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Temps de lecture estimé : 21 mn
01/02/06
Résumé:  Destins croisés,amours et intrigues dans une prison pour femmes.
Critères:  ff
Auteur : Nicky Gloria  (Femme mariée qui assouvit ses fantasmes en écrivant.)      

Série : Prison pour femmes, passions inavouables

Chapitre 02 / 02
Prison pour femmes, passions inavouables - 2

Frissonnant sous les draps, les mains accrochées à la couverture qu’elle avait remontée jusqu’au cou, Claire essayait de trouver le sommeil. Sa fièvre s’était atténuée grâce aux bons soins de Françoise, mais elle n’était pas encore très bien. Elle changea de position, étendue sur le dos, lorsqu’un léger bruit attira son attention. Elle ouvrit les yeux, mais l’obscurité l’empêchait de distinguer quoi que ce soit. Elle entendit un frôlement sur le sol, puis reconnut des bruits de pas qui se rapprochaient doucement. Inquiète, elle se fit instinctivement toute petite dans son lit.



Rassurée, Claire voulut se redresser, mais deux mains pesèrent sur ses épaules pour l’obliger à rester étendue.



Claire obéit.



Elle sentit deux mains légères qui lui caressèrent le visage avec tendresse.



Elle s’éloigna, allant sans doute vers la porte qui menait à la salle de bains et aux toilettes. En effet, Claire entendit un léger bruit de robinet et un fin filet d’eau qui coulait, puis Françoise revint et se pencha sur elle. Aussitôt, Claire sentit un tissu mouillé qui lui rafraîchit agréablement le front, puis le visage et le cou où Françoise s’attarda longuement, glissant doucement sur la gorge nue. Soudain, elle arrêta son geste. Un déclic venait de retentir dans le silence de la nuit et un faisceau de lumière éclaira le sol. C’était une détenue qui s’était levée et qui venait d’allumer une lampe pour se déplacer librement entre les lits. Claire et Françoise s’immobilisèrent, retenant leur souffle. Mais la détenue ne les vit pas et s’arrêta à l’autre bout de la pièce, devant un lit où se dressa aussitôt une silhouette nue, éclairée par le halo de lumière qui l’encadra avec une soudaine agressivité. Alors Claire vit nettement la femme qui, en clignant des yeux, tendait les bras avec un sourire ravi vers celle qui restait debout au pied du lit. La lampe s’éteignit brusquement et la cellule replongea dans une profonde obscurité, juste après que Claire ait eu le temps de voir les deux corps s’enlacer sur le lit. Il y eut un grincement de ressorts et le silence revint, entrecoupé de temps à autre de légers gémissements et de frôlements imperceptibles.


Claire ne comprit pas tout de suite. Elle était jeune, naïve, et ignorait bien des choses de la vie, ayant toujours mené une jeunesse si différente des autres, choyée et dorlotée dans un monde à part. Intriguée, elle s’enquit :



Françoise se serra un peu plus contre elle et répondit d’une voix oppressée.



Claire eut un petit rire forcé.



Françoise caressa avec fièvre le splendide visage qu’elle venait de prendre entre ses deux mains. Elle se pencha doucement vers elle.



À sa grande surprise, Claire se redressa, leva les bras et noua ses mains autour de sa nuque pour venir à elle.



Leurs lèvres se frôlèrent mais Claire détourna vite la tête pour l’embrasser sur les deux joues. Puis elle s’étendit rapidement, après avoir lâché Françoise qui n’eut pas le temps d’esquisser le moindre geste pour la retenir. Déjà, elle se tortillait dans son lit pour se glisser au fond. Françoise hésita puis, sans un mot, s’éloigna et regagna son lit avec un minimum de bruit, priant en silence pour que Lucie ne se soit pas rendue compte de son absence. Elle n’était pas d’humeur à supporter une scène de jalousie. Heureusement, son amante dormait à poings fermés. Soulagée, elle essaya de sombrer elle aussi dans un profond sommeil, mais son état de nervosité l’en empêcha, et elle se tourna et se retourna dans son lit une bonne partie de la nuit. Malgré elle, Claire ne cessait de l’obséder, éveillant une attirance comme elle n’en avait plus ressentie depuis longtemps, et qui la plongeait dans les affres d’un amour aussi déraisonnable que dangereux.



