n° 10976 | Fiche technique | 36969 caractères | 36969Temps de lecture estimé : 21 mn | 15/11/06 |
Résumé: Chronique à la fois douce-amère, tendre et sensuelle, sur des femmes hétérosexuelles qui vont réaliser un jour leur attirance pour d'autres femmes. | ||||
Critères: ff jardin fête collection cérébral voir | ||||
Auteur : Nicky Gloria (Femme mariée qui assouvit ses fantasmes en écrivant.) |
Épisode précédent | Série : Sans mâle et sans tabou Chapitre 05 | Fin provisoire |
Se tenant par la main, le cortège extravagant, regroupant toutes sortes de costumes, continue de courir en riant, longe les haies de palmiers, saute les barrières de fusains panachés, dévale les marches qui mènent à la piscine. De nombreuses personnes s’y baignent déjà, s’éclaboussant avec joie, les invitant à les rejoindre. Indifférente, la farandole s’enfonce dans le parc, puis se perd dans un labyrinthe de charmilles. Mélanie est essoufflée mais, entraînée par la vague humaine, est obligée de suivre. Dans un virage à angle droit la file se déporte, Mélanie lâche prise et se retrouve éjectée sur le côté. Elle évite de justesse la chute brutale grâce à Catherine qui la retient. Le temps de se retourner et déjà le cortège a disparu, les rires se font plus lointains. Elles se retrouvent seules dans le labyrinthe, à moitié dans la pénombre, les lumières éclairant le parc traversant à peine les massifs épais des charmilles.
Mélanie semble accepter son destin avec une pointe d’humour. Catherine, elle, semble carrément se satisfaire de la situation.
Mélanie tourne vite la tête pour dissimuler son embarras.
Au bout d’un quart d’heure elles ont l’impression d’être passées plusieurs fois au même endroit. Mélanie, qui trouvait cela amusant au départ, commence à se lamenter :
Catherine passe devant.
Soumise, Mélanie lui obéit. Elle se sent étrangement nerveuse, sensible à la puissante aura sexuelle qui émane de cette femme. Catherine possède une vitalité sauvage qui semble crépiter de tous les atomes de son corps, comme une surcharge électrique. Elle se déplace avec assurance, partant droit devant sans hésiter sur le chemin à suivre, et avec arrogance aussi, épaules en arrière pour mettre en évidence ses seins lourds qui oscillent de manière aguichante, et tête haute. Elle est peu vêtue, enveloppée dans une courte pelisse de castor serrée à la ceinture, juste chaussée de bottes en daim, comme une indienne. Elle est presque indécente, sexy, et Mélanie constate brusquement avec effroi qu’elle est en train de la déshabiller des yeux comme un homme le ferait, avec désir. Elle se sent très attirée par cette femme et cette constatation lui coupe soudain les jambes. Elle vacille, prise d’un vertige. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive, bouleversée par une intense émotion qui l’étreint et la fait suffoquer. La tête lui tourne, elle ne tient pas l’alcool qui fait apparemment mauvais ménage avec son tempérament trop émotif. On ne l’y reprendra plus. Puis le temps est lourd, une chaleur étouffante, presque orageuse…Catherine la regarde avec inquiétude, s’arrête à son tour. Elle est pleine de compassion, aussitôt protectrice. Avec douceur elle la prend par les épaules pour la soutenir et la fait asseoir contre la haie de charmes. Mélanie, affaiblie, se laisse faire, ayant du mal à retrouver son souffle. Catherine pousse un soupir exagéré.
Le plus naturellement du monde elle défait un à un les boutons de sa pelisse jusqu’au nombril. Elle demeure ainsi, à demi-nue, sans le moindre complexe. Elle a une poitrine magnifique, lourde et ferme, d’une blancheur de porcelaine. Mélanie, troublée, baisse vite les yeux.
Mélanie secoue négativement la tête. Catherine n’en tient pas compte.
Et sans attendre son approbation lui dénoue la ceinture de son kimono. Le premier réflexe de Mélanie est d’avancer ses mains pour l’empêcher de continuer, mais Catherine lui saisit les bras avec fermeté.
