigarettes ostensiblement brandi dans ma direction suggéraient un sens de la dérision très affûté sous vos excentricités de duchesse décadente.



Je restai pantois. Un ample geste de votre part me désigna le pouf attitré de l’élève. Votre mine impassible de pince-sans-rire aurait fait passer la plus cocasse des situations pour la plus ordinaire des normalités. Cernées de leurs lanières de cuir à fleur de peau, les saillies non dissimulées de votre profond séant passèrent à quelques centimètres de moi. Je vous regardai vous allonger à la romaine sur le divan d’en face et me laissai prendre à votre petit jeu en déballant mon carnet de note et la trousse du parfait petit écolier. Vos jambes gainées s’étalèrent sur le nubuck crissant quand je disposais les miennes en tailleur pour me soulager de mes émotions bien compréhensibles. Le cours débuta le plus innocemment du monde.



Accroché à vos lèvres susurrant un discours limpide entre deux filets de fumée, le stylo à l’affût, je notai scolairement votre analyse sémantique. Vous vous dispensiez aisément de note. Je buvais vos paroles comme du petit lait. Vous voir ainsi discourir, ficelée dans cette panoplie de Catwoman, tenait du supplice de Tantale.



Vous savouriez le surréalisme de ce cours particulier avec la coquetterie d’un fin gourmet. Je m’accrochais à un improbable premier degré, lorsque le cours de la démonstration s’interrompit.



Votre main envoya mon calepin valser et s’en alla s’acoquiner dans le réduit de votre string taille basse. Stupéfait par la brutalité de la volte-face, je me tins coi, partagé entre l’attentisme de l’élève discipliné et la terrible appétence qui me torturait. À dire vrai, dans mes fonds de culottes, mes aspirations étaient assez voisines des vôtres …



Je ne comprenais pas. Comment aviez vous pu fouler aux pieds d’aussi illustres penseurs que Nietzsche ou Hegel ? Votre réponse me parvint au sortir d’un long soupir suave.



Afin d’illustrer votre propos, vous vous défîtes de votre accoutrement. Un à un, les lacets maintenant vos cuirs relâchèrent leur étreinte cruelle. L’animal perçait peu à sous le prestige lissé des belles lettres. Je m’invitai aux travaux pratiques et nous tombâmes l’un dans l’autre. Je succombai à l’abordage de vos seins encore frais tandis que mon empressement qui cognait contre votre abdomen hurlait mon impatience de vous honorer. Vos mains expérimentées me décachetaient par petites touches. En élève appliqué, je vins m’adonner au lustrage de votre deuxième peau au gré des creux et des gouffres sombres, sans omettre le moindre centimètre carré, et ce jusqu’à venir buter, affamé de vous, sur le sceau brillant de vos bas-fonds. Je savourais d’imaginer, à une langue du but ultime de ma quête, le sexe chaud livré sans plus aucune muraille protectrice à mes ardeurs fébriles. J’écartai la mince lanière du string en cuir, obnubilé par cette bouche rose qui m’appelait et que j’embrassai de toute ma fougue. Votre toison drue s’invita dans le bouillon fumeux de ma salive et de vos eaux pétrifiantes. Je vous pénétrai sans modération avec un doigt, puis deux, puis trois. Votre abondance aqueuse m’encourageait en ce sens. Ma langue se joignit à la fête et se faufila dans toutes les cavités qu’il lui était donné de trouver sur sa route. Vos amples gémissements me donnaient une idée assez exaltante de la tempête qui se préparait. Votre retenue avait fini par capituler et votre bouche n’en finissait pas d’exaspérer mes sens.



