n° 12462 | Fiche technique | 19064 caractères | 19064 3228 Temps de lecture estimé : 13 mn |
12/04/08 |
Résumé: L'ange exterminateur pour nous faire payer nos péchés... | ||||
Critères: #roadmovie #policier #romantisme nympho bizarre exhib uro | ||||
Auteur : Maldoror |
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Tout à coup des phares blancs clignotèrent dans la nuit qui recouvrait le parking de son ombre menaçante. Je reconnus aussitôt la silhouette informe du géant dans la Mustang. Les feux qu’il avait allumés à notre attention nous faisaient de l’œil comme un tapin.
J’aidai Polly à se relever et pendant qu’elle se raclait la gorge pour recracher une dernière fois le foutre qui collait à son palais, avançai dans la direction de Billy. Ce pervers avait dû assister à nos ébats, tapi derrière le volant. Il faut dire que nous lui avions donné de quoi satisfaire sa curiosité et son instinct de voyeur.
Alors que j’arrivai à sa hauteur, il abaissa la glace côté conducteur et me désigna le coffre du pouce. Je compris aussitôt que Jason était arrivé dans le rade et qu’il était temps de mettre fin au show entamé par les filles. Je me dirigeai vers l’arrière du véhicule et en sortis trois flingues et un fusil à pompe que je pris soin de garnir de cartouches. Je balançai ensuite à Polly les deux calibres avant d’empoigner la crosse du Benelli et de fourrer le dernier Glock dans mon étui.
Et tandis que Polly harnachait son double holster, je vérifiai le contenu du magasin du Benelli. Puis la crosse en poigne, je suivis ma princesse qui, le cul à l’air, passait l’arrière-porte du Dixie. Elle emprunta le couloir des chiottes en percutant le carrelage de ses talons hauts, déterminée à je ne sais quelle prouesse, et finit par déboucher dans la salle. Malgré son accoutrement, uniquement vêtue de son tee-shirt de pornstar et de ses platform-boots blanches, le visage maculé de mon foutre encore chaud, elle passa pratiquement inaperçue. C’est que le spectacle était ailleurs. Les clients s’attardaient maintenant sur les deux lesbiennes qui baisaient à même le tapis du billard, leurs plaintes se mêlant aux riffs de guitare que diffusaient les enceintes de la sono poussée au maximum. Le chant éraillé et nerveux de Kurt Cobain me donnait des frissons, comme si notre destinée était encore plus terrible que ne l’avait été celle du chanteur.
Occupant le centre de la scène, Sal et Kelly-Ann se roulaient des pelles à n’en plus finir. C’est à peine si je les reconnus, elles semblaient deux diablesses venues faire une virée sur terre. Leur insouciance était maintenant sans égal. Chevauchant la petite Sal allongée sur le billard, Kelly-Ann plantait ses ongles dans le cuir chevelu de celle qu’elle domptait à force de jeux de langues incessants.
Je suivis alors du regard la crinière de Polly qui dévalait ses épaules, et la vis subitement dégainer les deux calibres pour cibler la sono derrière le bar.
Détonation. Une. Deux.
La chaîne stéréo explosa en un feu d’étincelles, coupant court au rock endiablé et aux encouragements des mâles surexcités, leurs bières à la main. Les halètements des créatures cessèrent eux aussi, ces dernières tournant subitement la tête dans notre direction.
Polly et moi étions désormais le centre de toutes les attentions, les clients écarquillant leurs yeux bovins à la découverte de cette nudité destructrice à qui je fourrai une blonde dans la bouche. La pression qui s’exerçait sur nos épaules était telle que j’avais l’impression que le moindre de nos gestes était passé au crible du ralenti.
Mais cela n’avait pas l’air de déranger Polly qui se tenait devant moi, bien au contraire. Recouverte de sperme, les seins en pointe moulés dans son tee-shirt et totalement nue à partir de la taille, elle s’affichait sans aucune pudeur, à la fois dominatrice et obscène. Une attitude qui confirmait les propos qu’elle m’avait tenus il y avait à peine vingt minutes. La réplique qui suivit s’inscrivait d’ailleurs dans un registre identique.
Le temps que les clients réalisent la situation, je m’approchai du billard en silence et balançai aux deux filles le fusil à pompe accompagné du dernier Glock en ma possession, à l’exception du mien.
Il n’avait pas fallu très longtemps pour qu’elles comprennent que l’heure du divertissement était arrivée à son terme, remettant leur partie de culbute à plus tard. Quelques secondes seulement après les coups de feu de Polly, Sal et Kelly-Ann avaient descellé leurs lèvres pour s’extirper de leurs étreintes. Si bien que toutes deux saisirent à la volée les armes, avant de rajuster leurs atours respectifs, Kelly-Ann son soutien-gorge de miss América et Sal sa jarretière.