Mélanie se crispe, mais laisse retomber lentement ses bras le long du corps, docile… L’autorité de cette femme la laisse sans force, elle se sent encore trop affaiblie pour lui résister. Catherine écarte d’une main fébrile les pans du kimono, la tenue de soie glisse sur des épaules dorées, dévoilant la troublante nudité d’un petit sein pointu. Elle finit son geste en tremblant brusquement. Les seins sont parfaits, accrochés hauts, tendres et délicats avec leurs pointes érigées qui ressemblent à des petits boutons de rose. Ils sont si attirants qu’elle en a des picotements au bout des doigts. Elle a du mal à ralentir les battements désordonnés de son cœur, le sang se met à circuler plus vite dans ses veines, le désir la brûle d’un coup, aussi vite qu’une allumette que l’on gratte pour en faire jaillir la flamme.
Elle la saisit par la taille et lui demande de se mettre en position tailleur. Mélanie obéit, un petit sourire nerveux sur les lèvres. Cette position lui fait écarter les jambes, ce qui fait glisser le kimono sur ses cuisses, les dévoilant jusqu’à la limite de l’aine. Vite, elle veut rabattre son habit sur les genoux, mais Catherine arrête son geste en posant doucement sa main sur le bras qui s’est avancé.
Elles restent assises en tailleur l’une en face de l’autre, si proches que leurs genoux se touchent. Catherine cède à la tentation, pose une main légère sur une cuisse. Mélanie sursaute violemment, comme piquée à vif. Catherine n’en comprend pas la signification et, prudente, retire sa main. Elle préfère lui caresser du bout des doigts le visage.
Confuse, Mélanie esquisse un pâle sourire en hochant timidement la tête. Catherine continue de caresser avec passion chaque trait du visage, la dévorant des yeux. Elle l’attrape par les cheveux avec douceur et l’attire à elle, approchant son visage du sien. Elle semble fascinée par la sensualité enfantine des lèvres satinées qui, tout près, frissonnent, comme une invitation. Catherine ne peut y résister. Elle presse sa bouche contre la sienne. Mélanie gémit, puis se détourne avec brusquerie.
Elle essaie une nouvelle tentative. Elle lui dépose un baiser sur la joue, glisse dans le cou où là, malgré elle, Mélanie penche la tête en arrière, comme pour lui faciliter le passage. Catherine en profite pour couvrir sa gorge de baisers enfiévrés, s’y attardant longtemps avant de remonter jusqu’au menton, puis à la bouche. Nouveau refus. Alors Catherine repart à l’attaque en privilégiant la gorge mais, cette fois-ci, va ensuite du menton jusqu’au jusqu’au lobe de l’oreille qu’elle se met à mordiller délicatement, léchant d’une langue aiguë le pourtour. Mélanie frissonne de plaisir, sans pouvoir se retenir. Sa respiration s’accélère lorsque Catherine revient lentement à sa bouche, lui taquinant les lèvres du bout de la langue.
Cette fois-ci, elle ne se dérobe plus et, ayant brusquement du mal à respirer, entrouvre les lèvres. Elle gémit lorsqu’une langue agile force immédiatement la barrière de ses dents pour explorer goulûment l’intérieur de sa bouche. Elle accueille le baiser avide avec un soupir désemparé, répond malgré elle aux sollicitations de la langue qui vient s’enrouler autour de la sienne dans un contact délicieux. Une intense excitation la prend par surprise, un trouble inconnu dont la violence l’émeut et l’effraie à la fois. Les lèvres qui l’assaillent avec passion sont douces et pleines, la langue qui la relance a une saveur piquante.
Jamais elle n’aurait pensé qu’un baiser féminin pouvait être aussi électrisant, aussi grisant, comme le plus enivrant des nectars. Elle se sent fondre de l’intérieur, stupéfaite de ne plus maîtriser son corps. Elle continue de répondre au baiser, d’abord timidement, et se met progressivement à respirer de plus en plus fort, inconsciente de se coller brutalement à sa partenaire, suspendue à son cou, lui caressant la nuque. Leur baiser s’est accéléré, plus fougueux, plus gourmand, et les fait haleter de désir. Catherine glisse ses mains sur les épaules, caresse la peau nue, cherche les seins dont les pointes se dressent aussitôt dans les paumes de ses mains. Mélanie émet un petit miaulement de surprise, sursaute violemment en écarquillant les yeux avec égarement. Elle frissonne de la tête aux pieds avec un râle éperdu tandis que Catherine se penche plus bas, couvrant de nouveau le cou de baisers intenses, la gorge, avant de lécher à coups de langue affamés la magnifique poitrine qui s’offre gonflée à elle.