L’arrivée de Claire au réfectoire provoqua une grande agitation. Toutes les détenues se retournèrent, crièrent, sifflèrent, se levèrent comme des diablesses ou cognèrent leurs couverts sur la table. Terrorisée, Claire n’osait plus bouger. Elle venait tout juste de se remettre de ce qui semblait avoir été une grippe et déjà elle devait affronter une épreuve à laquelle elle n’était pas préparée. Et Françoise qui n’était pas là pour la protéger… Celle-ci avait été convoquée chez la directrice pour l’avoir cachée et protégée à l’insu de l’administration pénitentiaire, une entorse au règlement qui risquait de lui causer quelques ennuis. Durant trois jours, Françoise avait soudoyé la gardienne qui était de permanence toute la semaine dans leur bloc. Cela lui avait permis d’éviter à Claire de sortir et de dévoiler son état fiévreux qui aurait aussitôt attiré l’attention et nécessité une visite à l’infirmerie. Ainsi, c’est dans le plus grand secret qu’elle avait bénéficié des soins tout particuliers que lui avaient prodigués Françoise, Lucie, Lisa, et les autres filles de sa cellule ; toutes lui apportaient à manger pour qu’elle reprenne des forces, ainsi que des médicaments discrètement subtilisés.

Un secret malheureusement éventé lorsque la gardienne avait cédé sa place à une autre, lors de la relève du personnel. Françoise était alors tombée sur une femme beaucoup plus rigide et tatillonne sur le règlement qui s’était empressée de les dénoncer. Maintenant, Claire n’avait plus le choix et c’est seule qu’elle devait faire face à un univers aussi effrayant que barbare, un univers qui serait le sien pendant deux longues années, si son avocate ne se montrait pas à la hauteur de sa réputation.



On frôlait l’émeute alors que deux gardiennes hurlaient en vain pour rétablir le silence. Les réflexions aussi salaces que vulgaires fusaient à travers la salle bruyante, couvrant leurs avertissements. Soudain, une voix forte et cinglante brisa le brouhaha général :



C’était Françoise qui venait d’apparaître, et elle se plaça tout de suite devant Claire en défiant les meneuses d’un air de défi.

Aussitôt, un grand silence s’établit. De soulagement, Claire eut presque envie de se jeter dans ses bras pour la remercier. Tout était redevenu normal lorsqu’elle la suivit de près, avec assiettes et couverts sur un plateau qu’elle portait en tremblant. Elle copia Françoise sur son choix culinaire, choisissant du poisson avec pommes de terre. Ici, c’était libre-service, mais les plats n’étaient guère appétissants et le choix assez limité. Derrière les rayonnages où étaient présentés les plats, deux femmes en toque blanche surveillaient étroitement la consommation de chacune. Leur choix effectué, les prisonnières allaient ensuite s’installer librement à des tables de huit places, se regroupant par affinités. Claire se retrouva donc entre Lise et Lucia, avec Françoise en face d’elle.



Claire ne dit rien, l’observant avec chaleur. Elle lui était tellement reconnaissante de s’occuper ainsi d’elle, de la protéger et de l’avertir de tout danger. C’est par elle qu’elle connaissait maintenant les risques de se rendre à l’infirmerie, après que Françoise eût tout mis en œuvre pour l’empêcher de s’y rendre. Claire était vraiment heureuse d’avoir noué des liens d’amitié avec une alliée aussi précieuse. Seule, elle se sentait incapable de survivre dans cette jungle aussi impitoyable, où seule régnait la loi du plus fort.

Déjà, dans le monde normal, Claire avait toujours bénéficié de faveurs exceptionnelles, menant une vie dorée et insouciante. Fille d’un officier influent et respecté, elle avait souvent déménagé au gré des affectations de son père, tout en profitant de tous les privilèges et passe-droits imaginables. Elle avait été habituée à être servie et entourée par un personnel militaire aux petits soins. Et, lorsqu’elle n’était pas chaperonnée par un aide de camp cédant à tous ses caprices, par peur de lui déplaire et de déplaire surtout à son père si elle venait à se plaindre, c’était sa belle-mère Hélène qui la couvait et la surprotégeait.

Ainsi, Claire reconnaissait être ignorante et ne pas avoir l’habitude de se débrouiller seule, un lourd handicap dont elle risquait ici de payer le prix fort. Mais, heureusement, elle pouvait compter sur Françoise. Une alliée qui avait dû malgré tout en subir les conséquences… Inquiète, elle demanda :



Françoise, sans cesser de dévorer son repas à pleines dents, lui adressa un clin d’œil rassurant.