Dans l’instant qui suivit, elles braquaient la foule, les bras tendus, Sal munie du Benelli et ma shérif préférée le flingue en poigne.
Face à si peu d’enthousiasme, elle désigna de l’un des canons un gras du bide en smoking au visage boursouflé, installé près du bar. Aucun doute, son nez porcin et la cruauté nichée au creux de ses orbites prouvaient que Polly avait vu juste. Ce type en costume élimé était bien Jason. Il appartenait aux dégénérés qu’avait engendrés le désert, sans savoir qu’il en était le dernier héritier. Je compris cependant pourquoi c’était lui que le vieux avait désigné pour aller au ravitaillement en ville. De ceux que nous avions rencontrés, il était sans aucun doute le moins touché par la difformité, de sorte qu’il était presque présentable.
L’homme claudiqua jusqu’à nous, suffoquant comme un bœuf à chacun de ses pas. Il était vraiment énorme, frôlant le mètre quatre-vingt-dix et les deux cents kilos. Sur le zinc qu’il venait de quitter, une Bud à peine entamée. Ça sentait le type qui venait d’arriver, ayant à peine eu le temps de se rincer le gosier d’une première gorgée.
Jason mit trois plombes à nous rejoindre sous un silence de cathédrale. Les bras levés et le teint cireux, il avait la trouille, une peur indicible s’était emparée de son cerveau pour jaillir de ses yeux en tête d’épingle. À l’instar des clients, il nous avait reconnus. C’était de bon augure, il ne tenterait rien de fâcheux. Tous savaient que Polly et moi ne faisions pas de quartier. Parfaitement détendu, j’allumai une clope en surveillant du coin de l’œil le barman, apparemment très docile. Le danger ne pouvait venir que de lui, les patrons de ce genre de bar planquant régulièrement un calibre sous leur comptoir. On était en Amérique, merde !
Et comme mon regard dérivait vers la croupe de Polly, ultra-bandante ce soir, la voix d’un fou coupa court à cet instant de plénitude.
Un ricanement. Le seul.
Personne d’autre ne rit à cette mauvaise plaisanterie.
Et elle ponctua sa dernière intonation par un mouvement de l’index lui ordonnant de la rejoindre. Pendant ce temps, j’intimai d’un signe de la tête à Sal et Kelly-Ann de s’occuper du gros tas qui ne savait plus quoi faire de sa graisse. Il dut les reconnaître à leur tour car il fut pris d’une soudaine quinte de toux au moment où la petite soubrette qu’il avait certainement tringlée lui planta le canon du Benelli dans la bouche.
Du côté de Polly, la situation avait évolué. Elle avait balancé son mégot et se tenait désormais accroupie sur ses hauts talons en face de l’homme qui jouait encore aux durs, un type au crâne luisant et aux tatouages proéminents sur le biceps. À ses pieds, une paire de santiags typique des Texans. Il faut dire qu’on n’en était pas si éloigné. En attendant, je n’osais imaginer ce que ma petite putain lui avait réservé. Les bras en croix, et un Glock dans chaque main, elle avait relevé son tee-shirt au-dessus des seins.
L’homme grinça des dents en esquissant un sourire quasi imperceptible.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne se démontait pas.
Je n’en croyais pas mes oreilles. Il était courageux, certes, mais avait-il conscience que les vers étaient déjà en train de ronger sa chair ?
Il perdit rapidement de son assurance et changea de couleur lorsqu’il s’aperçut qu’il lui faudrait aller jusqu’au bout. En une fraction de seconde, il avait perdu la maîtrise du jeu, les cartes avaient changé de main et il n’avait plus une thune. Alors il déglutit, l’œil hagard.
Une rumeur embrasa aussitôt l’assistance. Les clients chiaient maintenant dans leur froc, s’apprêtant à devenir les spectateurs de la punition d’un des leurs sans pouvoir lui venir en aide. Et pourtant quelques-uns tentèrent de jouer aux héros en faisant mine de s’avancer. Mais je coupai court à leur hésitation.
Rien de tel qu’un braqueur au bord de la rupture pour calmer les ardeurs des John Wayne. C’était ainsi que je nommai les forcenés de la morale et du bien-pensant. Ce fut d’ailleurs ce qui détermina le type aux tatouages à sortir son engin de son jean.
J’actionnai le chien. L’homme plissa les yeux et se concentra. Au bout d’une longue minute, une goutte perla à l’extrémité de son gland, avant de libérer un léger filet d’urine qui dégoulina sur le visage de Polly.
