n° 10970 | Fiche technique | 112146 caractères | 112146Temps de lecture estimé : 60 mn | 12/11/06 |
Résumé: Chronique à la fois douce-amère, tendre et sulfureuse, sur des femmes qui vont réaliser leur attirance pour d'autres femmes. Confusions et incertitudes pour certaines, vices et turpitudes pour d'autres. | ||||
Critères: ff fsoumise humilié(e) chantage | ||||
Auteur : Nicky Gloria (Femme mariée qui assouvit ses fantasmes en écrivant.) |
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Résumé des épisodes précédents parus sur le site Revebebe :
Michèle, jeune bourgeoise immature et indécise, vit cloîtrée sous le joug d’un mari tyrannique, dans un univers étriqué et conventionnel. Ses enfants bien éduqués et obéissants, sa splendide maison et sa vie luxueuse ne suffisent plus à donner un sens à sa vie. Submergée par trop d’émotions et d’incertitudes, elle abandonne brusquement le foyer conjugal. Sa route va croiser celle de Fiona, une délinquante tourmentée et imprévisible, qui va vite s’éprendre d’elle et l’entraîner dans un chalet isolé pour mieux la conquérir. Michèle, après quelques incertitudes, va finir par lui céder, embrasée comme jamais par une étincelle d’audace et de liberté. Une révélation qui l’obligera à se prendre en main et à se reconstruire lentement.
La soirée costumée du jeune et richissime Anthony Donovan est le premier grand événement mondain de cet été. Les moyens mis en œuvre pour s’amuser sont paraît-il impressionnants, et ils alimentent toutes les conversations, enflamment toutes les imaginations. Avec Anthony aux commandes, on est certain d’en avoir pour son argent, de ne jamais être déçu. Il est le maître des nuits folles et branchées de la Côte d’Azur, l’heureux propriétaire de la boîte de nuit la plus rentable de la Riviera. Gay extraverti, il sait exploiter mieux que quiconque les mots fête et démesure, spectacle et sens du délire. Il est une valeur sûre dans le milieu de la nuit, organisateur des soirées les plus réussies de la jet-set. Celle-ci est en effervescence, avide de gloire et de célébrité. La communauté homosexuelle, principalement concernée, est en émoi. Anthony fête ses vingt-cinq ans. Et, fait exceptionnel, il reçoit chez lui. On dépense donc des fortunes en costumes, les gens usent de toute leur influence pour obtenir une invitation. Le soir de la réception, une foule nombreuse se presse, bourdonnante, curieuse, excentrique, mêlant tous les genres et toutes les époques dans des tenues aussi grotesques les unes que les autres. Le thème est libre, toutes les folies sont possibles.
Pour faciliter la sécurité, deux agents d’une société privée sont postés devant l’immense portail en fer forgé, et un troisième, intraitable, ne laisse entrer que les personnes munies de leur carte d’invitation. Leurs consignes sont strictes, sans appel. Une allée éclairée se perd entre les pins parasols et débouche dans un vaste jardin à la française, rigoureusement entretenu, avec ses plates-bandes symétriques, ses haies de buis et son labyrinthe de charmes taillés à la perfection. L’allée de gravier traverse cette impressionnante architecture végétale, passe sous une arche en charmille, et s’ouvre devant une imposante demeure de style américain, inspirée des modèles de Louisiane, avec d’épaisses colonnes et une longue terrasse couverte qui court le long de la façade. Devant l’entrée, alignés de chaque côté, de délicieux éphèbes, simplement vêtus d’un pagne, accueillent les invités d’un chant mélodieux. Ils ont été sélectionnés pour leur perfection physique, tous sont minces et légèrement musclés. Au-dessus de leur tête, des lumières vives étincellent à chaque fenêtre, et une musique discrète se fait entendre, mêlée à des cris et des rires. La fête a commencé très tôt et promet d’être mémorable.
Anne Gayet est déjà présente, entourée de deux jeunes femmes qui semblent s’amuser de toutes ses facéties. Anne sourit, heureuse, gracieuse, observant tout ce qui se passe avec verve et ironie. Elle est vêtue simplement d’une longue robe de lin transparente, façon Égypte ancienne, qui révèle ses ravissantes formes dans un érotisme très suggestif. Un large collier dissimule à peine ses jolis seins. Une perruque noire, aux reflets outremer, met en valeur ses grands yeux bleus malicieux et la finesse de son visage enfantin, un visage qui allie ce qu’il y a de plus pur chez une femme, de noble et de délicat, et que vient démentir sa tenue osée. Ce contraste ne la rend que plus touchante et troublante, femme-enfant au charme ambigu. Elle inspire d’emblée confiance, par sa fantaisie et sa franchise. Rien n’échappe à son regard, elle commente tour à tour avec beaucoup d’esprit l’arrivée triomphante de Napoléon, de Jeanne d’Arc, d’un chef gaulois et d’un viking, ou de personnages littéraires comme la gitane Esmeralda, magnifique métisse qui fait grande impression. Anne surprend son auditoire en dévoilant avec une facilité déconcertante certains secrets inavouables qui se dissimulent derrière toutes ces personnalités. Elle semble connaître presque tout le monde, et c’est avec cynisme qu’elle se moque gentiment, se divertissant de ce mélange folklorique et incongru où chacun minaude et se pavane dans une agitation excessive. À mesure que les invités entrent dans le séjour, un drôle de majordome annonce leur nom d’une voix forte et solennelle. Il est habillé d’une façon assez maniérée, avec une chemise à poignets mousquetaires, un gilet de fantaisie aux couleurs fluorescentes et un nœud papillon à fleurs. La foule déjà en place applaudit à chaque fois, admirative devant les costumes ou impressionnée de reconnaître certaines personnalités importantes. Les invités traversent lentement tout le rez-de-chaussée, une vaste salle de 200 m² environ, pour atteindre ensuite une estrade de jade où sont royalement installés sur un trône d’ivoire les maîtres de la cérémonie. Là, les convives s’inclinent et font la révérence. Les paroles d’Anne deviennent plus acerbes lorsque, sur l’insistance de ses compagnes, elle s’attaque à leurs hôtes, un couple étrange, costumé de façon différente, dans un style aussi baroque qu’incohérent. Elle commence par l’homme :
Les deux femmes qui écoutent Anne pouffent de rire. Cette dernière continue sur sa lancée, parlant avec emphase, d’un ton précieux, imitant les manières raffinées de l’aristocratie très largement majoritaire dans cette foule colorée.
La brune potelée réagit encore :
C’est son amie qui vient de s’étonner de la nouvelle. C’est une grande maigre aux cheveux teints en vert, assez jolie, les bras minces encombrés de lourds bracelets, le front cerné d’un bandeau serti de chaînes qui tombent des tempes jusqu’aux épaules, le cou surchargé de colliers métalliques qui s’entrechoquent, et tous ses apparats tintent joyeusement au moindre petit pas, au moindre hochement de tête, ce qui est le cas alors qu’elle s’agite avec scepticisme.
La femme aux cheveux verts regarde son amie d’un air soupçonneux :
Toutes deux se chamaillent tendrement sous le regard amusé de leur amie. La brune potelée se tourne enfin vers elle.
Anne grimace un sourire méprisant.
La grande femme aux cheveux verts ne semble pas d’accord.
Anne lui jette un regard agacé. Son exaspération est aussi palpable qu’un orage sur le point d’éclater. Stéphanie est adorable, mais d’une bienveillance excessive, croyant toujours en la bonté de l’âme humaine, guidée par une incorrigible compassion qui lui fait partager les soucis et les peines de toute personne qu’elle rencontre, même les plus viles. En d’autres circonstances, c’est là une qualité qui l’honore, mais pas lorsqu’il s’agit d’un sujet aussi sensible que celui-ci. Par amitié, elle se contrôle, se contentant de prendre un air tout juste catastrophé.
Stéphanie ne dit rien, consciente de s’être aventurée sur un terrain épineux. Elle adore trop Anne pour la contrarier. Son amie est rarement cynique, elle a tout sauf un cœur de pierre, et elle doit avoir ses raisons pour détester Sandra. Pour détendre l’atmosphère, elle cherche du regard un sujet de moquerie et le trouve en la personne de la Comtesse Corsini, une vieille aristocrate engoncée de façon ridicule dans une épaisse robe de velours mauve et de dentelles, la poitrine enserrée dans un plastron à épingles. Elle marche avec gaucherie et précaution, comme par peur de se prendre les pieds dans les étoffes qui balaient le sol. Deux servantes essaient de la soutenir, tournant autour d’elle en caquetant. Stéphanie prend un air pincé, imitant le langage pompeux de la Comtesse avec tant de fidélité que ses amies ne peuvent retenir un sourire. Anne veut renchérir, mais une clameur monte soudain de la foule, et les personnes qui se situent près du hall d’entrée reculent brusquement. Un cow-boy d’une soixantaine d’années avance, tenant par les rênes un magnifique cheval à la robe noire et luisante qui, levant haut les pattes, fait tinter bruyamment ses sabots sur le marbre du salon. C’est un animal fougueux, la tête haute, les muscles frémissants, il se cabre un instant pour manifester sa nervosité, mais l’homme le maintient solidement. Une femme pousse un cri effrayé, sa compagne la prend dans ses bras pour la rassurer. Des murmures de surprise accompagnent la progression de la monture et du cow-boy. Ce dernier, avec ses longs cheveux gris maintenus par une queue de cheval, a de la prestance, et surtout la verdeur et l’allant d’un homme beaucoup plus jeune. Il s’arrête à quelques pas d’Anthony et de sa sœur, ôte son chapeau et s’incline d’un geste théâtral.
