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Temps de lecture estimé : 25 mn
24/04/08
Résumé:  La frénésie libérée par la mort d'Ulrich n'est pas prête de s'éteindre. Et l'enquête continue, quelques réponses se profilent. Mais l'humanité des uns suffit-elle à compenser la brutalité des autres ?
Critères:  #historique #policier fh hsoumis fdomine
Auteur : Claude Pessac            Envoi mini-message

Série : Les tilleuls des félons

Chapitre 04 / 06
La couleur des extrêmes

Dans sa chambre du logis principal du château, le chevalier Von Walsenhütt marche de long en large. Tant de questions l’assaillent, tant d’interrogations le harcèlent, sans parler de la peur au ventre qui le tenaille : mais qu’est devenu Gaspard ?


Heureusement, si tout le monde, désormais, est averti de l’absence de son page, personne, semble-t-il, n’a réalisé que le gamin a disparu précisément au moment de l’assassinat du comte. Von Walsenhütt a bien manœuvré, n’ameutant serviteurs et soldats qu’au matin des funérailles seulement. Deux jours après les événements, ce serait bien le diable si le moine ou le Prévôt faisait le lien ! D’ailleurs, pense le chevalier pour se rassurer, cette disparition, bien que concomitante, n’a rien à voir avec l’exécution du maître des lieux. Mais où donc est passé Gaspard ?


Dans la confidence du complot, ce jeune page à qui il a souvent reproché sa timidité et son manque d’initiative n’a-t-il pas voulu se mettre en avant ? Commettre le forfait en lieu et place de son chevalier et lui épargner ainsi tout ennui et responsabilité ? Et en tirer gloriole au passage auprès du Duc et de l’Empereur ? Von Walsenhütt ne l’en croit pas capable, mais un doute désagréable le taraude. Pourquoi cette disparition alors, à ce moment précis justement ? Mais où donc est passé Gaspard ?


Comme s’il n’était pas suffisant d’avoir à gérer la mort du Comte… Bien sûr, en quelque sorte, la mission est accomplie mais il ne pourra en tirer aucun profit. Qu’importe ! Le plan est parachevé au-delà de toute espérance, Ulrich sera remplacé par un successeur doux et bienveillant. Bienveillant pour l’Empire et ses valeurs. Un fidèle vassal, manœuvrable à loisir. Et cela, sans que l’on puisse jamais reprocher quoi que ce soit à la Maison de Saxe et encore moins à Conrad III.


Après le meurtre, Von Walsenhütt a lâché un pigeon pour prévenir son maître, et le message envoyé a été rédigé, le plus naturellement du monde, en clair : ne portant aucune responsabilité dans les événements, Von Walsenhütt n’avait nul besoin de recourir au code convenu. Contrairement au plan, Ulrich n’a pas été victime d’un tragique et malencontreux accident de chasse… Mais à ce moment-là, le chevalier n’avait pas encore réalisé l’absence de son page…


Du coup, le chevalier ne sait plus s’il doit se réjouir des événements. D’autant que de méchants bruits circulent dans les couloirs sombres du château : on parle d’un complot ourdi par quelques conjurés nostalgiques de Valstaff… Une rumeur bien embarrassante… Il convient de surveiller au plus près ce moine fureteur un peu trop zélé !


Et puis, verdamten mal (*), enrage le chevalier, mais où est donc passé Gaspard !



oooOOOooo





Braunstein vient de rentrer en son logis. De fort méchante humeur. Une fois encore, la battue n’a rien donné. Les chiens et les soldats se sont éreintés dans les taillis, sans découvrir la trace du gueux Erwann. Crottée, harassée, la troupe est rentrée bredouille et le village se gausse du Prévôt : tout le monde connaît sa fureur et le plaisir malsain qu’il a de soumettre ses victimes au « Jugement de Dieu », chacun sait combien il se complaît à torturer les suspects, qu’il jouit de leurs souffrances, et qu’il les fait bâillonner pour aucun aveu audible n’interrompe trop tôt ses réjouissances. Mais là, Erwann court toujours et le Prévôt est bien marri !


