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Temps de lecture estimé : 21 mn
19/07/09
Résumé:  La jeune fille moche poursuit sa route au féminin.
Critères:  ff fplusag cunnilingu portrait -fhomo
Auteur : Ortrud      Envoi mini-message

Série : La madone des cités

Chapitre 02 / 02
L'âge adulte de la madone

Résumé de la première partie : Dominique, une fille pas jolie, découvre, par petites touches, que dans le monde hostile qui l’entoure, il y a des niches de plaisir ; la fréquentation des femmes. Elle s’y attache, fait des expériences, tendres ou passionnées, souvent décevantes. Elle se réalise en travaillant chez un boulanger un peu rugueux mais se fait rattraper par l’idée selon laquelle une fille qui couche avec d’autres filles appartient à toutes les femmes. Sa belle-mère couche avec elle, la prête à une copine, exige d’elle des services sexuels, provoque sa colère. Dominique la blesse. Emmenée par la police, elle est cautionnée par le boulanger et sa femme et, dans sa conversation avec la commissaire de police, elle conclut qu’il y a des braves gens partout.


On en est là.



La procureur m’a dit que je passerai en comparution immédiate, et là, je fais quoi ?

Je pourrais vous raconter tout ce qui s’est passé, la garde à vue, l’envie de faire pipi, les odeurs, la faim, rien oser dire, regarder les habitués qui gueulent comme des veaux, ne rien comprendre surtout. Et puis, en laisse, d’un juge à l’autre, aux discours que je ne comprenais pas toujours. Les policiers, toujours un peu émoustillés « paraît que c’est une gouine ». La gardienne à l’œil vaguement méprisant qui regarde ce petit machin pas beau qui, en plus, fricote avec des meufs. Cette autre gardienne, perplexe, un peu émue qui essaie de vous faire passer un message, mais lequel ? je ne sais toujours pas. La nuit en prison, dans la même cellule qu’une vieille routière de la justice des hommes qui s’en contrefiche, vole, escroque, se shoote au Subutex et n’a jamais les deux yeux qui regardent dans le même sens. Gentille, enfin, pour une nuit, on peut se forcer. Je lui donnerais pas ma montre à garder.


Il faut alors en prendre son parti : on marche, les mains entravées, de bureau en bureau, on entend dix fois la même chose, en se demandant si on n’a pas tué le pape.


Et au bout, rien, comme si la machine avait tourné à vide, un jugement, une peine trois mois de prison avec sursis, mise à l’épreuve deux ans, interdiction d’approcher la victime, obligation de travail. J’ai pas eu conscience de ce qui se passait, mais beaucoup de monde a tourné autour de moi ; des dossiers au pas de charge, des robes qui tourbillonnent, des policiers qui traînaillent, une assistante, de quoi ? je sais pas, des juges, enfin, je fais vedette.


Après le jugement, le soir même, j’ai dormi chez Angèle, la boulangère qui tenait sa promesse de m’aider à refaire surface. En un jour, il s’est écoulé un siècle.


Après, tout le monde a oublié, j’ai juste gardé un article sur « la madone des cités » à la rubrique judiciaire. J’ai vu le contrôleur judiciaire, beaucoup, puis un peu, puis plus du tout, il s’en foutait, « oui, oui, bon, bon, ça va comme ça, continuez. » Et il me refilait à une assistante, très nunuche. Et gna gna gna, et gna gna gna. Personne n’était méchant, je suis sûre qu’au fond, ça les intéressait, mais un peu, pas plus.


Je ne rencontrais personne, de temps en temps, ma main allait à la rencontre de ma vulve et elles bavardaient entre elles.


Un soir, devant la boulangerie, en sortant, il y avait l’assistante, pas jeune, avec des yeux très verts et un visage triste, elle ne regardait personne, sauf moi.



Ça ne me disait rien, j’en voulais plus, des gens qui vous tournent autour qui pensent à votre place. Je le lui ai dit.



Et je l’ai suivie, pour sortir un peu de la boulangerie, pour regarder dehors. Elle habitait une petite maison drôlement accrochée au flanc de la colline et dès qu’on est arrivées, j’ai remarqué, la table mise, les assiettes de couleur, les verres brillants. Ça sentait bon, un truc bizarre, de la cire, il paraît. Elle avait de vieux meubles, tout brillants et des cuivres partout.