Mélanie pousse un cri stupéfait, presque animal, et cambre violemment le dos en levant ses seins vers la bouche experte qui l’embrase toute entière. Elle prononce des paroles sans suite, gémit, murmure des encouragements et des plaintes, perdant la raison et le contrôle de son corps. Impitoyable, Catherine continue de sucer et mordiller délicatement les tétons dressés, saisissant entre ses lèvres les pointes pour les picorer avec une dextérité inouïe. Mélanie se laisse étendre sur le dos, entraînant sa compagne dans sa chute, oscille sous elle, noue ses jambes autour de sa taille, l’enserre énergiquement. Elle ne se reconnaît plus, elle qui a toujours été une personne réfléchie, sage, raisonnable, trop raisonnable… Elle n’existe plus que pour cette ardeur qui la consume, lui fait faire toutes les folies, lui permet toutes les audaces.
Du corps de sa partenaire irradient des ondes lascives qui lui communiquent toute sa fièvre, toute sa volupté. Jamais elle n’aurait pensé qu’une femme puisse être aussi sensuelle et aussi désirable, la mettant dans tous ses états. Elles s’enlacent étroitement, roulent l’une sur l’autre. Elles se retrouvent à la même hauteur, et lorsque Catherine relève le visage pour la regarder, Mélanie la bâillonne de nouveau avec ses lèvres. Elle est gourmande de baisers, et retient ainsi prisonnière sa partenaire pour lui éviter d’aller plus loin. Elle n’est pas prête, pas encore. L’image de son mari vient de la rappeler à l’ordre, c’est un homme bon et généreux qui ne mérite pas cette odieuse trahison. Elle s’est déjà laisser aller au flirt, c’est plus que suffisant, son éducation et sa situation lui interdisent d’aller plus loin. Cette fougue la terrifie, elle n’a jamais connu ça.
Tout va trop vite, il faut qu’elle se reprenne. Mais cette femme embrasse divinement bien, et ses caresses, ses caresses… De nouveau, elle est entraînée par un tourbillon trop impétueux pour lui résister. Sa raison vacille. Le goût de cette bouche si appétissante qui ne cesse de la relancer attise un désir encore plus violent. Elle se laisse emporter. Leur baiser dure une éternité et c’est Catherine qui, hors d’haleine, y met fin la première. Mélanie proteste avec un petit gémissement de frustration. Elle aurait voulu que cet instant ne s’arrête jamais. Catherine lui passe les mains dans les cheveux, les caresse, avant de lui relever la tête. Ses yeux sont brûlants d’une passion dévorante.
Mélanie est profondément émue, jamais on ne l’a contemplé avec un tel désir, jamais on ne lui a parlé avec une telle extase. Elle aussi se met à la dévisager avec admiration, brusquement fascinée par cette bouche pulpeuse comme un fruit exotique qui, si près, est une irrésistible tentation. Jamais elle n’a vu des lèvres aussi délicieusement charnues, cette bouche lui paraît la plus belle et la plus attirante de toutes. De nouveau, elle sent son cœur défaillir, son corps s’enflammer, transportée par cette même sensation inconnue, un mélange de curiosité intense et de fougue bouillonnante qui lui donne envie d’aller jusqu’au bout. C’est là un élan spontané et irrationnel contre lequel elle ne peut rien, comme si son corps avait sa propre vie et ses propres exigences. Sans réfléchir, elle se jette dans les bras de son amie, cherche sa bouche. Leurs lèvres se soudent l’une à l’autre, fébriles, affamées, se dévorant avec une frénésie qui les fait gémir fortement. Elles s’enlacent avec plus de fougue, leurs mains impatientes se glissent sous les vêtements.