Claire mangea un peu avant de questionner encore.



Claire en resta bouche bée, les yeux écarquillés de surprise.



Toutes les filles de la table approuvèrent de la tête.



Claire hocha sa petite tête blonde avec compréhension. C’est toujours avec autant de curiosité qu’elle posa mille questions, mais elle eut le malheur de s’informer auprès de Lucie. Celle-ci, en guise de réponse, se contenta de lui jeter un regard glacial et si empli de haine que Claire, déroutée, se tourna vers une autre détenue pour s’enquérir d’autres choses. Le repas se déroula sans autre incident. La discipline au réfectoire était maintenue par les deux mêmes gardiennes qui se promenaient avec vigilance entre les tables. Pensive et observant tout avec minutie, Claire réalisa brusquement qu’elle était la dernière à rester à sa table, les autres s’étant déjà levées pour se débarrasser de leur plateau. Elle se retrouva soudain seule, avec l’insupportable impression d’être guettée et épiée par une multitude de regards avides. Elle ne s’y habituerait jamais… Crispée, elle se dressa d’un bond et partit précipitamment à la suite de Françoise qui, bienveillante, l’attendait au bout de la salle.



Les gerbes d’écume blanche de l’océan Pacifique semblaient suspendues dans l’air avant de retomber en cascade sur le récif. Elles jaillissaient avec fracas, s’écrasaient sur la barrière de corail et s’insinuaient entre ses crevasses acérées avant d’être aspirées par l’Océan et retourner ainsi à sa source. Un combat éternel entre les vagues et les récifs que Claire contemplait sans s’en lasser.

Malheureusement, la beauté du site était gâchée par ce lugubre poste de sécurité et le mirador installés avec un total irrespect de l’harmonie en plein milieu du motu qui émergeait dans le lagon, près de l’unique passe. Un emplacement stratégique qui empêchait toute intrusion par la mer, et surtout toute évasion. Des vedettes lourdement armées patrouillaient en permanence derrière la barrière de corail, allant et venant en pleine mer à vitesse réduite. Et, de temps en temps, l’hélicoptère privé de la prison passait bruyamment dans le ciel, tache noire et menaçante qui troublait le bleu d’azur du ciel.


Claire se retourna, enfonçant davantage ses pieds dans le sable, et tourna le dos à la mer pour faire face à la forêt tropicale constituée d’arbustes, aux couleurs variées avec ses orchidées et hibiscus multicolores. Un paysage touffu et enchanteur qui dissimulait la bâtisse grise et imposante du pénitencier qui se dressait de toute sa hauteur, et dont les murs épais, les miradors, les barbelés électrifiés s’étendaient sur toute la largueur de l’île. Une installation moderne et efficace ne lésinant sur aucun moyen pour rappeler aux détenues que s’échapper s’avérait une mission impossible, ce qui jusqu’ici s’était révélé exact. Françoise le confirma sur un ton lugubre :



Claire, perdue dans ses pensées, avait oublié sa présence. Pourtant c’est Françoise qui lui servait de guide, lui montrant la cour attenante à la prison, là où les plus sportives pouvaient s’adonner au basket ou au handball, et la plage où les plus fainéantes pouvait se prélasser à l’ombre d’un cocotier, avant de piquer une tête dans le lagon. Françoise n’était pas avare d’explications en continuant la visite, et Claire se remit à boire ses paroles comme si tous ses conseils étaient parole d’évangile. Grâce à cette femme, elle avait guéri et repris goût à la vie, et elle lui en serait éternellement reconnaissante. Maintenant, elles seraient amies pour toujours, du moins entre les quatre murs de cette prison… Cette soudaine et profonde amitié lui semblait naturelle et providentielle, comme un signe du destin qui la soutiendrait dans l’épreuve. Confiante, elle ne se posait pas d’autres questions.