On a parlé, de moi, d’elle, elle s’est rapprochée, pas trop, mais quand même. Je savais bien ce qu’elle voulait, j’avais compris mais je me demandais comment elle s’y prendrait. On a bu, un peu, pas grand’ chose, sans beaucoup d’alcool, moins que dans les mix. J’étais bien, alors elle s’est penchée et m’a fait un petit bisou sur l’oreille. Je ne connaissais pas ça, enfin, j’avais jamais essayé parce que jusqu’à présent, c’était juste ma chair qui avait parlé.


Un jour, j’ai regardé un DVD porno chez mes vieux ; les filles étaient magnifiques mais elles avaient un air tarte pas possible, surtout en regardant l’objectif, on dirait des clowns pas drôles qui font de l’œil pour essayer de faire croire que c’est drôle. Ça m’avait juste un peu, comment dire ? remuée, mais pas à sauter au plafond. On pensait plutôt à un sport.


Là, je me sentais au contraire engourdie, toute abandonnée et quand elle a collé sa joue contre la mienne, j’ai senti comme de la crème, une peau douce, mais douce, et un peu molle.


J’étais plus une oie blanche, les filles, je connais et bon, même si ça m’avait fait des gros plaisirs je peux pas dire que je sois tombée amoureuse. C’était que des plans cul. Alors, un de plus, un de moins, basta.


Dans la chambre, elle m’a déshabillée en même temps qu’elle se déshabillait. Elle avait les mêmes dessous que moi, coton et fleurettes. Quand on a été nues, j’ai remarqué ses seins qui s’allongeaient, son ventre rond, ses poils, de la cellulite sur les hanches, des vergetures, mais bon, dans l’ensemble, plutôt bien. J’étais comme anesthésiée. Voilà que ça recommençait, et je me laissais faire. J’ai senti une chemise de nuit qui glissait sur mes épaules, j’étais fatiguée.

Quand je me suis réveillée, très tôt, l’habitude, elle dormait et je l’ai détaillée. Je n’avais pas fait attention, son visage avait quelque chose de résigné, et pourtant elle avait pas hésité à me mettre à poil. Je me suis rapprochée doucement, pour m’arrondir dans son giron et son bras est venu entourer mes épaules. Des baisers ont parcouru mon cou, mes cheveux, mes joues, une langue est rentrée dans mon oreille, et une main est descendue vers ma poitrine, en froissant la chemise de nuit. Je me laissais faire, avec des vibrations dans mon ventre. Quand la main a atteint la fourche de mes jambes, je les ai un peu desserrées et elle est venue, hésitante, s’emparer de moi.



On a glissé l’une vers l’autre pour se dévorer la bouche ; elle avait des lèvres molles et charnues à la fois. Elle m’a attirée sur elle, je m’écrasais sur sa poitrine en l’embrassant, j’avais envie de ses seins lourds et affaissés, je m’y suis attachée en les aspirant, les mordant, les léchant du bout de la langue, je me suis repue de cette chair abondante et chaude de la nuit, impossible de reculer maintenant, j’étais de nouveau soumise à mon désir, à ma passivité et j’avais sous moi une réponse dans cette femme qui secouait la tête en murmurant des « oui » à peine audibles. Sa peau c’était une pâtisserie, de la crème anglaise. Quand j’ai atteint sa minette, elle était déjà inondée et j’ai lapé là-dedans sans me presser. Elle sentait la nuit, la chaleur, la femme lavée de la veille, ça me plaisait, et je me rendais compte que j’aimais la femme, pour la première fois. Pas une femme, mais tout ce qui appartient à la femme. Je n’ai pas besoin d’un corps parfait, de seins de cinéma, de shorts ultra courts, de strings et toutes ces conneries pour ceux qui ont besoin d’un camion pour charger un frigo.


J’aimais ce corps un peu affaissé, tout plein de défauts, et j’ai suivi un long moment un pli de graisse qui partait de la taille pour descendre vers le bas-ventre, en s’arrêtant après l’aine, un ruisseau de salive. Elle restait silencieuse, je sentais seulement sa peau qui frémissait, des petites secousses qui animaient son bassin et, de temps en temps, un petit gargouillis de sa fente qui lâchait des gouttes. Je lui ai bien relevé les jambes pour lui lécher le petit trou, elle s’agitait, n’osait pas parler, mais je comprenais les effets de mon léchage : elle en revenait pas de voir tant de science chez une mal fagotée de mon genre.


Puis, je me suis arrêtée pour me serrer contre elle pendant qu’elle caressait mes fesses.



C’te blague.