Soudainement, Mélanie est tétanisée par une peur presque religieuse, la peur de transgresser un plaisir sacré, interdit, lorsqu’elle sent le contact voluptueux de la chair féminine la pénétrer d’un indéfinissable bien-être, comme si sa chair était faite pour ces plaisirs-là. Avec égarement, elle effleure la peau nue, si douce, si exquise qu’elle n’ose pas la toucher à pleines mains, par peur de s’y brûler, par crainte de franchir la ligne rouge, de sombrer corps et âme dans le plus irrésistible des tourments. Elle hésite à continuer, désorientée, lorsque des clameurs emplissent la nuit et se rapprochent. C’est le cortège qui revient, guidé par un petit homme qui mène la danse en sautant et bondissant, vêtus d’oripeaux et de grelots comme le furent auparavant les "fous" du roi. Mélanie se lève vivement, remettant de l’ordre dans sa tenue. Elle a repris ses esprits, le charme est brisé. Elle n’ose pas lever les yeux sur Catherine lorsqu’elle lui parle d’une voix faible.
Catherine n’a pas le temps de réagir, séparée brusquement de Mélanie lorsque la farandole passe entre elles. Mélanie s’incruste entre deux garçons et disparaît. Un instant, Catherine reste là, abasourdie, se débattant comme une naufragée, prise dans un tourbillon d’émotions. Puis, sans qu’elle puisse les retenir, les larmes se mettent à ruisseler abondamment sur son visage. D’une main tremblante, elle les essuie, luttant pour les refouler. Elle inspire profondément et le chagrin qui figeait alors ses traits se métamorphose en farouche détermination. Elle n’a jamais baissé les bras, fonçant tête baissée pour remporter toutes ses batailles, et même si cette jeune femme la bouleverse et la désarme comme jamais personne ne l’a fait, elle n’abandonnera pas pour autant la partie. Juste à temps, elle se raccroche à la queue de la file et suit le mouvement à son tour.
À peine sortie du labyrinthe, la chaîne humaine se divise en deux, mais est encore si longue que Catherine n’a pas conscience tout de suite d’être entraînée dans une autre direction. Au croisement d’une allée d’ifs, les invités qui forment la chenille de tête contournent la demeure pour se diriger vers la façade arrière. Là, près d’une porte, un groupe d’invités cuve son vin, vacillant, amorphe, rigolant d’une voix pâteuse. Une femme pleure à chaudes larmes, soutenant faiblement son compagnon qui, cassé en deux, vomit de la bile. Ceux qui ont la force de se tenir debout, à peu près à jeun, se joignent à la farandole. Mélanie abandonne la troupe, intriguée par des punks qui s’agitent autour d’un corps recroquevillé au pied d’un immense palmier. Le pantalon baissé jusqu’aux genoux, cul à l’air, il hurle d’une voix aiguë tandis que les coups pleuvent sur lui avec une violence effrayante. Une grosse fille, les cheveux surmontés d’une crête jaune, encourage le passage à tabac d’une voix stridente, excitant ses compagnons. Puis, brusquement, se rue à son tour sur le malheureux, lui assenant de brusques coups de pied en riant comme une forcenée. Pour lui laisser la place, les autres s’écartent, laissant une brèche dans leur cercle, et celui qui se fait massacrer en profite pour tenter de s’enfuir. Il se met vivement debout, abandonnant son pantalon sur le gazon, se jette en avant, la gorge gonflée d’un hurlement sauvage, le visage en sang, courant droit sur Mélanie alors que ses agresseurs, pris au dépourvu, se bousculent pour se lancer à sa poursuite. Mélanie se trouve en plein milieu de leur passage, paralysée par la peur, vite bousculée comme un fétu de paille. Un grand cri lui sort du cœur lorsqu’un homme la heurte brutalement, lui faisant perdre l’équilibre. À cet instant, elle est rattrapée au vol par Catherine qui, d’un geste protecteur, la prend dans ses bras, la soutenant fermement jusqu’à ce que la furieuse cohue s’éloigne. Inquiète, Catherine s’enquiert aussitôt :
De ses grands yeux écarquillés, Mélanie la regarde sans comprendre, et ne comprend toujours rien lorsque Catherine la prend par la main d’un geste possessif. Elle la guide à l’intérieur. Elles traversent une cuisine vaste comme un séjour, où s’affairent des serveurs qui vont et viennent avec empressement. Elles montent un étroit escalier de service qui les mène devant une porte fermée. Catherine la pousse, elles avancent dans un long et large couloir où plusieurs invités ont déjà pris possession des lieux. La plupart ont toujours leur verre à la main, assis ou adossés contre le mur. Un jeune homme ivre, déguisé en soldat romain, est en train de chanter et de déclarer sa flamme à son compagnon qui pouffe d’un air gêné. À côté d’eux, un autre couple d’hommes se mange la bouche avidement, se pelotant avec la même fougue.
