n° 11876 | Fiche technique | 43346 caractères | 43346Temps de lecture estimé : 27 mn | 23/10/07 |
Résumé: Une jeune fille pas jolie découvre à la fois la douceur et la laideur. | ||||
Critères: ff voisins init exercice | ||||
Auteur : Ortrud Envoi mini-message |
DEBUT de la série | Série : La madone des cités Chapitre 01 / 02 | Épisode suivant |
En premier lieu, je ne suis pas une jolie fille ; maigre comme un chat, le crin rebelle et la peau cuite. On peut m’habiller avec un sac ou avec un cornet de papier, c’est la même chose.
D’ailleurs, je n’aime pas m’habiller. Je n’ai rien à mettre en valeur ; le mauvais caractère, ce n’est pas la peine de le mettre en devanture.
Ma belle-mère me regarde toujours en me disant :
Il faut dire que je ne suis pas non plus un génie ; l’école et moi, ça fait deux mondes à part. Le mien, c’est l’air libre mais, à part les écorchures et les gros mots, je n’y apprends rien de plus. Tant pis pour la poésie des grands espaces, le lyrisme des blocs d’immeubles et les revendications des costumes-cravates.
Pour autant, je ne fais rien de mal, les garçons ne me regardent pas, je peux glisser, marcher et même faire du roller, on m’embête pas ; j’ai les cheveux courts, un blouson et vaguement un pantalon de garçon, j’ai pas besoin de me rouler dans une mini jupe et de mettre des petits hauts pour mouler je sais pas quoi.
Les filles ? Elles m’embêtent, et tout le monde m’embête, elles me bouffent la lumière, oui, d’accord pas la grande lumière des reportages de Thalassa avec plein de couleurs et des gars qui se battent pour sauver le monde en bateau. La lumière, c’est toujours un peu caché par une tour, une barre, un bloc, une poubelle, un car de flics ou la fumée d’une bagnole qui crame.
Mes vieux ? Ma mère a taillé la route quand j’avais deux ans, qu’on dit, et ma belle-mère est venue sur le tard, j’avais sept huit ans, la famille classique quoi, comment on dit, recomposée ? Elle a amené avec elle sa fille et le môme que mon père lui avait collé dans le ventre.
Pour autant, je feignasse pas, je bosse dès que je peux. Je tiens pas les murs. Il y a des tas de trucs à faire, même quand on a l’esprit en friche. Y a toujours un gars qui a besoin d’un coup de main en douce, et à force de me rendre utile, on me connaît. Par exemple, Barnabé, le coiffeur, je lui nettoie son magasin ; qu’est ce qu’ils laissent comme pellicules ses clients. Et Karim, le transporteur, faut toujours ranger les caisses vides, coller de la sciure sur les taches d’huile, et Odette, la dame du troisième qui a eu un accident, elle peut pas bouger pour des mois, c’est bête, elle est bien fichue, mais là, elle sert plus à rien ; son mari, enfin, son type, je crois bien qu’il va fréquenter ailleurs. De là qu’il se barre avec une n’importe quoi, y a pas des kilomètres.
Alors, Odette, je lui tiens compagnie, et puis, je lui fais un peu du ménage, la vaisselle, je lui cale son oreiller. C’est drôle, elle sent bon, même couchée. D’habitude les malades ça sent l’aspirine et la sueur, elle, elle est fraîche. Je lui raconte tous mes petits événements, ça la fait rire.
Dans une cité, faut pas croire, il se passe beaucoup de choses, mais on fait pas attention, parce que c’est tout gris, ça brille pas. Je parle pas des petits cadors qui font les autorités en engueulant la titesœur et en jouant les durs, non, ceux-là, c’est des condamnés à mort, mais y a les gars normaux, tiens Norbert, par exemple, il est plâtrier, il part le matin, très très tôt, mais à quatre heures, il rentre, en voiture, quand il arrête le moteur, il reste un long moment à regarder dans le vide, en se passant les mains sur la figure, comme un massage, des fois il ferme les yeux, la tête en arrière, la bouche à demi ouverte ; il dort pas, il récupère et quand il se décide à sortir, c’est comme s’il avait des poids attachés aux épaules. Il ferme sa bagnole, il regarde vers le cinquième, l’air inquiet, crispé, puis il rentre, la tête basse, sans traîner, avec sa glacière au bout du bras. Je savais pas pourquoi il faisait ça jusqu’au jour où j’ai su qu’il vivait seul, qu’il faisait tout chez lui, qu’il s’arrêtait jamais de laver, de peindre, pour qui ? va savoir, pour rien, comme ça, pour pas sombrer, peut-être. Alors, ce petit moment dans sa voiture, c’est les vacances.