Anthony se dresse d’un seul élan et claque ses mains l’une contre l’autre comme un gosse surexcité. Sa tunique de soie pourpre renvoie des chatoiements colorés à chacun de ses mouvements. Il trépigne sur place, pris d’une agitation fébrile, riant et s’exclamant, et ceux qui ne le connaissent pas pourraient croire qu’il en fait trop, mais Anthony est ainsi. À côté de lui, Sandra s’est également levée, abandonnant les poses alanguies et profondément ennuyées qu’elle affichait jusqu’ici. Elle est maintenant sur des charbons ardents, repousse d’un air agacé la servante qui agite près d’elle un éventail en plumes d’autruche, et semble quêter du regard une autorisation de son frère. Il en est conscient et lui accorde sa bénédiction d’un léger hochement de la tête. Elle se précipite en avant avec un cri victorieux et monte sur le cheval d’un seul bond léger, saisissant fermement les rênes, enserrant de ses jambes musclées les flancs de l’animal qu’elle fait pirouetter impatiemment. Sandra est habillée en guerrière amazone, et sa tenue se prête admirablement à la situation tandis qu’elle chevauche sa monture, essayant de la maîtriser alors que celle-ci rue brusquement avec un hennissement de protestation. L’animal baisse la tête, décoche en tournant sur lui-même de furieuses ruades en direction de la foule, et la clameur terrifiée qui monte de celle-ci le rend encore plus nerveux. Il se dresse d’un seul coup, si haut qu’il donne l’impression de basculer sur le dos, puis ses sabots de devant retombent lourdement sur le marbre. Sandra réussit enfin à le calmer et le conduit à l’extérieur. Docile, le cheval se laisse mener.
Les invités applaudissent avec effusion, les plus courageux se bousculent dehors, excités à l’idée d’assister à une exhibition spectaculaire. Ébahis, ils sont en effet témoins d’une démonstration impressionnante, contemplant le cheval et sa cavalière qui ne semblent faire qu’un, dans une harmonie parfaite. L’animal part plus vite que le vent dans un galop effréné. Couchée sur l’encolure, Sandra excite sa monture de paroles encourageantes pour accélérer l’allure. À bride abattue, elle s’éloigne des lampadaires qui éclairent l’entrée du parc pour disparaître dans la pénombre, comme avalée par la nuit. Soudain, le cheval réapparaît, jaillissant dans la lumière, et Sandra semble sur lui si petite qu’elle en est à peine visible. Elle le dirige sans hésitation droit sur une haie de buis, donnant des coups de talons pour l’amener à un rythme excessif devant l’obstacle. Pendant un bref instant, le temps semble s’être arrêté, l’image figée, comme si le cheval et sa cavalière étaient suspendus en l’air, stoppés en plein élan. Le choc sourd de l’étalon qui atterrit de l’autre côté de l’obstacle ramène les spectateurs à la réalité, et c’est avec soulagement qu’ils crient des hourras triomphants. Sandra est restée en parfait équilibre sur sa selle, accompagnant l’envol de l’animal avec une maîtrise stupéfiante. Enfin, elle se décide à rentrer, obligeant le cheval à allonger sa foulée dans un mouvement rythmé, et ce, avec un tel sens artistique, que la plupart des spectateurs en restent encore abasourdis. Avec regret, elle le laisse au vieux cow-boy puis rejoint son frère. Un mouvement admiratif l’accompagne, certains laissent exploser leur joie avec exubérance, d’autres la suivent des yeux, sans voix. Elle ne manifeste aucune bravade d’être devenue le centre d’intérêt, elle a fait ce dont elle avait envie, tout simplement. Elle est le genre de femmes à satisfaire ses caprices et assouvir ses désirs sans rendre de comptes à qui que ce soit, à n’en faire qu’à sa tête, habituée qu’elle est à ne jamais se priver. Elle roule des hanches comme d’autres roulent des mécaniques, avec une indifférence cynique. Avant de s’asseoir, elle administre une tendre fessée sur le joli postérieur d’une jeune femme qui était sur son passage, et devant l’air offusqué de celle-ci lui adresse un clin d’œil égrillard.
Ses amies trouvent cela au contraire assez drôle.
Anne préfère ne pas répondre et se contente de hausser les épaules. Ses yeux brillent d’une haine contenue lorsqu’elle fixe Sandra avec insistance. Cette dernière, inconsciente des sentiments contradictoires qu’elle suscite, a repris ses attitudes nonchalantes et lascives, les jambes croisées. Hautaine, elle salue de manière distraite les invités qui défilent. À sa droite est posé un guéridon sur lequel sont disposées coupes et assiettes remplies de gâteaux apéritifs, elle pioche dedans sans regarder et grignote avec gourmandise, se léchant goulûment les doigts. Il se dégage de toute sa personne une aura vénéneuse, à la fois malsaine et voluptueuse. Elle fascine et électrise de sa seule présence, avec plus de charme que de beauté. Le visage anguleux semble taillé au scalpel, dur, rigide, avec un teint pâle presque maladif, mais le tout est adouci par des yeux intenses, bruns avec des paillettes d’or, qui brûlent d’un feu secret, avec la même fièvre qu’un oiseau de proie. Sa mâchoire est trop forte, son nez légèrement busqué, mais une bouche proéminente apporte de la féminité et une arrogance charnelle. De longs cheveux noirs croulent sur ses épaules, avec des mèches soyeuses qui tombent sur son visage, voilant la lueur prédatrice de son regard. Son apparente rêverie lui donne les allures sournoises d’une lionne assoupie. Ses airs langoureux ne trompent personne. Tous connaissent son impétuosité, ses appétits pervers, son long corps souple et nerveux, son caractère de sale garce et de grande gueule qui fait fuir les hommes ventre à terre. Tout le monde l’a vue à la télévision ou dans les journaux, elle est la star maudite du rock, la chanteuse sexy et irrespectueuse qui choque et scandalise. À travers ses chansons, elle règle ses problèmes contre la société, se venge des hommes, méprise l’autorité et crache sur le pouvoir, revendique haut et fort son homosexualité, parle de sexe, de drogue, du droit à la différence. Ses manières franches et crues ne plaisent pas davantage, mais elle a un talent incontesté qui séduit une jeunesse rebelle, et son style outrancier fait le charme du personnage. Elle ne laisse pas indifférente, et cela fait vendre. La tenue qu’elle porte n’est pas faite non plus pour passer inaperçue, son déguisement d’amazone est très déshabillé et lui confère une apparence dominatrice, laissant entrevoir son ventre plat et, sous le nombril marqué d’un piercing, un large tatouage d’anaconda. Anne cesse un instant son examen sévère, distraite par une jolie serveuse qui porte des coupes de champagne sur un plateau. Elle se sert, aussitôt imitée par ses deux compagnes. L’une d’entre elles observe avec curiosité la jeune femme qui continue son service.
Anne confirme :
Toutes deux gloussent et s’enlacent amoureusement.
Anne les observe avec une certaine tendresse. Comme elle les envie ! Julie et Stéphanie filent le parfait amour depuis six ans. Anne les fréquente depuis de nombreuses années, elles se sont toutes les trois connues en Terminale. Julie s’est démarquée très tôt en portant costard et cravate au lycée, affichant sa différence lorsqu’elle hésitait encore entre les garçons et les filles, mais avec déjà une grande prédilection pour ces dernières. Son choix définitif étant fait, elle est passée par plusieurs étapes, avec des remises en question, avant d’affirmer son homosexualité par ses tenues vestimentaires, exhibant piercings et pantalons militaires, et adoptant une posture agressive pour mieux se distinguer des autres, les hétérosexuels. C’est ainsi que Stéphanie a compris vers où s’orientait la libido de son amie et a pu la séduire sans crainte. Son parcours à elle fut différent, plus prudent, elle venait d’un petit village de l’arrière-pays niçois où être homo était mal vu, honteux et tabou. Pour Stéphanie, il était donc normal de dissimuler sa différence, et elle a gardé cette attitude en s’installant à Cagnes sur Mer, même si elle fut rassurée de constater que dans les grandes villes les homos étaient mieux acceptés et avaient leurs propres lieux de rendez-vous. Elle vit sereinement sa sexualité, sans montrer ses tendances, sans s’en cacher non plus, ayant trouvé dans l’amour une totale plénitude. Anne admire ce juste équilibre que chacune a su établir. Elle n’a jamais eu cette force de caractère pour être en paix avec elle-même, ayant le sentiment d’être rejetée, une étrangère dans un monde hostile. Son humour exubérant est sa façon à elle de se protéger, de prendre du recul, d’observer la vie avec dérision. Fragile, d’une extrême sensibilité, elle s’évade dans ses créations artistiques, rêvant au grand amour qui finira un jour par frapper à sa porte. Sa solitude affective lui pèse énormément. Anne pense avec amertume aux seuls vrais instants où elle fut complètement heureuse. Avec Christelle. Avec Laure. Avec l’amour elle se sent belle, forte, invulnérable, et elle peut affronter tous les obstacles, soulever toutes les montagnes. Anne se secoue, repoussant avec vigueur les doutes et les incertitudes qui viennent de l’assaillir. Elle ne va tout de même pas broyer du noir à l’une des soirées les plus prestigieuses de ce début d’été ! Elle est là pour faire la fête et espère bien se laisser griser par les fastes et les magnificences qui vont se succéder jusqu’au lever du soleil. Ce n’est pas Sandra qui va lui gâcher son plaisir. On leur a promis mille surprises - avec Anthony on peut s’attendre à tous les excès - et elle compte bien savourer chaque instant avec délectation. Elle jette un regard curieux tout autour d’elle, en quête d’un amusement quelconque. Les occasions ne manquent pas. Elle s’attarde brièvement sur les membres de l’orchestre qui, au fond de la salle, finissent d’installer leur matériel, mais préfère plutôt se concentrer sur le hall d’entrée. Elle observe le Marquis de Sade qui tient enchaînée l’une de ses esclaves, faisant battre le fouet devant lui pour la faire avancer plus vite. Devant ce spectacle, Sandra réagit vivement, elle se redresse de son siège et les contemple avidement, se passant une langue gourmande sur les lèvres. Son frère s’écrie d’une voix stridente :
Il se tourne vers Sandra.
