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Temps de lecture estimé : 23 mn
27/04/05
corrigé 30/05/21
Résumé:  Suite des aventures érotico-théâtrales de Valérie avec ses élèves
Critères:  fh fplusag jeunes copains profélève école volupté noculotte fetiche fmast journal
Auteur : Restif  (J'aime les mots et les femmes)            Envoi mini-message

Série : Les lundis de Cendrillon, ou le grand théâtre du désir

Chapitre 04
Les lundis de Cendrillon, ou le grand théâtre du désir (4)

Note de l’auteur : ceci n’est pas une histoire pornographique, mais un récit érotique. Il n’est pas fait pour les impatients. Que ceux qui veulent bien me donner ma chance aient la gentillesse de commencer par le commencement (le premier chapitre) et de lire les épisodes dans l’ordre ; que ceux qui sont en quête d’un assouvissement rapide se consolent avec d’autres auteurs plutôt que de perdre leur temps avec moi. J’accueillerai tous les commentaires avec plaisir.





« Indépendamment de ce qui arrive, n’arrive pas, c’est l’attente qui est magnifique. »

André Breton



Le sujet : Valérie, prof de philo, a accepté de jouer dans une pièce de théâtre écrite par un de ses anciens élèves (Franck), avec Hélène et Chérifa (deux anciennes élèves également) et Stéphane (qui suit encore ses cours au lycée). Elle découvre, troublée, que le sujet de la pièce est quelque peu scabreux. Les répétitions ont lieu une fois par semaine, le lundi soir. L’épisode qui suit se situe après la seconde répétition. La précédente a déjà failli dégénérer quand Valérie a été soumise aux caresses de Franck et Stéphane. Valérie, cependant, mi-consentante, mi-réticente, ne dit pas la moitié de la vérité à son mari, pourtant très compréhensif…





Chapitre IV



22 septembre 2004



Quelle semaine, mon Dieu, quelle semaine !

Il y a d’abord eu le lycée. Évidemment, cela devait arriver, mais c’est arrivé plus tôt que prévu. Premier dérapage.

Mon cours des deux premières semaines portait sur « Le Langage ». Vendredi dernier, j’ai fait plancher mes élèves. Sujet du devoir en quatre heures : « Faut-il se méfier des mots ? »

Je ne me méfiais pas, moi, de ce sujet. J’ai dit, la fois dernière, que l’attitude de Stéphane en cours était irréprochable, qu’il n’avait rien laissé filtrer de notre singulière aventure théâtrale, ni devant ses camarades (ce qui est la moindre des choses), ni devant moi (ce qui était encore plus rassurant). Mais sans doute la dernière séance a-t-elle commencé à bouleverser notre fragile statu quo. Stéphane pouvait-il rester longtemps comme si rien ne s’était passé, comme s’il ne m’avait pas caressé les jambes, touché le ventre, léché les aisselles et même palpé les seins, pouvait-il feindre de ne pas avoir entendu mes soupirs et deviné mon trouble ? Ç’aurait été trop demander à un gamin de dix-huit ans. Tout aurait dû me mettre en garde contre pareille naïveté. Et pourtant, j’ai été prise au dépourvu lorsque, tirant de mon paquet de mon paquet de copies son devoir, je tombai sur le paragraphe suivant :