Depuis la veille, le Prévôt ne décolère pas ! Le scandale des funérailles d’Ulrich lui reste en travers de la gorge. Pendant l’office déjà, le Prévôt avait cru déceler une certaine complicité entre la veuve et l’orphelin. Que ces deux-là se rabibochent autour du cadavre à peine froid d’Ulrich l’avait inquiété : ses beaux projets lui avaient semblé prendre l’eau. La désinvolture des notables, bourgeois et ecclésiastiques présents lui avait également paru indécente : il ne s’attendait certes pas à voir ces profiteurs pleurer le Comte à chaudes larmes, mais ces ingrats auraient tout de même pu faire montre d’un peu de reconnaissance. Ulrich n’avait-il pas rétabli et assuré l’autorité de l’Empire et la puissance de l’Église sur le Comté ? Par le glaive et par le sang soit, mais tous en avaient profité…


Mais tout cela n’était rien encore à côté du scandale des toasts. Dans la salle d’apparat du château, ces gueux, ces marauds, ces maroufles s’étaient précipités pour consoler la veuve. Laquelle, au lieu d’inviter l’assistance à lever le verre à la mémoire d’Ulrich, avait exprimé haut et fort son soulagement d’être veuve ! L’ignominieuse pécore, au lieu de faire le panégyrique de son époux, était allée jusqu’à annoncer son désir d’obtenir rien moins que l’annulation de son mariage, voulant, avait-elle osé dire, « se voir lavée de cette tache » !


Un murmure avait alors parcouru l’assemblée, murmure que Braunstein avait pensé voir se muer en huées. Mais non, des applaudissements avaient crépité, d’aucuns s’étaient précipités pour assurer la Comtesse de leur soutien, Von Walsenhütt s’était même posé en champion au service de la dame. Totalement écœuré, le Prévôt avait alors quitté la salle en constatant que le propre fils du Comte ne trouvait rien à redire à cet ahurissant projet !


Celui-là ne vaut pas son père, tant s’en faut, fulmine le Prévôt en ôtant ses bottes. Pendant que sa servante dépose les plats sur la table, Braunstein se remémore les hauts faits de son mentor. Quelles batailles n’ont-ils pas livré ensemble ! Sacs, pillages, villages en cendres, arbres de justice ployant sous le poids des suppliciés, Ulrich avait gagné son Comté de haute lutte ! Il est vrai que Valstaff s’était révélé un adversaire plus coriace que prévu. Et le siège de son château n’avait été emporté que de justesse, grâce à la traîtrise d’un Judas, finalement payé de quelques bons coups de poignard assenés par Ulrich.


Braunstein se souvient des derniers instants de ce siège : surpris, acculé, Valstaff s’était retrouvé enfermé dans sa propre chambre, avec sa femme sur le point d’enfanter. Pendant plusieurs heures, la porte avait résisté. Dans le couloir étroit et tortueux, Ulrich et ses hommes n’avaient pu user d’un bélier. Il avait fallu enduire la porte de poix et l’enflammer pour qu’elle finisse par céder. L’épée à la main, Ulrich s’était précipité, ne trouvant dans la pièce que Valstaff, la parturiente et une sage-femme. Alors qu’Ulrich et ses hommes acculaient le Comte contre un mur, Braunstein avait occis la sage-femme avant de se tourner vers l’épouse.


Il se souvient de sa surprise alors : les draps étaient certes souillés et visqueux, mais aucune trace d’un bébé et la mère ne paraissait pas délivrée. Braunstein aurait juré pourtant avoir entendu plus tôt, derrière la porte, les vagissements d’un nouveau-né. Craignant une ruse, il avait alors éventré la mère, extirpé l’enfant avant de le poignarder sous les yeux effarés de l’agonisante. Valstaff avait lui aussi vu la scène, mais l’immense cri de son horreur avait été tranché net par l’épée qu’Ulrich lui avait enfoncée dans la gorge. Tombé à genoux, Valstaff avait encore pu voir sa femme décapitée par Ulrich avant de s’effondrer sur le carreau.