Et la tarte de l’OPAC qui arrive avec ses cheveux méchés, ses grosses fesses et son grand nez, et ses dossiers, toujours des dossiers, elle vient « faire du social », juste avant l’huissier, après lui, y a plus que le camion de Bardelli et le commissaire de Police pour l’expulsion.
Remarquez, des expulsions y en a plus beaucoup, les trouducs se débrouillent toujours pour avoir un soutien, un politique qui se fait la main, une assoc qui fait dans l’humanitaire ou dans la pêche aux électeurs pour un parti de gauche, ou de droite, je sais pas trop.
Et tout ça, je le raconte à Odette comme je vous le raconte. Ça s’épuise vite quand même, j’ai quand même pas le temps d’espionner, juste je regarde, comme ça en passant, je vois, je garde et je livre à domicile.
Mes parents ont renoncé à me dresser, et ils ne se font pas trop de souci, pour une seule raison, je crois ; je me lave. J’aime me brosser, j’aime sentir le savon, et aussi que ma chemise et ma culotte soient bien nettes. Juste pour moi, parce qu’il m’est jamais venu à l’idée que je me montre à quelqu’un. Juste des fois, ma belle-mère, Colette, elle asse la tête dans la salle de bains « Encore en train de te laver les fesses, t’inquiète pas, elles risquent rien » En rigolant, mais quand même. Des fois même, elle reste ; ça me gêne pas.
D’ailleurs, c’est comme ça que la femme à Daniel le boulanger m’a repérée. « Propre comme tu es, tu es faite pour le pain du matin, celui du réveil, quand ça fait du bien de respirer le frais et la mie qui gonfle » et elle m’a embauchée, tous les matins, dès que j’ai eu l’âge, bon, un petit peu avant aussi, mais ça c’est entre nous et c’est prescrit et aujourd’hui j’ai grandi, parce qu’il y a toujours un ou deux crétins pour jouer la morale tout en se roulant dans la « chose » en parlant de minorité sans connaître le Code Pénal et en confondant la minorité légale et la minorité sexuelle.
Sûr, que ça a fait des jaloux enfin, des jalouses, parce que les mecs, je les vois pas en train de faire des ronds de jambe pour servir le bâtard ou la boule. Mais les petits vieux, ils aiment bien qu’on rigole avec eux quand on a la bouche fraîche, ça leur rappelle ce qu’ils ont pas su faire ou pas pu. Les femmes, elles ont pas peur pour leur bonhomme, je suis pas un danger, alors tout le monde est content, et moi, je les regarde et, petit à petit, je les connais. La femme à Daniel, elle m’a filé un tablier blanc jusqu’aux pieds et une petite coiffe de mitron, j’ai vraiment l’air d’un garçon et comme ça, elle est tranquille elle aussi. Pas comme avec Josiane qui nichonnait toute la matinée tellement que le Daniel il devait triquer dur dur dans son fournil.
Puis, le matin après le coup de feu de 7 heures, je pars livrer les veilles personnes qui peuvent plus se déplacer, vous pouvez pas savoir le mal et le bien que ça fait. Y en a, c’est des vraies peaux de vache, elles entrouvrent à peine la porte et vous crachent qu’elles paieront à Madame Daniel, j’en ai rien à faire, ça va pour celles qui me font un sourire, qui me filent un petit cadeau de temps en temps, elles sont chouettes, même si elles vont bientôt partir.
Ce matin-là, j’avais entassé toutes mes livraisons, y avait personne dans la boutique, et j’ai pas entendu les portes coulisser ; quand je me suis retournée, une femme me regardait, une pierre dure. J’ai eu presque peur ; elle n’a pas parlé, seulement, elle m’a montré les flûtes et avec les doigts elle fait « deux », et je n’ai pas osé parler. Belle ? Je ne sais pas, sans doute, mais ça se voyait pas, sous son manteau noir et son chapeau, pâle, ça c’est sûr, et des yeux gris, sans expression, gris pierre, sans éclat. Elle a payé, sans rien dire, 2, 20 €, et elle s’est dirigée vers la porte ; J’ai compris pourquoi elle était fascinante ; sa démarche. Elle glissait par terre, sans remuer les épaules, seuls, les pans de son manteau flottaient un peu, et on imaginait que rien ne pourrait arrêter cette démarche.