« L’ambiguïté des mots est-elle le signe d’une déficience du langage ? On pourrait imaginer l’inverse : que c’est une chance qui lui est donnée de signifier plusieurs choses à la fois. Ainsi, le mot «baiser». Il peut signifier la plus chaste des affections, la déférence la plus grande, ou au contraire une forme de sensualité animale, un accouplement. «Ce grand-père baise le front de son petit-fils» : il n’y a là qu’affection tendre. «Je vous baise la main» : c’est une convention qui ne signifie pas grand-chose, à part que je suis élevé selon des rituels mondains. «Je vous baise les pieds» : cela peut signifier que je m’humilie devant vous, que je vous témoigne le plus grand respect ; mais cela peut évoquer, aussi, la plus hardie, la plus sensuelle des privautés. «J’ai envie de vous baiser» : si cela est dit par une nonne du 16e siècle à l’adresse de la supérieure du couvent, cela n’engage à rien (encore que…) ; mais si c’est un élève qui le dit à sa prof, c’est tout autre chose… La prof en question pourrait mal le prendre, elle pourrait y voir un manque de respect, une forme d’effronterie. Mais elle aurait tort, pourtant. Et c’est là que les choses se compliquent. Il est vrai que le verbe «baiser» peut viser très bas. Pour certains, «baiser une femme», c’est se servir d’elle comme d’un instrument de plaisir, bref, c’est se foutre d’elle (ils pourraient tout aussi bien dire, comme chez le marquis de Sade, qu’ils ont « foutu » la femme, et là encore on retrouve une ambiguïté, car une « femme foutue » peut vouloir dire une femme baisée aussi bien qu’une femme qui ne peut plus servir à rien, comme on dit d’un stylo qu’il est foutu…). Oui, le mot «baiser» peut viser très bas, puisqu’il signifie aussi «escroquer», «abuser» : «ce client s’est fait baiser par le commerçant». Mais ce n’est pas en ce sens que je l’entends, Madame. Car je voudrais que, lorsque j’affirme vouloir vous baiser, le mot conserve ses sens les plus beaux, les plus nobles : je voudrais vous «faire l’amour» et en même temps vous témoigner mon respect infini, vous «embrasser». «Embrasser» ! encore un mot à deux visages : prendre dans les bras et toucher avec les lèvres, comme si les lèvres n’étaient que des bras plus intimes… Oui, je voudrais vous baiser Madame, vous baiser, baiser vos lèvres, baiser vos bras, baiser vos pieds. Oui, je vous voudrais vous baiser, Madame, m’abreuver à votre sexe, me nourrir à vos seins, m’oublier en vous. Je vous veux, Madame, j’ai envie de vous. Faut-il aussi se méfier du mot «envie» ? Dois-je me défendre de dire que j’ai envie de vous, sous prétexte que je pourrais dire, tout aussi bien, que j’ai envie d’un mille-feuilles ou que j’ai envie d’un monde meilleur ? Non, justement non, Madame. La beauté du désir n’est-elle pas justement dans cette savoureuse ambiguïté ? le désir que j’ai de vous est à la fois une gourmandise et un idéal ; j’ai envie de vous comme de la plus délicieuse des pâtisseries et parce que votre beauté est promesse de bonheur. Ne feignez donc pas d’être offusquée. Car toutes ces contradictions, celle de la chair et de l’idéal, celle du vulgaire et du sublime, celle des appétits les plus grossiers et celle des rêves les plus utopiques, sont aussi dans le verbe… «aimer» : aimer sa femme, aimer son père, aimer les tartes aux pommes, aimer Dieu, aimer le sport, aimer la télévision, aimer l’humanité, aimer le rôti de veau, aimer l’amour. Je veux vous aimer en tous les sens, je veux vous aimer dans tous les sens, je vous aimer avec tous mes sens.

« Non, il ne faut pas se méfier des mots, Madame, mais je devrais peut-être me méfier de vous… »


Que faire devant pareille faconde ? Aurais-je dû aller voir Madame le Proviseur : c’eût été à la fois ridicule et méchant. Aurais-je dû prévenir mon mari ? Je n’en ai rien fait, et l’idée de cette nouvelle cachotterie me mit mal à l’aise. Fallait-il que je flanque une mauvaise note à la copie ? Mais c’était la copie la mieux écrite, la plus brillante de toute ma classe. Et de quoi pouvais-je me plaindre ? J’avais accepté de jouer avec le feu, et j’avais déclenché un incendie dans cet être jeune et ardent ; je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même. Et puis, surtout, il fallait que je cesse de me raconter des histoires. Stéphane me plaisait, me troublait, il profitait d’une dissertation de philo pour me faire une déclaration incandescente et cela me mettait dans tous mes états… Je lus et relus ce passage, le recopiai sur mon carnet. Jamais je n’avais reçu de déclarations d’amour d’un de mes élèves (sauf une lettre obscène, dont j’ai déjà parlé), mais celle-ci les valait toutes. Je n’avais plus le cœur de nier qu’elle provoquait chez moi une émotion inédite qui me donnait encore plus envie de poursuivre cette aventure insensée. Je ne pouvais pas, pourtant – ne fût-ce qu’en vertu de la dignité pédagogique ! – laisser passer l’incident comme si de rien n’était. Je mis une très bonne note à la copie, tout en précisant, à la fin de mes appréciations, de la manière la plus neutre possible, que j’aurais des « commentaires oraux » à lui transmettre après les cours.