Elles passent devant une porte ouverte, d’où sortent des bruits suspects. Si des bruits peuvent exprimer la débauche et la luxure, ce sont bien ceux-là, Mélanie n’en a aucun doute malgré son inexpérience de la vie. Poussée par la curiosité, elle tourne la tête et aperçoit une brève seconde des fesses magnifiques, rondes et dorées, tout de suite cachées par une silhouette féminine qui se penche dessus, les palpant fermement avant d’y appuyer son bas-ventre d’un coup de reins, puis se déhanchant avec rage en poussant des grognements de plaisir. Ce sont deux femmes qui font ainsi l’amour, mais d’une façon que Mélanie n’avait jamais osée imaginer. Celle qui se fait sodomiser par la femme qui arbore impudiquement un sexe factice entre ses jambes pousse des cris saccadés en tortillant et reculant son splendide postérieur pour mieux se faire pénétrer, et l’obscurité ne fait que suggérer la scène. Toutefois, Mélanie reconnaît dans la femme qui se trouve derrière la maîtresse des lieux, la belle et scandaleuse Sandra.
Mélanie s’est arrêtée, observant la scène. Ce spectacle la fascine et la révolte à la fois. Elle n’en croit pas ses yeux. Elle avait entendu dire que les femmes faisaient ça entre elles, pouvant utiliser divers objets pour se donner toujours plus de plaisirs, mais elle ne l’avait jamais vu. Un univers incroyable s’offre à elle, un monde qui bouge, qui vit, qui aime, qui brave les interdits, où chacun assouvit ses passions et ses envies avec une frénésie virevoltante. Elle se sent submergée par une bouffée de chaleur quand Sandra plonge la tête sur la nuque de sa compagne, la léchant goulûment comme un animal affamé le ferait. Tenant solidement les hanches de sa partenaire, elle accélère son va-et-vient, mêlant ses râles aux gémissements éperdus de celle qui se fait si délicieusement prendre par derrière.
Mélanie détourne vite les yeux, horriblement gênée, mais une envie irrépressible la pousse à regarder de nouveau, et elle n’arrive plus à détacher son regard du couple féminin. La scène lui paraît violemment érotique, lui rappelle surtout ce qu’elle vient de vivre dans le parc ; elle aussi aurait pu vivre la même expérience si elle s’était laissée faire. Elle regrette brusquement de ne pas avoir été jusqu’au bout, cela paraît si beau et si agréable. Elle tremble nerveusement quand celle qui se fait sodomiser pousse un cri libérateur, gémissant ensuite sans discontinuer alors que l’orgasme la prend pour ne plus la lâcher. Mélanie vibre à l’unisson, comme possédée à son tour. Elle sent la présence de Catherine tous près, à sa gauche, et son regard intense. Honteuse, Mélanie regarde ailleurs, elle se sent coupable d’avoir eu de telles émotions. Elle veut avancer mais, avec une soudaine brusquerie, Catherine lui barre le passage.
Un amour passionné vibre dans cette voix, comme une déclaration enflammée, qui donne la chair de poule à Mélanie. Elle n’ose pas affronter son regard. Elle craint trop de céder à la tentation si elle la regarde de nouveau, aussi articule-t-elle faiblement :
La voix se brise, enrouée par une profonde tristesse. Emue, Mélanie lève les yeux. Ce qu’elle voit la bouleverse. Catherine pleure en silence, incapable de se contrôler, déchirée par des sentiments si intenses qu’elle n’arrive plus à prononcer un mot. Mélanie, de ses doigts tremblants, lui essuie les larmes, autour des yeux rougis et gonflés, puis sur les joues, et ne peut résister à l’envie de lui caresser les lèvres. Comme elle aime cette bouche ! Encore une fois, elle se sent oppressée par un désir impétueux, comme l’envie de goûter à une gourmandise irrésistible. Elle se reprend, échappe au vertige, se concentrant de nouveau sur les yeux pour sentir sur sa main le contact mouillé des larmes. Elle a besoin de constater par elle-même que tout ce qu’elle vit est réel, que le chagrin qu’elle a provoqué n’est pas le fruit de son imagination. C’est la première fois qu’elle émeut quelqu’un à ce point, et ce quelqu’un est une femme… Elle a du mal à réaliser ce qui lui arrive. Elle réprime à son tour un sanglot, submergée par une violente émotion, perturbée comme elle ne l’a jamais été. Elle ne doit pas pleurer. Elle ne doit pas céder. Pour Jean-Christophe. Pour ses enfants. Le regard de Catherine est suppliant.