Elle s’est arrêtée, s’est retournée vers moi « Tu es une fille, toi » et elle est partie. Mais enfin, oui, pourquoi elle a dit ça ? Bien sûr, que je suis une fille. Alors, elle l’a vu, tout de suite, sans poitrine et sans hanches, elle m’a dit que je suis une fille, peut-être que ça se respire ça.
Quand je suis partie avec mes pains, elle sortait de chez le marchand de journaux elle m’a fait un petit signe de la main, juste pour dire on se connaît, je t’ai vue. J’ai répondu, vaguement, j’avais pas trop le temps. Je sentais ses yeux dans mon dos, ouais, vous avez raison, c’est un truc de roman, je sentais rien du tout, mais j’aurais bien aimé sentir.
La tournée a été super ; les mamies étaient marrantes, le vieux maçon italien, tout tordu, sifflait, il est fort pour ça, il connaît des tas de musiques. La petite dame du sixième, qui va mourir, a même ouvert la porte, avec son gamin qui dit jamais un mot. Son mari travaille dans un supermarché et elle, elle attend.
J’ai plus pensé à cette drôle de femme, j’avais à faire la toilette à Odette ; ça nous a pris comme ça, un jour que l’infirmière pouvait pas passer je sais pas pourquoi. Odette m’a dit « Ça te gêne pas de m’aider à me laver ? » et on y est allées. C’était bizarre, pas tellement de la voir à poil, mais de la voir sans défense. Elle était toute rouge en me demandant de lui faire la petite toilette, vous savez, entre les jambes et les fesses, mais j’ai fait comme pour moi, sans trop regarder, quand même, ça m’a remuée cette jolie chair rose et brune.
On a pris l’habitude, l’infirmière m’a appris des petits trucs et je me débrouillais bien au bout de quelques jours. Et même ça me plaisait de la tripoter, de la bouger, de la changer parce qu’elle était des fois longtemps seule et elle pouvait pas se suffire pour le bassin, forcément elle pissait dans une couche et ça la rendait folle, du coup, le soir je la changeais et je la lavais. On se forçait à rire. Elle avait peur de dégoûter son bonhomme en plus de pas pouvoir le satisfaire, mais je comprenais pas trop pourquoi, je trouvais ça mignon de la voir comme une petite fille. Seulement, elle était une vraie femme et son bonhomme, elle voulait pas le lâcher, elle faisait ce qu’elle pouvait et ça devait pas lui suffire, à lui comme à elle. Donc, des fois, j’avais droit à nettoyer les dégâts, elle préférait avec moi, elle voulait pas que l’infirmière lui fasse des remarques. Une fois, je la sentais nerveuse, elle arrêtait pas de me dire « Excuse-moi », je voyais pas pourquoi jusqu’à ce que je la découvre ; elle était brillante et toute ouverte, avec son bouton qui dépassait, j’osais pas trop toucher, même avec le gant. Je suis pas une experte, mais enfin, je sais comment on est faites, les femmes et, des fois, ma main se ballade toute seule.
Je me suis dit qu’il fallait faire comme si y avait rien, mais elle était tellement crispée que j’y suis allée tout doucement et c’était une erreur. Elle s’est tendue, les dents serrées, puis la bouche grand ouverte, elle a fermé les yeux et elle a joui, enfin, j’imagine… Après elle pleurait presque, rouge comme un soutien-gorge de gitane. On s’est pas trop attardées parce que finalement, j’étais contente pour elle.
Un matin, la femme de pierre est revenue, avec un presque sourire :
Non, c’était pas comme ça :
Vous ? À moi ? pas possible, je montais dans l’échelle sociale, même le facteur me disait « tu » et ne parlons pas de la pétasse de l’OPAC.
Je voyais pas le rapport.
C’était la première fois que j’entendais ça et ça ne ressemblait à rien de ce que je connaissais. Oui, bien sûr, j’étais d’accord.
J’ai donné mon adresse, y avait pas de raison. Quand elle a sonné, j’ai fait rigoler tout le monde en disant qu’une copine venait me chercher et, le temps qu’ils finissent de se marrer, j’étais déjà dans l’escalier.
Ils étaient pas inquiets, je faisais jamais de bêtises, et je rentrais toujours.
Je ne m’étais pas spécialement habillée, rien du tout, j’avais seulement pris une douche pour pas sentir le travail de la journée.