Cela se passait il y a trois jours, lundi 20, à 17 heures, quelques heures avant notre troisième soir de répétition. En cours, au moment de remettre les copies et de présenter un corrigé, je m’étais senti mal à l’aise, il m’était souvent arrivé de bredouiller, de chercher mes mots, et surtout j’avais fait des efforts titanesques pour ne pas croiser le regard de mon élève. J’avais rendu toutes les copies dans un silence à peu près total. Lorsque était arrivé le tour de Stéphane, je n’avais même pas eu besoin de détourner la tête : il était lui-même tellement gêné, visiblement terrassé par sa propre audace, qu’il avait les yeux fixés sur sa table…


Lorsque tous les élèves furent sortis, je vis Stéphane s’attarder volontairement à sa place, feignant de chercher quelque chose dans son sac de classe. Je me rapprochai de lui et m’assit sur sa table, un pied sur une chaise, l’autre jambe ballante :


« Vous avez peut-être quelque chose à me dire, Stéphane ?



Après quelques secondes d’hésitation, il répondit :



Je le regardai avec toute la gentillesse possible :



A ces mots, cette fois, il osa me fixer dans les yeux et me lancer, en souriant timidement :



J’étais bien mal inspirée, en effet, avec mon « académisme », alors que je risquais, dans quelques heures, de me retrouver entre ses mains… Pendant tout le temps que durait cette étrange conversation, je ne savais pas quelle attitude adopter : où étais-je ? Etais-je encore au lycée, est-ce que je parlais à un élève ? Etais-je déjà dans l’appartement de Franck, avec mon partenaire de théâtre ? Ou encore ailleurs, dans un autre lieu, un non-lieu, un lieu et un moment qui n’appartenaient qu’à nous – et peut-être, pour cette raison même, plus dangereux et imprévisibles ? Tantôt, j’adoptais le ton distant de l’adulte qui conseille son élève, tantôt je me sentais vulnérable comme une adolescente devant son amoureux. Je ne savais plus qui j’étais, ni ce que je voulais. Le sermonner ou l’embrasser ; qu’il parte, ou qu’il reste ; qu’il m’exprime ses regrets ou qu’il me prenne dans ses bras… Je me contentai d’un compromis boiteux, celui d’un aveu maîtrisé de mon trouble :



Quelle couleur avais-je, quand je répondis : « Vous êtes libre, Stéphane, de m’écrire ce que vous voudrez, si vous continuez à être sincère et à me respecter… » ?



Je sentis, à un geste imperceptible, qu’il s’était retenu de se pencher vers moi, ce qui me soulagea, car j’étais à ce moment comme un morceau de chocolat sur une plaque électrique…. Quand il se retrouva près de la porte, je l’apostrophai une dernière fois :



Il me regarda.



Et voilà : la futée que j’étais, qui aurait dû apprendre à son élève les bonnes manières, poussait le dérèglement jusqu’à le remercier de ses mots crûs. Mots crûs, mots crus : à croire que j’étais cuite. Ô, démon du langage !



*



De retour chez moi. Il faut me préparer pour la troisième nuit de répétition. Frédéric n’est pas là, retenu chez des amis.

Que vais-je mettre ? Franck ne m’a donné aucune directive la dernière fois. La seule chose que je sache, c’est qu’il va sans doute me faire rejouer la scène du premier soir. À moins qu’il ne décide de renouveler la séance de la fois dernière, au cas où le « pauvre » Stéphane ne se sentirait pas encore familiarisé avec mon corps… Dans un cas comme dans l’autre, je risquais fort d’être à nouveau soumise à des contacts rapprochés. Je le savais, je l’avais accepté. Et après la copie de Stéphane, mon acceptation était tout sauf innocente. Remettre la robe de la dernière fois ? C’est vrai qu’elle avait fait de l’effet. Mais toute philosophe que je suis, je ne puis me défendre contre mes penchants frivoles : jamais deux fois de suite la même tenue, toujours surprendre… Cette mini-robe en soie indienne, couleur sable – d’autres diraient plus franchement « couleur chair »… – a toujours eu le don de mettre mon mari en transe. Oserai-je ? Se poser la question, c’est déjà y avoir répondu. J’ai envie de la mettre, et me voilà, à me contempler dans la glace, à me tourner dans tous les sens. De face, de dos, de profil, à genoux ; et si je me penche : oh, si je me penche, le décolleté déjà généreux dévoile tout de mes atouts… Et si ? Et si… ? Non, je ne peux pas faire ça. Je n’oserais pas. Vraiment ? Vraiment pas ? Mais si ! Mes seins, quoique lourds, sont assez fermes pour supporter dignement l’absence de soutien-gorge. Pourquoi est-ce que je fais cela ? Pour qu’ils s’en aperçoivent, pardi ! Mon Dieu, que suis-je en train de penser et de devenir ? Mais je ne peux pas résister à cette perspective.