Le sanglant souvenir réjouit Braunstein, plus encore que ne l’ont excité les hurlements du braconnier malchanceux débusqué ce matin en forêt et qu’il a occis derechef, sans autre forme de procès. Mais sa joie est de courte durée, les manœuvres odieuses des nouveaux maîtres du château reviennent lui manger l’esprit : ces pleutres impies ne tarderont pas à l’écarter, sa prochaine disgrâce lui apparaît inévitable ! À moins que…



oooOOOooo




Seule, dans la chambrette qu’elle partage avec Natala, Inge se prépare. Posément, sans hâte ni fébrilité, la jeune femme fouille la malle de ses vêtements. Car Inge détient une malle de vêtements. Le jour durant, elle est vêtue, comme toutes les femmes de la maison, d’un sayon de bure. Mais le soir venu…


Depuis qu’elle est la maîtresse du maître, Inge s’est constitué une garde-robe particulière, adaptée aux exigences et préférences de Braunstein. Et Dieu sait, pardon, Lucifer sait combien les goûts du Prévôt sont particuliers…


Inge habite la bastide depuis bientôt deux ans. Les circonstances dramatiques de son arrivée ici continuent de la hanter. Surprise alors qu’elle traversait prés et champs pour aller à l’église, Inge avait été entraînée de force sous un pont par trois soudards. Battue, torturée et violée par les trois brutes, elle n’avait dû son salut qu’à ses cris qui avaient alerté les participants de la Procession de l’Assomption.


Cette épouvantable agression, un jour saint, avait ému et révolté les fidèles, gueux et nobles gens, et le Prévôt, soucieux de son image, avait fait transporter la moribonde jusque chez lui, assurant chacun que « tout serait fait pour la soigner et la guérir, et que ses bourreaux seraient retrouvés et châtiés ! »


Vu son état, la malheureuse n’aurait pas dû survivre au-delà du jour de Marie. Aussi, le Prévôt avait-il fait défiler l’après-midi même toute la soldatesque des environs au chevet de la mourante. Par trois fois, la jeune fille avait réagi, esquissant un faible geste pour désigner ses tortionnaires. Soumis à la question, les reîtres avaient avoué et leur douloureux châtiment avait quelque peu rasséréné les esprits.


Contre toute attente, Inge avait survécu. Tous les rebouteux et guérisseuses du Comté l’avaient abreuvée de potions et ointe d’onguents mystérieux. Lentement, la jeune fille s’était remise. Apitoyées par son sort, plusieurs nobles dames, qui l’avaient visitée régulièrement au cours de sa convalescence, avaient proposé de l’accueillir chez elles. Mais Braunstein avait tenu à la garder à son service, flairant que l’action serait flatteuse pour son image.


Inge s’était donc remise sur pied, tous criaient au miracle et les Actions de grâce à la Vierge s’étaient succédé. Inge, toutefois, ne partageait pas cette ferveur et cet enthousiasme. Certes, elle était vivante, marchait et vaquait à ses tâches sans souci, mais la jeune fille s’était aperçue, notamment, que son intimité dévastée et meurtrie ne lui procurerait plus désormais aucune forme de plaisir. Son corps, désormais insensible, ne lui apparaissait plus qu’une enveloppe, certes jolie et agréable, mais sans valeur aucune pour elle. Courageuse, elle décida que « si aucun homme ne pouvait plus lui donner de plaisir désormais, aucun non plus ne pourrait la faire souffrir. »


Aussi, quand un soir, Braunstein eut à son encontre quelques gestes déplacés, la pauvrette se laissa faire, parfaitement indifférente à ce qu’il pourrait lui faire subir, mais consciente de ce que cette docilité pourrait lui apporter. Bien qu’elle souffrît encore de ses blessures intimes, elle se montra bonne partenaire, poussant la comédie jusqu’à simuler le plaisir, tablant sur la faiblesse de l’homme.