Evidemment, les sentiments qu’éprouvait Françoise étaient bien différents, guidés par des pulsions beaucoup moins innocentes. Il y avait dans cette jeune femme une telle pureté, tant de spontanéité et de fraîcheur, que le contraste qu’elle offrait dans cet univers de débauche et de violence n’en était qu’encore plus grand. Françoise y était étrangement sensible, comme s’il était de son devoir de veiller sur elle. De la protéger. De l’aimer. Cette vague de tendresse l’inquiéta brusquement. Ressentir de la compassion et de l’amour pouvait être considéré comme une marque de faiblesse. Jusqu’ici, Françoise s’était montrée dure et sans pitié, une femme dangereuse qui avait imposé son autorité sans le moindre état d’âme. C’était la loi du plus fort, et Françoise pouvait se considérer comme le chef de la meute, celle que l’on craint et que l’on respecte dans un combat de tous les jours qui n’autorisait aucun relâchement. Baisser la garde, c’était signer son arrêt de mort. Ses pensées furent soudain interrompues par l’exclamation ravie et admirative de Claire.



L’endroit en question était une étendue d’herbe au pied d’un massif d’orchidées sauvages, près d’un petit ruisseau. Françoise lui fit remarquer sur un ton sec et cynique :



Pensive, Claire acquiesça :



Et elle prit un petit air malheureux et confus, comme une collégienne venant d’être sévèrement sermonnée. Son expression enchanta Françoise qui ne put s’empêcher de rire.



Claire, intriguée, plissa le front.



Françoise prenait un air grave et énigmatique, le regard fixe, tandis que Claire semblait réfléchir et ne pas comprendre. Elle s’énerva.



Amusée, Françoise perdit son sérieux plein de mystère.



Elle ne put se retenir davantage et éclata de rire. Claire se rendit compte alors qu’elle se jouait d’elle et, de bonne guerre, entra dans son jeu. Elle se fit mutine.



Puis, prenant un ton autoritaire avec un fort accent allemand, elle reprit :



Françoise se tint le ventre en riant aux éclats, les larmes aux yeux. Il y avait longtemps qu’elle n’avait pas autant ri. Elle était sous le charme, appréciait le changement d’humeur de Claire qui, en reprenant confiance, se montrait sous son vrai jour. Elle adorait son entrain, son allure alerte et puérile, son espièglerie, sa manière de se déplacer souplement avec des gestes à la fois d’enfant et d’une terrible sensualité. Elle se plaça devant elle, les bras croisés avec le même air résolu.



Claire plissa ses yeux rieurs.



Elle se précipita soudain sur elle, la poussant en arrière pour la faire tomber. Surprise, Françoise s’écroula pour se retrouver sur les fesses. Elle voulut se redresser mais, avec un cri victorieux, Claire était déjà sur elle. Elle s’assit sur ses jambes et tortilla son joli postérieur sur ses cuisses avec une volupté de chatte qui assure sa prise avant de jouer avec sa proie. Françoise se redressa et atterrit naturellement dans les bras de Claire qui la toisait avec un petit air rusé.



Françoise était trop troublée pour répondre tout de suite. Le corps souple et chaud qui ondulait doucement contre ses cuisses éveillait de bien mauvaises pensées, ainsi que la vision des longues jambes à la chair dorée qui s’étendaient de chaque côté de son corps. Elle se sentait soudain nerveuse.



Avec un drôle de petit air espiègle, Claire l’observa étrangement. Elle leva les bras au-dessus de la tête, faisant ainsi saillir ses seins épais avec une incroyable insolence, avant de tortiller de la croupe sur ses cuisses avec encore plus de provocation.



Elle noua ses mains autour de la nuque de Françoise, l’enlaçant de près. Puis elle l’embrassa tendrement sur la joue, à la commissure des lèvres. Françoise ressentit ce contact comme une décharge électrique. La délicieuse Claire la rendait folle… Brûlante de désir, elle passa un bras autour de la taille flexible pour l’attirer à elle, mais Claire s’écarta vivement en riant. Elle se dégagea en roulant sur le côté, pour se rasseoir un peu plus loin. Elle l’observait d’un air moqueur.



Françoise était abasourdie, se demandant si Claire était simplement inconsciente de jouer ainsi avec ses nerfs, ou si c’était la plus effrontée des allumeuses. Elle hésita entre la patience bienveillante ou le viol immédiat. Et opta pour la première solution. Elle se sentait incapable de la brusquer ou de la choquer, une attention dont elle n’était pourtant pas coutumière. Elle se leva et s’assit à côté d’elle. Toutes deux se sourirent tendrement avant de s’allonger avec plaisir, là où le soleil pouvait les atteindre, entre deux cocotiers.



Claire, étendue sur le dos et les mains croisées sous la tête, esquissa une moue boudeuse.