Imaginons. Imaginons seulement qu’ils recommencent la scène de la fois dernière, imaginons qu’ils passent leurs mains dans mon dos nu, qu’ils fassent remonter leurs mains le long de mon ventre et que tout à coup ils sentent dans leurs mains non pas l’obstacle soyeux du tissu, mais le contact frais de seins palpitants, d’une belle poitrine dressée… Depuis mes aventures corses, aucun autre homme que mon mari ne s’est hasardé à me toucher les seins, mais que de fois j’ai surpris chez mes amis ou mes élèves ces regards de convoitise qui me flattaient tant… Que penseraient-ils de moi, s’ils sentaient mes tétons se dresser au contact de leurs mains ? Que penseraient les deux filles de mon attitude ? La pensée d’Hélène faillit me faire renoncer : la crainte de perdre son estime me tenaillait. J’avais encore en mémoire ces minutes où nos mains s’étaient épousées, notre secret. Que penserait-elle de moi, si j’offrais ainsi mes seins à ses amis ?


Mais mes rêveries m’avaient conduite trop loin pour renoncer à présent. Devant mon miroir, je sentais mes seins devenir plus durs, mon corps se tendre, et en même temps tout mon être se liquéfier. Je connaissais ces signes.

Glissant le long de ma cuisse, ma main remonta à la source, s’immisça dans ma petite culotte de soie, déjà trempée : j’aime être cette femme fontaine, j’aime que mon plaisir s’échappe en filets d’abondante liqueur, que mon émotion la plus intime se répande hors de moi, comme un don que je fais à celui que je désire. Je porte à mes lèvres cette part de moi-même qui s’est échappée de moi : j’ai l’air d’une petite fille, soudain, dans mon miroir, en train de lécher mes doigts. Je replonge ma main à plusieurs reprises à la source, croyant naïvement la tarir quand je ne fais que l’alimenter. Elle coule d’abondance, c’en est affreusement gênant. Ainsi, la seule idée d’offrir le contact de mes seins nus à mes deux élèves me met dans un pareil état !

Je vais m’allonger quelques minutes sur mon lit. Mais mes fantasmes me poursuivent. Et mon image avec moi. Mon lit est face à la glace, et je me vois, échevelée, une bretelle de ma robe tombée de mes épaules, les jambes nues, les pieds nus, et c’est terrible alors, parce que je comprends alors que l’amour des autres est contagieux, l’amour de ces quatre jeunes âmes et ces quatre jeunes corps qui m’attendent dans une heure. C’est terrible, parce qu’en me regardant dans le miroir, j’ai envie de moi, je suis amoureuse de moi, et je me sens belle, irrésistible, et je glisse mes deux mains entre mes cuisses chaudes, et je me regarde, et je suis encore belle. Parfois je ferme les yeux et c’est eux quatre que je vois, leurs yeux, leurs mains, leurs… oh comme c’est bon de sentir cette fluidité, cette onctuosité de mon sexe, d’entrer en lui, d’y promener mes doigts, d’effleurer au passage mon bouton rose, mon petit bouton de rose et de sentir ces ondes qui m’électrisent, des pieds à la tête, oui, mes amours, prenez-moi, prenez-moi, venez me goûter, venez me prendre et ne m’épargnez pas, ne me ménagez pas, je ruisselle, je suis toute à vous, je… ohhh, merci, merci, oui, merci…


Bravo, Valérie, et maintenant ? Maintenant, j’aurais besoin de dormir, mais il me faut partir, il est l’heure. Même plus le temps de me doucher. Voilà ce que c’est que de faire la folle avec soi-même. S’ils savaient à quelle délire solitaire ils m’avaient conduite. Mais ils ne pourront pas le deviner, quand ils me verront arriver. Sûr ? Sûr.

Et ma culotte, il faut que je la change. Déjà que pas de soutien-gorge… Déjà que… Non Valérie, on se calme, tu es déjà allée assez loin, tu ne trouves pas ? Ne pas mettre de culotte sous ta jupe, tu ne l’as fait qu’une fois dans ta vie, quand ton mari t’y as quasiment forcée … Et encore, était-ce sans risque. Mais là ! Ce n’est pas que ce soit désagréable de se sentir absolument nue sous une robe légère… Après tout, il fait encore un temps d’été, cette fin de mois de septembre est délicieuse. Mais si, comme la semaine dernière, Stéphane et Franck s’avisaient de… C’est peu probable. Mais le risque, le risque infime qu’ils se doutent de quelque chose, … ce risque-là, justement, n’est-il pas un piment redoutable ? Si Frédéric était là, jamais je n’oserais mais voilà, il n’est pas là et je me trouve soudain saisie de vertige. D’ivresse. Et je décide de mettre une culotte… dans mon sac à main.



