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Temps de lecture estimé : 8 mn
22/10/08
Résumé:  Je ne sais pas quand je vais revoir Marie...
Critères:  bizarre nonéro journal -journal
Auteur : Harold B  (Harold)      Envoi mini-message
Dead end street

Jeudi 7, 18h40 :


Cela fait à peine deux jours que je suis là, mais le doute et la fatigue m’envahissent déjà. Je suis entré lundi après-midi dans cette chambre, cette petite chambre d’où j’écris, cette chambre face à laquelle ma première impression fut le dégoût. Et dès ce jour, j’ai rencontré quelques-uns de ceux qui seront mes compagnons.

Mardi, tout a réellement commencé. Ceux qui nous commandent ont l’air très puissants, et très intelligents aussi. Mais l’un d’entre eux m’a semblé craintif. Et hier, encore douze heures de préparation ; c’est dur…


Lundi soir et mardi soir, j’ai eu un peu de temps pour sortir avec Phil et Johan. Apparemment, il faut qu’on en profite, ça ne va pas durer comme ça. C’est vraiment trop con qu’ils ne soient pas dans mon groupe, on dirait qu’"ils" ont fait exprès de nous séparer ; heureusement qu’"ils" nous ont laissé l’occasion de nous voir souvent.


J’ai même pu partir hier après-midi ; je suis rentré chez nous ; j’ai vu ma mère et j’ai passé la fin de la journée et la nuit avec Marie, avant de repartir ce matin, prenant le train avec Stéphanie et Aurélie, une de ses amies. Je suis allé jusqu’au centre-ville avec cette dernière et on a bien discuté, c’était sympa comme tout. J’ai failli être en retard parce qu’il y avait eu une bombe dans une gare, encore.


Quelle nuit folle ! Et puis il y a eu l’orage, ce matin, un orage comme je n’en ai pas souvent vu. J’ai mal dormi et je suis crevé.


On a fini tôt, aujourd’hui encore et Marie est passée me voir ; on est allé boire un coup avec Johan et Phil. D’ailleurs celui-ci s’est éclipsé juste avant l’addition. Quel farceur !



21h00 :



Je crois que c’est aujourd’hui qu’il nous a été dit que sans une motivation forte, comme par exemple la rage de vaincre, ou la volonté du pouvoir, nous n’arriverions à rien et qu’il n’était pas la peine, le cas échéant, de continuer dans cette voie. Je ne pense pas avoir, personnellement, quelque motivation que ce soit ; je n’ai même pas de but. Il y a déjà longtemps qu’a été décidé que je viendrais ici, je n’ai pas envisagé d’autre solution.


Je dois me trouver une motivation, une source, une force…


"Ils" nous ont encore fait nous rassembler, ce soir ; ça devient ridicule ! Encore un discours grandiloquent sur le pouvoir qui est en nous. « Vous êtes les dirigeants du monde de demain ! »


Encore une bombe aujourd’hui, mais dans un supermarché, cette fois-ci !


Encore ce doute qui renaît en moi, et toutes ces secondes qui s’effacent à nouveau, qui m’abandonnent !


Je piétine…


Il faudra que je pense à appeler Cyril, il est à Bordeaux et il rentre demain soir.



21h45 :



Je viens d’appeler Cyril, il sera absent ce week-end ; il fait chier ! J’en ai profité pour appeler Lisa ; je pense qu’on va se revoir d’ici la semaine prochaine. À mon avis, Marie va être hyper-jalouse mais elle est pardonnable, parce que Lisa est vraiment trop canon ; elle a peur qu’on ressorte ensemble…


Il y a de moins en moins de monde dans la rue, on voit que la semaine touche à sa fin ; chacun fatigue toujours plus, et puis il y a peut-être cette indicible peur…


"Ils" se dressent tous autour de moi, invisibles, "ils" m’effraient et m’emprisonnent à leur manière.