Et je l’ai baisée, avec passion, je me suis régalée de la monter au ciel, je lui ai même mis un doigt dans le derrière. Elle a joui, très fort, avec des houles dans ses hanches fortes et ses mains crispées sur mes épaules. J’étais plutôt contente de moi.


Elle m’a allongée, contre elle, tout doucement, en lissant mon ventre de fillette, vu que j’ai des poils tellement blonds qu’on les voit presque pas. Elle m’a prise depuis les doigts de pied, en passant sa langue partout, tout le corps, en me retournant quand elle voulait goûter mes fesses, là, j’ai vraiment compris ce que c’était qu’une femme qui aime les femmes, pas seulement leur cul. Quand on voit une lesb’ dans un film, elle est toujours excentrique, la figure avec des pommettes bien saillantes, journaliste, flic ou avocate, et en général, un corps de rêve. C’est tellement vrai que tous ceux qui écrivent des romans sur le sujet balancent des nanas incroyables. Mathilde, l’assistante, c’est une femme, un peu nunuche, pas terrible, qui porte des culottes en coton et qui a des poils sous les bras, mais elle est vraie, bien là, un peu tanquée, un peu grasse, mais avec elle on a pas l’impression d’avoir une statue à la maison.


Un jour, je suis allée dans un bar à filles, entre nous, y en avait pas beaucoup qui auraient pu décrocher un emploi chez de Fontenay. D’abord, elles étaient en général pas très jeunes, et puis y avait des moches, comme moi. Des avec un blouson en cuir, des avec des cheveux rouges et des qui vous regardent, la clope au bec, en renversant la tête pour que la fumée leur brûle pas l’œil et quand elles vous parlent, vous sentez plus que ça, la clope. Mais c’était pas gênant, c’était des femmes, moi, c’est là que je suis bien. Y en a même une qui m’a mis la main aux fesses, et je lui ai tiré une baffe, normal, non ? Ce qui me sauve, c’est que j’ai l’air d’une gamine, ça les attendrit et en même temps ça les excite, elles sont comme tout le monde, quand on se sent plein on est attiré par ce qui est vide.


Mais là, Mathilde, au lit, c’était fabuleux. Ma fente, elle l’a prise à pleine langue, à plat, comme on lèche une glace, puis du bout, un petit bout dur comme un bout de doigt, et là, j’ai tout oublié, j’ai laissé voguer mon corps, entre les vagues, j’ai tout abandonné, mes petits tétons tout dressés, la chair de poule partout, et je suis passée de l’attente à l’envie, de l’envie, à la folie et de la folie au calme. Pour la première fois, j’étais calme après l’amour.


Il a bien fallu se lever, faire sa toilette, j’ai fermé la porte aussi pour aller aux WC parce que pisser quand on baise, c’est une chose, mais juste pour se soulager, ça fait pas érotique.


On a déjeuné en silence, elle me jetait des petits regards par-dessus ses tartines et je savais pas quoi lui dire. De toute façon, il fallait partir, aller travailler, déjà que j’étais en retard. Quand on est montées en voiture, je voyais bien qu’elle avait envie de dire quelque chose, mais j’étais incapable de l’aider.



Angèle n’a rien dit, mais elle rigolait qu’à moitié. À dix heures, à la pause, avant ma tournée, elle m’a attrapée.



Je me suis mise à rire, et j’ai pas eu besoin de parler, ça l’a fait rougir.



C’était fréquent, on rigolait toujours comme ça, avec un peu de rouge aux joues quand même. Je me demandais toujours si c’était du lard ou du cochon, parce que de toute façon, j’avais jamais pensé à tripoter Angèle, c’était pas de ce monde-là, et puis, elle faisait beaucoup pour moi, je travaillais dur, et bien. Alain, son mari, commençait à me faire faire la boulange et m’avait inscrite à l’apprentissage. J’allais pas mettre la pagaïe dans le ménage. Ça n’empêche qu’elle était drôlement bien, Angèle.



Angèle a les lèvres pincées, un petit air damotte. Aïe, ça coince.



Là, je la vois de profil, un beau profil d’ailleurs ; c’est une catalane, elle a la peau sombre, des cheveux en boucles épaisses, elle serre les lèvres et se détourne.



Ma parole, on me fait la cour, et l’autre avec ses boucles de gitane qui tourne pas les yeux vers moi. Mais c’est formidable, on me tourne autour.



Angèle se retourne d’un bloc.



Ouh là là, je me sens pousser des ailes. C’est pas vrai, Angèle ? Mais Alain, alors ? On verra bien, j’ai vingt ans, je suis pas belle et j’ai deux nanas pour se chipoter.



