n° 09286 | Fiche technique | 13277 caractères | 13277Temps de lecture estimé : 8 mn | 16/06/05 |
Résumé: Suite de mon analyse clinique du fantasme médical. | ||||
Critères: médical journal | ||||
Auteur : Le Kawjer |
Épisode précédent | Série : Médecin dans une prison de femmes Chapitre 02 / 04 | Épisode suivant |
J’arrive ce matin pour ma seconde journée à la prison des femmes de M… Je dois me faire violence pour résister à cette envie de fuir qui m’envahit comme une peur panique. Les couloirs sonnent comme les voûtes d’une cathédrale qui, en guise de chants liturgiques, résonneraient de cris, d’échos de portes qu’on claque, de seaux et de gamelles et de serrures qui cliquettent. L’odeur est un épouvantable mélange d’eau de javel et de matières fécales, dont tout le monde semble s’accommoder, gardiens comme détenus.
La perspective de retrouver mon antre glauque me noue la gorge et rend ma respiration difficile. C’est l’impression que je ressentais, lorsque mon père me conduisait à la pension des Rosiers à chaque nouvelle rentrée scolaire. Impression qui ne m’a plus jamais lâché, même lors de mon entrée en fac de Médecine.
Madame Chef fait déjà le pied de grue devant la porte de mon cabinet avec un lot de fiches de visite. J’aperçois derrière les barreaux la file impressionnante de mes patientes. Seigneur ! Comment vais-je faire face à une telle affluence ?
Je comprends que mes trois journées de vacation par semaine doivent être productives pour l’administration pénitentiaire et je pénètre dans mon cabinet avec une poire d’angoisse au fond de la gorge.
Juste le temps pour moi de passer ma blouse, de sortir mes fiches et mes instruments, et la porte s’ouvre sur une détenue. Je ne perds pas de temps en vagues considérations, un œil sur sa fiche : matricule, nom, condamnation. Je l’invite à s’installer sur la table d’examen. Elle me demande si elle doit se déshabiller. Je dis oui. Le temps de me laver les mains et de passer une paire de gants, je la retrouve allongée, totalement nue, sur ma table d’examen. Ah ! Dieu, ça recommence, et celle-là a trouvé le moyen de se raser le pubis en forme de triangle pointé vers son entrejambe. Les rougeurs cutanées que je retrouve sous ses aisselles qu’elle exhibe complaisamment, mains sur sa tête, sont le signe d’un rasage récent. Elle a plié ses jambes en V et joue de la pince de ses cuisses en un mouvement d’ouverture fermeture qui fait claquer sa peau. Ses seins coulent de part et d’autre de son torse. Je reste à distance :
Je n’ai pas retenu la leçon de mon premier jour, je me suis encore fait avoir. J’ai oublié que nous sommes dans une prison. Mais que faire, je ne peux refuser une prise de tension. Je m’approche, le brassard du tensiomètre en main. Imperceptiblement, elle écarte les cuisses, je dois rester froid et technique, son intimité m’apparaît, nue et rouge d’une irritation due au rasoir. Sa vulve est large et son clitoris est énorme, il ressemble à un tubercule couvert de peau d’éléphant, ses lèvres débordent de la fente, c’est une gorgone qui appelle le sexe, je m’affole, mes gestes tremblent.
En prison ou à Nice, c’est la même chose, sauf qu’ici ce sont mes patientes qui me relancent. La forte odeur de savon de Marseille qui émane de son intimité réveille mes souvenirs : mon cabinet de Nice, les parfums capiteux, les bijoux, les visages maquillés, ces lèvres maquillées, luisantes, rouges. Et ces nudités qui révèlent des petits bijoux intimes, dernière coquetterie bourgeoise, à l’instar des tatouages dont personne, au Rotary Club, n’aurait deviné qu’ils puissent orner le pubis de ces femmes bien sous tous rapports, voire même directement les grandes lèvres, pour la femme du Président de la Première Chambre, malgré ses 55 ans. Secret médical oblige, je me dois d’être une tombe.
