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Temps de lecture estimé : 13 mn
01/10/08
Résumé:  Je me frotte les yeux, abasourdi. Sous les oranges, j'entrevois un morceau de papier plié, ce papier un peu épais qui a servi le printemps dernier à Eléonore pour éveiller des désirs que je ne connaissais pas.
Critères:  fh couple amour cérébral jeu sm -couple
Auteur : Lise-Elise  (parfois un peu lente)            Envoi mini-message

Série : L'écriture d'Eléonore

Chapitre 02 / 03
Joueras-tu avec moi ?

Résumé de l’épisode précédent : dans une série de messages, Eléonore entraîne son mari dans un jeu d’écriture, où elle se décrit liée et offerte, pendant que leur vie reste presque ordinaire. Il n’est pas indispensable d’avoir lu le premier épisode pour découvrir cette suite.



I



Je me frotte les yeux, abasourdi. Sous les oranges, j’entrevois un morceau de papier plié, ce papier un peu épais qui a servi le printemps dernier à Eléonore pour éveiller des désirs que je ne connaissais pas. Corinne s’agite sur sa chaise, impatiente de presser le fruit juteux sur le verre dur du presse-agrume. Je saisis le couteau et tranche, laissant ma petite fille se démener sur les demi-sphères. J’ose à peine me saisir du billet. Mon cœur bat la chamade. Six mois ont passé depuis ces semaines folles.


Je revois Eléonore, vêtue seulement de ses bas, le corps penché sous la pression des liens. J’entends le bruit cinglant de la cravache, ses hoquets de douleur. Je sens le goût de son sexe, le goût de ses larmes.


Tout cela, je l’ai imaginé.



Corinne me tire de mon abasourdissement. Je termine, comme tous les samedis matin, de presser le jus d’orange que je verse ensuite dans deux grands verres, en me penchant pour que le niveau soit exactement égal.



Je souris. Depuis le début de l’année ma fille joue à prendre le verre le plus plein. Et moi, je veille à ce que chaque samedi elle se demande si elle a fait le bon choix. J’attends qu’elle ait bu une gorgée pour lui dire :



Elle me regarde, la tête penchée.



Je lui beurre ses tartines pendant qu’elle finit son verre. Un yaourt remplace le bol de chocolat. Je la presse pour qu’elle s’habille, et me détourne, dépliant rapidement le billet :


Mardi, nous serons seuls. Joueras-tu avec moi ?


La même écriture, les pleins et les déliés si sages d’Eléonore, et cette promesse…


Corinne hurle :



J’accours, déchiré entre l’affection que je porte à ma fille et ce monde de fantasmes que ma femme m’entrouvre à nouveau.


Avant de refermer la porte, je griffonne, avec le marqueur, un grand « oui » sur le tableau blanc qui sert d’habitude à noter des bribes de liste de course.



II



J’ai déposé Corinne à l’école et j’erre comme une âme en peine. Je devrais, normalement, aller jusqu’au magasin d’électroménager afin d’étudier les prix des systèmes d’enceintes. Depuis plusieurs mois je réfléchis à cet investissement. J’ai lu plusieurs comparatifs dans la presse spécialisée, je me suis renseigné sur les marques. Mais cette installation qui m’a occupé de nombreuses heures m’échappe aujourd’hui complètement. Je pense aux seins d’Eléonore, souples et tièdes sous mes paumes, à la toison fauve, écrin d’un fruit que je ne me lasse plus de goûter, à ses cuisses pâles, veinées de lignes bleues si diaphanes que seule la lumière crue de la salle de bain les dévoile. Je pense à son ventre moelleux, le nombril comme une olive en creux, je peste entre mes dents : j’ai raté l’entrée du centre commercial. Je me concentre pour reprendre l’itinéraire.


Le vent me caresse et je l’imagine. M’entraînera-t-elle dans les bois ? Nous serons seuls. Que veut-elle faire ? Quel jeu ?


Je repense fugacement à mes soirées d’étudiant, aux parties de strip-poker lamentables où nous, les garçons, perdions inévitablement dès l’apparition d’un soutien-gorge. Je ne connaissais pas Eléonore à l’époque. L’imaginer occupée à ce jeu trivial me rebute. Elle est au-dessus de ça.