Vendredi 8, 12h40 :


"Ils" sont de plus en plus grands, la puissance émane de leurs esprits et la folie qu’"ils" exhibent m’envahit comme un sang différent. "Ils" m’emprisonnent de plus en plus, "ils" veulent me garder, et il a été dit qu’il m’est impossible de me libérer et que la seule manière de les oublier est de trouver un chemin à l’intérieur de nous-mêmes.


Une conviction…


Il me semble que, toujours, lorsque je viens de découvrir une solution, une nouvelle porte ou une nouvelle grille (car j’y vois au travers) que je n’avais pas même envisagée se ferme devant moi, me laissant sans issue, découragé et tellement pitoyable ; il me semble à chaque fois que tout ce que je viens de franchir s’est déjà refermé derrière moi.


Je dois franchir cette nouvelle grille.



14h45 :


Les dernières grilles restées ouvertes viennent de se clore. Pas d’ouverture… Pas de conviction… À partir de lundi, interdiction de sortir jusqu’à nouvel ordre. Nous devrons rester à "leur" disponibilité.


Je vais rentrer, je vais aller voir Marie pendant que c’est possible, pendant qu’"ils" m’en laissent encore la permission.


Et revenir m’emprisonner demain…




Mardi 12, 18h55 :


Heureusement que je suis rentré, mes idées se sont changées d’elles-mêmes. Je suis rentré vendredi et samedi. D’ailleurs, samedi, mes yeux se remplissaient constamment de larmes : fatigue ou désespoir ? Ou peut-être simplement le fait de les avoir gardés ouverts trop longtemps ?


Samedi soir, je suis allé faire un billard français avec Marie, Benjamin, Nicolas, Eric, Anaïs ; au moins on a bien rigolé, j’ai tout oublié…


Encore une journée de passée. J’espère que Marie va venir me voir demain midi, comme prévu. La semaine prochaine, je crois que j’ai un rendez-vous avec Lisa… je ne sais plus… pourtant je viens de l’appeler…


Tout est sombre…


J’ai été agressé hier dans le train. Et pour rien, ou presque rien. Le type ne m’a tiré que mes coupons de voyage. Encore une perte inutile. Je ne peux même plus partir, rentrer chez moi, m’en aller.


Mais de toute façon, je n’ai plus le droit de sortir d’ici. Je crois que j’avais oublié.


Ça tourne de plus en plus mal.


À midi, c’était sympa, j’étais avec Johan et nous sommes allés discuter avec des filles, Pauline, Nathalie et Lauriane, qu’on n’avait encore jamais vues. Pourtant, elles sont avec nous, dans la même galère. L’une d’entre elles m’a dit qu’elle voulait partir, abandonner.


Il ne faut jamais partir en premier.




Mercredi 13, 18h40 :


Le nihilisme peut-il s’assimiler au fait de n’avoir aucune conviction ? Il me semble avoir eu une illusion… Peut-être un rêve, un voyage…


À 13h, Marie est passée ; elle a eu le droit d’entrer. Elle avait apporté à bouffer, on a réussi à manger ensemble, dehors, sous les arbres.


Et puis il a fallu nous séparer ; je devais partir. Tout est de plus en plus mauvais.


L’espace tombe avec les heures, l’espoir tombe aussi. Simple désillusion. Le nihilisme protège des désillusions. Ou simple peur. Mais la peur étouffe le nihilisme, et pourtant la peur, elle aussi, protège des désillusions. Simple contradiction, qui entraîne la peur.


Cyril est venu me voir aussi ; je n’ai pas pu sortir, mais on a pu prendre un café ensemble, avec Phil. Encore une fausse occasion pour oublier les méfaits du temps. Un prétexte.



20h55 :


J’attends ; j’attends toujours… Pas de nouveau signe, rien qu’une peur imminente, et la recherche de la clé.


Il n’y a qu’un seul pas, je crois, entre le nihilisme et l’anarchie ; à moins que le nihiliste ne croie pas même en lui, en ses actes. Ne pas croire en soi entraîne-t-il une fin ?


Cyril m’a dit qu’il fallait que je l’appelle demain soir. Je ne sais même plus pourquoi. J’espère que Marie ne va pas oublier l’heure de notre rendez-vous, demain. Il faut qu’elle vienne.