Mélanie aussi en a terriblement envie, mais il ne faut pas. C’est pourtant d’une voix méconnaissable qu’elle s’entend répondre :
Le visage de Catherine s’illumine d’une joie immense. Son plaisir est tellement contagieux que Mélanie sourit à son tour, lui attrape les mains pour les serrer dans un élan de tendresse.
Elles finissent d’arpenter le couloir. Catherine s’arrête devant la porte du fond, comme figée par une soudaine inspiration.
Mélanie lui en est reconnaissante.
Et ajoute vivement avant d’ouvrir la porte.
Elle se retrouve à l’étage, dominant la fête qui bat son plein. Elle descend les escaliers, cherchant en même temps son mari des yeux. Elle l’aperçoit près du bar, seul et dépité. Cela la fait sourire, en même temps qu’une bouffée de tendresse l’envahit. Elle a toujours aimé ce petit air triste et malheureux qu’il affiche lorsqu’il s’ennuie ou se sent délaissé. Vite, il lui tarde de le rejoindre.
Elle se fraie difficilement un passage au milieu d’une foule compacte et agitée, se retrouve brusquement nez à nez avec une superbe blonde qui, contrairement à elle, évolue avec une grande aisance, apparemment habituée à ce genre de frénésie nocturne.
Elles s’embrassent. Christelle la tient toujours par les épaules, la contemplant longuement, de la tête aux pieds.
Mélanie se dit que c’est déjà fait, et que même la présence de son mari n’a pas évité le pire. Toutefois, elle estime raisonnable de suivre ce conseil.
Elles n’ont plus le temps de continuer leur conversation. Christelle se retrouve déjà au centre d’un cercle d’admirateurs et d’admiratrices qui, fébrilement, s’agitent autour d’elle et l’éloignent dans une autre direction. Mélanie la suit des yeux le plus longtemps possible, avec admiration. Comme elle aimerait lui ressembler ! Christelle n’est pas le genre de femmes que l’on oublie facilement. Elle envoûte et déstabilise. Elle est de ces femmes, si rares, qui affolent aussi bien les hommes que les femmes. Sa bouche pulpeuse, mutine, exprime la plus étonnante sensualité. Sensualité qui se dégage également de son corps incroyablement parfait, dont les formes voluptueuses semblent avoir été inventées pour l’amour, provoquant les plus inavouables tentations. C’est une femme de l’extrême, une personnalité de feu qui va toujours au bout de toutes ses passions, quitte à en déranger certains. La normalité et le raisonnable sont des mots inconnus pour elle.
Top model adulé, experte dans l’art de brouiller les pistes, elle assume sa beauté rebelle avec une provocation rieuse. Elle s’est forgé une personnalité forte et indépendante dès le début de sa gloire, à l’âge de vingt-quatre ans, et n’a cessé de dérouter et surprendre tout au long de sa carrière. Sa présence magnétique doit beaucoup aux tourments qui la consument, sa passion pour les armes à feu, son amour pour la vitesse et les courses de voiture, son goût du risque, et ses attirances exclusives pour les femmes. Elle aime la vie qui bouge, tumultueuse, déchaînée, et croque dedans à pleines dents. Il y a deux ans, un sondage d’un magazine féminin prestigieux reconnaissait Christelle comme le mannequin qui suscitait le plus de fantasmes sexuels chez les femmes hétérosexuelles. Christelle a la quarantaine, privilégiant maintenant sa carrière de présentatrice vedette sur une chaîne du satellite. La foule de curieux qui l’entourent s’estompe peu à peu. Christelle en profite pour retrouver la maîtresse des lieux, Sandra, qui après plusieurs heures d’absence vient de réapparaître soudainement. Cette dernière la prend par le bras.
Elle cherche le mot qui convient.