Elle doit, maintenant, avoir lu ma réponse. Même en supposant qu’elle ait bavardé avec Marie-Noëlle, elle ne s’est sans doute pas trop attardée. Ma femme avait prévu de faire le marché. Elle aura, machinalement, jeté un œil au tableau.

Est-ce que ce simple « oui » la bouleverse autant que moi ?


Je déambule dans les allées du magasin sans réussir à me concentrer. Je sais pourtant quels modèles je souhaite voir. Je sors mon carnet, griffonne :


Quel jeu ?


Je m’étire. Je peux, enfin, me concentrer sur les prix que je suis venu chercher.



III



Corinne sautille, gambade, babille, et ne tient pas en place. Elle est en vacances depuis dix minutes et m’épuise déjà.



Elle n’a dû me le dire que dix fois par jour depuis que sa camarade de classe a parlé de l’inviter.



Angoisse dans la voix de ma fille. Bouffée de tendresse soudaine. Elle n’est pas si grande, ma toute petite…



Nous arrivons à la maison. Elle court, rejoint sa mère. Que lui raconte-t-elle ? Je ne sais pas. Je déchire, rapidement, la page de mon carnet. Eléonore épluche les choux de Bruxelles, sanglée dans un grand tablier. Je me penche, l’embrasse dans le cou. Respire son odeur, déjà perceptible sous le parfum. Je ferme les yeux. Avant de mettre la table, j’ai glissé le papier, plié, dans sa poche.


La balle est dans son camp.


Quand va-t-elle me répondre ?



IV



La vaisselle est faite, la cuisine rangée. Corinne se repose calmement dans sa chambre. Je repense au temps où elle faisait des siestes, et où nous, ses parents, ne pensions pas encore à l’imiter. Aujourd’hui je le voudrais. M’étendre contre le corps tiède d’Eléonore, m’insinuer entre les chairs douces, la serrer contre moi, jouir d’être près d’elle, au plus près, sans même rechercher d’autres plaisirs.

Mais la femme de mes pensées est assise devant un feuilleton télé, son matériel de couture à portée de main, et marque scrupuleusement les vêtements – trois fois trop - que Corinne emportera pour les deux nuits passées chez son amie.


J’avais parlé de tailler les rosiers. Tout, plutôt que cette impuissance.


Mardi soir, après le dîner, tu iras te préparer pendant que je rangerai la cuisine. Il y aura, sur le coffre devant la chambre, deux séries d’objets, et une clochette. La première signifiera l’abandon, l’autre l’autorité. Tu en choisiras une. L’autre me reviendra. Tu devras être prêt lorsque j’arriverai. Je ne monterai l’escalier qu’une fois que la clochette aura résonné.


Le papier, plié, était dans la poche de ma parka. La grise. Celle que je mets pour faire le jardin, ou pour aller en forêt.

Eléonore avait tout prévu, même mon impatience.


Je me sens un jouet entre ses mains. Je relis ce message, et je mesure, aussi, le pouvoir qu’elle me donne. Ma femme a toujours aimé les mots mesurés. Pas les actes. J’aurai mis longtemps à le découvrir.


Sous la règle du jeu, une ligne, encore :


Quels seront ces objets ?


Il y a trop de moyens de me faire perdre la tête.



V



Eléonore dort encore. Je ne bouge pas, de peur de la réveiller. Son odeur chaude, mélange de sueur et d’un reste de son parfum, m’enveloppe comme un voile. Il est à peine cinq heures, et je sais que je ne me rendormirai pas.

D’un geste précautionneux, je soulève l’élastique de mon pyjama. Je laisse ma main posée sur mon bas-ventre. Le tissu appuie un peu sur mon poignet, sans doute suffisamment pour y graver ses plis. Je sens sous mes doigts la pulsion régulière du sang qui afflue. Quels objets ?


Je pense aux bas, au porte-jarretelles. À la lumière des bougies. À une badine que j’imagine fine, souple comme une branche de saule, gainée de cuir noir. Je ne sais même pas si un tel objet existe. Je pense à un bandeau, à des menottes, des liens, plutôt. J’imagine des glaçons, je cherche une forme qui glisserait sans à-coup sur sa peau. Je pense à de l’huile de massage, aux mains d’Eléonore sur mon corps glissant. J’imagine des objets oblongs, j’imagine les lèvres de ma femme m’offrant le spectacle d’une fellation sur un sexe factice.