Des éclats de rire fusent de toutes parts. Sandra ne relève pas, le regard fixé vers le fond de la salle. Une superbe noire, le visage empreint d’une grande dignité, s’approche d’une démarche chaloupée et se soumet au protocole, avec un sourire narquois. Elle a de l’allure, le port altier d’une princesse de légende. Stéphanie, intriguée, sollicite des informations sur cette sculpturale africaine. Anne satisfait sa curiosité, avec pour la première fois un profond respect :
La file d’invités diminue, les premiers arrivés commencent à trépigner d’impatience tandis que les derniers se présentent. Un couple vient de faire son apparition, leur nom crié haut et fort est totalement inconnu et ne provoque aucun commentaire. L’homme est très grand, maigre, habillé en samouraï, et sa femme à la mode ancienne et traditionnelle des japonaises, sans aucun doute en geisha, simplement vêtue d’un long kimono en soie brodée. Tous deux semblent nerveux en attendant leur tour, la jeune femme contemple le somptueux décor et les costumes extravagants avec un mélange d’émerveillement et de crainte. Julie secoue doucement l’épaule d’Anne.
Anne sourit avec une certaine indulgence. C’est avec tendresse qu’elle commente :
Elle pousse un cri de douleur, jetant un regard furibond à Stéphanie qui, jalouse, vient de la pincer. Celle-ci la prévient d’un air faussement menaçant :
Puis, se tournant vers Anne :
Anne proteste en rigolant :
Stéphanie fait semblant de réfléchir.
Mélanie et son mari font la révérence à leurs hôtes. Le déguisement de Mélanie lui va à ravir, en totale harmonie avec son doux visage aux traits asiatiques. Elle est ravissante, une beauté qui se passe d’artifices, d’une simplicité rafraîchissante. Le kimono trop ample, son épaisse chevelure noire retenue par des épingles d’ivoire, ses airs timides et effarouchés, elle n’a pas besoin de se forcer pour jouer la Japonaise fondamentalement conservatrice, douce et pudique. Elle ne paraît pas avoir conscience de sa beauté exceptionnelle, que sa modestie rehausse encore. Sandra, tout en la fixant avec une intensité brûlante, se penche vers son frère et lui murmure quelques mots à l’oreille. Anthony prend un air choqué et éclate d’un rire gras. Stéphanie, qui n’a rien perdu de la scène, saisit promptement le bras d’Anne et la prévient :
Anne ne l’écoute pas. On vient de l’enlacer tendrement. Elle se retrouve face à un jeune homme camouflé dans une tenue en métal léger, sorte d’androïde post-apocalyptique version gay, avec des plaques multicolores qui brillent et miroitent dans des reflets irisés. Elle n’est pas surprise de sa présence.
Julien lui dépose un baiser affectueux sur le front puis se dirige en ondulant vers un néo-punk qui ne cessait de lui décocher des œillades enflammées. Anne le suit un instant des yeux puis se détourne. Elle prête maintenant une attention toute particulière à une grande rousse qui est l’une des dernières invitées à entrer dans la salle, accompagnée de son mari. Stéphanie suit son regard et, intriguée, se presse contre elle avec une expression fébrile.
Julie, qui s’était un peu éloignée, surgit et hausse le ton.
Anne signale d’un geste de la tête la présence de trois hommes qui, en face d’elles, s’agitent dans un bruissement de gloussements émoustillés et de murmures grivois. Déguisés en mousquetaires, ils ont le regard braqué sur le mari de Michèle. Anne échange avec ses amies un sourire entendu.
Elles éclatent de rire en même temps, les larmes aux yeux. Elles ont du mal à s’interrompre lorsque, soudain, une voix criarde se fait entendre :
C’est Anthony qui vient de se lever, imposant le silence d’un geste théâtral.
Un oui général se fait bruyamment entendre. Satisfait, Anthony sourit :
Un tonnerre d’applaudissements éclate, aussitôt noyé par de la musique techno jouée par un groupe de musiciens déchaînés. Les invités se pressent au milieu du salon, dansent et s’agitent avec frénésie. Anne se dépêche de demander :
Trop tard, ses amies se sont jointes à la cohue et se trémoussent énergiquement. Anne est poussée à son tour, elle cherche le rythme, le trouve et se laisse gagner par l’ambiance électrique, en état de transe.
Anne, hors d’haleine, gagne avec peine le buffet. Elle est bousculée et doit jouer des coudes pour retrouver Julie et Stéphanie. Toutes trois se reposent un peu. Les mets et les boissons sont d’excellente qualité, elles reprennent des forces en silence, observant avec attention tout ce qui se passe autour d’elles. Les couples homosexuels sont aussi nombreux que les couples hétérosexuels. Anne repère Claire, leurs regards se croisent et elles échangent un sourire amical. Claire saisit le bras de son mari et tous deux se dirigent dans sa direction. Leur présence n’étonne pas Anne, ils sont de toutes les fêtes, des habitués des soirées Gay Friendly qu’organise régulièrement Anthony. Ce sont des hétéros branchés, avec un look et un physique qui en imposent à leurs amis gays. Ils apprécient ces derniers pour leur sens de la fête, du spectacle, et ils ne ratent pas une occasion pour s’amuser en leur compagnie. C’est avec eux et ses semblables qu’Anne se sent réellement à l’aise, des personnes aux idées larges qui ne portent aucun jugement, aucune critique. Anne sourit en constatant l’évolution des mœurs ; à une époque ils devaient se cacher dans les ghettos pour simplement aimer, exister, et maintenant ils deviennent pour certains hétéros, dans certains milieux, des modèles à suivre. Ils influencent la mode et inspirent des choix culturels. Impossible presque de reconnaître dans l’apparence, crâne rasé et T-shirt moulant, piercings et pantalons militaires, un homosexuel d’un hétéro branché. Heureusement qu’il reste l’attitude et l’instinct, le feeling, pour faire la différence. Et certains codes entre eux pour se distinguer. Anne ne s’y est trompée qu’une seule fois, draguant une femme qu’elle pensait de son bord car elle en avait tous les signes extérieurs, et le souvenir de cet échec humiliant ne l’amuse toujours pas. Avec Claire elle avait failli également se laisser abuser, mais heureusement une amie l’avait prévenue à temps.
Claire et Fabrice la rejoignent enfin. Claire a osé la provocation glamour et folle des années trente. Robe de soie qui, à la taille, s’achève par des plumes d’autruche. En haut, un top en mousseline de soie brodée de fils d’or. Fabrice a la distinction racée des gangsters de la même époque, avec chapeau de feutre Borsalino sur la tête. Julie et Stéphanie les connaissent bien et les embrassent chaleureusement. Anne a du mal à ne pas quitter Claire du regard, et elle s’efforce de ne pas montrer son intérêt. Elle a toujours eu un petit faible pour elle. Claire est divinement jolie, avec ses boucles brunes tombant sur ses épaules délicates, son nez retroussé et mutin, sa bouche espiègle, ses yeux rieurs et son adorable minois parsemé de taches de rousseur. Anne détourne vite les yeux, réalisant que Fabrice l’observe avec une expression moqueuse. Elle est certaine qu’il a deviné depuis longtemps les sentiments qu’elle ressent, et cela la gêne horriblement. Pour se donner une contenance, elle boit d’un trait son verre et prend une poignée de raisins, suivant la conversation d’une oreille distraite. Son regard se perd dans la masse des danseurs, et un couple l’accroche rapidement. Michèle et son mari se trémoussent discrètement, ce dernier ayant remarqué avec dédain les trois mousquetaires qui ne cessent de tourner autour de lui en lui jetant des coups d’œil énamourés. Il les ignore, certainement habitué à provoquer des ravages chez les mâles comme chez les femmes, et il joue de son charme avec condescendance. Grand, élancé, sans une once de graisse, avec des muscles saillants qui se dessinent sous sa cotte de mailles de Chevalier de la Table Ronde, il bouge avec une aisance de félin, souple et vigoureux. Il a la beauté des séducteurs italiens, insolente, hautaine, certaine de son pouvoir et de sa suprématie. Un teint mat soigneusement bruni par le soleil, un nez aquilin, des yeux noirs perçants, la moustache conquérante, des cheveux noirs gominés et plaqués en arrière, il semble dominer sa femme avec une autorité méprisante. Cette dernière n’est ni soumise ni servile, mais elle lui obéit avec une indifférence polie, sans rien perdre de cette classe et de cette distinction racée qui la différencient des autres femmes. Sa tenue est celle d’un trappeur, avec veste et jupe en daim, et besace en agneau agrémentée de queues de ratons laveurs. Elle a l’air triste, et cela ne la rend que plus émouvante et mystérieuse. C’est sans un mot qu’elle le suit alors qu’il lui fait signe de regagner le buffet. Il ne souhaite pas la laisser seule, gardant un œil jaloux sur ce qu’il considère comme sa propriété. Julie les observe également, collée à Anne.
Anne opine distraitement de la tête, écoutant à peine. Son attention est dirigée vers un couple de femmes qui viennent vers elles.
Les deux nouvelles venues se prennent la main avec tendresse.
Anne va poser une autre question lorsqu’une main légère se pose sur son épaule.
C’est une voix douce, timide, et Anne a reconnu à qui elle appartenait avant même de se retourner.