Elle était en jeans, avec un blouson et une casquette. J’ai vu que ses cheveux étaient noirs, c’est joli, les miens, c’est meule de paille, c’est ma belle-mère qui dit ça, des meules de paille j’en ai jamais vu.
On a pris sa voiture et on a roulé, sans trop parler, je savais pas quoi lui dire. Ça a commencé petit à petit, elle parlait à voix basse, à mesure qu’on roulait vers la ville, on a pris les bords du fleuve et on s’est arrêtées dans un bistro avec une terrasse sur l’eau, c’était bien. J’ai pris un Coca, bien sûr. Elle me demandait des tas de choses sur moi, mon travail, mon école, là, j’étais coincée, mais aussi sur moi, si j’aimais le rap, la techno. Ça l’amusait que je m’en foute. Aujourd’hui, je sais qu’elle faisait le tour de moi, qu’elle vérifiait mes attaches, mes liens avec la cité.
Elle a bien aimé que je rende service à Odette mais bien sûr, j’ai rien dit de ses petits accidents humides. Comme ça, insensiblement, on a parlé filles, je me laissais aller à dire ma petite vie à l’horizon de mes immeubles, des quelques sorties au cinéma, et du parc d’attractions, une fois, avec l’école, c’était pas hier.
Elle riait, et elle changeait à ce moment-là, comme une grande sœur. Elle m’avait invitée parce qu’elle me trouvait sympa, pas ordinaire et elle a voulu me montrer son appartement. Seulement, il fallait que je rentre, ça l’a surprise. On s’est fait la bise dans la voiture et j’ai senti ses lèvres chaudes juste au coin des miennes.
Rien de plus, on était passées au « tu » ce n’était pas celui de l’habitude, mais de la connaissance ; j’étais assez fière. Je me suis fait un peu charrier par mon père, mais bon, pas trop.
J’ai fini la semaine sur les chapeaux de roue ; j’arrêtais pas, du travail partout. Odette me retenait beaucoup, on était en confiance, son mec était gentil finalement, il me refilait des billets de 20 €, et comme ça, il avait la paix. Odette avait pris l’habitude de moi, elle allait mieux, pouvait commencer à se remuer, mais j’avais l’impression qu’elle se laissait un peu dorloter. Ça me faisait plaisir, elle n’avait plus honte d’elle-même et, à mesure qu’elle se remuait mieux, presque suffisante, elle me sollicitait.
Mais ce samedi, il était à moi. À partir de 14 heures, j’étais en bas de l’immeuble, coiffée ben à plat, toute propre, piqué un peu d’eau de toilette à ma grande sœur.
J’ai reconnu la voiture de loin, un petit coupé Peugeot, sympa, je ne fais pas de fixation sur les voitures, mais enfin, se laisser rouler dans du cuir avec de la musique, c’est bien. Elle avait mis une drôle de musique, celle qu’on zappe quand par malheur on tombe dessus, mais en insistant, je trouvais ça pas mal, un peu trop varié, et pas assez fort.
Quand on commencé à bavarder, on se dirigeait vers la campagne :
J’aurais préféré qu’on aille écouter un groupe.
Elle était bien fringuée, et je la détaillais mieux, bien faite aussi, pas la dondon, et surtout, elle sentait bon.
Là, j’ai commencé à me poser des questions, comme ça, un petit doute, des fois qu’elle voudrait m’enlever pour me vendre, rigolez pas, ça arrive.
Brusquement, j’ai eu devant les yeux le ventre d’Odette, qui m’avait donné des sensations bizarres. Il faut bien reconnaître, oui, de voir la minette d’une fille, à moi aussi ça pouvait me plaire. Alors, je lui plaisais comme ça ?
Au fait, je ne savais pas son prénom ; Régine, c’est joli.
Et, sans transition, comme je rêvassais, j’ai senti sa main, sur la cuisse, légère, sans insister. Je ne savais pas trop quoi faire, j’avais pas envie de l’enlever, mais en même temps, je voyais bien que j’étais enfermée dans un gros piège.
Sa main est venue sur mon épaule, puis sur ma nuque et elle a caressé mes cheveux, mes épis. Elle est redescendue le long de mon bras, jusqu’à a main qu’elle a prise et qu’elle a posée sur sa propre cuisse. Je crois bien que j’avais la trouille. Ça n’avait rien à voir avec Odette, rien non plus avec mon propre corps.
Elle a arrêté la voiture doucement, et s’est tournée vers moi en repliant les jambes sur son siège si bien que sa jupe est remontée haut sur ses cuisses.