Quels objets ?


Je ne sais si cette question est un piège. Est-ce qu’Eléonore a fait sa propre liste ? Attend-elle la mienne ? A-t-elle déjà ces objets, devra-t-elle les acheter ? L’idée d’Eléonore dans un magasin spécialisé me trouble, me choque, même. Ma si digne épouse dans un lieu si glauque.



Même en imagination je ne peux mettre le mot « godemiché » dans la bouche de ma femme. Peut-on dire « s’il vous plaît, monsieur » au tenancier d’un tel endroit ?

Je m’aperçois soudain que mon excitation est retombée. Avec un léger dégoût, je retire ma main de ma verge devenue molle. Eléonore se retourne. Le jour s’insinue dans la chambre. Corinne ne va pas tarder à se réveiller.


Je marche vers la boulangerie perdu dans des pensées perplexes. Je reviens, prépare la table du petit-déjeuner. Tout est prêt pour mes deux princesses. Je fais le tour du rez-de-chaussée pour ouvrir les volets et les rideaux, laissant les premiers rayons du soleil entrer dans la maison. Dans le salon, je détache l’embrasse afin d’y glisser soigneusement la tenture. Je me fige. Le cordon de soie, peut-être artificielle, à la fois lourd et souple, est assez long pour…


Je détache l’autre extrémité. J’y enroule mes poignets, appréciant la longueur et la texture. Les brins sont assez épais pour ne pas entrer dans la chair. La matière, glissante, est douce au toucher, presque agréable. Je tire un coup sec, essayant de mesurer la résistance idéale. Je la raccroche, enfin, terminant ce que j’étais en train de faire.


Je m’assieds devant le secrétaire d’Eléonore, prends un stylo, le bloc de papier à lettre. Les mots coulent, facilement.


Il faudra :


Un masque, ou un bandeau opaque, qui occulte la vue, des cordons épais, comme les embrasses du salon, de la même matière, peut-être quatre fois un mètre, un objet menaçant : une badine, une ceinture, ou une canne, peut-être. Un flacon d’huile de massage, pas trop parfumée : ton odeur me suffit. Et un objet phallique, pas trop volumineux, d’une forme douce. Je l’imagine dans une matière souple, et d’une forme presque réaliste.


Je te laisse la liberté de les classer.


Je plie le feuillet sans me relire, le glisse sous le set de table d’Eléonore. Elle trouvera ce billet en débarrassant, après le petit-déjeuner.



VI



Je ne m’étonne pas de son silence. Je ne peux pourtant m’empêcher de chercher. Corinne ne tient plus en place. En rentrant ce soir je l’ai trouvée à califourchon sur la balançoire, testant son habilité de cavalière sur un poney assez peu conforme à la réalité.



J’aimerais répondre par l’affirmative, mais je connais peu les parents de Justine. De plus, le temps de ces vacances de Toussaint est tout à fait de saison, et il n’est pas certain que les filles puissent profiter de la pâture. Corinne continue sans se démonter :



Qu’est-ce qu’une vraie baguette magique dans la tête d’une enfant de six ans ? Je n’ai pas le loisir de m’interroger.



Elle tire sur ma main de tout son poids, ce qui serait sans effet si je ne me laissais pas faire. Je tente de négocier pour un jeu un peu plus calme, ou du moins, plus simple. Corinne reste intraitable et me voilà au prise avec cet infernal jeu de cartes, qui n’a pas vraiment été conçu pour y jouer à deux. La partie est interminable. Corinne mène de peu, et s’en réjouit. Si elle aime tant ce jeu c’est aussi parce que c’est un des seuls auquel elle me bat.


Eléonore me sauve en appelant à table. Du moins temporairement : bien soigneusement posées sur la table, les cartes attendront que nous ayons fini de dîner. Le rituel, se laver les mains, faire le signe de croix avant de s’asseoir, déplier la serviette, apaise quelque peu ma petite joueuse préférée. Le gratin de choux-fleurs est posé sur la table. Je savoure le calme le temps qu’il dure.