Elle se retourne, cherchant des yeux Claire et Fabrice, mais ceux-ci ont regagné la piste de danse. Tous s’embrassent. Les filles remarquent à peine Jean-Christophe, lui adressant une attention tout juste polie, mais elles tombent sous le charme de sa jeune épouse. Surtout Catherine qui, en l’embrassant, se met à l’étudier avec une attention soutenue, sans réaliser qu’elle la maintient toujours par les épaules, comme perdue dans sa contemplation muette. Cette jeune femme est dotée d’une séduction délicate qui la touche d’emblée, un mélange de fragilité et de grâce enfantine dans un corps délicieusement sensuel. Mais c’est son visage qui la fascine le plus, ses origines asiatiques transparaissent dans ses traits de façon subtile, ne préservant que le meilleur, les yeux en amande, expressifs et vifs, la bouche joliment dessinée, aux lèvres charnues et appétissantes, les pommettes légèrement saillantes, sur une peau dorée et satinée de méditerranéenne. Troublant mélange qui laisse Catherine rêveuse. Mélanie, avec douceur, se dégage de son étreinte, l’observant avec une curiosité amusée. C’est avec stupéfaction que Catherine sent un flot de sang lui monter au visage. Elle rougit, et cette constatation lui fait perdre ses moyens, comme cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Elle jette un regard désemparé autour d’elle. Heureusement, personne ne semble avoir remarqué son trouble, chacun étant tout à sa joie de se retrouver. Après les banalités d’usage, les filles reviennent vite à Mélanie, c’est un visage nouveau qui attise leur curiosité. Cette dernière est ravie d’être soudain le centre d’intérêt, pour la première fois depuis bien longtemps elle se sent importante. On la harcèle de questions, on étudie ses réponses, comme un examen de passage pour être acceptée. Elles paraissent satisfaites du résultat. Mélanie est une femme sincère, spontanée, avec l’innocence des êtres neufs qui sont incapables du moindre mal. Test réussi. Catherine la mange des yeux, incapable de détourner son regard. Elle reste là, bouche béante, stupide et fascinée. C’est maintenant à Mélanie de poser des questions. Elle s’adresse à Marthe :
Un silence pesant plane sur le groupe, où chacun se regarde avec incrédulité. Mélanie se sent tout d’un coup observée comme si elle venait d’une autre planète. Catherine, jusqu’alors silencieuse, sort brusquement de sa torpeur et s’approche avec un petit sourire narquois, enlaçant Marthe d’un geste tendre.
Mélanie se met à rougir jusqu’aux oreilles et balbutie :
Catherine ajoute, s’adressant plus particulièrement à Mélanie.
Jean-Christophe, alors à l’écart, réagit :
Le ton hargneux de cette femme pleine d’assurance ne l’encourage pas à se risquer sur un terrain glissant. Il choisit la prudence.
Catherine voit rouge et démarre au quart de tour.
Jean-Christophe s’empresse de se défendre :
Anne vient à sa rescousse.
Catherine adresse un clin d’œil à Jean-Christophe.
Julie, qui écoute attentivement, réagit :
Mélanie les écoute attentivement, littéralement fascinée. Un monde nouveau s’ouvre à ses yeux, elle découvre un univers riche et foisonnant qui la subjugue. Elle a tant à apprendre avec eux, et elle comprend leurs problèmes et leurs revendications. Elle veut en savoir plus et s’approche. Elle oublie son mari qui, lui, opte pour une retraite stratégique. Il s’est déjà fait agresser une fois et n’a aucune envie de renouveler l’expérience. Il n’a pas sa place au milieu de ces féministes convaincues. La musique noie leurs paroles, il préfère se rabattre sur le buffet où les aliments sont excellents et l’alcool servi sans modération. Une pyramide de fruits de mer lui ouvre l’appétit. Langoustes, crevettes et moules se disputent vite la place dans son assiette. Les serveurs sont compétents, affables, Jean-Christophe se soucie peu de leur homosexualité et il sympathise avec l’un d’eux, un jeune étudiant qui, comme ses compagnons, est simplement vêtu d’un pagne et, autour du cou, d’un nœud papillon de couleur rose. Les tenues du personnel masculin ont été exigées par Anthony, et Sandra s’est chargée des filles. Pas de jaloux, chacun a pu satisfaire ses caprices. Il y a évidemment la présence inévitable de quelques Drags Queens, mais Anthony a voulu en limiter le nombre, préférant l’originalité des costumes.
C’est également lui qui a choisi le groupe musical, imposant une catégorie qui alterne techno et house, avec quelques moments plus reposants de pop. On assiste évidemment à l’interprétation de sa sœur, qui chante les deux meilleurs morceaux de son dernier album. Avec son style très particulier, à la fois déjantée et lascive, déchaînée et impudique, Sandra subjugue son public, mêlant harmonieusement guitares électriques et synthétiseurs. Elle laisse ensuite sa place à la divine Salma Travis qui avait déjà fait grande impression lors de son entrée, superbement déguisée en gitane Esméralda. Il s’agit là d’un tout autre registre, ambiance feutrée, calme et volupté, rythmes langoureux et tempos sensuels pour une chanteuse éclectique, aussi à l’aise en interprétant du jazz que de la pop. Elle illumine souvent de sa présence le Festival de jazz de Juan-les-Pins. Et cette nuit, à l’insu de sa famille, elle est ici pour enterrer sa vie de jeune fille, grâce à Anthony qui a pensé à elle et veut lui offrir ses derniers instants d’insouciance. Tous deux sont de bons amis, même si Salma n’approuve guère sa façon de vivre, de même qu’Anthony désapprouve complètement ce mariage qui, pour lui et pour beaucoup d’autres, risque de mettre un terme définitif à sa carrière et à sa liberté. Certains bruits laissent entendre que ce dernier lui réserverait une surprise de taille ; beaucoup craignent une farce scabreuse, surtout si sa sœur est de la partie, car celle-ci n’a jamais caché la très forte attirance qu’elle ressentait pour la jolie chanteuse. Salma est une magnifique métisse au charme envoûtant. Elle doit ses yeux bleus à son père américain, et son teint mat, sa longue chevelure brune et ses formes plantureuses à sa mère tunisienne. Un héritage détonant pour une plastique parfaite qui déchaîne les passions les plus sauvages. On ne lui connaît aucun vice, à la grande déception de ses nombreux admirateurs et de Sandra qui ne rate pas une occasion pour essayer de la corrompre. Jean-Christophe apprend tout cela par le serveur qui, aimable et volubile, se plaît à répéter tous les ragots dont il a connaissance. Ce dernier est sollicité pendant de nombreuses minutes par un groupe de danseurs assoiffés, et Jean-Christophe se retrouve de nouveau seul. Il heurte involontairement une femme et sursaute en affrontant le regard noir de Sandra qui, impatiente, une cigarette à la bouche, attend qu’on vienne la servir. Elle interpelle un serveur puis explose devant sa lenteur :
Elle prend à partie Jean-Christophe qui ne sait plus où se mettre. Penaud, il s’éclipse hâtivement. À contrecœur, il essaie de rejoindre le cercle fermé des filles qui ont pris sa femme en otage. Les cinq femmes prennent un plaisir certain à satisfaire sa curiosité. Mélanie leur pose mille questions, excitée comme une enfant qui s’éveille à la vie. Si certaines de ses interrogations sont pertinentes, d’autres relèvent d’une ignorance et d’une inexpérience surprenantes. Aucune femme présente ne semble lui en tenir rigueur, l’innocence et la fraîcheur font partie intégrante de son charme irrésistible. Elle est intriguée par l’alliance que porte Julie. Celle-ci satisfait sa curiosité.
Elles s’enlacent amoureusement, se dévorant des yeux. Mélanie les contemple avec émotion. C’est la première fois qu’elle voit des femmes ensemble qui expriment leur amour naturellement, et cela ne l’offusque pas, au contraire cela lui procure une étrange sensation.
Julie répond la première :
Au tour de Marthe de prendre la parole :
Catherine réagit avec véhémence.
Jean-Christophe entend à peine ce qui se dit, mais il n’a pas besoin d’en savoir davantage pour ne pas aimer la fille qui vient de parler. C’est Catherine, l’ardente porte-parole des droits de la femme. C’est une grande fille vulgaire qui n’est pas à proprement parler très belle, avec un visage rond aux traits mous et une trop grande bouche prête à mordre, sensuelle, aux lèvres épaisses, dont les coins remontent avec une expression agressive. Une lueur brillante, gourmande, éclaire ses yeux très noirs, soulignés de larges sourcils, très arqués. Ses yeux, comme la bouche, semblent trop larges dans le cercle de son visage, mais ils accentuent son air vorace. Elle dégage une sensualité impétueuse, virulente, qui a quelque chose de très autoritaire. Elle a un corps somptueux, son déguisement d’Indienne est simple et ne peut dissimuler ses seins opulents, la finesse de sa taille, la fermeté de ses fesses et les lignes gracieuses de ses longues jambes. Des courbes merveilleuses dont elle est fière, et qu’elle met en évidence avec une certaine arrogance lorsqu’elle veut séduire. Mais il irradie d’elle surtout une colère tenace, une blessure qui l’a meurtrie et l’a endurcie farouchement. Ses manières sont alors sèches, énergiques, ses opinions radicales et extrémistes, le genre à désarçonner les hommes les plus coriaces. Jean-Christophe trouve cela dommage, son instinct lui dit que cette femme possède une forte sexualité, mais aucun homme ne pourra jamais en profiter, celle-ci les détestant d’une haine implacable. Elle se sent un instant observée et adresse à Jean-Christophe son regard le plus glacial, lui interdisant de s’approcher davantage. Elle l’ignore ensuite avec dédain et reporte toute son attention sur sa femme, lui adressant mille compliments. Mélanie rougit avec plaisir, tout excitée, ravissante et adorable, certainement inconsciente que l’intérêt qu’on lui porte dépasse sans doute le stade de la simple courtoisie.