En l’espèce, elle ne se trompa point. Braunstein eu tôt fait d’apprécier cette partenaire docile, disponible et complaisante, jouissant d’elle selon son bon vouloir et ses fantasmes. Et en dehors de ces assauts qui l’indifféraient complètement, la situation de la jeune fille s’en trouva confortée. Plus encore lorsque, petit à petit, les étranges penchants du maître s’étaient fait jour…


Natala l’a prévenue : le maître la demande et il est de fort méchante humeur. Inge sourit à son amie :



La petite servante disparaît en riant sous cape. Inge a fini par faire son choix, revêt ses atours et file vers ce qui était la Salle du Chapitre quand, dans les temps anciens, la maison fortifiée servait de résidence au seigneur du coin. Salle immense et pompeuse, que le Prévôt a modestement transformée en salle à manger.



Marchant d’un pas ferme et décidé dans le péristyle, Inge a parlé d’une voix haute et autoritaire. Au passage, elle cingle chaque colonne avec sa badine, fait claquer les semelles de bois de ses étonnantes sandales dont les lacets de cuirs s’entrecroisent jusque sous les genoux. La jeune femme porte un plastron, qu’elle a taillé elle-même dans une peau tannée à la cochenille. Surprenant plastron, puisqu’au lieu de protéger sa poitrine, le vêtement s’arrête précisément dessous, soutenant juste deux petits encorbellements qui rehaussent ses seins libres et opulents.


Les pans du plastron, trop étroits, laissent ventre et nombril largement à nu et sont simplement reliés par un lacet de cuir. À la taille, la jeune femme porte une ceinture à laquelle sont cousues de larges bandelettes de cuir lui tombant aux genoux, formant sorte de robe mouvante, couvrant et découvrant ses cuisses et ses fesses nues à chaque pas.


Quittant la colonnade, Inge vient se planter à deux pas du Prévôt attablé. Sur sa chaise à haut dossier, l’homme est totalement nu. S’il feint un faux air épouvanté, ses yeux pétillent et il ne peut réprimer totalement un petit sourire de contentement en découvrant la tenue de sa maîtresse.



D’un coup de badine, Inge fait voler le plat dans lequel Braunstein mangeait. La nourriture se disperse au sol. Cinglant l’épaule de l’homme avec sa cravache, la jeune femme lui ordonne de quitter son siège pour poursuivre son repas à quatre pattes sur le carreau. Un deuxième coup de cravache le convainc :



Alors que le très craint Prévôt des Heiligenstein mange à même le sol, sans s’aider de ses mains, Inge l’invective, l’injurie, lui administre de petits coups de baguette sur les fesses et le dos, secs mais pas trop forts, consciente qu’elle est de la mesure à ne pas dépasser. De toute évidence, l’homme raffole du traitement, son érection le prouve. Maligne, Inge frappe les cuisses, fait glisser le bout de sa badine sur les couilles, dans la raie de fesses.


Elle joue son rôle à la perfection même si la saynète l’écœure. Elle n’a aucun besoin de se forcer pour trouver les injures avilissantes qui ravissent le pitoyable hobereau : elle n’a qu’à écouter ses propres sentiments à l’égard du dépravé. De temps à autre, elle jette un petit coup d’œil vers la tribune au fond de la salle, pour vérifier que Natala reste bien à couvert. Braunstein poursuit son repas, lâchant quelques grognements porcins par instant. Toujours à quatre pattes, il se tourne vers elle, langue exagérément pendante.



Inge jubile, elle n’attendait que ça ! Il va être servi ce porc ! Inge défait sa ceinture, laisse tomber sa jupe au sol, exposant son buisson noir et sa chatte.



Inge s’assied au bord la table, s’allonge sur le plateau, puis passant ses mains sous ses fesses, elle relève la croupe et les jambes, en chandelle. Écartant largement les cuisses, elle commande :



Un instant décontenancé, Braunstein comprend l’ordre et se précipite. Il saisit le broc, plonge deux doigts dans le sexe velu, en écarte l’ouverture et verse le vin clairet jusqu’à ce que le liquide déborde. Comme un fou, il se précipite alors entre les cuisses, plaque ses lèvres sur la chatte inondée, lape bruyamment le vin.