La partie reprend dès le dessert avalé. Corinne maintient son avantage. Elle m’en voudrait de me rendre trop facilement. Je cède pourtant peu à peu du terrain, et une carte défavorable signe, enfin, ma défaite. J’envoie ma petite douce enfiler son pyjama, et profite des quelques minutes octroyées pour serrer Eléonore dans mes bras. Je n’ai pas de nouveau message. Et je m’inquiète de ce que j’ai écrit : elle pourrait me suivre. Elle pourrait, aussi, arrêter. Je ne sais ce que je crains le plus.



VII



En évidence, derrière le volant de la voiture. Une fois encore, je me demande comment elle a fait. Il ne semble pourtant pas qu’elle ait quitté la maison hier soir. Pendant que je racontais une histoire à notre fille ? Je n’ai pourtant pas entendu la porte claquer.

Je glisse le message, encore plié, dans ma poche de chemise. Je sens l’épaisseur du papier à travers l’étoffe, et, en enclenchant la première, je me demande quelle conduite est la plus raisonnable : que je le lise ou pas, je sais que je ne penserai pas à autre chose.

Je décide pourtant de ne pas le lire. Les hypothèses se succèdent. Renonce-t-elle ? Quels objets a-t-elle choisis ? Et comment les a-t-elle classés ? Est-ce que ce qui n’était qu’un fantasme peut devenir vrai ?


J’ai presque envie de faire marche arrière. D’arrêter. Je n’avais besoin de rien de plus. Son corps accueillant, tendre, son amour, et un peu de fantaisie… Mais je n’ai pas besoin de…


De quoi ai-je peur ? Je ne suis obligé de rien !


À la pause déjeuner, je prétexte un dossier à terminer pour rester seul. Je prends mon temps, range un peu mon bureau, me recoiffe, même.

Je déplie, soigneusement, le morceau de papier.


Ce pourrait, après tout, être une simple liste de course.


Il y aura, sur le coffre, les liens que tu m’as demandés. Si je dois être à toi, alors, emporte-les.

Il y aura, sur le coffre, un bandeau de soie noire. Si tu veux être à moi, alors, il sera ton seul vêtement pour m’attendre.



VIII



Eléonore est nue, droite. Ses yeux sont couverts par un foulard. La chambre est éclairée par un bougeoir, celui du salon. La pièce est différente ainsi.

Elle a poussé le chauffage plus qu’il n’était nécessaire. Elle transpire un peu. Où alors, est-ce autre chose que la chaleur ?

Elle a posé sur le couvre-lit ce que j’avais demandé.

Le flacon d’huile était sur l’étagère de la salle de bain, elle n’a pas eu trop à chercher. Elle a trouvé une cravache. Où, je n’en sais rien. L’objet phallique est un godemiché, ou peut-être un vibromasseur, à l’imitation d’un sexe d’homme un peu plus volumineux que le mien. Le lacis de veines apparaît en relief, ce serait bien imité si ce n’est la couleur : il est d’un violet sombre, peut-être à cause des bougies. Les cordons sont semblables à ceux du salon, mais d’un rouge profond. Je les ai pris sur le coffre en entrant.


Je la caresse avec ces cordes. Que vais-je en faire ? J’en avais demandé quatre pour l’attacher, écartelée, aux pieds du lit, mais finalement cela me semble trop simple. Je regarde ma femme. Sa poitrine se soulève au rythme de sa respiration. Sa bouche est ouverte. Je l’embrasse avec violence. Elle se laisse faire, ses lèvres viennent au-devant de moi, mais son corps reste étrangement lourd. Ses bras ne m’enlacent pas.

Les images se succédant dans ma tête. D’où viennent-elle ? Je n’ai pas ouvert une revue porno depuis des années… Eléonore à genoux, cambrée, poignets liés aux chevilles. Eléonore, le visage à terre, le cul rehaussé, offert pour… Eléonore une corde entre les jambes, d’autres autour des seins, comme sur ces images…


Je me reprends. Je ne suis pas capable de tant de sophistication.



J’empaume ses seins. La chair est chaude et douce et souple. Je les pétris. J’aime ça, Eléonore moins. Elle subit mes caresses en abandonnant sa tête sur mon épaule. Son cou est à portée. J’y pose les lèvres, puis la langue. Goût salé, acide, de sa sueur. Je lèche. Puis mords. D’abord à peine, ensuite plus fort. Sa respiration s’accélère. Je pense à la marque qu’elle aura demain et j’insiste, encore.