Christelle suit son regard. Le couple en question se trémousse discrètement. L’homme, grand et élancé, sans une once de graisse, a des muscles saillants qui se dessinent sous ses vêtements en cottes de mailles. Déguisé en Chevalier de la table ronde, il bouge avec une aisance de félin, souple et vigoureux. Il a la beauté des séducteurs italiens, insolente, hautaine, sûre de son pouvoir et de sa suprématie. Un teint mat soigneusement bruni par le soleil, un nez aquilin, des yeux noirs perçants, la moustache conquérante, des cheveux noirs gominés et plaqués en arrière, il semble dominer sa femme avec une autorité méprisante. Cette dernière n’est ni soumise ou servile, mais lui obéit avec une indifférence polie, sans rien perdre de cette classe et de cette distinction racée qui la différencie des autres femmes. Sa tenue est celle d’un trappeur, avec veste et jupe en daim, besace en agneau agrémentée de queues de ratons laveurs. Elle a l’air triste, et cela ne la rend que plus émouvante et mystérieuse. C’est sans un mot qu’elle le suit alors qu’il lui fait signe de regagner le buffet. Il ne souhaite pas la laisser seule, gardant un œil jaloux sur ce qu’il considère comme sa propriété. Sandra les suit du regard et, intriguée, se presse contre Christelle avec une expression fébrile.
Sandra, de surprise, hausse le ton.
Christelle signale d’un geste de la tête la présence de trois hommes qui, en face d’elles, s’agitent dans un bruissement de gloussements émoustillés et de murmures grivois. Déguisés en Mousquetaires, ils ont le regard braqué sur le mari de la jolie rousse. Sandra échange avec son amie un sourire entendu.
Sandra la laisse, se dirigeant vers son frère qui, seul et abandonné, lui lance depuis un moment quelques regards désespérés. Elle allume une cigarette tout en fendant la masse humaine. Elle ne quitte pas son frère des yeux, redoutant une de ses crises de nerf. Il lui demande aussitôt :
Son regard devient fixe, vite troublé par des larmes qui lui embuent les yeux. Son menton se met à trembler, son visage poupin se creuse, figé par un immense chagrin qui l’envahit. Elle essaie de lui remonter le moral, saisissant ses mains pour les serrer très fort.
Il s’écroule dans ses bras, pleurant avec des intonations stridentes qui le secouent énergiquement. Elle le console doucement, lui caresse le dos, lui murmure des mots réconfortants à l’oreille. Par-dessus son épaule elle aperçoit Fifi qui passe. C’est un beau brun basané, moulé dans une combinaison en latex. D’un signe, elle réussit à attirer son attention. Il comprend et fonce vers eux en prenant un air catastrophé. Il enlace tendrement Anthony, puis d’un geste gracieux de la main lui caresse le visage et lui essuie les larmes.
Anthony esquisse un petit sourire mouillé. Son visage rond et enfantin, si inoffensif, se fend d’une expression joviale et gourmande lorsqu’il lève sur son compagnon un regard langoureux. Il s’abandonne contre son épaule, déjà consentant. Sandra recule et assiste à la scène avec tendresse. Elle adore son frère, le couve d’un amour protecteur. Il est le seul à savoir l’attendrir et l’amadouer, c’est un amour fort et sincère qui les préserve d’un environnement d’apparence et de paillettes. Anthony est un garçon sensible et réceptif qui souffre du manque d’amour de sa mère. Il a deux personnalités aussi différentes que contradictoires, avec des comportements souvent excessifs et imprévisibles. Son visage mou, sa bouche veule, son teint légèrement grêlé, ses gros traits taciturnes d’un enfant qui aurait trop vite grandi, tout cela disparaît lorsque la fièvre créatrice le gagne et le rend fort, plein d’assurance, hâbleur et virevoltant.
Sandra sent l’émotion l’étreindre en le sentant si perdu, puis le suit des yeux tandis qu’il s’éloigne, bras dessus bras dessous avec son ami. Ce dernier sait quoi faire pour remettre son moral et sa combativité au beau fixe. Il va transformer Anthony en guerrier conquérant et victorieux. Tous deux, tels des coqs dans la basse-cour, vont s’affronter à mains nues, sans artifice. Ils vont se mesurer, non pas pour l’amour d’une belle, mais pour eux-mêmes, pour savoir qui sera le plus viril, le plus performant. Et Fifi, pour préserver l’orgueil de son amant, s’avouera vaincu le premier. Tous deux disparaissent, avalés par la marée humaine.