Jean-Christophe sourit avec indulgence, l’innocence de sa femme l’étonnera toujours. Cette naïveté la rend maladroite, souvent gaffeuse, mais si attachante. Elle ne voit le mal nulle part, vivant dans son petit cocon où "tout le monde il est beau tout le monde il est gentil" ! Il est un peu responsable de cette vie trop sereine et pépère, l’usure du temps les a cloîtrés dans une routine insidieuse, où fantaisies et passions sont depuis longtemps des mots exclus de leur vie de couple. Cette monotonie a évidemment des répercussions sur leur vie sexuelle, ils font l’amour de moins en moins souvent, et cela est d’autant plus grave que leurs ébats amoureux n’ont jamais été un modèle de folie érotique. Il donnerait cher pour que la passion revienne, comme avant la naissance de leur premier enfant, époque où Mélanie était une jeune fille expansive et se livrait sans retenue à certains jeux sensuels. Cela fut malheureusement très bref. Il fronce les sourcils avec désapprobation en constatant les manières démonstratives et caressantes qu’affiche Catherine en prenant sa femme par les épaules. Toutes deux rient de bon cœur, comme les meilleures amies du monde. Le courant semble très bien passer, un peu trop même. Il se demande encore si sa femme n’est pas en train de se faire draguer, et cette idée le fait sourire. Catherine n’a aucune chance, elle perd son temps. Toutefois, un fantasme violent le trouble, il imagine brusquement Mélanie nue et tremblante, offerte et soumise, étendue sur un lit, et Catherine qui se glisse sur elle, souple, lascive, pour lui faire goûter à des plaisirs interdits. Elle lui ferait des choses qui la rendraient folle, la feraient délirer, la feraient se tordre de désir. Mélanie résisterait peut-être un peu, excitant davantage sa partenaire, et elle finirait par s’abandonner, ouverte à tous ses caprices, cédant à toutes ses exigences, réclamant d’autres caresses et d’autres voluptés toujours plus intenses. Honteux, Jean-Christophe cesse d’y penser. Anne vient le rejoindre, un verre à la main. Il l’interroge sur l’absence de Christelle.
Catherine les bouscule légèrement, tenant par la main Mélanie qu’elle entraîne vers la piste de danse. Marthe les suit de près, le visage renfrogné. Toutes trois commencent à se déhancher sur le rythme effréné de la musique. Un rock endiablé casse le tempo, la plupart des danseurs en profitent pour aller se désaltérer. Marthe quitte également la piste, à regret. Elle laisse son amie qui a vite entrepris Mélanie pour danser avec elle. C’est Catherine qui la guide, donnant le rythme comme un homme le ferait. Mélanie suit le mouvement qu’on lui impose, légère, souple, elle tourne et pivote gracieusement. Un instant Catherine l’attire à elle, et Mélanie arque les reins pour s’abandonner dans ses bras, puis elle repart en tournoyant, sans lui lâcher les mains. Elles sont en communion parfaite. Mélanie ne cesse de rire, un rire frais et cristallin. La musique s’achève trop vite, elles restent face à face, essoufflées, heureuses, et s’observent avec un certain trouble, sensibles à cette impression d’osmose et d’harmonie qui les fait soudain se sentir si proches. Elles se tiennent toujours la main, sans s’en rendre compte. Catherine est comme subjuguée. Ses yeux suivent la courbe douce de la gorge, la troublante naissance des seins qui, accrochés haut, pointent avec insolence sous le kimono. Tout cela fait circuler dans ses veines un sang brûlant, qui lui donne des bouffées de chaleur. Elle comprend qu’elle désire cette femme avec une ardeur si impulsive que cela en est effrayant. Malgré tout, elle se laisse emporter par cette sensation grisante, trop impérieuse pour lui résister. Mélanie, gênée, la lâche enfin, le visage plus grave, consciente de l’attirance qu’elles ressentent l’une pour l’autre. Elle en éprouve une honte insupportable et chasse vite toutes ces pensées absurdes. Elle a trop bu, trois verres de punch et elle est déjà à moitié saoule ! Elle s’efforce de sourire en remerciant sa cavalière d’une révérence. Marthe, bousculée par une fille hystérique qui saute comme un cabri, n’a pas remarqué ce qui vient de se passer et slalome entre les danseurs pour les rejoindre. Brusquement, un cortège de personnages extravagants fait son apparition, brisant la marée humaine et traversant bruyamment la foule de danseurs, dans une sorte de folle farandole. Mélanie est comme happée, entraînée dans le flot. Catherine se raccroche à la procession, Marthe n’est pas assez rapide et elle suit d’un regard désespéré son amie qui s’éloigne. Se tenant par la main, les garçons et les filles qui forment le cortège se dirigent vers l’extérieur. Tous, ivres d’alcool et de joie, trébuchent sans cesse, provoquant rires et cris moqueurs. Mélanie, les bras rompus, n’arrive pas à se dégager de la chaîne, obligée de suivre, tenue fermement par sa compagne de devant, et elle finit par se laisser guider en riant à son tour.
Elle appuie le sous-entendu d’un sourire taquin, mais cet humour lui échappe.
Anne le regarde du coin de l’œil, avec un petit air ambigu. Encore un macho certain de la supériorité de l’homme sur la femme, imbu de sa virilité ! Comme si la nature qui leur avait attribué un pénis leur assurait d’office un avantage incontestable sur le sexe dit faible. S’il connaissait vraiment Catherine, il ne serait pas aussi sûr de lui, et l’idée de lui faire ravaler son orgueil de mâle lui paraît soudain attrayante. Mais elle s’abstient, par amitié. Et le doute s’installe dans son esprit, peut-elle être vraiment certaine de ce qu’elle vient d’affirmer avec autant de conviction ? Se pourrait-il que Catherine se sente attirée par la jeune et timide Mélanie ? Rien n’est impossible, l’amour ne reconnaît aucune logique et aucune limite, sans frontière… Rien ne prédestinait la passion qui allait naître il y a quatre ans entre Catherine et Marthe, et pourtant… Catherine était une jeune femme instable et incomprise, une fille gâtée par des parents milliardaires qui cédaient régulièrement à ses caprices financiers, pour avoir la paix et s’en occuper le moins possible, trop investis dans le monde des affaires pour gérer le caractère fantasque de leur fille. À vingt ans, Catherine s’ennuyait fermement, ayant déjà tout ce qu’une jeune fille pouvait désirer à son âge. Elle souffrait surtout du manque d’amour de ses parents et accumulait les provocations pour attirer leur attention. Elle jouait cruellement avec tous les garçons qui lui plaisaient et se grisait de tous les plaisirs de la vie, jusqu’au jour où elle rencontra dans une boîte de nuit la délurée et explosive Marthe, lesbienne de son état, issue d’un milieu défavorisé. Par jeu et par provocation, Catherine décida de la séduire, persuadée que ses parents allaient enfin réagir s’ils apprenaient la dernière folie de leur fille. Et ce qui ne devait être qu’un simple jeu, un défi, s’est transformé en véritable amour. Catherine a totalement assumé cette liaison, heureuse comme elle ne l’a jamais été, et elle a longtemps mené un combat acharné pour faire accepter son amie au sein de son entourage qui, évidemment, voyait cette idylle d’un très mauvais œil. Sa famille n’a jamais voulu admettre son homosexualité et, en réalisant enfin que ce n’était ni une fantaisie ni une passade, l’a reniée purement et simplement. Catherine a dû alors interrompre ses études pour travailler, et l’emploi qu’elle exerce n’est pas pour faciliter la moindre réconciliation avec ses parents.
Elle est strip-teaseuse, se partageant entre boîtes de nuit, peep-show, et louant ses services pour des soirées privées. Ses amies sont persuadées qu’elle pratique ce métier par bravade, dans un acte désespéré de rébellion, pour couper définitivement les ponts avec une famille conventionnelle, comme un doigt d’honneur qu’elle leur adresserait avec mépris. Par contre, sa participation bénévole pour tous les idéaux qu’elle défend farouchement est guidée par de véritables convictions. Elle milite pour les droits des gays et lesbiennes, leur droit à l’adoption, s’investit dans une association pour enfants de couples homos, lutte contre l’homophobie en général, et organise la révolte entre pancartes et banderoles, crachant son venin et dénonçant toutes formes de discrimination dans de violentes manifestations. Anne n’apprécie pas trop cette rage dont elle fait preuve pour mener à bien ses combats, elle l’a vue une fois à l’œuvre lors d’une altercation et s’est promis de ne plus jamais se laisser embrigader là-dedans. Anne est plus proche de Marthe que de Catherine, elle a connu cette première bien avant. Marthe lui fait souvent des confidences, même les plus intimes. C’est ainsi qu’Anne apprit vite le tempérament volcanique de Catherine, une véritable tornade, survoltée et insatiable. Pour elle, l’amour est absolu, indissociable de la perfection sexuelle, une quête de jouissance toujours plus aiguë, une communion charnelle totale qui se consomme lentement, savamment, pour repousser toujours plus loin les limites. Cette exigence sexuelle est difficile à assumer pour Marthe, une remise en question permanente, avec la peur d’être larguée, de ne plus être à la hauteur et d’être remplacée par une autre…
C’est pour cette raison qu’Anne est persuadée du danger que peuvent représenter certaines femmes débordantes de sexualité, habiles et charmeuses ; elles peuvent être beaucoup plus persuasives que certains hommes, et cette vérité n’est pas souvent bonne à entendre. Quand une femme tient une autre femme dans ses bras, elle détient un pouvoir considérable qui peut bousculer et détruire des valeurs hétérosexuelles profondément ancrées. Cette fascination pour des plaisirs nouveaux, interdits, exerce souvent une attraction fatale, et des femmes comme Cathy pourraient profiter de leur avantage et évincer les hommes dans un domaine où ils s’estiment imbattables. Aussi Anne préfère-t-elle laisser Jean-Christophe dans l’ignorance, c’est là un sujet qui dépasserait de toute façon son entendement. Elle va se servir un autre verre lorsque la musique change radicalement de rythme, plus classique, pour donner le ton au défilé qui prend la suite. De jeunes et jolies femmes descendent d’un pas mesuré un large escalier, atteignent la dernière marche, pivotent sur elles-mêmes, les mains sur les hanches, et remontent en croisant leurs compagnes, toutes indifférentes au tonnerre d’applaudissements qui les accompagne tout au long de la présentation. Malgré lui, Jean-Christophe se laisse entraîner par ce tourbillon d’émotions, de couleurs flamboyantes, de musique lancinante et envoûtante, un spectacle aux accents lyriques auquel il est difficile de résister. Au bas des escaliers, le vieil homme déguisé en cow-boy suit le défilé d’un regard vigilant, l’air sévère.