Je me revois, assis à la table du Président du Rotary, j’observe les convives dont les femmes sont mes clientes, je les observe elles aussi : Madame B… grosse poitrine, du ventre, de la cellulite – sécheresse vaginale, peu de rapport avec son gros mari. Madame C. de G… élancée, sportive, belles fesses fermes, de tous petits seins ridicules, à peine le bouton, un vagin très serré, elle ferme les yeux durant le toucher vaginal en serrant un peu les cuisses. Madame A…, corps épanoui, mamelles tombantes, trois grossesses, me confesse ses frustrations sexuelles avec le Conseiller A… qui, paraît-il, court le guilledou. Elles me regardent furtivement, gênées de croiser mon regard. Moi, je sais ce qu’il y a sous leurs robes de soirée, ces chiffons ne cachent rien à mes yeux, je vois leur intimité la plus secrète et je ressens cela comme un pouvoir que je peux exercer sur elles, leurs yeux m’en renvoient la confirmation. Du moins est-ce, ce que je crois lire dans leurs yeux, car je suis obsédé par ces visions qui traversent mon esprit au point de me croire tout-puissant.
Cette voix me rappelle à la réalité.
Je reprends totalement conscience de mon environnement, les odeurs d’égouts de la prison agressent mes narines, je pose mes yeux sur ma patiente nue, ses seins mollement étalés sur sa poitrine, la cicatrice d’une ancienne césarienne lui tire le ventre, son bras repose dans le brassard du tensiomètre. Je gonfle, écoute, dégonfle, écoute, annonce les chiffres attendus. Tension élevée, trop élevée. À l’annonce des chiffres, elle se laisse aller, écarte largement les cuisses, et souffle bruyamment, comme si je venais de lui confirmer sa condamnation à la prison à vie. Elle prend ma main et la plaque sur sa vulve :
Je retire vivement ma main.
Et bien sûr, comme je m’y attendais, elle quitte la table d’examen, se dresse nue, les jambes écartées, s’étire comme une chatte, enfile son soutien-gorge avec lenteur, soulevant chaque mamelon pour le faire rentrer dans les bonnets, enfile sa culotte avec langueur en pivotant pour exposer ses fesses, et passe son survêtement. Je la presse. Assis à mon bureau, je baisse la tête et m’applique à remplir sa fiche que je lui tends et la pousse dans le couloir.
Une autre détenue est introduite dans le cabinet, je ne lève pas les yeux sur elle, je l’invite à s’asseoir face à mon bureau. Elle s’assoit. Cette fois-ci, je ne vais pas me faire avoir, je dois reprendre le contrôle de la situation, et mon allant sur ces femmes, je suis Médecin après tout, j’ai même été gynécologue. Je fais discrètement un exercice respiratoire, je reprends le dessus. Je pose mes yeux sur elle en fixant le vide, je m’efforce de rester froidement technique, mes yeux la regardent sans la voir, je conduis l’interrogatoire médical en me concentrant sur les réponses et mon diagnostic. Seigneur Dieu merci, des maux de gorge, fièvres et douleurs. Je l’invite à s’installer sur la table en précisant avec précipitation de n’enlever que le haut et de garder le soutien-gorge.
Je la rejoins, elle a respecté mes consignes et se tient assise sur la table. Pouls, appareil respiratoire, yeux, nez, oreilles, gorge, ganglions, rien n’échappe à mon examen : angine microbienne, classique, antibiotiques. Je me détends, ma voix prend des teintes aimables, et mes yeux rencontrent les siens, parcourent un visage botticellien d’une beauté parfaite. Quel âge a-t-elle ? Ah oui ! 20 ans, trafic de drogue. La bête parle doucement au fond de mon cœur, laissant une douce chaleur envahir mon corps, je ne résiste pas, comment le pourrais-je, la bête me parle d’amour, et de douceur, me dit que le coup de foudre existe, que cette fille est belle, comme l’étaient les princesses dans les contes que me racontait ma mère.