C’est par le visage qu’elle a commencé, personne ne m’avait jamais touché le front, les yeux comme ça.
Petit à petit, elle m’enveloppait dans un frôlement soyeux et j’ai fermé les yeux, qu’est ce que c’est bon de se faire frôler comme ça, comme un vent du soir quand il a fait chaud dans la journée.
Je restais les bras le long du corps, sans bouger, je ne sais même pas si j’attendais ni ce que j’attendais, mais c’est sûr que ça n’allai pas durer des heures, pas possible. Je sentais une drôle de boule qui se formait dans mon estomac je n’avais plus du tout envie de rigoler ou de lâcher des vannes.
Et sa bouche s’est collée contre mon oreille, sa langue est venue dans mon oreille, autour de mon oreille derrière mon oreille.
Et sa langue est venue au coin de mes lèvres. J’ai jamais embrassé personne, surtout là. Des fois, ma belle-mère, vite.
Elle forçait la commissure, sans violence, elle rampait à l’intérieur de moi pendant que ses mains prenaient possession de mes cuisses.
Et ça a basculé au propre et au figuré, j’ai basculé sur elle et tout s’est brouillé dans ma tête. Ses lèvres collées sur les miennes, je n’ai pas résisté du tout quand sa langue léché la mienne, léché mes lèvres, et j’ai remué la mienne, juste pour savoir où j’allais. Je connaissais le mot de gouine, c’était du mépris chez les casseurs de la cité, pour désigner une fille qui voulait pas, avant qu’elle se fasse frapper ou qu’elle finisse par accepter, mentalement violée.
Tout ça, je ne me le disais pas clairement, ça tourbillonnait, en frappant mes tempes, je sais pas si elle embrassait bien, je sais seulement que c’était bon, très bon, et mes bras sont venus autour de son cou sans que je les commande. Le baiser a duré longtemps, elle sur moi, moi sur elle, sans prendre de répit avec des drôles de gargouillis du côté de ma culotte.
Quand on s’est décollées, j’ai pas osé la regarder, je me sentais toute petite, plus rien à voir avec la gonzesse du quartier. Même pas les yeux, je levais.
Elle m’aurait dit qu’on allait se jeter à l’eau que j’aurais peut-être pas réagi. Je me suis laissée conduire, elle a commandé pour moi, je flottais. On m’avait embrasée, embrassée, embarrassée, débarrassée.
Allez répondre à ça. Oui, ça m’embêtait mais en même temps j’n’arrivais plus à savoir ce que je souhaitais vraiment parce que je me trouvais moche. Des gens, à l’auberge nous avaient regardés, je crois, mais je ne m’étais rendue compte de rien.
Par contre, je me souviens de la serveuse une grande blonde qui me regardait d’un air offensé. Pourquoi ?
Chez elle, c’était trop pour moi, impossible de décrire. De la lumière, des couleurs, des espaces plats et des tableaux.
Pas la peine d’insister, j’avais compris depuis longtemps que j’étais coincée, du coup, quand elle a commencé à défaire ma chemise, je n’ai pas réagi. Ma poitrine de garçon a enflammé ses yeux comme j’ai rougi de honte en découvrant ses jolis seins bien ronds.
Quand elle a baissé ma culotte, j’ai surtout pas regardé, valait mieux pas, c’était blanc, et tout taché au fond. Elle était contente. Par contre, son slip, je l’ai dévoré des yeux, un vrai truc de vitrine. Et on était nues.
Après, ça se fond dans un nuage, ses baisers, les miens, la découverte de son sexe, la rencontre de sa bouche avec ma vulve, les cris de plaisir, son doigt discret à l’entrée de mon vagin, son doigt tout dur et souple, elle ne m’a pas traitée comme une novice.
J’ai eu du plaisir à ne plus en pouvoir, j’ai avalé d’elle tout ce qui en sortait, j’ai tété comme une enfant, et j’ai joui comme une femme.
Je ne sais pas combien de fois nos corps se sont soudés, c’était bon de sentir ses seins sur ma peau, j’en avais par elle. Je n’ai pas commencé ma vie de femme par des petits léchouillis et des humeurs refoulées ; du premier coup, ça a été une tempête.