Je ne tardai pas à venir m’abîmer dans les charmes d’une inoubliable levrette. J’entrouvris délicatement vos cuisses. Par un heureux hasard, mon jeune loup frôla votre clitoris. Je vous touchai à cœur et vos sentiments ruisselèrent sur le latex des cuissardes que vous n’aviez pas eu la patience de défaire. Voyant l’effet produit, je limitai dans un premier temps mes visées expansionnistes à votre périphérie la plus sensible, puis, galvanisé par les poussées lyriques de votre abandon, je fondis en votre sein et coulissai allegro dans votre fourreau intime. Malgré mes évidentes maladresses, votre émoi me donnait du cœur à l’ouvrage. Je m’engonçais dans votre extase toujours plus profondément. Conduit par vous, je saisis à pleine main les pommes de vos charmes oscillant dans le vide. Leur chair incroyablement élastique tolérait les pires empoignades malgré une apparente fragilité. Je sentis leurs bouts pointer dans mes paumes. Pincés, titillés entre mon pouce et mon index, les tétons survoltés redoublaient d’ardeur érectile. J’étais déjà en nage. La moiteur de votre antre humectait les attouchements de nos corps d’une chaleur tropicale. Douleur et jouissance se conjuguaient dans nos cris. Le rythme obsédant de notre Chevauchée des Walkyries donnait dans la musique baroque. Vos reins battaient la mesure comme des chefs d’orchestre survoltés. Débordé par toute cette pompe, j’atteignis immanquablement le point de non-retour. C’était presque trop d’émotion pour moi, comment vous le cacher ? Je consentis à vous cracher le morceau, non sans quelques beaux sursauts d’orgueil. Mes violentes trépidations manquèrent de nous faire chavirer. Au son de mon rut, les flots de ma jouissance fusèrent en vous. Vous ne me rendîtes la liberté que pour vous asseoir sur le piton de ma fournaise. Votre cul furibond fondit sur moi. L’hypertrophie de votre chatte gorgée de mes blanches effluves ne laissait qu’à peine entrevoir la destination que vous me réserviez. Le contact de votre rose des vents me fut douloureux tant l’orifice me paraissait minuscule, mais sitôt la résistance vaincue, je me glissai d’un trait dans l’infinie tendresse de vos chairs écartelées. L’étrange conduit huileux se referma énergiquement sur ma garde et mes allants prisonniers marquèrent leur révolte de prompts à-coups. Ivre de bonheur, j’enserrai passionnément dans mes bras votre tronc musclé qui se démenait comme un diable sur mon fût encore brûlant. Mes doigts s’aventurèrent dans vos replis inondés à la recherche de la grenade orgasmique. J’avais déjà acquis quelques réflexes, et c’est sans surprise qu’une fois dégoupillée, je vous entendis à nouveau exploser. Rassemblant mes dernières forces, je vous fis basculer en avant. Votre échine tressaillit à l’emballement de ma petite mécanique. Mon second épanchement, plus violent et plus intense que le précédent, me fit l’effet d’une déchirure sulfureuse. Sous mes jaillissements liquoreux, vous versiez dans l’euphorie guerrière.



Le relâchement de votre vocabulaire me laissa à penser que vous aviez rejoint d’autres cieux. À l’heure de me retirer, la fine lettrée m’apparut dans ses penchants et relents les plus triviaux. Tant d’abnégation à démontrer la relativité des choses méritait bien un hommage de l’élève au maître. Une courte pause autour d’une tasse de thé et je revenais à la charge…




Épilogue.




La fin de l’année et mon admission au baccalauréat nous séparèrent. Mon succès à l’examen, décroché de justesse pour cause d’allergie chronique aux matières scientifiques, fut quelque peu terni par la tristesse de vous perdre. Ne pouvant m’y résoudre, je profitai de la fête de fin d’année au lycée pour me glisser dans la salle des professeurs entre les petits fours et les bouteilles de champagne. Je vous cherchais lorsque j’aperçus l’un de vos excentriques chapeaux au beau milieu de l’assemblée. Pour mon malheur, une espèce d’armoire à glace veillait jalousement sur vous. Il s’agissait de votre mari. Bien en vue du petit peuple des enseignants, le grand cinquantenaire exhibait sa puissance en vous tenant par le bras comme un couronnement à sa réussite sociale. Que trouviez-vous donc à cet homme au demeurant fort laid ? Je guettai le moment propice pour vous aborder. Par la grâce des incitations des magazines féminins à boire un litre d’eau par jour, vous vous en fûtes vers les toilettes. Je saisis l’occasion pour jouer mon va-tout et me jeter presque sur vous.



Je n’obtins de vous que deux mots de conclusion, légués comme un testament, de cette élégance si rare avec laquelle vous mettiez les points finaux.



Notre sporadique relation s’acheva sur cette chute. La dernière image que j’eue de vous s’évanouit bien vite derrière l’épaisse vitre fumée de la Benz que conduisait votre mari. J’assistai impuissant à votre départ dans ce panzer arrogant, la larme à l’œil. D’autres idoles, d’autres aventures seraient venues par la suite, mais dans mon cœur, j’en avais l’intime conviction, jamais l’élève n’aurait pu dépasser le maître…