Elle sent mon trouble et me regarde, dubitative.
Lorsque la bête me parle et que je l’écoute, je deviens sûr de moi, dominateur comme l’était mon père. Ma patiente se déshabille, je l’observe, son corps est bien fait, un vrai mannequin, ses jambes sont fines, son ventre est plat, le soutien-gorge se défait sur des seins que les poètes du XIXème siècle auraient qualifiés de seins d’albâtre. Elle s’allonge sur la table en gardant sa culotte de dentelle noire, adorable tissu conçu pour couvrir et qui, bien au contraire, découvre. Contraste sombre sur sa peau laiteuse, il appelle le regard, magnifie le delta qui se perd dans les cuisses serrées.
Non ! Je ne vais pas recommencer comme à Nice, et puis bon sang ! quel besoin ai-je de la faire se déshabiller, pour voir les choses interdites ? Mais, je suis Médecin, pour moi ce n’est pas interdit, je peux demander aux femmes de se mettre nues devant moi, c’est le privilège médical. Aucune ne me rejettera comme ma mère, ce jour où, poussant joyeusement la porte de son boudoir, je la découvris presque nue, ne portant pour tout vêtement, qu’une de ces culottes short en satin, dont sortaient des jarretelles qui battaient ses cuisses dans le vide. Elle se tourna vers moi, la bouche arrondie de surprise, ses seins en poire, dont les bouts pointaient vers le plafond, je m’en souviens, ses seins, jamais encore je n’avais vu ma mère nue. Je n’eus pas le loisir de comprendre, une gifle magistrale me cueillit, la porte qu’elle repoussa brutalement heurta ma tête avec violence, je fus projeté en arrière avec, dans le champ de mon regard, la cuisse de ma mère, sa jarretelle, et un soulier qui n’était pas celui de mon père, sur lequel reposait un bas qui semblait l’enlacer. Elle sortit quelques secondes plus tard vêtue d’une robe d’intérieur, refermant soigneusement la porte derrière elle. Elle me consola, s’inquiétant de mon front meurtri, elle me recommanda à l’avenir de frapper avant d’entrer et de toujours respecter la pudeur des dames : un homme ne devait jamais porter ses yeux sur une femme nue.
J’observe ma patiente allongée, elle regarde le plafond, elle a croisé ses bras sur sa poitrine, cachant ses seins, serré les cuisses. La bête, qui n’aime pas les souvenirs de ma mère, s’est repliée, le désir de la posséder s’estompe, et mes yeux se laissent envoûter par sa grande beauté. Je me retrouve fleur bleue devant l’objet de mon adoration quasi nue devant moi. J’en conçois de la gêne, de l’embarras, je voudrais la séduire, lui parler, mais ma blouse blanche et sa nudité dressent une barrière entre nous. Je redeviens gauche et emprunté. Je lui demande de se rhabiller, elle ne comprend pas, m’interroge, je la rassure et lui demande de revenir le lendemain à ma consultation, j’en informerai Madame Chef, je l’appelle par son prénom, lui serre la main pour pouvoir la tenir un moment dans la mienne. Elle s’en va, sans un regard pour moi.
Je n’ai rien vu de mes trente-deux patientes aujourd’hui, toutes sont restées assises face à mon bureau, tout au plus ai-je contrôlé des tensions debout, glissé mon stéthoscope par-dessous des tee-shirts. J’ai prescrit force neuroleptiques, amphétamines et somnifères, au grand plaisir de Madame Chef, qui en connaît un rayon dans ce domaine. Mon esprit est resté avec cette jeune femme si parfaite, dont le visage m’apparaît à chaque instant. J’ai vu mes amis tomber amoureux fonder une famille, tous autour de moi ont rencontré l’âme sœur. Moi, je suis resté seul avec mes démons et la bête. Je pense à cette jeune femme.