Anne acquiesce.
L’enthousiasme illumine son visage tandis qu’elle s’emballe avec passion. Mais une ombre de tristesse vient éteindre toute flamme alors qu’il lui dit :
Anne fixe le défilé sans le voir, le regard perdu bien plus loin, et c’est d’une voix aussi lointaine qu’elle répond :
Son visage prend une expression douloureuse, creusant quelques rides sur son front tandis qu’elle lutte contre ses émotions. Ses mains fermement serrées l’une contre l’autre se tordent nerveusement. Elle pousse un soupir amer.
Son humour reprend le dessus. Jean-Christophe l’observe avec tendresse. Il a beaucoup de sympathie pour Anne, c’est sans doute la plus sincère et la plus attachante des femmes de son milieu, elle est restée nature, authentique, en retrait des manières hypocrites et superficielles. Elle se joue des convenances et croque la vie avec beaucoup d’humour et de justesse, et cela est d’autant plus admirable que cette allégresse apparente cache une immense blessure. Anne est toujours pourchassée par les fantômes de son passé et en reste profondément fragilisée. Photographe de mode très brillante, elle a un mal fou à gérer ses problèmes personnels, et ses aventures amoureuses tournent le plus souvent au fiasco. Elle est assez bohème très rêveuse, et son détachement des valeurs matérielles ainsi que son caractère autonome provoquent évidemment quelques soucis relationnels qui portent ombrage à sa carrière, mais Anne l’assume complètement, résolue à défendre sa liberté créative. Elle a du mal à renouer avec la passion. Depuis Christelle qui fut une révélation à l’état brut, un modèle parfaitement maîtrisé par une photographe en état de grâce, Anne n’a plus jamais atteint la même exaltation, et elle se repose maintenant sur ses lauriers avec une certaine indolence. Jean-Christophe est persuadé que seul l’amour pourrait l’aider à se relever, Anne a besoin de cette force pour être rassurée et épanouie. Il la soupçonne d’avoir toujours des sentiments très profonds pour Christelle, c’est une femme que l’on n’oublie pas facilement, et Anne est beaucoup trop romantique pour tirer un trait définitif sur ses plus beaux souvenirs. Sa deuxième grosse déception amoureuse est récente et n’a fait que la perturber davantage. Il n’en connaît pas les détails, mais il sait que la rupture fut très pénible. Anne dissimule parfaitement ses sentiments, elle se confie à peu de personnes. Elle scrute toutes les silhouettes et les visages qui l’entourent, apparemment à la recherche de Christelle. Jean-Christophe surveille également de son côté, se concentrant plutôt sur les mannequins qui présentent toujours la dernière collection du grand couturier. C’est un festival de couleurs chatoyantes, un chic bourgeois qui réinvente la féminité, alliant élégance et raffinement, mais cette abondance de luxe clinquant finit par le lasser.
Jean-Christophe esquisse un sourire entendu.
Il abandonne Anne pour s’approcher du buffet.
Celle-ci remarque à peine son absence, son regard venant d’être attiré par une foule compacte et bruyante qui vient de se regrouper au fond de la salle. Tout cela sent les intrigues et le complot, surtout avec Sandra au milieu qui semble être la meneuse, s’agitant et donnant des ordres avec une fébrilité communicative, comme un chef de meute organisant ses troupes pour l’hallali. Tout ce petit monde emprunte soudain le long escalier qui mène à l’étage, entraînant à sa suite la pulpeuse Salma qui paraît un peu désorientée, comme hésitante. Son futur mari est également de la partie, tête basse et épaules voûtées, comme si un lourd fardeau venait de lui tomber dessus. Intriguée, Anne se décide à les suivre. Cela ne lui dit rien de bon. Julie l’attrape par le bras alors qu’elle s’éloigne.
De la porte ouverte leur parviennent des exclamations et une agitation confuse. Julie et Anne pénètrent à l’intérieur d’une somptueuse chambre. Un spectacle insolite s’organise au fond de la pièce, sur une estrade où un superbe athlète roule des muscles, se pavanant devant une foule agitée qui s’écrie et marchande le prix.
Le géant brun gonfle le torse pour faire monter les enchères. Il est tout juste vêtu d’un paréo, et son corps robuste est soigneusement huilé afin de mieux faire ressortir ses muscles luisants. Sandra est présente, sur l’estrade, et elle excite les spectateurs, jouant le rôle du commissaire-priseur. Elle touche les muscles noueux de l’homme d’un air admiratif, comme pour mettre en valeur la qualité de la marchandise.
Le prix continue de monter. Julie et Anne se sont mêlées à la foule qui se fait de plus en plus nombreuse. Anne est abasourdie, plongée en plein délire. Elle se tourne vers son amie.
Mais Julie n’en est vraiment pas sûre. Et préfère ne pas savoir. À sa droite, un couple homosexuel qui roucoule sans discrétion relance le prix. Tous deux sont habillés en galants gentilshommes de la cour du roi, avec volants de dentelle aux manches et aux genoux. L’un d’eux s’écrie d’une voix précieuse :
Son compagnon éclate d’un rire guttural, levant vers lui un regard langoureux. Sandra accepte la proposition et enlève le paréo, dévoilant un sexe qui, bien qu’au repos, garde des proportions plus que correctes. Cris admiratifs et soupirs extasiés se font entendre et, d’un coup, les enchères remontent vivement. Anne murmure :
Tout est luxe et tape-à-l’œil, des tapis persans au parquet en bois admirablement ciré, du lourd rideau en velours rouge aux nombreux tableaux à connotation sexuelle. Sur l’estrade, derrière Sandra, sont assises sur de larges coussins trois autres personnes qui attendent patiemment leur tour. L’une d’elles est la superbe chanteuse Salma Travis. Elle paraît agitée, l’air inquiet. Salma parcourt l’assistance d’un regard vacillant, se fixant sur une belle femme costumée en Reine de Saba, qui ne cesse de l’observer, lui adressant sans gêne un clin d’œil coquin. Salma se retient pour ne pas se sauver précipitamment. Elle regrette sincèrement d’être ici, maudissant son fiancé qui l’a entraînée dans sa chute, l’enfer du jeu qui, telle une spirale infernale, a inexorablement tissé sa toile, les engluant tous deux dans un piège inévitable. Claude Bonnet, directeur d’une banque privée, lui avait longtemps dissimulé ce mal qui le rongeait depuis de longues années : le vice du jeu. Un mal incurable, une obsession perfide et maladive où il avait tout sacrifié, la fortune familiale et celle de sa femme, n’hésitant pas à mentir et tricher avec un aplomb désarmant pour mieux tromper tous ceux qui l’aimaient et lui faisaient confiance. Ses dettes s’étaient accumulées, atteignant des sommes colossales, et il avait enfreint toutes les règles pour continuer d’assouvir sa passion. Salma avait fini par apprendre la vérité lorsqu’il avait hypothéqué la villa secondaire de ses parents, et c’est autant par désespoir que par pitié qu’elle l’avait soutenu et protégé, cherchant à chaque fois à réparer ses erreurs alors qu’il y replongeait toujours. La situation semblait définitivement perdue lorsque Sandra, apprenant on ne sait comment leurs déboires financiers, leur avait proposé une issue de secours, un odieux marché qu’ils avaient fini par accepter. Sandra se proposait en effet de rembourser la totalité de leurs dettes si Salma acceptait, durant toute une nuit, de se prêter entièrement à tous ses caprices, sexuels ou autres, et cela, sans aucune retenue. C’est un mélange d’affection et de haine pour celui qui allait devenir son mari qui l’a décidée à accepter la proposition. Une leçon humiliante pour son fiancé, pour lui montrer jusqu’où ils devaient se rabaisser pour s’en sortir et rattraper ses erreurs. Ils étaient acculés au pied du mur, et elle devait maintenant payer de sa personne, et lui ravaler son orgueil de mâle bafoué pendant qu’elle deviendrait le jouet sexuel d’une bande de dépravés. Un sacrifice qui ne serait pas vain s’il guérissait du démon du jeu. Et c’est aussi par une fierté stupide de ne pas se dégonfler et montrer sa peur à Sandra qu’elle avait répondu positivement au défi que lui avait lancé celle-ci.
Et voilà, comme une idiote elle se retrouve maintenant à jouer les esclaves que l’on vend sur le marché ! Elle n’aurait jamais dû accepter, surtout en ayant connaissance depuis toujours des mœurs dissolues de cette lesbienne carrément nymphomane, adepte du bondage, SM et autres déviances sexuelles. Mais ses motivations de repartir à zéro et sur de nouvelles bases avec son futur mari étaient aussi pour elle la garantie de se libérer du joug familial. Un retour à la liberté et la faculté de pouvoir se consacrer de nouveau à sa carrière de chanteuse. Elle pense avec nostalgie à ses heures de gloire aux États-Unis, stoppées en plein élan par la mort de son père. Celui-ci, en disparaissant, a brisé le lien fragile qui l’unissait au monde occidental. Elle a alors regagné la France et renoué le dialogue avec sa mère algérienne. L’amour qu’elle a éprouvé pour elle a été également un retour à ses racines, où elle a retrouvé ses origines arabes, un long et insidieux endoctrinement relancé par les autres membres de la famille qui s’est pressée de lui rappeler ses origines et ses obligations. On lui impose maintenant certaines traditions auxquelles il lui est de plus en plus difficile de se libérer, mais ses rendez-vous organisés avec un membre influent de la communauté musulmane pour un mariage de convenance ont été la goutte en trop, la soumission et le total contrôle de son destin si elle se laissait trop influencer. Elle a pris peur mais souhaitait aussi ménager sa famille d’une trop lourde déception ou, pire, d’une rupture définitive. En même temps, elle fréquentait son banquier qui ne cessait de lui faire une cour assidue, la couvrant de cadeaux et de promesses, jusqu’à sa demande en mariage. Pour elle, c’était l’échappatoire, car même les membres de sa famille les plus intégristes s’inclineraient devant les raisons du cœur et, même déçus, ne chercheraient plus à lutter contre ses choix amoureux. Salma avait donc répondu oui à la demande en mariage. Un mariage d’intérêt et non d’amour, elle le savait, mais c’était la seule solution pour préserver sa culture occidentale tout en se préservant d’une famille trop empressée de la voir regagner une religion qu’elle adorait mais qui demandait trop de sacrifices.
