n° 10538 | Fiche technique | 14148 caractères | 14148Temps de lecture estimé : 9 mn | 20/06/06 |
Résumé: Nos deux "héros" ne s'en sortent pas vraiment, mais... ya d'l'espoir ! | ||||
Critères: frousses rousseurs nonéro | ||||
Auteur : Frédichounet Envoi mini-message |
Épisode précédent | Série : Le petit chaperon bleu et le grand méchant loup Chapitre 03 / 03 | FIN de la série |
Mary reprit connaissance alors que la sirène de l’ambulance retentissait, sur la route de l’hôpital. Une douleur sourde irradiait de son nez, se répandait à son visage pour l’empêcher de se rappeler de ce qu’il s’était passé. Quelque chose l’empêchait d’inspirer par le nez. Elle porta une main de plomb à celui-ci, et constata qu’un pansement lui couvrait près de la moitié du visage. Elle tâta l’arête de son nez et la douleur lui fit pousser un gémissement. Un sanglot la secoua et elle se mit à pleurer en silence. Elle ignorait la raison de sa tristesse.
Un interne lui apprit qu’elle avait le nez cassé. D’une certaine façon, cela la rassura.
La nuit qui suivit l’opération de son nez, qui se passa le mieux du monde compte tenu du fait que la cassure avait été nette, elle fit un cauchemar. C’était surtout la harpie de son rêve qui lui faisait peur : une horrible bonne femme, les cheveux sanglants, hirsutes, torturait une toute jeune fille qui lui ressemblait beaucoup. En fait, au bout d’un moment, elle se rendit compte que la sorcière aussi lui ressemblait. Elle se réveilla en sursaut, en poussant un hurlement qui précipita l’infirmière de nuit dans sa chambre. Cette nuit-là, elle ne trouva le sommeil qu’aux premières lueurs de l’aube. On la réveilla, sans pitié, à l’heure du petit-déjeuner. Elle se souvenait de ce qui s’était passé, mais elle ne fit aucune relation avec son cauchemar de la nuit.
Aimée, sa grand-mère qui était le dernier membre existant de sa famille, venait la voir chaque jour. Elle lui apprit sa sortie prochaine et lui proposa qu’elle vienne achever sa convalescence chez elle, ce que la jeune femme accepta.
Quand elle se retrouva dans la maison de sa grand-mère, à la sortie de la ville où elle-même habitait, elle perdit l’environnement sécurisant de l’hôpital. Cela pouvait peut-être expliquer qu’Aimée dût lui proposer un petit séjour en maison de repos. En effet, les cauchemars ne cessaient plus, avaient même tendance à s’enchaîner au cours d’une même nuit. Cela n’était rien comparé aux hallucinations qu’elle avait étant totalement éveillée. Soudain, alors que rien ne le laissait présager, elle fondait en larmes, tremblait de tous ses membres, pleurait que le visage de son "agresseur" ne quittait pas son esprit, se mêlant à celui de la harpie de son premier cauchemar. Un visage horriblement déformé où grouillait une faune d’insectes, plus répugnants les uns que les autres ; asticots, araignées, j’en passe et des pires !
Plusieurs jours passèrent avant que le directeur ne lui demande de le suivre avant l’une de ses visites quotidiennes. Il lui apprit que personne n’arrivait à calmer Mary, que ses cauchemars et hallucinations étaient sur le point de la rendre folle. La vieille dame qui l’instant d’avant paraissait dix ans de moins que son âge réel, fondit en larmes et ses traits rattrapèrent ses années. Le chagrin la décomposait sous les yeux du directeur, qui lui-même sentait une boule obstruer sa gorge. Il se leva, fit le tour de son bureau et tenta, par des mots et de nombreux tapotements du dos de la main de la vieille dame, de consoler sa peine. Il conclut en disant, d’une voix qu’il espérait ferme et rassurante, que la jeune fille n’avait pas besoin de ça, qu’il fallait qu’elle soit forte. Ces derniers mots accélérèrent le retour au calme. Il lui tendit quelques mouchoirs en papier, tirés d’une boîte qui traînait sur le bureau, et ajouta qu’elle était leur dernier espoir, qu’elle devait essayer de parler à sa petite-fille.
Le directeur la conduisit lui-même à la chambre de la convalescente, en lui expliquant qu’ils avaient dû sangler Mary à son lit parce qu’elle lacérait son visage de ses ongles, que les sédatifs ne suffisaient plus à l’empêcher de se faire du mal. Il lui ouvrit la porte et, tout en lui murmurant, "courage", referma la porte derrière elle.
Mary était dans une de ses (trop courtes) phases de calme. Ses yeux étaient ouverts, fixes, ne semblant rien voir en particulier. Ils étaient si injectés de sang que les veinures attaquaient le turquoise, autrefois magnifique, de ses iris. Ceux-ci bougèrent et plongèrent dans ses yeux à elle. La jeune fille eut un rictus qui aurait dû ressembler à un sourire, mais qui ne parvint qu’à précéder deux larmes qui dévalèrent ses joues, pour aller se perdre sur l’oreiller.
La vieille dame était au-delà des larmes, au-delà du plus grand des désespoirs qu’elle eut pu éprouver. Elle contemplait le visage de sa petite-fille. Celui-ci montrait de nombreux traits rougeâtres parcourant son front, ses joues… l’ensemble du visage, jusqu’à son cou et même le haut de sa poitrine.