Samedi et Dimanche, dans la boulange c’est le coup de feu permanent, les commandes, les gâteaux les vieilles dames qui mettent une heure à choisir deux petits fours, les randonneurs très tôt le matin, les sandwiches, les croissants, les bonnes femmes toutes fumantes du coup qu’elles ont tiré dans la nuit avec leur régulier, les gamines qui essaient de vous piquer les malabars et Angèle qui me houspille, jamais le mitron, non toujours moi « Dominique, ça vient oui ? Tu dors ou quoi ? Et la crème, pourquoi tu l’a pas mise dans la jatte ? mais ma fille tu as du foin dans les yeux. Dépêche-toi, Madame Dumont attend sa commande. »

Et quand elle s’avance dans le fournil, allez, une claque sur les fesses.

C’est pas de la méchanceté, mais dans les métiers de bouche, si on crie pas, ça marche pas, allez le faire comprendre aux fonctionnaires, ça. On marche que si ça crie, tous, patrons et ouvriers. Après, quand j’ai été en cuisine, j’étais vachement bien quand on gueulait « oui, cheeeef ». Le jour où on sera tous des braves gens bien polis, on s’emmerdera.


Quand je suis partie pour mon rancart avec Mathilde, j’étais un peu crevée, j’aurais préféré dormir, alors la pauvre, franchement, elle a été volée, j’avais les yeux qui se fermaient. Elle a pas insisté, elle était gentille, on s’est couchées et j’ai dormi comme une souche, sans même la peloter, rien. Le lendemain matin, elle était partie en me laissant un petit mot comme quoi elle comprenait, qu’elle m’en voulait pas, mais qu’elle était trop vieille pour moi et qu’elle m’embrassait très fort. J’étais tellement bête que j’ai pris ça comme si c’était normal. Ça m’embêtait un peu parce qu’elle baisait bien, et elle avait bon goût, mais j’avais pas envie de l’aimer.


Après, ça a été la vie, j’ai couché avec Angèle, ça s’est fait tout simplement : un jour qu’on était seules, son mari était parti à la chasse, c’était au mois d’octobre. Il pleuvait, j’étais dans ma chambre et elle est venue, en déshabillé, sans rien dire, elle s’est assise sur mon lit et on s’est embrassées. On a pas fait d’histoires, elle était toute nue sous son peignoir et j’avais juste un pyjama, ça a pas été difficile. On en avait envie toutes les deux, on a fait l’amour tout l’après-midi, sans rien se promettre, sans trop se parler, je crois qu’elle s’est rassasiée de ses envies de femme. En me léchant, elle répétait sans arrêt « c’est bon, c’est trop bon », puis voilà, de temps en temps, on se broutait un peu mais presque en copines. Moi, je pensais que vu ses piques elle était amoureuse, mais non, elle voulait seulement qu’on s’amuse ensemble, elle voulait savoir ce que c’était une femme avec une autre femme, ça la travaillait. Je la vois de temps en temps, elle a eu trois enfants, elle est bientôt grand-mère, ça a marché pour elle.


Quand j’ai eu mon CAP de boulanger, y avait pas beaucoup de femmes à l’époque, je suis partie travailler dans un hôtel à Cannes, j’ai appris la pâtisserie avec une fille extra, belle comme le jour et saine, sportive, intelligente, et pas gouine pour deux sous. Elle m’a pas donné de plaisir mais de mes mains, elle a fait des trésors. Et puis voilà, maintenant, je suis à mon compte, j’ai cinquante ans, je baise ma commise qui en a 25, en ménage avec un flemmard, elle préfère de beaucoup baisser sa petite culotte avec moi. Et puis aujourd’hui, on est plus tranquilles ; tout le monde le sait que je suis lesbienne et y a même des petites clientes qui aiment bien se faire faire une petite langue, jupe levée, culotte baissée, dans l’arrière-boutique.

Je suis toujours pas jolie, un peu moins maigre, pas plus de poitrine, mais je suis toujours propre comme un sou neuf. Et ça, ça leur plaît aux petites bonnes femmes, comme quand j’avais vingt ans. Quand il y a du monde dans la boutique, ça papote, ça lance des petites pointes, des allusions et souvent on rougit un peu en cherchant la monnaie.