*



21 heures. Le sourire d’Hélène m’accueillit. C’est bête à mourir, mais j’ai eu le sentiment, en entrant dans le salon, que les regards de mes quatre jeunes gens étaient des rayons X et qu’aucun d’eux ne pouvait ignorer que, sous ma robe affriolante, je ne cachais que ma nudité.

« La semaine dernière, après votre départ, Cherifa et Hélène ont appris une nouvelle scène, me dit Franck. Elles vont vous la montrer. Ensuite, nous passerons à vous. À présent, fermez les yeux ! »

J’entendis pendant quelques minutes un bruit de meubles qu’on déplace. Lorsque je rouvris les yeux, le spectacle que je découvris me stupéfia.

On avait installé une table au milieu de la pièce. Sur cette table, Cherifa était allongée, complètement nue ! Les yeux fermés. Son corps délié s’exposait sous nos yeux dans toute son insolente beauté. La bouche ouverte, j’admirai les lignes parfaites de ses jambes, la courbe gracieuse de son pied, ses orteils longs, fins et soignés, sa plante rose et sensuelle ; ses seins beaux et jeunes m’émurent profondément ; je m’attardai involontairement sur son sexe. Sa nudité n’était brisée que par une toison très fine et étroite, qui mettait encore plus en valeur le léger arrondi du pubis et laissait entrevoir les différentes nuances chromatiques de ses lèvres. On sentait le soin qu’elle avait mis dans cette ingénieuse épilation. Qui aura la sottise de croire que tous les sexes se ressemblent ? Celui de Cherifa ne ressemblait qu’à Cherifa : espiègle, distingué, engageant, souriant même… Comment osait-elle ? J’étais absorbée dans cette contemplation, lorsque je fus tirée de ma torpeur par ces paroles que la jeune fille déclama :


« Ainsi, tu me crois nue. Parce que je suis sans voile, tu me crois nue. Tu me dis impudique, parfois. Pourtant, mon amour, tu ne sais pas. Nue je le suis parfois. Nue, je le suis sur la table d’opération, sur le billard du chirurgien, sur mon lit d’hôpital, et parfois aussi, les jours de désespoir, seule dans ma chambre. Je suis malheureuse quand je suis nue. Je suis seule quand je suis nue, je suis nue quand je suis seule. Je suis nue quand mon corps s’absente de moi, quand il n’est plus qu’un instrument à la merci des experts, ou quand je passe devant toi et que tu m’ignores. Mais je ne supporte pas la nudité. Alors je veux que ton désir m’habille…. »


Au fur et à mesure de la tirade de Cherifa, Stéphane plaçait sur son corps de fins carrés de soie : il commença par couvrir ses seins, puis son ventre, puis son sexe.


« Ne comprends-tu pas que je ne suis nue que quand ton désir se tait ? Habille-moi de tes mots d’amour. Couvre mon sein de ton verbe, de ta langue, dis-moi que tu les aimes, que tu les veux, et ils auront moins froid. Ce sont tes paroles qui me couvrent et me réchauffent. Mon corps n’existe que par eux. Et si tu n’as plus de voix, il me reste ton regard. Réchauffe mon ventre de ton sourire, réchauffe mes bras de tes yeux, rassure mes hanches par ta présence. Et si tu ne me regardes plus, si tu ne me parles plus, il me reste encore la mémoire de tes mots, le souvenir de tes regards pour me tenir chaud. Mon amour, la nudité n’existe pas ; je ne me dévêts que pour avoir plus chaud, la nudité me fait sentir le froid de la mort, et ton désir est mon manteau d’hiver. »


A la fin de la tirade, le corps de Cherifa se retrouva donc partiellement recouvert de ces multiples petits mouchoirs, légers comme des pétales de rose, près de s’envoler au moindre mouvement. C’était ravissant. Franck avait réussi à faire de cette scène qui aurait pu être franchement obscène un moment raffiné et frémissant. Je commençais à sentir dans le creux de mon ventre une tension lancinante qui ne présageait rien de bon pour ma sérénité… Je crois que nous avions tous envie, à cet instant, d’aller vers Cherifa pour l’effeuiller avec une application passionnée !