Elle gardait les yeux fermés, éblouie par le soleil. Françoise l’observa en silence, puis elle se dressa avec un long soupir de bien-être et s’étira sensuellement. Claire, toujours étendue sur le dos, ouvrit les yeux à demi pour l’observer. Son attention fut un instant dirigée vers deux gardiennes qui, matraque à la main, patrouillaient en silence. Celles-ci ne leur adressèrent aucun regard et continuèrent leur ronde, disparaissant dans l’épaisse végétation aussi vite qu’elles étaient apparues. Françoise ne les vit même pas.



Elle se passa ensuite la main dans les cheveux, toujours cambrée, ses seins écrasant le tissu de la chemisette réglementaire à l’en déchirer. Malgré elle, Claire était sensible à la beauté féminine qui savait si bien se mettre en valeur. Troublée, elle battit des cils. Elle était si heureuse d’avoir une amie, une vraie, qui savait s’impliquer et se compromettre pour la protéger, et c’était là un sentiment nouveau qui la rendait confiante et reconnaissante.

À cause des fréquentes affectations de son père, elle n’avait jamais eu d’amie avec qui elle aurait pu établir des liens durables et sur laquelle elle aurait pu réellement compter en cas de coup dur. Et il fallait qu’elle se retrouve en prison pour rencontrer une véritable amie ! Mais il n’y avait pas que ça… Cette amitié très forte semblait basée sur des sentiments beaucoup plus subtils et ambigus, si insondables qu’elle avait du mal à se l’expliquer. C’était trop rapide, si nouveau. Et Françoise était si mystérieuse, pouvant passer de la douceur à la violence, de la gentillesse à la cruauté, tantôt frivole, rieuse, ou alors d’une grande gravité…

Pour tout cela, Claire la trouvait fascinante, une femme à part, forte et solide qui pouvait affronter tous les obstacles sans la moindre hésitation et sans se préoccuper des conséquences, fonçant tête baissée alors que son allure nonchalante laissait penser le contraire. C’était une grande femme souple et élancée, d’une grâce langoureuse, aux gestes lents et mesurés, comme une habituée des défilés de mode. Un peu comme Hélène…

Avec ses cheveux coupés courts à la garçonne, Françoise avait un profil équivoque, d’éphèbe, avec des arcades sourcilières bombées et une large bouche aux lèvres fines qui lui donnaient ce côté à la fois masculin et asexué, si troublant… Mais la douceur des joues un peu creuses et la sensualité de la bouche gourmande étaient furieusement féminines. D’ailleurs, tout le caractère de cette femme semblait se refléter dans sa bouche : vorace et moqueuse, avec des fossettes marquées qui, souvent ironiques, s’élargissaient dans un pli satisfait et rusé lorsqu’elle souriait. Ses yeux aussi étaient fascinants. Vifs et intelligents, ils s’étiraient en amande comme deux pinceaux à la lueur avide et victorieuse, pleins de malice. C’était cette même ruse qui brillait alors qu’elle continuait d’observer Claire en silence. Elle lui sourit en lui demandant brusquement :



Et, tranquillement, elle défit les boutons de sa chemisette bleue jusqu’au nombril. Elle demeura ainsi, à demi-nue, avec ses seins magnifiques qui jaillissaient fièrement, les pointes dressées. Claire, gênée, tourna la tête.



Claire, le feu aux joues, secoua sa petite tête blonde avec énergie. Françoise la dévorait des yeux tout en résistant à l’envie de se jeter sur elle.



Françoise prit ses mains et l’obligea à s’asseoir en face d’elle.



Puis, sans attendre son accord, elle commença à déboutonner les premiers boutons de sa chemisette. Le premier réflexe de Claire fut d’avancer les mains pour l’empêcher de continuer, mais elle arrêta son geste à mi-chemin, hésitante. Après tout, il n’y avait là rien de mal à se mettre à l’aise pour bronzer un peu… Aussi laissa-t-elle retomber lentement ses bras le long du corps et, docile, elle se laissa faire.


Françoise la déshabilla à moitié, écartant d’une main fébrile les pans de la chemisette ouverte. Son regard fut irrésistiblement attiré par la troublante nudité des seins qui pointaient avec arrogance. Les seins étaient parfaits, accrochés haut, à la fois lourds et délicats avec leurs pointes érigées qui ressemblaient à des petits boutons de rose. Ils étaient si attirants que Françoise en eut des picotements au bout des doigts.