Les hommes sont gentils, parce que ce ne sont que des copains. Il y a un couple rigolo qui habite le quartier, Agnès, ravissante, pleine, intelligente, bien faite et Victor, son compagnon, un grand diable qui aime le bateau, il a un beau barlu à Palavas. C’est vrai qu’Agnès, je l’ai eue un après-midi dans mon lit, vous imaginez pas ce que c’était de la déshabiller ; elle était rouge de confusion, et toute impatiente. On a fait des choses toutes simples, on s’est donné du plaisir, beaucoup, jusqu’à plus en pouvoir ; je la revois toute décoiffée, avec des gouttes de transpiration et ses beaux seins tout pointus. Après, elle m’a dit quelque chose de chouette :



Quand ils viennent à la pâtisserie, il me fait la bise et puis, il attend sur le trottoir, des fois qu’on aurait quelque chose à se dire, entre filles. Ça arrive, d’ailleurs, s’il n’y a pas de monde, on parle des nanas, des jeunes.


Maintenant, il faudrait pas croire que je pense qu’à ça. Je vous le raconte parce que je comprends que ça vous… plaît, mais je mène ma barque aussi en travaillant beaucoup et là, plus question de penser aux petits minous.


J’ai jamais revu ma belle-mère, ni mon père, je sais pas s’ils sont encore en vie. De temps en temps, même assez souvent, Mathilde vient à la boutique, elle s’assied, on bavarde, elle a presque 70, mais ça fait rien, elle aime bien me passer la main sur les fesses, je la laisse faire, c’est de l’affection, et pourtant on n’a couché qu’une fois ensemble, mais on s’aime bien, comme ça, comme deux vieilles gouines. J’ai pas connu un seul homme, jamais, c’est par hasard que j’ai perdu mon pucelage, une fille, avec ses doigts, ça lui a fait tout drôle d’avoir du sang sur la main, elle croyait que j’avais mes règles, quand je lui ai dit, elle a failli s’évanouir. On croirait pas, un truc si important autrefois, j’y ai jamais pensé, parce que ce qui me plaisait c’était pas moi, c’était le corps des femmes. J’aime quand j’approche mon museau d’une minette, sentir sur ma langue le contact chaud de la fente en fusion, cette fente molle, qui clapote. Comment font les femmes pour aimer les hommes ? C’est incompréhensible.


Il faut pas imaginer une orgie permanente, ou des hurlements de louves en chaleur, simplement des femmes, des vraies, qui ont envie d’un moment de plaisir calme ou torride, mais toujours partagé et dans la certitude de la discrétion. Moi, je suis calme, la vie a passé sur moi, j’ai la chance de ne pas avoir de graisse et d’être soignée. Puis, les filles, je les aime vraiment ; il ne me viendrait pas à l’idée de les capturer ou de les faire souffrir ; j’ai donné, étant jeunette, je sais ce que c’est que de se faire posséder. J’ai pas envie de reproduire ce que j’ai vécu.


Alors quand une jolie fille comme Agnès vient se mettre toute nue avec moi, avec des petits regards confus et ravis à la fois, qu’elle enlève sa petite culotte avec cette inclinaison du corps vers l’avant, qu’elle fait sauter son soutien-gorge avec une légèreté de nymphe et qu’elle court sur le lit en bêtifiant un peu des « ti mi fais di plisir » et qu’on s’y roule avant de se prendre, je ne vais pas gâcher ça par de la possession ou de la violence.


Aussi, il y a les longues périodes sans sexe. Pas envie, pas d’occasion, trop de travail. Dans ces temps-là, j’aime bien me regarder. Faire couler la douche le long de moi, avec les petits ruisseaux qui se forment, les cascades sur le ventre, les gouttes accrochées dans la toison, la fente qui ne demande qu’à s’ouvrir… C’est bien d’être une fille.


Tiens, là, je pense à une nana… Adèle… une grosse cinquantaine. Ça faisait un moment que je la voyais tourner, plate et sèche et revêche. Il y avait quelque chose en elle qui me parlait, trop ou pas assez mais bien réel. On a parlé, elle aimait ça, sans rien oser, le voulait-elle ? Elle cherchait, ou elle regrettait pour toujours ? Pas facile. Je ne suis rien, je n’étais rien du tout, juste, à l’époque, une fille originale, déjà libérée. Je ne sais plus comment on a parlé ensemble, mais on en a vite pris l’habitude. Des bavardages au comptoir puis un petit rendez-vous après le travail, juste pour passer un moment. Elle était mariée, des enfants, grands, loin. Quand on a dit ça, on a presque avoué sa solitude, il ne restait plus qu’à dire des choses graves, ou à les faire. Un soir, dans un jardin public, l’ombre gagnait, je lui ai pris la main, elle ne l’a pas retirée. Je ne peux pas parler de coup de foudre ou de coup de cœur, seulement un moment d’attirance. On s’est regardées, elle, tendue et perplexe, moi, presque gênée. On était là, mains prises, sans rien dire. Je lui ai fait un bisou, sur la bouche. Elle n’a pas réagi. Encore un, lèvres ouvertes. Elle a ouvert les lèvres. Ma langue, sa langue. Une main sur sa cuisse. « On pourrait nous voir. »