Quand j’ai senti sa langue entre mes fesses, j’ai cru à une erreur, les filles c’est fait pour être trouées, pas pour être réparées, surtout là, et pourtant, elle l’a fait, toute en vibrations, pendant qu’elle flatte en longues paumées ma fente vierge. Oh dis, oui, elle me lèche le derrière. Il n’y a plus de raison de s’arrêter, je suis bien, j’ai du plaisir gelé plein les cuisses, je colle et elle m’en rajoute toujours, jusqu’à ce qu’épuisées, on se retrouve face à face.
On se parle pas, pourtant, j’ai envie qu’on me dise quelque chose, pas un mot doux, mais je suis tellement passée vite de fille à femme et encore pas tout à fait que j’aimerais une reconnaissance.
Elle se décide, c’est pas de la poésie :
J’efface Odette, c’était involontaire.
Je sens mon ventre qui réagit, comme s’il me manquait quelque chose, sa langue sans doute. Je ferme les yeux et j’ouvre les jambes pour des minutes de secousses électriques, d’odeur de son ouverture gluante, de la vue directe sur la raie des fesses, des minutes de cris et de « Oui » dits, soupirés ou criés.
Les derniers spasmes agitent mon ventre et je réalise que j’ai une envie horrible de pisser. Toute ma vie de fille à fille, je me rappellerai le plaisir mêlé à cette envie.
Je me lève vite et je cours, enfin, je crois courir, et entre mes jambes ça coule, je fais partout, des gouttes et je m’effondre sur la cuvette. Elle est là, Régine, elle me regarde, j’ai même plus honte, je suis au bord du délire érotique. Titubante, je me lève, elle m’essuie avec un gant mouillé. Je revois Odette et son clitoris tendu.
Quand je suis arrivée chez moi, j’ai trouvé un mot sur la table :
J’appelle, j’explique que je suis chez une copine, que j’y dormirai, qu’ils se fassent pas de souci. Ma belle-mère :
C’est déjà fait.
Alors Régine et moi, on est parties, faire des courses. Pour la première fois, j’ai regardé la lingerie avec des yeux de nana. Les soutifs d’accord c’est pas pour moi, mais j’ai fait une orgie de slips et de chemises. J’ai dévalisé les rouges à lèvres et les crayons de maquillage, elle a tout voulu payer, même un petit ensemble noir avec de la dentelle en bordure puis des souliers. Je ne savais plus où j’en étais, mais surtout, j’avais envie d’être nue, de faire l’amour, de sentir sa minette.
Quand on a fini par s’endormir, tard, je ne savais même plus parler, seulement gémir.
Le dimanche matin, j’ai téléphoné en demandant si je pouvais rester, ça faisait marrer Régine, ma belle-mère a un peu râlé, mon père il compte pas, mais enfin, ça a passé.
Pas la peine de répéter ce qu’on a fait, on n’a fait que ça. Puis, je me suis demandé comment j’allais faire pour rentrer à la maison, par ce que, franchement, ça devait se voir que j’avais fait l’amour comme une folle. Mais j’étais toujours vierge.
J’ai tout laissé, mes culottes, mon maquillage chez Régine qui m’a ramenée, pas tard, dans l’après-midi.
Ma belle-mère a rien dit, mais quand même, elle est venue dans ma chambre, elle m’a regardée avec une drôle de figure, puis elle s’est approchée :
J’avais rien à répondre. Elle s’est assise à côté de moi, sur le lit, ce qu’elle ne faisait jamais, on a pas l’habitude des confidences. Je sentais son souffle un peu court, mais pas de colère, juste une tension. Et les questions chuchotées :
J’avais l’impression d’être avec une étrangère, sa main serrait ma cuisse et elle était toute rouge.
Tous mes extases me dégoulinaient sur la peau, en plus d’être gouine, j’étais moche et je, m’étais fait avoir, baiser, quoi.
Je me suis déshabillée en vitesse et je me suis mise au lit. J’entendais ma belle-mère qui rigolait avec ma sœur et ma tante et mon père qui râlait, comme toujours. En m’endormant, j’ai passé ma main sur mon ventre, souple, chaud, mon refuge.
Et la semaine a recommencé, j’avais fait un rêve, sans doute, qui avait laissé des marques de morsures et de suçons. Sur mes cuisses.
C’est quand j’ai revu Régine à la boulangerie que j’ai failli me trouver mal. Elle était redevenue de pierre. Je n’osais pas lever les yeux sur elle, mais ça bouillonnait en moi. En payant, elle a soufflé ; « Tu ne veux plus ? » « J’ai pas le temps, et je peux pas parler » « Ce soir, à 8 heures, à l’arrêt de l’autobus de la Rue des Œillets. Tu parles des œillets, foutre des noms pareils à des alignements de béton.