Doucement, Inge s’affaisse, ramène le compas de ses jambes sur les épaules du buveur. En appui désormais, elle se concentre : la position verticale et le vin glacé dans son sexe l’ont un instant saisie, bloquée, mais elle retrouve le contrôle de son corps. Avec un sentiment de jouissance triomphante, elle se lâche, s’abandonne, libère sa vessie : un puissant jet bouillant jaillit, s’écrase sur le front du Prévôt, inonde son visage, se mêle au vin. Inge a prémédité la scène, bu plus que de raison de l’eau toute l’après-midi, contenu le pressant besoin qui lui nouait les entrailles.


Elle avait imaginé la réaction épouvantée de son maître, sa surprise, sa colère, son recul, sa fuite. Elle est prête déjà à formuler ses excuses préparées, elle a fourbi ses explications, le froid du vin, l’irrépressible envie, l’incontinence fatale. Mais Braunstein est pire que ce qu’elle avait imaginé : non seulement l’homme ne se recule pas mais paraît au faîte de son bonheur. Il continue à boire l’innommable mélange, remue la tête pour que tout son visage soit bel et bien inondé, souillé par l’interminable jet. L’homme se vautre dans sa déchéance, se complait dans cet état, en se branlant frénétiquement.


Avant que le jet ne se tarisse tout à fait, il se relève brusquement, plaque les hanches d’Inge sur la table et l’embroche d’un coup. Un coup, un seul, il s’épanche rapidement au fond de la chatte glacée et serrée, grognant comme un goret, soufflant comme la forge, râlant comme un agonisant.


Inge est effondrée : qu’elle déteste cet homme, qu’elle nourrisse à son égard une haine farouche et une détestation suprême, ne l’empêche pas de ressentir une véritable nausée à le voir s’avilir à ce point. Elle ne l’aurait pas cru capable de s’abaisser autant. Elle voulait l’humilier en lui pissant dessus, c’est elle qui se sent désormais éclaboussée, salie, avilie. Et quand, épanché, l’homme la libère, c’est pour replonger aussitôt sa bouche avide sur son sexe béant, où le vin, l’urine et la semence se mélangent désormais. La pauvre fille a toutes les peines du monde à ne pas hurler son dégoût. Se débarrassant de Braunstein à grands coups de genoux et de pieds, elle quitte la table, reprend sa badine et frappe le Prévôt avec beaucoup moins de mesure que précédemment. Elle vomit ses injures plus qu’elle ne les hurle, s’acharne sur le corps de l’homme qui se tortille comme un ver au sol mais ne fait rien pour échapper à ses coups.


Inge est brisée, anéantie, écœurée par tant de veulerie. Abandonnant sa cravache sur le sol, elle quitte la pièce en se débarrassant de son plastron, dans les escaliers, elle défait les lanières de ses sandales et les envoie voler à grands coups de pieds rageurs. Inge court vers sa chambre, nue, échevelée, nauséeuse. Ouvrant la porte à toute volée, elle court encore et se jette dans le baquet où elle a pris ses ablutions une heure avant. L’eau déjà est glacée, lui coupe le souffle mais la réconforte.


Saisissant le crin, Inge se frotte vigoureusement, bénit le savon du bossu qui sent fort, trop fort, assez fort heureusement pour dissiper sa nausée, l’odeur de honte qui a envahi son corps tout entier. Le savon la brûle, lui pique le nez et les yeux, mais les larmes qui inondent son visage n’ont que son désespoir pour origine. Inge se sent sale au plus profond d’elle-même, au plus sombre de son âme. L’image des trois soudards est revenue la hanter, elle se sent aussi coupable qu’eux, aussi animale, aussi bestiale. Acharnée, démente, Inge se savonne, use le crin sur sa peau, sur son sexe souillé.