J’ignorais encore à cet instant si j’allais exécuter cet enfant de salaud. Lorsque le destin décida pour moi. Une détonation déchira le silence qui régnait à l’intérieur du bar pour percuter de plein fouet la nuque de l’homme aux tatouages. Vrillant sur ses pieds, déjà mort, il effectua un quart de tour avant de s’écrouler sur le flanc. Un flot vermeil s’écoulait maintenant de ce qu’il lui restait de crâne.
La personne responsable de ce carnage se tenait fermement campée sur ses jambes en face de l’entrée principale, un Desert Eagle en poigne. Il s’agissait d’un type de haute stature, aussi sec qu’une brindille, vêtu d’un complet couleur crème avec une rose à la boutonnière. Une gueule d’ange exterminateur. L’odeur de la gomina qui lissait ses cheveux noirs vers l’arrière était si puissante qu’elle venait titiller mes narines. Il avait l’air d’un mac sans pour autant la jouer minable. Car les macs ont toujours ce côté branleur du type prêt à se faire dessus à la moindre pression.
Putain ! On ne les avait pas vus débouler. Parce que ce tordu à dégaine de porte-flingue était accompagné. Un autre homme, tout droit sorti des seventies avec son complet noir, sa chemise orange à col pelle à tarte, et son épaisse moustache blonde nous tenait en joue. Derrière ses Ray ban, je sentais ses yeux de braise nous cibler de son pistolet automatique Uzi. Une seule rafale et tout le monde filerait ad patres, à moins d’être béni des dieux. Car ils étaient là pour une raison bien précise : tuer. Tout comme Polly et moi le faisions d’ordinaire, ils nous considéraient comme de simples obstacles dans l’accomplissement de leur mission.
À peine le corps de l’homme aux tatouages avait-il vacillé, nous avions pointé les gueules d’acier de nos armes dans la direction des tueurs, plus par réflexe que par réelle décision. Si bien que tout le monde se braquait à distance, avec pour victime potentielle une foule innocente. Et immédiatement, Polly avait affiché sa préférence, visant Gueule d’ange de ses deux flingues. Kelly-Ann en faisait autant tandis que Sal continuait de maintenir en joue Jason derrière moi. La tension était optimum.
Pour réponse, Polly agita sa lourde crinière d’un geste furtif de la tête, et commit l’irréparable en appuyant sur les gâchettes.
Ses projectiles fusèrent à travers le bar pour exploser la devanture du Dixie, projetant autour d’elle des milliers d’éclats de verre qui plantèrent leurs dards dans le dos des deux tueurs comme un essaim d’abeilles. La riposte fut immédiate, le type à la moustache balançant une première salve qui faucha la clientèle comme une épée invisible.
Puis tout alla très vite.
Après avoir renversé une table pour me mettre à l’abri, je tentai de couvrir de plusieurs coups de feu ma Polly qui ne bougeait pas d’un pouce, perchée sur ses talons à semelles compensées en plein milieu d’une tempête de balles. Du coin de l’œil, je distinguais Kelly-Ann qui tentait de se frayer un chemin à travers les clients qui tombaient comme des mouches. Quant à Sal et Jason, impossible de savoir dans cette orgie de panique et de sang.
La foule, coincée entre les tirs, se dispersait en criant, essayant vainement de fuir en s’engouffrant dans le couloir menant au parking. Pendant ce temps-là, le pistolet automatique Uzi crachait ses flèches meurtrières, arrosant le bar de plusieurs rafales de mort. Je sentais la puissance des balles éclater le montant de la table qui me faisait office de bouclier. Gueule d’Ange, quant à lui, s’était précipité derrière le comptoir, l’arme solidement ancrée dans son poing.
Tout avait subitement dégénéré. Les ampoules avaient éclaté si bien que nous nous retrouvions maintenant dans l’obscurité, une noirceur toutefois illuminée par des explosions d’étincelles à chaque détonation. Et j’avais beau hurler à Polly de se mettre à l’abri, elle n’en faisait une fois de plus qu’à sa tête. Elle l’aurait. Elle aurait ce fumier.
Mais elle s’était trompée. Je vis sa silhouette vaciller avant de tomber à la renverse. Lentement. On venait de m’enfoncer un poignard dans le cœur. Un instant tétanisé par ce que je me refusais à admettre tant elle était invincible, je fus tout à coup pris d’une rage folle, destructrice. Sans réfléchir, mû par un instinct de prédateur, je bondis hors de mon refuge et me précipitai en direction des porte-flingue. Par chance, le chargeur du pistolet Uzi était vide, et l’homme tenait maintenant en main un Colt Python. Il n’eut pourtant pas le loisir de s’en servir.