Ainsi, elle pensait gagner sur tous les tableaux, car elle aimait d’une manière différente ces deux mondes si opposés qui l’avaient vue grandir. Elle ne voulait pas choisir l’un pour rejeter l’autre. Claude Bonnet était donc l’option idéale. Elle ne serait pas malheureuse. Elle connaît bien son futur mari, c’est un homme doux et attentionné qui lui laissera cette liberté dont elle avait tant besoin. Hélas, il venait de lui dévoiler sa plus grande faiblesse, le vice du jeu, mais cela ne remettait pas en cause ses autres qualités. Salma n’a jamais rencontré le grand amour, la passion, et cette ignorance a beaucoup influencé son choix. Elle revient au présent et toise avec dédain cette foule bruyante et impudique. Comme ces Occidentaux peuvent être certaines fois décadents ! Il règne une ambiance décalée et extravagante, mais aussi elle doit le reconnaître un certain érotisme dans tous ces corps dénudés ; les hommes sont beaux et les femmes splendides. Il émane de la foule une fièvre contagieuse, une sensualité lourde et oppressante. Salma y est malgré elle sensible et fait tout pour le dissimuler. Surtout à Sandra, plutôt mourir que lui avouer ses faiblesses ! Elle s’est toujours refusée à elle et, depuis, Sandra la poursuit d’une hargne tenace, la défiant à la moindre occasion pour la mettre dans des situations embarrassantes. Et elle a enfin l’occasion de parvenir à ses fins, la tenant totalement à sa merci. Avec appréhension, Salma se demande ce qui l’attend. Surtout que cette obstination d’une femme pour une autre femme est nouvelle et troublante. Jamais elle n’a suscité un tel désir. Sandra la dévore des yeux comme un fauve affamé, et son regard luisant, d’un noir fougueux, a quelque chose de magnétique. Salma cède à la tentation et l’observe à son tour avec moins d’hostilité, se livrant plus qu’elle ne le voudrait. Elle frémit en recevant l’appel de ses grands yeux exigeants, brûlants de désir. Cette femme lui paraît brusquement différente, scandaleusement belle et provocante, avec sa bouche charnue, son pâle visage à la peau lisse, le pli des lèvres qui se creusent avec une expression gourmande. Il y a une abondance de luxure dans les yeux aux paupières lourdes et dans les lèvres sensuelles, une force sexuelle totalement déroutante. Elle tente de s’en dégager, et son attention est heureusement détournée par l’acquisition du faux esclave qui a enfin trouvé preneur, une brute épaisse à qui le déguisement de gladiateur va à merveille. Tous deux s’apprécient du regard puis traversent la foule en paradant et minaudant, insensibles aux congratulations et pincements aux fesses. Des réflexions salaces les accompagnent encore alors qu’ils sortent de la chambre.
C’est au tour de Sandra d’être vendue, elle se lève et avance. Un murmure approbateur gagne les spectateurs. Les enchères commencent, mettant vite la barre très haut. Sandra tourne autour d’elle avec agitation, le regard brillant, et encourage les offres d’une voix rauque. Salma est surprise que ses yeux reviennent souvent sur elle, et elle y lit un désir si ardent que c’en est presque effrayant. L’envie de répondre à ce désir la tenaille sournoisement, elle se demande pour la première fois de sa vie si elle aimerait goûter à une autre femme. L’idée soudaine de se laisser aller à cette liaison coupable, de se donner corps et âme à une lesbienne volcanique qui brûle de désir pour elle l’excite prodigieusement. Dans le public, un homme malingre propose une forte somme pour la posséder, sa voix est frêle et à peine audible. Mais deux femmes veulent également l’acquérir, dont la Reine de Saba. La bataille est rude, et Salma espère de tout cœur que personne n’aura le dernier mot, que tout finira normalement. Les enchères s’éternisent, elle relâche sa vigilance, oubliant la présence perfide de Sandra qui s’approche de plus en plus d’elle. Cette dernière avance les mains pour tenter de la déshabiller. Le regard glacial de Salma la stoppe en plein élan.
Sandra prend un air effrayé, prenant la foule à témoin.
La foule en délire s’écrie :
Une lueur de joie sadique illumine le regard de Sandra tandis qu’elle prend un air peiné.
Elle entreprend de la déshabiller avec hâte, presque brutalement. Salma se crispe, ferme les poings. Son superbe visage de madone, encadré par de longs cheveux d’un noir intense, reste froid et imperturbable. Leurs regards se croisent un instant, et Sandra est déroutée par la limpidité des yeux bleus qui ne se dérobent pas. Elle dévoile nerveusement les épaules gracieuses, dégage les seins ronds, généreux, fiers et aux aréoles sombres, le ventre plat, la taille flexible. Salma a un corps magnifique, sculptural, tout en courbes insolentes et harmonieuses. La foule retient son souffle, émerveillée, subjuguée. Puis un murmure fébrile agite les spectateurs lorsque Salma apparaît enfin nue jusqu’à la taille. Elle frémit puis a le réflexe immédiat de ramener ses longs cheveux sur sa poitrine pour la dissimuler aux regards avides. Impitoyable, Sandra les lui ramène en arrière, l’obligeant à se dévoiler au maximum. Ses yeux sont brûlants de fièvre tandis qu’elle la dévisage goulûment. Elles se défient encore du regard, Salma cède la première et baisse les yeux. Sandra profite de son avantage et s’adresse à la foule.
Puis, se tournant vers Salma :
Elle pose ses doigts sur la lèvre supérieure de la métisse et la caresse lentement sur toute la longueur. Puis, avec volupté, elle introduit deux doigts dans sa bouche, les écartant pour mieux palper l’intérieur avec profondeur. Salma la laisse faire, l’observant fixement avec bravade, le visage figé. Elle sursaute malgré elle lorsque les doigts vont et viennent dans sa bouche, simulant l’acte sexuel, dans sa signification la plus crue. Elle accepte l’humiliation, fixant alors son fiancé d’un regard chargé de haine, comme pour le culpabiliser encore plus alors qu’elle accepte tout cela pour réparer ses erreurs. Honteux, le visage cramoisi et le front moite, celui-ci baisse les yeux. Salma, au contraire, ne cille pas, regardant maintenant Sandra droit dans les yeux, comme habitée d’une force intérieure et d’un courage exceptionnel, alors que des doigts habiles continuent d’explorer l’intérieur de sa bouche avec une minutie obscène. Sandra esquisse un léger sourire de triomphe, ravie de l’humiliation qu’elle lui fait subir. Puis c’est à son tour de sursauter violemment. Salma, sans la quitter des yeux, se met à lui lécher les doigts, avec une gourmandise perverse, avalant les doigts pour les sucer avidement. Mais son expression est moqueuse, une joie cruelle de l’avoir prise à son propre piège et de se moquer ouvertement d’elle. Sandra retire vite sa main, troublée et désorientée. Un coup de poing en plein ventre aurait été un choc moins violent, et seule la foule autour d’elle l’empêche de se jeter sur cette femme pour la posséder avec une fureur dévastatrice. Elle se reprend vite et se retourne vers la foule.
Elle bout d’une rage contenue et d’un désir si frustré que c’en est douloureux. Salma l’a toujours excitée comme aucune autre femme, avec une intensité telle qu’elle en devient insoutenable. C’est une femme fière et indomptable qui résiste à la passion, qui se refuse aux plaisirs de la vie, de la chair, par conviction religieuse sans doute. Sandra reste persuadée que sous ce masque de froideur et de respectabilité coule un feu ardent, de la lave en fusion qui ignore encore ses effets dévastateurs. Elle veut réveiller cette nature voluptueuse, l’enflammer. Salma lui résiste, et cette rébellion ne fait que l’aiguillonner davantage. Cette nuit, elle réussira à la soumettre et à la posséder. Cette idée lui procure une délicieuse exaltation. Elle sent son pouls et sa respiration s’accélérer en l’imaginant ardente et souple entre ses bras, roucoulante, défaillante de plaisir. Elle entend à peine les propositions du public qui se bat pour avoir le dernier mot. Son envie se fait trop pressante. Sa voix est encore plus rauque lorsqu’elle déclare :
La foule se tait soudain. Le désir de Sandra est si palpable que l’air semble grésiller d’électricité. Celle-ci saisit un collier en cuir, avec nœud coulant, et l’enfile autour du cou de la métisse. Salma relève la tête d’un air altier alors que Sandra resserre la prise autour de son cou et l’oblige à s’approcher d’elle d’un coup sec.
Sandra secoue tristement la tête.
Une lueur sournoise brille dans le regard de Sandra alors qu’elle rétorque :
Elle tire sur l’extrémité du collier, entraînant Salma à sa suite. Celle-ci, avant de quitter la pièce, jette un dernier regard à son mari. Plus de haine ni de défi, mais de la peur et de l’incertitude. Celui-ci baisse les yeux avec toute la lâcheté du monde, n’esquissant aucun geste pour mettre un terme à cette odieuse mascarade. Quand il relève la tête, les deux femmes ont déjà disparu.