Une petite main se pose sur son bras, ralentit ses gestes déments. Au travers de ses larmes, Inge a la vision brouillée du visage inquiet de son amie. Doucement, Natala lui prend le gant de crin, lui caresse le visage. La jeune fille la rince avec la louche et l’eau d’un broc, la sèche ensuite en tamponnant son corps grelottant avec un tissu doux. Lui tendant la main, Natala l’aide à sortir du baquet et la conduit au châlit, la presse de s’allonger. La prenant dans ses bras, la jeune fille la serre contre elle, la réchauffe, la calme.



Plongeant son regard triste dans les yeux de Natala, Inge souffle, d’une voix presque inaudible, rauque mais terriblement définitive :




oooOOOooo





Arbogast sourit. Il vient à peine de rentrer chez lui, a juste eu le temps d’allumer une chandelle, de garnir l’âtre de fagots que la rusée s’est déjà glissée en son logis.



Campée au milieu de la pièce, Sylvette, les poings sur les hanches, joue la bravache ! Mais si sa mine est sévère, ses yeux pétillants trahissent son véritable état d’esprit : la coquine est réjouie de retrouver son amoureux. Simplement veut-elle lui faire comprendre combien lui a pesé son absence. Arbogast ne s’y trompe pas et lâche, faussement indifférent :



La ruse prend et la jeune femme, simulant une énorme colère, se jette sur lui et lui tambourine le poitrail avec ses deux poings. Arbogast s’en amuse, la laisse faire quelques instants, puis, la saisissant par la taille, il la soulève comme un fétu de paille, la porte au-devant des ses lèvres et la bâillonne d’un baiser. La pauvrette grogne quelques instants encore avant de s’abandonner avec délices. Passant les bras autour du cou de l’homme, les jambes autour de sa taille, elle lui rend son baiser, en rajoute une bonne mesure, l’essouffle tant et bien. Mais quand ses lèvres quittent la bouche aimée, c’est encore pour gourmander le coquin :



Les gros yeux écarquillés que lui adresse Arbogast à cet instant l’alarment. La pauvrette se dévisse le cou pour scruter la pièce.



La voix profonde du moine provient de l’entrée. Sylvette était si pressée de retrouver son galant qu’elle est passée à côté du religieux assis dans l’ombre sans même le voir. Embarrassée, elle se détache vivement d’Arbogast, ferme vivement les pans de sa pèlerine et bredouille quelques excuses confuses en esquissant une révérence maladroite.



La voix du révérend est moqueuse, amusée.



Petite, petite, Sylvette en a assez de tous ces gens qui la traitent de « petite ». Elle n’est certes pas épaisse et semble disparaître dans sa pèlerine trop longue, mais elle est plus grande néanmoins que la plupart de ses contemporaines.



Conciliant, Augustus calme le jeu et explique à Sylvette :



Augustus feint d’être choqué :



Sylvette est plus embarrassée : la jeune femme réfléchit intensément et propose sans conviction :



Sylvette ne peut qu’acquiescer au raisonnement. Les confidences que Kirsten lui a faites plus tôt corroborent les dires du moine. Déconfite et un peu vexée de ne pouvoir lui river son clou, la jeune femme reste silencieuse et évite soigneusement le regard amusé du religieux. Celui-ci enregistre sa petite victoire, marche de long en large dans la pièce avant de chercher une chaise pour s’installer près du couple. Se parlant à lui-même plus qu’à ses interlocuteurs, Augustus poursuit :



Sans conviction, le moine explique :



Le soudain mystère qu’Augustus lit dans les yeux de la jeune femme réveille son intérêt :



Tout excité, Augustus l’interrompt, explique rapidement dans l’espoir d’en revenir au plus vite au médaillon :



Au lieu de lui répondre, la ravaudeuse ferme les yeux, se concentre et réfléchit à voix haute :



Rouvrant les yeux, Sylvette triomphe :



Interloqués, Augustus et Arbogast fixent la donzelle avec stupeur !