La journée a été un enfer, je faisais tout de travers, je me suis fait engueuler, Odette était pleine de pisse jusqu’à la taille, elle était tombée de son fauteuil et elle pouvait plus remuer sa jambe, ma belle-mère a piqué une crise contre ma sœur qui veut encore quitter son copain, contre mon père qui avait un coup dans l’aile, bref, le cauchemar.
Le soir, je me suis échappée sous le regard noir de ma belle-mère « Méfie-toi, j’veux pas d’histoire de gouine à la maison. Tu fais ce qu’tu veux de ton cul, mais tu me fais pas d’ennuis. »
On s’est assises dans l’abri bus, loin l’une de l’autre.
J’étais assommée, pas le chagrin d’amour, non, la déchirure de mon corps abandonné.
Tout changeait trop vite, le blanc, le noir, le rouge, le bleu. J’ai balbutié et j’ai rentré la tête dans les épaules. J’entendais la voix calme de Régine « Madame, ce n’est pas un drame, elle sera pas enceinte, elle sera pas battue, et elle pourra travailler. » « Non, je ne viendrai jamais chez vous, je vous le jure. »… « Mais bien sûr que vous la verrez, je ne suis pas un monstre »… « Pourquoi je fais ça ? Parce que je suis lesbienne, que votre fille me plaît et que j’ai envie de vivre avec elle une histoire. »… « Écoutez, de toute façon, elle a pas de diplôme, pas de boulot fixe, avec moi, elle trouvera toujours mieux. »… « Ce que je lui trouve ? Mais c’est mon affaire »
Et voilà, il n’y a plus grand-chose de la gamine délurée, indépendante. On me cède et j’accepte, sans savoir rien d’autre que mon corps réclame du plaisir, que j’ai quelque chose qu’s’est éveillé et qui ne demande qu’à me consumer.
Pourtant, au fond de moi-même, j’étais pas bien. J’étais d’accord pour tout, explorer le corps d’une fille qui explore le mien, c’est bien, mais je ne suis pas sûre que ça me suffise. Mais comme j’étais pas trop habituée à me faire des nœuds dans le cerveau, j’ai suivi Régine. Ça a duré huit jours de lit, de folie et puis elle avait épuisé son congé, elle est partie travailler et j’ai compris que je la gênais « Ah tiens, tu es là ? »
Je suis pas idiote, j’ai ramassé trois fringues, dont mes petites culottes et je suis partie, pour le seul endroit que je connaissais ; la maison, la barre.
Tout le monde était sorti, sauf la Colette. Une statue.
Bien sûr, c’était pas l’accueil, plutôt la charge : Tu t’es pas débrouillée, ben sur tu es moche, elle t’a usée, maintenant tu ressembles plus à rien, et tu trouveras plus de boulot, tout le monde le sait que tu t’es vautrée avec une fille, on dit qu’elle t’a fait des saletés. Tu peux toujours y aller à la boulangerie, tu feras que rentrer et sortir.
Et puis, elle est devenue colère, on a changé les mots, salope, putain, ça suffisait pas. Finalement, on m’a rendu ma chambre et elle m’a bien fait sentir que c’était une grâce.
Je la sentais me renifler, comme si je m’étais roulée dans un truc pas propre.
Et toujours ça revenait, comme une insulte, non, pas comme, c’était une insulte. Je sentais à la fois le mépris et, comment dire ? la curiosité, la tentation.
Ça n’a pas duré longtemps ; j’étais perdue, j’osais pas sortir, puis un matin, j’en ai eu assez, je suis allée à la boulangerie :
J’étais ahurie, sans réfléchir, j’ai mis ma casaque et mon bonnet, et la matinée a passé. J’ai livré mon pain, les gens me demandaient de mes nouvelles, personne n’a rien dit d’autre.
Quand je suis rentrée, j’avais plutôt les nerfs en pelote.
Qu’est ce que ça venait faire tout ça ? Pourquoi ces mensonges ? Mais moi, je croyais.
Elle est devenue douce tout d’un coup.
C’était curieux, je ressentais comme quand on va sauter d’un peu haut.
Elle était tout près de moi, derrière moi, elle me parlait à l’oreille, je sentais le bout de ses seins dans mon dos et ça me reprenait. Elle passait ses doigts sur ma nuque, dans l’encolure de mon t-shirt en se reculant un peu, puis ses mains sous mes aisselles en serrant les épaules.