Elle la saisit par la taille et lui demanda de se mettre en position tailleur. Claire obéit sans comprendre, un petit sourire nerveux sur les lèvres. Cette position lui fit écarter les jambes, faisant glisser très haut la jupe et dévoilant ainsi ses cuisses jusqu’à la limite de l’aine. Rapidement, elle voulut rabattre la jupe sur ses jambes, mais Françoise arrêta son geste en posant doucement sa main sur le bras qui s’était avancé.



Assises en tailleur face à face, si proches que leurs genoux se touchaient, elles ne bougèrent plus un long moment. Françoise passa une langue gourmande sur ses lèvres soudain sèches, attirée par la vue des seins qui bondissaient à l’air libre et des cuisses fines et fuselées qui restaient écartées dans la plus provocante des positions. N’y tenant plus, elle céda à la tentation et caressa du bout des doigts son visage de poupée.



Claire eut de plus en plus chaud. Le regard fixe et brûlant qui la déshabillait des yeux lui faisait monter le sang au visage. Confuse, elle esquissa un pâle sourire en hochant timidement la tête.



Françoise se pencha en avant, continuant de caresser avec fièvre chaque trait du doux visage.



Elle la saisit avec douceur par la nuque et l’attira à elle, approchant son visage du sien. Claire sentit son haleine brûlante et, rougissante, tourna légèrement la tête de côté. Les yeux brillants, sans se décourager, Françoise lui déposa donc un baiser sur la joue, frôlant la peau lisse près des lèvres entrouvertes. Claire se raidit aussitôt.



Elle laissa glisser sa bouche jusqu’au lobe de l’oreille qu’elle se mit à mordiller délicatement, léchant le pourtour d’une langue aiguë. Claire frissonna brusquement… un frisson de plaisir comme elle n’en avait jamais connu, si délicieux qu’elle en avait la chair de poule. Désorientée, elle la repoussa faiblement.



Ses yeux étaient troubles et suppliants. Sa détresse la rendait encore plus désirable. Sensuelle, Françoise s’approcha de sa bouche en un long et doux frôlement. Elle s’attarda un instant sur la commissure des lèvres, agrippant en même temps la chevelure blonde pour lui maintenir la tête et presser son visage contre le sien.



Mais, au lieu de s’esquiver, elle entrouvrit les lèvres, sans savoir réellement pourquoi elle le faisait. Et elle gémit sourdement lorsque Françoise lui lécha la bouche de coups de langue longs et appuyés, de façon si voluptueuse que Claire respira plus fort encore, plus fort que les soupirs stupéfaits qu’elle poussait sans s’en rendre compte. Suffocante, elle ouvrit la bouche, et Françoise n’eut aucun mal à franchir aussitôt la barrière de ses dents pour en prendre possession. Claire accueillit le baiser avec un râle éperdu, répondant malgré elle aux tendres sollicitations de la langue qui l’aspirait toute entière. Leurs bouches se pressaient et se butinaient violemment avec une ardeur croissante, s’affolant de subtiles et enivrantes succions.

Françoise passa une main sous la chemisette et sentit frémir le corps étonnamment souple de sa partenaire qui gémit encore plus en se serrant contre elle. Claire tremblait sans retenue au contact de cette main sur sa peau nue et, comme affamée, se mit à lui dévorer la bouche d’une langue encore plus impatiente. Littéralement éblouie, elle se mettait à onduler contre Françoise en lui nouant passionnément les bras autour du cou. Cette dernière la relança d’une bouche vorace, achevant de l’affoler tout en continuant à caresser le corps frémissant d’un geste nerveux.

Sa main rencontra la pointe érigée d’un sein qu’elle fit gonfler de ses doigts habiles en agaçant le fragile dard violacé. Claire cria de surprise puis, haletante, osa faire de même, glissant sa main libre à l’intérieur de l’habit ouvert, à même la peau. Françoise reçut la caresse d’un long gémissement et se serra davantage contre sa partenaire.