Sandra se cambre orgueilleusement, exhibant le sexe factice qui se dresse dans une pseudo-virilité incroyable, long et énorme, comme gonflé d’un réel désir. Elle est entièrement nue, excepté la ceinture et le gode en latex, couleur chair, qu’elle brandit entre ses jambes comme un trophée.
Atterrée, elle détourne la tête, rouge comme une pivoine. Tout cela est si choquant que le souffle lui manque, mais cette obscénité a quelque chose de terriblement érotique aussi, de puissant dans cette ambiguïté, ce mélange d’homme et de femme en une seule personne. Sandra est aussi belle qu’impudique. Sa chair pâle à la peau douce et veloutée brûle d’une luminosité crue et indécente tandis que les muscles se dessinent dans toute leur vigueur. Tout chez elle est force et vitalité, un corps fin et nerveux auquel les seins épais et fermes ajoutent une touche de sensualité, comme les fesses dures joliment dessinées dans toute leur volupté. Une harmonie féminine brisée par ce gode énorme qui ressemble tant à un vrai sexe, dressé dans tout ce qu’il y a de plus mâle et de plus viril. Cette confusion des genres est si nouvelle, si troublante qu’elle s’efforce de détourner le regard alors que ses yeux semblent irrésistiblement attirés. Son trouble évident fait ricaner Sandra.
Salma a les jambes qui tremblent en s’approchant. Elle se penche en avant, approchant son visage du sien. Timidement, elle lui dépose un baiser sur la joue, puis elle s’approche nerveusement de la bouche féminine. Quand leurs lèvres se frôlent enfin, c’est Sandra qui se colle à elle, goûtant avec avidité la fraîcheur pulpeuse de la bouche, forçant la barrière des dents pour y glisser une langue vorace et lui imposer un baiser aussi fiévreux qu’insistant. Salma se laisse faire, soumise. Tout son corps nu tremble instinctivement et elle évite prudemment tout contact trop étroit entre leurs deux chairs dévoilées. Sandra s’en rend compte et, furieuse, la saisit aux fesses pour la plaquer contre elle, lui soufflant au visage.
Salma passe ses doigts près du sein droit et descend de plus en plus bas, glissant bientôt le long du ventre à la base duquel elle esquisse une série de frôlements furtifs, contournant le pénis en latex. Impatiente, Sandra se cambre et se tend au-devant des doigts féminins. Du coup, la main de Salma touche brutalement le gode et elle en tressaillit de surprise, étonnée de trouver ce contact aussi doux qu’agréable. Elle se met à haleter, bouche ouverte, ce qui facilite la tâche de sa partenaire qui l’embrasse plus fougueusement. Timidement, Salma saisit le mâle bourgeon en latex qui se darde devant elle, refermant ses doigts sur la hampe artificielle qui semble étrangement s’allonger davantage. Elle l’enveloppe de caresses nerveuses, maladroites, puis prend peu à peu de l’assurance et un rythme égal, la parcourant sur toute sa longueur en accélérant peu à peu le mouvement du poignet. Sa respiration s’accélère au rythme de cette caresse, troublée de percevoir dans sa main la mâle raideur qui vibre et dont les chaudes pulsations se répercutent délicieusement dans sa paume, dans sa chair, l’emplissant peu à peu d’un bien-être insidieux et persistant qui la rend toute chose. Caresser un vrai sexe ne lui aurait pas fait plus d’effet, elle s’imagine des choses, une situation qu’elle n’a jamais connue et dont l’expérience est divinement excitante. Sa main échappe à son contrôle, audacieuse et adroite, esquissant un va-et-vient accéléré, se pressant ardemment sur le faux pénis. Sandra a senti le changement et esquisse un sourire victorieux en observant intensément sa partenaire, tandis que les yeux égarés de celle-ci se détournent aussitôt et que son visage devient cramoisi. Pour l’exciter davantage, Sandra se met alors à agiter les reins pour se frotter contre elle, suivant le rythme de la main qui va-et-vient en serrant si fort le gode qu’elle en est crispée. Leurs bouches se dévorent sauvagement, dans une passion si brutale que Salma semble reprendre ses esprits, s’écartant brusquement de sa partenaire, comme pour échapper à son emprise. Confuse, elle tente de comprendre ce qui lui arrive. Un voile épais lui brouille la vue et une boule lui noue l’estomac tandis qu’un tremblement voluptueux agite tout son corps. Cette boule au milieu du ventre, c’est de la faim, un désir primitif qui lui assèche aussi la gorge. C’est dans un état second qu’elle voit Sandra reculer. Celle-ci s’étend à même le sol, allongée sur le dos, avec toujours cet impressionnant phallus gonflé et bien raide qui pointe droit vers le plafond. Devant cette vision indécente et ce silence qui se prolonge, Salma a brusquement l’impression d’étouffer, d’être écrasée par la tension qui l’habite, comme si la pièce tout entière se rétrécissait et se faisait trop rare en oxygène. Elle se sent défaillir, gagnée par une violente bouffée de chaleur. L’inconnu de ce qui l’attend l’oppresse, l’emplissant d’une sourde anxiété qui se mêle malheureusement à une vive curiosité sensuelle qu’elle ne peut réfréner. Jamais elle n’a eu autant conscience de sa faiblesse, maudissant de toute son âme un corps qu’elle ne reconnaît plus et qui frémit dans l’attente des événements. Comme elle semble hésiter, Sandra l’appelle d’une voix presque suppliante :
Salma avance sans qu’elle le veuille, comme si ses jambes ne lui obéissaient plus. Elle s’immobilise à l’aplomb du gode tendu que Sandra maintient bien droit, dressé vers le haut. Puis, enfin, elle enjambe le faux pénis, cuisses écartées, intimité ouverte. Lentement, le buste bien droit, elle fléchit les genoux et, millimètre par millimètre, s’abaisse sur le gode. Comme une chose vivante, celui-ci trouve sa voie, atteint le bulbe fendu, pénètre un peu. L’énorme phallus en latex écarte les chairs, distend les lèvres intimes, s’enfonçant davantage. Puis, d’un coup, il glisse dans la longue fente charnelle aux muqueuses déjà mouillées, gonflées d’un désir impétueux. Le gode semble happé, pressé, absorbé par un puits humide et chaud dans lequel il glisse jusqu’au fond, cognant jusqu’à sa source. N’y tenant plus, d’un seul coup de reins, Sandra s’enfonce encore plus loin. Salma lâche un cri rauque et se mord les lèvres jusqu’au sang, se retenant de ne pas gémir de façon discontinue. Sandra la saisit aux hanches, se mouvant en elle d’un long et imposant va-et-vient, de plus en plus vite. Salma n’essaie même plus d’échapper à cette extraordinaire intrusion dans ce qu’elle a de plus intime, une lascive pénétration qui la brûle et la submerge de sensations fabuleuses, uniques, si fortes, si grandissantes… Une vague qui grossit et déferle, s’arrêtant net alors que Sandra cesse soudainement de bouger, avec un sadisme inhumain. Salma pousse un cri de frustration tout aussi inhumain, comme brisée en plein élan. Et, d’un coup, c’est elle qui se met alors à bouger sur sa partenaire, d’abord lentement, comme pour faire durer le plaisir alors qu’il la submerge de nouveau. Elle se redresse un instant, laissant réapparaître le gode luisant, puis elle se laisse redescendre, remonte, redescend encore vers la hampe qui la pénètre à chaque fois plus facilement, plus profondément. Elle s’empale doucement, avec précaution et délectation, pour que le gode aille vraiment au fond d’elle, et qu’elle puisse l’aspirer et l’avaler le plus méthodiquement possible. Elle s’immobilise un instant, prise d’un tremblement nerveux, alors qu’un premier orgasme la saisit vivement, lui arrachant un cri voluptueux. Puis, comme pour en accentuer la sensation fabuleuse, elle remonte tout doucement en frissonnant toujours de tout son être, dévoilant le gode couvert de sécrétions intimes, avant de s’empaler dessus avec plus de lenteur, comme pour en savourer chaque instant, prolongeant divinement l’orgasme qui ne semble jamais s’arrêter. C’est une sensation indescriptible, une impression de plénitude aiguë et de vagues ardentes qui déferlent dans tout son corps. Vite, elle sent monter un plaisir encore plus incandescent, et du coup se met à accélérer le mouvement, yeux grands ouverts et le regard étrangement flou, articulant de brefs sons étranglés comme si elle délirait. Elle s’empale avec plus de force, et Sandra suit son rythme, la labourant impitoyablement, le visage crispé et en sueur, l’attrapant par le collier pour la tirer vers elle et chercher son cou qu’elle se met à lécher et mordre sauvagement, alors que la cadence de leurs deux corps trempés devient de plus en plus désordonnée. Maintenant, alors que sa partenaire est secouée par une sorte de spasme, elle lâche le collier pour s’accrocher avec furie aux deux seins ronds qui tressautent au-dessus d’elle, au rythme de leurs soubresauts et contorsions frénétiques. Devinant un deuxième orgasme encore plus violent, Sandra continue de lancer impétueusement son bassin en avant, dans des coups de boutoir toujours plus vigoureux. Ses efforts effrénés portent leurs fruits. Salma se soulève du sol comme si elle voulait prendre son envol, agitée de violents spasmes tandis qu’elle se libère d’une explosion aussi longue qu’intense, si insoutenable qu’elle en pousse un rugissement de lionne blessée. Elle gémit sans discontinuer alors qu’elle retombe sur le gode, le laissant enfoncé en elle tandis que son bassin est encore agité de secousses langoureuses. Elle ferme les yeux, à la fois honteuse et repue. Mais le vertige qui la saisit, alors que Sandra la bascule sur le côté pour adopter une autre position, lui fait comprendre que la nuit ne fait que commencer et que son corps n’est pas aussi assouvi qu’elle le voudrait. Déjà, elle vibre tout entière quand Sandra l’attrape par le collier, l’obligeant à se contorsionner dans une posture qu’elle ne comprend pas. Docile, elle se laisse guider.