Mais la charmante petite garce n’avait pas besoin de cela. D’où tenait-elle cette aisance effrontée ? Dès le premier soir, quand elle s’était retrouvée en string et en soutien-gorge, elle nous avait soufflés par son culot. Elle ne s’était jamais cachée d’être merveilleusement à l’aise avec son corps, elle éprouvait un plaisir palpable à l’afficher. Lundi, elle s’est surpassée. Lorsqu’elle se leva, elle fit naturellement tomber ses petits carrés de soie et se retrouva nue. À la fin de la scène, nous étions retournés nous asseoir. Nous nous attendions tous que Cherifa, descendant de la table, se précipitât sur ses vêtements pour se rhabiller. Elle n’en fit rien. De toute évidence, elle avait l’intention de rester aussi longtemps que possible, toute la soirée peut-être, dans le plus simple appareil ! C’est ce que je compris lorsqu’elle vint se placer, sur le canapé-lit, entre Franck et moi-même, nue comme un papillon !

Elle passa l’un de ses bras dans le dossier du canapé, derrière moi, ce qui eut pour effet de tendre ses jeunes seins et de nous rapprocher encore ; à intervalles réguliers, elle dépliait devant nous ses jambes et ses pieds de princesse orientale. Ma propre robe, je l’ai dit, était on ne peut plus courte, et, serrée comme je l’étais contre elle, je sentais régulièrement le contact de ses jambes avec les miennes. Elle laissait parfois, comme au premier soir, son pied nu frôler mes mollets ou mes chevilles, et cela me faisait frissonner… La position assise n’était déjà pas très confortable pour moi : il fallait à tout moment que je veille à ne pas trahir ce que je cachais, ou plutôt ne cachais pas, sous ma robe ; mais à cette contrainte s’ajoutait la torture de ce contact avec la nudité de mon indécente voisine qui, je le sentais bien, commençait à produire dans mon intimité une douce et périlleuse humidité… Si seulement elle voulait bien se couvrir un peu ! « Vous n’avez donc pas froid, Cherifa ? », lui murmurai-je, plus pour me protéger que par souci de sa santé. « Si j’ai froid, Madame, je vous le dirai, et vous me réchaufferez… de vos mots, bien sûr ! » me répondit-elle avec ce large sourire devant il était décidément impossible de ne pas craquer. Comment résister à ce charme naïf, à cette séduction innocente… ?

Personne ne fit de commentaire sur la nudité de la jeune fille : elle avait réussi à l’imposer comme une évidence. Quant à moi, si tout à coup elle s’était levée pour se vêtir, j’en aurais ressenti, oui, je le sais maintenant, une pointe de déception.


Une autre torture m’attendait quelques instant plus tard. Je vis commencer un autre spectacle singulier. Hélène, la belle Hélène, la merveilleuse Hélène, la seule des trois comédiennes qui avait le privilège de porter sur scène son vrai prénom, tant il semblait fait pour elle, était sortie de la salle de bain vêtue d’un drap qui lui couvrait la totalité du corps et ne laissait paraître que ses beaux pieds nus. Elle me jeta en entrant dans le salon un regard furtif, puis elle nous tourna le dos, s’arrêta et commença à jouer.

À mesure qu’elle récitait sa tirade, elle avançait extrêmement lentement, traçant une diagonale, vers le fond de la pièce, laissant derrière elle Stéphane qui, au début de la scène, la talonnait. Mais l’idée principale de la scène, je le compris bientôt, n’était pas seulement dans ce cheminement à pas comptés qui l’éloignait de nous. Au fil de sa progression, par un mouvement discret et visiblement très étudié, elle faisait retomber de quelques centimètres le drap qui la couvrait ; d’abord la naissance des épaules, puis le début du dos et des bras, puis…


« Tu me dis froide et chaste, et tu me fuis. Ne comprends-tu pas que la vertu n’est qu’un vêtement dont je me couvre pour te donner envie de l’arracher ? Ne vois-tu pas comme j’ai froid sous ce drap de dignité et de rigueur et combien j’ai besoin que tu m’en libères ? Le vêtement est une ruse de la nudité. C’est lui qui la rend plus précieuse, c’est lui qui la dissimule sous ses plis pour te forcer à la chercher. Je suis là, voilée, à l’abri, cachée, pour t’aider à me découvrir. Ce tissu ne veut qu’attiser ton feu, il te murmure qu’un jeune corps t’attend, qui palpite et s’impatiente.

« Tu me dis froide et chaste, mais ma chasteté n’est qu’un voile d’où sourdent mes ardeurs. Entends-les qui crient ton nom.

« Tu me dis chaste et froide, mais tu ne veux pas voir que mes bras ont besoin de tes bras, que mon dos a besoin de tes lèvres, que mes reins ont besoin de tes reins. Pourras-tu jamais soupçonner que ma pudeur est un appât, ma froideur un appel, ma chasteté le paroxysme de ma ferveur ? Mon corps est pour toi un austère autel votif, derrière lequel tu ne sais pas voir la chapelle ardente.