Bondissant sur ses pieds, le révérend administre une franche bourrade à son vis-à-vis :



Les deux hommes se congratulent joyeusement, oubliant presque la ravaudeuse qui en profite pour s’asseoir sur le plateau de la table. Ainsi perchée, la jeune femme profite de ce que le moine lui tourne le dos pour entrouvrir un instant son manteau et dévoile sa totale nudité à son amant qui en rougit instantanément. Elle attend ensuite tranquillement une accalmie dans les intempestives exclamations du moine pour glisser finement :



Interloqué et vexé de n’y avoir pas pensé lui-même ! Interloqué et inquiet : mais qui est donc vraiment cette gueuse pour connaître les filles d’Atlas et de Héra ? Quelle malice cache donc cette étrangère ? Est-elle bien ce qu’elle voudrait que l’on croie ? D’où lui vient cette connaissance de l’histoire antique ?


Décelant l’inquiétude et le soupçon dans les yeux du moine, Sylvette s’empresse d’expliquer :



Sylvette balaye la remarque d’un geste de la main :



Tout à son triomphe, Sylvette se dandine d’aise sur sa table, minaude et se fait désirer. L’air de rien, la voilà qui murmure :



Combles ? Augustus en reste interdit ! Le plafond ! Le plafond à caissons ! Mais bien sûr, pense-t-il en visualisant la pièce. Comme dans tout cet étage du château, la chambre d’Ulrich possède un magnifique plafond en bois, un plafond à caissons qu’il est peut-être possible d’ouvrir pour s’y glisser ! S’y tapir en attendant le calme ! Mais comment ? La pièce est haute !


Sylvette, qui poursuit le raisonnement du moine suggère encore :



Augustus trépigne d’enthousiasme, abasourdi mais heureux de la malignité de la couturière. S’approchant d’elle, il la saisit par les épaules, l’étreint et la secoue avec vigueur, l’étreint encore et la chavire en tous sens :



Relâchant la donzelle, Augustus se recule, détaille la jeune femme étourdie par ses secousses enthousiastes et par trop viriles puis conclut tout sourire :



À la secouer comme un prunier, le religieux a en effet quelque peu dépenaillée la donzelle : la pèlerine s’est ouverte, dévoilant le corps totalement nu de la jeune femme qui rougit violemment d’être ainsi découverte. Mais avant qu’elle ait pu se couvrir, la porte claque : le religieux a déjà filé en direction du château.


Se retrouvant seule avec son amant, Sylvette ne juge plus utile de cacher ses appâts ; au contraire ! D’un haussement des épaules, elle se débarrasse de son manteau qui croule sur la table et s’étale en corolle autour d’elle. Toujours assise, jambes ballantes, la jeune femme se redresse, bombe le torse, histoire de pointer ses seins menus. Aguichante, elle promène ses mains sur son ventre et ses seins.


À deux pas devant elle, Arbogast ne perd pas une miette du spectacle. Il fier, Arbogast, fier de sa mie si futée, si perspicace, qui, s’en en avoir l’air, vient de résoudre plusieurs mystères. Fier aussi de la voir si provocante, si indécemment impatiente !


En un tour de main, il fait voler sa chemise, dénoue ses chausses et exhibe son désir dardé. Sur la table, Sylvette se caresse : elle vient d’écarter ses cuisses et ses doigts parcourent avec légèreté les contours de son sexe déjà humide. Elle en dessine les contours renflés où la dentelle de ses petites lèvres déjà frisotte, vient agacer son bouton et se pâme de plaisir.


Arbogast, qui était prêt à lui sauter dessus s’arrête, observe le manège. La verge à la main, il se branle sans précipitation, conscient qu’il est de sa propre impatience, mais incapable de résister au spectacle prodigieusement indécent que lui offre la donzelle écartelée. Il observe les doigts malicieux qui répandent la cyprine du bas au plus haut de la fente entrebâillée, il découvre ses reliefs pour lui encore mystérieux, tente d’en saisir les arcanes inconnues. Et quand Sylvette plonge deux doigts dans sa grotte trempée tout en caressant le haut de sa fente avec son pouce, il perçoit les frissons d’aise qui la parcourt, sa respiration haletante, sa bouche tétanisée, son corps tendu comme la corde de l’arc bandé. Lui-même relâche sa queue distendue, de peur de ne pouvoir contenir plus longtemps son désir.