C’était un discours de l’autre monde, je l’entendais souffler sur ma nuque, se rapprocher, coller ses mains sur mes fesses, entourer ma taille, me mordre les oreilles.
Ça tournait dans ma tête, mais dans mon ventre ça bouillonnait, de peur et de, comment dire, d’impatience.
Elle passe les mains devant sur ma poitrine puis elle descend, défait le premier bouton de mon jeans.
J’ai baissé mon jeans « Dis donc, elle dit pas non » et retiré mon t-shirt. J’étais là en culotte.
Je l’ai déshabillée, pièce par pièce mais ça a pas fait grand-chose, sous la blouse elle avait juste un petit slip. C’était pas une beauté de magazine et elle avait des kilos en trop, mais c’était excitant, ce corps de grande femme, un peu gras.
Elle a juste écarté les jambes et je me suis mise à genoux devant elle. Ça me rendait folle, cette odeur de femme, comme ça, sans caresse, juste sa minette devant mes yeux.
Je lui ai fait l’amour, elle a joui presque tout de suite et elle m’a fait de la pluie sur la figure. Après seulement, on s’est allongées et elle en voulait encore. Je lui ai fait tout ce qu’elle voulait mais elle, elle donnait rien. Alors, je lui ai montré ma vulve en me mettant sur elle, mais ça avait pas l’air de tellement la brancher ; elle m’a fait juste quelques bisous et elle m’a un peu mis la langue, sans me faire jouir.
Au bout d’un moment, elle a poussé ma tête vers son ventre « Encore, puis mets-moi les doigts » J’ai fait ce qu’elle voulait, et on s’est levées, elle était toute contente, moi, j’avais le feu au ventre. Pendant qu’elle était aux toilettes, je me suis vite branlée, c’est venu tout d’un coup, j’avais les doigts qui sentaient sa minette.
Et ça s’est installé, tranquillement. Je la baisais, elle se faisait baiser et de temps en temps elle me suçait. Petit à petit, elle devenait plus autoritaire, y avait plus de bisous dans le cou. Quand on se trouvait ensemble à la maison, souvent, elle enlevait son slip et elle disait juste « Suce-moi, je le dirai à personne ». Et ça la faisait rire.
Je voyais toujours Odette qui allait mieux mais j’avais rien à lui dire, parce qu’il fallait rien dire.
Et c’est comme ça que, lundi, comme je travaillais pas, je suis restée à la maison et vers deux heures, ça a sonné à la porte. Une copine à Colette, elles ont discuté, j’écoutais pas jusqu’à ce que Colette appelle :
Sylvie, on dirait toujours qu’elle sort d’un baston les cheveux en bataille, le chemisier qui sort, le string qui passe sur le jeans et les compensées qui la font trébucher.
Elle me regardait comme un morceau de viande en riant bêtement.
Ça me faisait froid de partout ; elle se servait de moi. C’est vrai qu’elle ne me manifestait pas grand-chose, mais enfin, des fois, elle était douce, on dormait un peu ensemble, je lui faisais sa toilette intime, j’étais quand même bien. Mais là, c’était juste un « truc entre copines ».
Pour pas faire d’histoires, j’ai pas protesté, je suis pas partie, comme une machine j’ai baissé la culotte à Sylvie ; elles m’ont pas demandé de me déshabiller. J’ai mis mes doigts là où elle voulait, puis ma langue, elle a un gros clitoris et ça a été facile de la faire jouir. Puis je sais pas, une sorte de colère. Je lui ai mis tous les doigts, elle bavait fort et j’ai poussé comme une folle. J’ai des petites mains, c’est vite rentré, elle criait des « Oh » et des « Oui » et elle s’est envoyée en l’air, les yeux exorbités.
Colette me regardait comme si j’étais un serpent :
Elle avait pas compris que c’était de la colère, alors j’ai attrapé ce qui me tombait sous la main et je lui en ai envoyé un coup dans le ventre. Pas de chance, c’était le couteau pour éplucher les légumes.
C’est tout, Madame la commissaire.
Je suis bien contente que ça ne soit pas grave pour Colette, mais il faut me comprendre, c’est vrai que j’aime les filles, mais pourquoi elles me disent jamais que je suis gentille, seulement une fois, pour m’avoir et me jeter après. Vous dites que le boulanger se porte caution pour moi ? Qu’il va m’employer à plein temps ? Ben, vous voyez, y a quand même des braves gens sur la zone.