Lorsque tu le comprends, aimé, lorsque enfin tu le vois, je suis déjà loin de toi, loin de tout, inutile icône à moi seule consacrée. »


Lorsqu’elle prononça ces derniers mots, Hélène avait laissé tomber entièrement le drap – longtemps maintenu, je ne sais comment, au-dessus de la ceinture – sur le sol. Tournée contre le mur, elle nous offrait le spectacle de ses courbes si harmonieuses qu’elle semblait sortir de la main d’un luthier, de sa taille de guêpe où les désirs d’un homme ne demanderaient qu’à s’arrimer, de sa chute de reins généreuse et large, où tous nos regards convergeaient ; la tête inclinée vers sa poitrine, elle rougissait de surmonter sa pudeur en nous offrant, à trois mètres de distance, la vue de son dos et de ses fesses bouleversantes, plus blanches que le lys et pourtant si charnues. Oui, elle était l’illustration vivante du texte qu’elle venait de réciter : cette splendeur virginale était un miracle d’érotisme. Un long silence s’installa, admiratif, ému et gêné.

L’idée qu’Hélène avait eu ce courage, la pensée de tous les obstacles qu’elle avait dû vaincre pour en arriver là, me mirent dans un état d’agitation que je ne saurais décrire. J’avais envie de me précipiter vers elle, de la couvrir de baisers et de caresses, mais je n’osais pas bouger.

Elle ne resta sans doute pas plus d’une minute ainsi exposée. Elle ramassa bientôt le drap, s’en recouvrit à nouveau et, la tête toujours inclinée, revint vers nous et s’assit à mes cotés, où elle prit la place de Franck. Celui-ci me prit aussitôt la main et me guida vers le milieu de la scène, m’arrachant à la promiscuité enivrante des deux jeunes filles, la chaste et la délurée, l’une drapée dans sa beauté farouche, l’autre offerte aux quatre vents du désir. « C’est à vous, maintenant, Valérie. »


A moi ? Oui, à moi… Et maintenant ? Maintenant il me fallait jouer la scène que je n’avais pas jouée le premier soir, pas jouée le second, mais qui ne pouvait plus attendre. Et j’étais là au milieu de la pièce. J’étais là, frêle et nue sous ma robe, paralysée et tremblante devant ces quatre paires d’yeux, où se lisait la tendresse, le respect, et encore autre chose sur quoi je ne mettais pas de nom et qui, de toute façon, devait être différent pour chacun. J’avais de nouveau l’impression absurde qu’ils voyaient à travers ma robe, qu’ils avaient deviné… Mais je ne pouvais plus me dérober, sous peine de les décevoir tous et de me décevoir moi-même.

Stéphane était là, devant moi, comme il y a quelques heures dans la salle de classe, mais cette fois, comme si le changement de lieu avait suffi à opérer en lui la métamorphose, il me regardait d’un air résolu, insolent presque. Lui, si timide, semblait ne plus attendre que le moment où « le Théâtre » l’autoriserait à me toucher et à me prendre.

Je commençai, lentement, la récitation de mon texte : « Je suis Sofia. Qu’il est étrange d’être femme… » Stéphane se rapprochait à chaque phrase. Quant j’arrivai au passage central de ma tirade : « Mais quand mon esprit te parle, c’est par mon corps que te pénètrent mes idées… », il me serra soudain contre lui, passant ses mains dans mon dos, serrant son buste contre ma poitrine, son visage à deux centimètres du mien. Je suffoquais presque, n’osant protester, et la suite de mon texte fut dite dans une sorte de halètement.

« … Mes mots les plus abstraits ont pris chair… »

L’étreinte de Stéphane se resserra encore. Je sentis la raideur de sa verge contre ma robe. Je sentis ses mains glisser sur mes reins…

« … Oui, même la raison a pris forme, a pris mes formes… »

Ses deux mains, oh mon Dieu, s’emparèrent sans ménagement de mes fesses, les saisissant comme de belles grappes, creusant, palpant, triturant, malaxant, caressant. Et soudain son visage plongea dans mon cou pour y loger une infinité de baisers qui achevèrent de me faire fondre… Littéralement fondre, car cette fois, je le sentis dans un moment proche de la panique, les vannes étant grandes ouvertes, la fontaine ruisselait et je sentais avec effroi entre mes cuisses le début d’une inondation…

Je me trompai une première fois dans mon texte : « Je suis là… oh mon Dieu, j’ai oublié ! », mais il continuait à m’embrasser et à me caresser les fesses. J’essayai de me reprendre :

« Et même la raison tout à coup, même la raison a les cheveux noirs et de beaux seins, et même la transcendance et l’immanence s’embrassent dans le noir, et l’ego et le cogito s’élancent et s’enlacent en un coït… »


A cet instant moment précis Stéphane commit l’irréparable. N’en pouvant plus, il avait passé ses mains sous ma robe et ses doigts avaient découvert mon intime secret ; il avait trouvé, au lieu de la soie d’une culotte, la chair vivante, fraîche et chaude à la fois, de mes fesses. Apparemment, et contrairement à mes craintes premières, il ne s’était à aucun moment douté de ce qui l’attendait : son visage, croisant mon regard, manifesta sa stupeur devant la divine surprise !