Alors, à… demain, mais où ? Je vous dirai. Rien de plus étrange que cette passivité consentante, cette froideur sans cause, sans rétraction, sans élan non plus.

Il ne me restait plus qu’à l’emmener chez moi, un tout petit appartement, dans le centre historique, les prix n’étaient pas ce qu’ils sont quand je l’ai acheté.


Je ne sais plus tous les détails, je revois seulement son sourire absent en regardant mes essais modestes de décoration. Je me suis mise en infériorité, en me montrant nue, sans prévoir que c’était terriblement érotique ; nue devant une femme habillée.

Elle s’est laissée déshabiller, sans rien dire, à peine a-t-elle retenu sa jolie culotte une seconde. Plate, oui, presque. Je n’avais pas le courage de lui faire des choses tendres. Quand elle a ouvert les jambes, j’ai senti sur ma bouche quelque chose que je n’avais jamais connu ; une vulve sèche, complètement, et j’ai entendu comme un petit sanglot pendant que je dissimulais ma surprise en lui faisant tout ce que je savais faire à une femme, j’ai suivi ses cuisses minces, titillé les contours de sa fente soignée et presque rêche, sans jamais mettre les doigts, sauf pour écarter les lèvres. De mes lèvres entrouvertes j’ai dessiné tout son bas-ventre et, presque lasse, je me suis plaquée contre son sexe de toute la force de ma bouche de toute la virtuosité de ma langue, parce que j’aime le corps de femme, le corps qui me ressemble.


Elle ne me touchait pas, seulement une main dans mes cheveux, un peu comme un homme distrait qui se fait sucer. Et ça a été soudain, presque brutal ; la respiration qui s’accélère, le bassin qui ondule, une crispation des doigts sur moi et la fontaine qui jaillit tout d’un coup, une inondation de liquide et d’odeur d’algue. Pas un cri, non, un hurlement, d’un corps arqué, les fesses soulevées, les bras en croix, tous muscles tendus, et qui se prolonge en s’affaiblissant jusqu’au gémissement, comme une torture qui s’achève et ne laisse plus qu’un geignement de chairs épuisées, un gargouillis d’intimité indécente, ouverte, béante, dégoulinante de plaisir.



Comme si je n’étais pas là… Un rêve éveillé. Je la voyais d’en bas, à partir de son sexe qui m’avait inondée. Quand elle a relevé la tête pour me regarder, elle a vu l’étendue de ses abandons, hébétée. « C’est moi qui ai fait ça ? J’ai fait pipi ? »


Il a fallu lui expliquer, et j’ai compris qu’elle n’avait jamais eu de plaisir auparavant, en tout cas, pas depuis très longtemps. Je n’ai rien sollicité d’elle, ni confidence, ni confiance, même si elle me devait son premier orgasme. Bien sûr, j’aurais souhaité qu’elle s’occupe de ma vulve qui criait famine mais elle ne l’aurait pas pu, pas tout de suite. Il a fallu attendre, faire petit à petit vibrer ce corps par des attentions minuscules qui l’ont fait avancer vers le désir de faire et non plus seulement l’envie de subir. Nous nous sommes quittées, elle égarée, moi troublée, mon corps insatisfait malgré ses tentatives maladroites ; elle n’était pas lesbienne, n’aimait pas vraiment les femmes, avait seulement succombé à la tentation de la recherche du plaisir et s’est trouvée effrayée de ce qu’elle avait trouvé. C’était un échec.


Vous trouverez sans doute que la fille populaire banlieusarde des premiers récits se mue peu à peu en bas bleu, et vous ne manquerez pas de le critiquer. Ne m’en veuillez pas, j’ai vieilli entre temps, j’ai eu le temps d’écouter, d’apprendre à lire et pas à déchiffrer. J’ai aussi beaucoup appris des femmes, même si je n’en ai gardé aucune, ça a été tellement dur de sortir de l’enclave.