Me précipitant par-delà les tables, je n’étais plus qu’à quelques mètres de la cible, évitant miraculeusement les projectiles du mac derrière le bar. Et arrivé à trois pas de cette ordure, je déchargeai mon flingue dans sa poitrine.
Un.
Deux.
Trois.
Quatre.
Cinq.
Six.
Sept.
Je ne contrôlais plus rien. Le tuer. Le tuer pour échanger son âme contre celle de Polly. Il le fallait. Elle ne devait pas mourir.
Sous la puissance des impacts, l’homme fut violemment projeté dans les débris de verre. À l’extérieur, dans la rue, les hurlements des derniers clients qui détalaient comme des lapins.
Ce fumier était crevé. Mais je n’étais pas calmé pour autant. J’empoignai le Colt du cadavre tandis que Kelly-Ann occupait l’autre salopard par des salves régulières. Puis j’exécutai un saut sur le zinc en m’allongeant de tout mon long, de manière à me retrouver à hauteur de Gueule d’Ange, accroupi. Emporté par mon élan, je faillis m’écrouler de son côté mais parvins à me retenir d’une main tandis que l’autre vidait le chargeur au jugé.
Ce fut de toute évidence très efficace puisque l’homme cessa aussitôt de riposter. Lâchant mon flingue, je ne pris même pas le temps de m’assurer de la mort du type et me précipitai au chevet de Polly, le cœur battant et les larmes aux yeux.
Elle était allongée sur le dos, le tee-shirt maculé de sang, sans que je sache s’il s’agissait du sien ou de celui des cadavres disséminés alentour. Ma main se porta immédiatement à son pouls. Quelque chose battait encore à l’intérieur, elle n’était pas morte.
Je sanglotais comme un gosse. Une vague de solitude broyait l’intérieur de mon corps, emportant mes organes et mon âme vers une destination inconnue. En mon for intérieur, je savais que si elle mourait, je n’aurais pas la force de continuer. J’étreignis son corps de toutes mes forces, refusant l’abandon, mon visage dans la niche que m’offrait son cou.
Une main se posa sur mon épaule, essayant de m’extirper de ma terrible détresse. En vain. Je fis un geste violent du bras et percutai un visage.
Une nouvelle fois, une main se posa sur mon biceps, douce, apaisante.
Sa main.
Vivante, elle était vivante. Alors elle m’enlaça et je fondis en larmes dans ses bras.
* * * * *
La prenant sur mes biceps, je fis quelques pas en titubant, ordonnant à Kelly-Ann d’assurer nos arrières pendant que nous nous dirigions en direction du parking. Elle saignait du nez et je réalisai que c’était elle que j’avais cognée au moment où je m’apitoyais sur mon sort.
Le couloir des chiottes, éclairé par un néon qui emprisonnait un essaim de mouches, était jonché de sang, les murs éclaboussés de taches brunes à hauteur de taille. Il régnait ici un parfum de mort.
Puis.
Au dehors. Enfin. Je pris une large bouffée d’air tandis que nous nous précipitions vers la voiture. Mais la présence de plusieurs cadavres sur le bitume nous arrêta aussitôt. Un cri, celui de Kelly-Ann.
Elle venait d’apercevoir le corps recroquevillé de Sal, baignant dans une flaque d’hémoglobine. La poitrine déchiquetée, sa nuisette pour linceul. Elle était morte certes, mais elle était morte libre. À quelques mètres devant elle, un type en costume sombre gisait à terre, la main crispée sur un canon scié. Dans l’autre, un automatique Uzi semblable à celui du type des seventies. Comme je le pensais, un troisième porte-flingue nous attendait sur le parking. Il avait nettoyé les environs en dégommant tous ceux qui s’étaient enfuis pour tenter d’échapper aux flammes de l’enfer. Sal en faisait partie.
Et pourtant l’homme était mort, une hache plantée dans le dos. L’œuvre de Billy. Intervenu trop tard, malheureusement. Kelly-Ann déposa un dernier baiser à celle qu’elle avait aimée, et nous rejoignit en pleurs dans la Mustang qui crissa des pneus en laissant une épaisse trace de gomme sur le bitume. À l’intérieur, Billy et Jason, ce dernier inconscient sur la banquette arrière. Il arborait un énorme hématome au niveau de l’arcade sourcilière.
Nous plongeâmes dans le bolide et le géant appuya sur la pédale d’accélérateur pour nous propulser dans la nuit. Au loin, les sirènes des voitures de police.