Elle ne devait rien laisser paraître, alors elle dit, simplement, d’une voix douce et un peu chevrotante :
La grimace qu’elle reçut pour réponse ressemblait un peu plus à un sourire. Affermissant sa voix, elle ajouta :
Un hochement de tête montra que la jeune fille avait compris. Elle ouvrit la bouche, mais aucun mot ne sortit, alors son aïeule caressa sa joue et souffla, pour l’encourager :
Deux autres larmes roulèrent et allèrent rejoindre les premières, et un murmure à peine audible parvint à se frayer un passage, par-delà sa détresse :
Elle ne releva pas l’erreur, la confirma, au contraire :
Le débit des mots, d’abord hésitant, devenait plus fluide, au fur et à mesure que l’histoire s’écoulait. Aimée ne prononça pas la moindre parole, écoutant de tout son être. Elle se contentait de caresser sa main, son visage, et lui souriait.
À la fin du récit, elles restèrent un long moment sans échanger autre chose que des regards, éperdus pour la jeune fille, désolés et légèrement interloqués pour la vieille dame. Les premiers mots de celle-ci furent pour plaindre et consoler la demoiselle qui lui fit, certes un minuscule, mais réel sourire. Puis, elle ajouta un "mais". Il ne fallait pas qu’elle laisse passer cette occasion !
Sa petite fille "reprenait du poil de la bête" et même si ce qu’elle s’apprêtait à lui dire devait les brouiller, c’était peut-être la seule chose qui pourrait réellement l’aider à échapper à l’asile de fous !
Tandis qu’elle faisait la morale à sa petite-fille, elle se maudissait dans sa tête. Elle tenta de modérer la cruauté qu’elle ne voulait surtout pas témoigner, à cette dernière :
Devant le regard étonné de la jeune fille, Aimée tira une enveloppe de son sac à main.
Elle s’assit dans le lit et sa grand-mère lui cala l’oreiller derrière le dos. Elle l’en remercia d’une bise et d’un sourire, et lut la lettre. C’est ainsi qu’elle apprit que le jeune homme s’appelait Franck Machin. Elle pensa que c’était un peu… ridicule, s’en voulut tout de suite. Après tout, Mary Higgins ne valait guère mieux, dans le genre "presque auteur" de roman, ou fille du majordome de la série "Magnum"…
L’homme qui l’avait bousculée avait écopé de 6 mois de prison avec sursis, 30.000 euros de dommages et intérêts, et d’une interdiction de s’approcher intentionnellement de Mademoiselle Higgins Mary, à moins de 500 mètres.
En même temps qu’elle lisait, la conversation entre elle et sa grand-mère tournait, dans sa tête. Elle comprenait maintenant où celle-ci voulait en venir : si c’était un accident, alors le jugement était une injustice.
Et si on allait voir ce qui est advenu de Franck, depuis que nous l’avons laissé, dans la cellule de garde à vue…
Pour lui, l’arrivée du soleil après sa nuit blanche au poste de police, n’avait fait que faire coïncider un jour avec un autre. Le café qu’on lui avait servi en guise de petit-déjeuner, n’avait eu de "café" que le nom… tout juste si on l’avait autorisé à prendre une douche. Puis on l’avait remis dans sa cellule, où il dut attendre deux heures sa "comparution immédiate".
Celle-ci s’était plutôt mal passée, puisqu’en plus du jugement que vous connaissez, il avait failli écoper d’un outrage à magistrat, quand il avait élevé un peu trop la voix pour se défendre. Et puisqu’un malheur n’arrive jamais seul, le juge, qui était une femme, l’a autorisé à partir, mais seulement après l’avoir lourdement sermonné. Résultat, il était épuisé, se sentait sale malgré sa douche, et légèrement désorienté.
Il resta un court instant au bas des marches du palais de justice, se demandant où était son appartement, et ce qu’il crut être un rayon de soleil attira son regard vers sa droite. Un type, un peu plus petit que lui marchait dans sa direction, la main tendue, un sourire hypocrite accroché à son visage. Franck ne nota pas grand-chose de la physionomie du bonhomme, ni le fait qu’il tenait un petit carnet dans sa main gauche, ni qu’il portait un appareil photo en bandoulière. Cinq minutes plus tard, le "moulin à parole" le quitta, un sourire carnassier aux lèvres, tandis que Franck se demandait ce que ce dernier lui voulait. Il oublia instantanément son visage, et retourna à sa préoccupation première ; où diable se trouvait-il ? Enfin, il retrouva la mémoire.
Son arrivée chez lui ne fit rien pour dissiper son sentiment de perdition. Il resta un long moment, assis sur son canapé, la tête dans les mains, à évoquer les deux jours qu’il venait de vivre… enfin, cela n’était pas tout à fait juste. Disons plutôt qu’il avait dû subir ce que son esprit lui imposait.
Plusieurs sentiments s’étaient enchaînés dans son esprit : tristesse, dégoût, colère, et d’autres aussi, qu’il n’arrivait pas à analyser… mais ce qui prédominait c’était que quelque chose lui échappait. Il avait surtout la conviction qu’il était l’unique responsable de tout ce qui lui était arrivé.
Pour mieux revivre les évènements, il s’allongea, et ferma les yeux. C’est ainsi que l’épuisement prit possession de lui, et qu’il sombra dans un sommeil sans rêves. Il se réveilla en sursaut, quelques heures plus tard. La désorientation avait disparu, laissant place à une détermination tellement forte, qu’elle lui donna un peu le tournis.
Il savait ce qu’il devait faire.
Je ne sais pas si les autres "auteurs" pensent comme moi, mais, je trouve bizarre le fait qu’une histoire puisse prendre possession de vous, et vous entraîner presque où bon lui semble… mais bref, après tout, elle ne m’a pas emmené trop loin de mon plan premier. Juste quelques détails qui se sont étoffés et d’autres auxquels je n’avais pas pensé…
Re-bref, j’arrête de vous "prendre la tête"…
A bientôt, j’espère…
Fred.