Que voyaient les autres ? C’était presque impossible à savoir. Je leur faisais face et Stéphane faisait obstacle entre eux et moi. Peut-être ne s’étaient-ils pas rendu compte, dans leur angle de vision limité, de ma nudité ? Encore que… Cherifa était la mieux placée des trois pour se douter de quelque chose. À ce moment, cependant, j’étais trop occupée pour tout saisir du spectacle autour de moi. Je ployais sous le désir de mon partenaire, en m’efforçant de réciter mon texte :

« … et il fait chaud soudain dans la salle de cours et le moi est là et le ça le guette qui attend qu’il trébuche et le surmoi est là qui, oh, oui, surmoi, sur moi, comme tu serais bien sur moi ! »

A ces derniers mots, je sentis la main de Stéphane changer de position, s’introduire à nouveau sous ma robe, mais cette fois par-devant, et se plaquer – comment osait-il , comment ? – contre ma chatte nue et ruisselante, empoigner mon entrejambes, oubliant toute retenue. Stéphane, le gentil Stéphane, cet élève si sérieux et réservé, faisait glisser sa main, passait et repassait dans mon entrejambe, glissait sur mes lèvres submergées de liqueur onctueuse… J’aurais dû le repousser, le chasser, mais je n’étais plus rien qu’une marionnette agonisante. Quand je sentis deux de ses doigts me pénétrer, quand je m’aperçus qu’il avait osé cette suprême effraction, j’oubliai les autres, j’oubliai tout le reste, et je m’emparai de ses lèvres, cherchant avidement sa bouche jusqu’à ce que nos langues s’enlacent, elles aussi. Ce long baiser profond me permit, nous permit, d’étouffer le cri d’une jouissance qui se manifesta, pourtant, sous les yeux des autres, par la contraction soudaine de nos deux corps tétanisés.


Au bout de quelques secondes silencieuses, l’étreinte se desserra. Je n’osai pas regarder Stéphane, ni les trois autres. Je devais être dans un état lamentable. Décoiffée, la robe froissée, les joues en feu, la sueur au front… Qu’allaient-ils penser ? Moi, qui faisais la mijaurée il y a deux semaines, j’avais été plus loin que tous les autres, j’avais été jusqu’à jouir devant eux… ! Ils allaient me juger mal, me considérer comme une hypocrite, une traînée. Franck avait bien insisté le premier soir, en s’adressant à Stéphane : « C’est du théâtre, pas du peep-show »… Et c’est de moi que venait la trahison, le dévergondage… Moi la plus âgée, qui aurait dû ramener tout le monde à la raison….

« Je suis désolée », finis-je par lancer piteusement. « Ça a dégénéré, et c’est ma faute. Stéphane n’y est pour rien. Je devrais sans doute arrêter… »



C’était Cherifa qui s’était précipitée vers moi, toujours aussi nue. Elle me prit la main, et me dit, avec une sincérité dont on ne pouvait douter : « Mais vous avez été merveilleuse, Madame ! Vous ne pouvez pas savoir comme c’était beau, comme c’était pur, comme c’était excitant ! »

A son tour, Hélène approcha et me rejoignit. Son regard me pénétra d’une douceur angélique. Elle n’eut pas besoin de prononcer un mot : son sourire rayonnant me disait tout.

Enfin, celui dont je redoutais par-dessus tout le jugement vint à son tour :

« Valérie, me lança Franck, non seulement vous n’avez pas été trop loin, comme vous dites, mais on sentait, tout le monde sentait, que vous étiez capable d’aller beaucoup plus loin. Et vous irez plus loin, avec nous, parce que nous vous soutenons, et parce que nous vous aimons. J’ai senti, j’ai même vu, ce soir, jusqu’où vous étiez capable d’aller. »

Je n’avais que trop compris ce que Franck était en train de me dire à demi-mot ; il avait interprété mon comportement comme, après tout, il était en droit de le faire : comme le signe de l’ébriété érotique qui m’avait saisie depuis le début de cette imprévisible aventure.