Doucement, avec une infinie délicatesse, le géant cueille alors la donzelle enfiévrée pour la porter sur la couche. Sur le drap frais, les deux amants, pressés l’un contre l’autre, se saoulent de caresses, s’enivrent de baisers mouillés, s’explorent patiemment avec le désir commun de repousser au plus loin l’extase, libératrice certes, mais qui les séparerait trop tôt. L’un et l’autre veulent jouir de cette communion gourmande qui les unit.


Arbogast s’amuse de ces petits seins agressifs qui pointent insolemment, s’extasie de la douceur de ce ventre chaud qui se creuse sous ses caresses, s’émerveille de la chaleur moite qui émane de la fente délicate. Trop tendu, il s’ingénie à repousser les doigts qui veulent à tout instant se saisir de sa queue trop sensible et dont il sait que le moindre contact à cet instant pourrait déclencher l’explosion. Il veut encore explorer ce corps chaud, plonger ses doigts dans la grotte brûlante, en palper le relief comme un aveugle palpe l’inconnu.



Alors Sylvette s’abandonne à ses caresses inquisitrices, à ces doigts qui l’explorent au plus profond d’elle-même, s’amuse de certaines maladresses, apprécie l’affolante douceur de certains va-et-vient, la force conquérante d’autres. Attendrie par les efforts patients de son amant, elle s’abandonne, écartelée.


Mais à force d’être caressée, fouillée, fourragée, Sylvette sent ses forces la quitter. Ne voulant pas succomber seule, elle s’échappe vivement, plaque son amant sur le dos et rapide, se met à quatre pattes. Puisqu’il veut tout savoir d’elle, elle va tout lui donner, et puisqu’il lui interdit sa queue, elle va la prendre. Vive comme un cabri, elle lui tourne le dos, lui présente ses fesses, plaque sans ménagement sa chatte inondée et brûlante sur la bouche. Qu’il se régale à loisir comme elle peut, enfin, sucer, avaler, lécher cette queue magnifique qui lui emplit la bouche. Les deux amants ne se privent pas, leurs langues s’affolent, leurs lèvres parcourent sans vergogne ni retenue leurs deux sexes sensibles. Le désir est trop fort, l’extase est à portée. Et si bientôt Arbogast se noie presque dans les flots de mouille déversés par la grotte en transes, Sylvette s’étouffe à demi en avalant le jus salé et épais que crache la bite frénétique. Les corps tétanisés, emportés par la vague magnifique de l’extase, les deux amants jouissent ensemble, infiniment, délicieusement…


Mais leur fringale n’est pas pour autant assouvie : avant que les derniers frissons ne les abandonnent, avant que le dard ne perde sa superbe, Sylvette échappe à la bouche gourmande qui fouille sa fente, se retourne encore et s’empale brutalement sur le pieu encore raide. Enfoncée jusqu’à la garde, la bite ne crache plus désormais mais vibre encore de son plaisir dans la chatte qui l’enserre. Immobile, dressée sur ce mandrin qui la taraude, Sylvette connaît un nouvel assaut de bonheur. Hagarde, elle peine sous les caresses qui meurtrissent presque ses seins tendus, navigue entre plaisir et douleur avant d’accepter, avec soulagement presque, le ressac apaisant qui libère ses muscles, dénoue son ventre, calme sa fièvre.


S’abattant sur le torse de son homme, Sylvette alors, apaisée et heureuse, se sent enfin délicieusement… petite !




À suivre…




(*) verdamten mal : il s’agit là d’un juron en allemand, dont la traduction littérale est "Damne-moi de nombreuses fois".