Ivres de désir, elles se caressaient avec une fougue grandissante, et Françoise émit des petits cris de bonheur lorsqu’elle sentit enfin la main de sa maîtresse se refermer doucement sur son sein gauche. Ce contact les électrisa toutes les deux, plus particulièrement Claire qui découvrait pour la première fois le corps d’une femme. Brûlante de désir, elle prit l’initiative de défaire les boutons qui restaient au bas du vêtement, admirative et bouleversée à chaque centimètre de peau nue qu’elle dévoilait. Françoise la déshabilla à son tour. Leurs habits atterrirent tout près d’elles et, enfin nues et haletantes, elles se contemplèrent un instant, les yeux brillants, pâmées et éblouies par ce formidable désir qui passait dans leurs yeux… le plaisir du regard qui ne fit qu’accroître leur envie de s’aimer.


Françoise craqua la première, elle l’enlaça violemment et la plia hâtivement sous elle. Tandis qu’elles roulaient ensemble sur l’herbe, leurs lèvres se retrouvaient avec délice, se dévorant frénétiquement. Françoise se dépêcha de couler une main le long du ventre plat pour effleurer une hanche frémissante et s’aventurer sur la peau veloutée de l’aine. Elle demeura un instant sur la chair palpitante, d’une incroyable douceur, affolant Claire d’une caresse lente et progressive, tournant autour du triangle blond de son sexe. Claire, hors d’elle, tremblait de tout son corps, elle creusait les reins et ouvrait les cuisses avec impatience, soulevant ses fesses pour se porter au-devant des tendres doigts. Répondant à son attente, Françoise avança la main sur la toison secrète et se faufila entre les poils pour aller plus bas, au coeur même de la féminité brûlante. Ses doigts glissèrent aussitôt dans un calice de chair moite, avec une facilité qui en disait long sur l’état d’excitation de sa partenaire.

En effet, Claire émettait des petits sanglots extasiés, s’accrochant comme une naufragée aux épaules de sa partenaire qu’elle mordait tendrement quand elle ne l’embrassait pas dans le cou. En même temps, elle se tordait en tout sens, remuait nerveusement les jambes, tournait la tête de gauche à droite…

Elle souleva son bas-ventre avec plus de furie encore lorsque Françoise se mit à fouiller son sexe brûlant avec plus de dextérité. Sans pitié, elle ne cessa pas de la caresser en glissant le long de son corps, appuyant sa descente de baisers et de morsures sur chaque millimètre de peau qu’elle dévorait goulûment.

Enfin elle allait prendre possession du sexe trempé et ouvert, impatiente de s’y désaltérer et de s’y enivrer jusqu’à la folie, lorsqu’elle se sentit brusquement tirée par les cheveux.

Déstabilisée par cette attaque brutale, Françoise partit en arrière, se laissant aussitôt rouler sur le côté pour s’éloigner vivement de l’agression. Déjà elle avait retrouvé ses esprits, prête à se battre jusqu’à la mort et résolue à faire auparavant le maximum de dégâts chez l’ennemi. D’un mouvement souple, elle rebondit sur ses jambes, bien campée sur ses deux pieds pour faire face à l’adversaire. Puis, aussi vite, elle se détendit. Et son visage exprima une immense surprise lorsqu’elle vit Lucie devant elle.



Jambes écartées, mains sur les hanches, Lucie la toisait avec une haine incontrôlable. C’était la première fois qu’elle osait ainsi l’affronter.



Françoise ne se démonta pas. Elle leva la tête avec fierté. Grande, altière et farouche, consciente de sa beauté animale, elle siffla entre les dents comme un serpent prêt à mordre.



Hors d’elle, Lucie se mit à crier :



Elles s’affrontèrent du regard comme des animaux sauvages. Ces femmes fougueuses, violentes, sevrées d’hommes et livrées à elle-même dans un univers implacable, étaient encore plus dangereuses que cent hommes réunis. Elles étaient prêtes à tout pour survivre. Et surtout, prêtes à tout pour un peu d’amour. Le droit de se sentir femmes, belles et désirables. Le droit de se sentir vivantes. Leur retirer ce droit était leur ôter toute humanité. D’un coup, Lucie en prit conscience et, anéantie, s’éloigna d’un pas lourd. Françoise la laissa pour se tourner vers Claire. Celle-ci, en boule, repliée sur elle-même, pleurait à gros sanglots, le visage caché dans les mains. Françoise, surprise, voulut la consoler, mais Claire la repoussa en poussant un cri déchirant.



Françoise, bouleversée, hésita. Puis, lentement, elle s’en alla à son tour d’un pas traînant, la tête basse. Si quelqu’un avait pu à cet instant voir son visage, il aurait vu des larmes ruisseler sur ses joues…