Elle aura d’autres marques. Ailleurs. Plus tard.


Mes doigts se glissent vers son sexe. Ils sont prudents, attentifs. Mes caresses se veulent cruelles : juste assez pour laisser monter le désir, mais pas suffisamment pour provoquer le plaisir. Gestes coupants, secs. Index inquisiteur. Et qui remonte aussitôt vers la bouche de mon épouse devant Dieu.


Eléonore, ma chère, tu es trempée.


Je la fais basculer sur mes genoux.


Ses fesses sont chaudes et douces. La chair s’étale un peu, juste ce qu’il faut de mollesse pour que j’y trouve mon confort. Eléonore respire fort, trop. Crainte ou plaisir ? Ce que je vais faire là est plus qu’évident.


J’ai la main brûlante et des picotements dans les doigts, quand je m’arrête. Et je dois aider Eléonore à se relever. La tête en bas trop longtemps, je suppose. Elle sourit bravement. Je l’embrasse.


Le plaisir n’est pas pour moi seul, non ?


Je sais bien quoi en faire, de ces cordes, maintenant.


C’est plus long que je ne l’aurais cru. Mais cette longueur me sied : elle ne sait pas ce que je veux faire, pourquoi je la veux impuissante, poignets liés aux montants du lit.


Je prends le temps de l’admirer ainsi. L’ai-je jamais vu aussi offerte ?


Puis, avec délicatesse, je m’empare de ses lèvres gorgées de jus. Je lèche, je goûte, j’aspire. Les mains fermement posées sur les cuisses de mon épouse, je contrains son plaisir : non, elle ne viendra pas au-devant de moi. Non, sa main ne se posera pas sur ma nuque pour m’inciter à continuer, ou, parfois, à la laisser en repos. Les mouvements entravés de son bassin sont pour moi ravissement : elle offre tant bien que mal la petite arête de chair qui régit son plaisir. Je la contente ou me dérobe, la comble ou la frustre au gré de mes mouvements.

Je l’épuise.


Je la détache.


Elle se masse les poignets, l’air absent. T’ai-je donné tant de plaisir ? Je l’attire contre moi. Caresses lentes, apaisantes. Le calme après la tempête. Ou avant ? Mon membre bat doucement, comme les vibrations sourdes d’un tambour qui résonnent dans tout mon être. Eléonore, le répit sera court, sais-tu ?


Elle se love contre moi, m’offrant son dos, ses fesses. Un demi-sourire me vient. C’est presque trop beau, non ? Je n’ai qu’à tendre la main pour attraper le flacon d’huile. Je n’ai qu’à m’enduire simplement le doigt, d’abord. Le reste viendra ensuite…


À moins que je ne te laisse faire ?



IX




La voix insistante de la caissière me laisse tout au ridicule d’avoir une érection persistante dans une station essence. Je sors ma carte bleue en essayant de reprendre mes esprits. Est-ce ainsi que se passeront les choses, tout à l’heure ? Non, bien sûr. Ou peut-être que…


L’atmosphère est électrique. Je froisse mon journal plutôt que je ne le lis. Dans la cuisine la vaisselle s’entrechoque. Je voudrais savoir déjà. Je sais aussi que le décorum sera respecté.

Bouteille de vin débouchée sur la table, et une délicieuse odeur. Eléonore s’est donnée les moyens de retenir mes ardeurs.

Nous parlons à peine. N’osons pas nous toucher. Que disait le mot ?



Oui. Non ! Monter tout de suite, sans attendre ? Je ne suis pas prêt, je ne…


Un éclair de malice dans son sourire. Elle avait préparé son coup, bien sûr. Oui, elle a raison, pourquoi tarder ? Manger davantage ne serait que s’alourdir.


Je l’embrasse au coin de la joue, je monte.


Sur le coffre, ces cordelettes semblables à celles des rideaux. Et un foulard. J’effleure l’un, l’autre.


Bien sûr mon choix est fait.


Alors pourquoi suis-je nu dans cette chambre, un bandeau sur les yeux ?