J’ai l’impression que le fait de ne croire en rien signifie que l’on a au moins une conviction. Le rien forme déjà un tout en lui-même.



22h55 :


Je rumine mes idées de départ et d’anéantissement.


Je crois qu’il est possible d’admettre, sinon de reconnaître, que le prix de la liberté, c’est la solitude. Mais si je suis seul, ma liberté devient limitée par l’absence d’autrui.


Le rebelle est persuadé d’être libre, mais il ne l’est pas. Le rebelle est anticonformiste, mais la réciproque est fausse.


L’échec risque d’être déstabilisant. Que se passera-t-il si je suis déstabilisé avant d’échouer ? Car c’est "leur" méthode : "ils" font tout pour nous déstabiliser.


Celui qui rampe ne tombe jamais…



Jeudi 14, 21h45 :


Tout le monde ici paraît convaincu, sauf moi.


Il me semblait pourtant avoir passé une assez bonne journée ; j’ai cru comprendre des choses et même en réussir d’autres.


Et puis j’ai appris que Phil avait craqué. C’est terrifiant. Un de moins.


Et un pas de plus vers la solitude.



Samedi 15, 23h40 :


Rien n’a changé. Encore les larmes, hier soir. Les mêmes larmes, la même fatigue, et peut-être le même désespoir, si violent.


Et aujourd’hui ! Mon dieu ! Quelle journée horrible !


Mais une petite lumière est venue éclairer ma soirée. Stéphanie est passée me voir, à l’improviste. Qu’elle est belle, toujours ! On a beaucoup discuté, c’était bien. Et on a parlé de Marie. Stéphanie m’a dit qu’elle l’avait trouvée "adorable". Je ne sais pas trop comment je dois interpréter ça…


Marie me manque beaucoup, et je ne sais pas quand je vais pouvoir la revoir. Peut-être demain ?


Il est minuit ; le moral tombe avec les heures. Plus j’attends et moins je comprends. Cercle vicieux.


Il y a ici encore beaucoup de monde que je ne connais pas. Et il y en a aussi qui restent bien antipathiques à mes yeux.


"Ils" nous ont effectivement encore pourri la journée. Et toutes les journées d’après, sans doute. "Ils" me méprisent et je "les" hais ! "Ils" sont de plus en plus nombreux, méconnaissables, partout autour de moi.


Un philosophe a dit un jour : Qui atteint son idéal, par cela même le dépasse. Mais qu’est-ce vraiment qu’un idéal ? Est-ce que ça porte bien son nom ?


J’ai envie de crier à Marie que je l’aime, peut-être qu’elle m’entendrait de là où elle se trouve ?


Je t’aime…



Dimanche 16, 17h00 :


Je dois manquer de courage.


Et j’ai l’impression de ne plus trouver le temps d’écrire. Comme si je débordais. Mais je croule sous mes promesses et j’étouffe à chaque nouvelle prise de tête. Pour rien !


Il faudrait que j’essaie de me rappeler comment j’en suis arrivé là… Mais c’est impossible ! Impossible !


Mais ce soir, j’ai rendez-vous avec Lisa. Enfin, c’est elle qui va venir, puisque je ne pourrai sans doute pas sortir. Je l’emmènerai marcher, ici, nous promener sous les arbres, parler, se rappeler, oublier, rire… Vivre !



22h20 :


J’ai comme perdu la mémoire. L’impression fugace d’être ailleurs, et hors du temps. C’était merveilleux.


Et Lisa est de plus en plus jolie !



Lundi 17, 21h30 :


Hier soir, j’ai beaucoup souffert. On dit que l’esprit gouverne le corps, mais ma chair, aussi faible soit-elle, torturait mon esprit.


Et c’est l’éternel recommencement.


Non, je ne crois pas qu’il y ait eu de véritable changement. Tout est si terne.


C’est ce soir que s’est produit "l’accident".


On approche du point chaud.


J’attends. J’attends encore jusqu’à vingt-deux heures.


Je ne sais pas quand je vais revoir Marie…