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Temps de lecture estimé : 16 mn
27/12/08
Résumé:  Prenez donc les commandes d'un Skin enragé ! (Épisode pouvant être lu de façon indépendante).
Critères:  nonéro humour sf -sf
Auteur : Hidden Side      Envoi mini-message

Série : Dans la peau d'un autre

Chapitre 11 / 14
Violence

Résumé partiel des épisodes précédents : Pichon reçoit un coup de fil du service des urgences. On lui apprend que quelqu’un vient de tenter de trancher la gorge de Lucien Gatimel. Le vagabond, qui a échappé de peu à la mort, se jure de retrouver le responsable de sa déchéance. À sa sortie d’hôpital, Pichon accueille chez lui le poivrot. Malgré toutes les tentatives de Pichon pour l’en empêcher, Gatimel entreprend alors de relater à Églantine son passé d’écrivain. Pichon confie à son tour ce qu’il a vécu. Ils se concertent pour essayer de comprendre ce qui leur arrive.


Leur conciliabule a un témoin : une mouche-espion, envoyée par Félix Berthier. Le gnome, apprenant l’incroyable vérité, comprend que sa machine, le videur, fonctionne réellement…


C’est à ce moment que l’on sonne chez lui. Sur son palier, il découvre un paquet emballé dans du papier journal. À l’intérieur, un livre, à la couverture tachée de sang. À la grande terreur de Félix Berthier, une voix se fait soudain entendre dans son appartement. Il s’agit de « la conscience » de son double, expulsée de son propre univers lors d’une expérience malheureuse. L’esprit éthéré entreprend alors de conter à Berthier la très étrange épopée qu’il a vécue.


Tout a commencé par une canette de limonade, dans laquelle s’est retrouvée enfermée cette « âme sans corps ». La canette fut bue, et l’âme de Berthier chemina jusqu’à la vessie du buveur… qui s’avéra n’être autre que Francis Pichon ! Par une suite incroyable de péripéties, l’âme perdue finit par retrouver un certain clochard et son étrange ouvrage, vierge de tout caractère d’imprimerie.





Le récit s’était interrompu de façon abrupte, juste après la narration de la rencontre « providentielle » de son double éthéré et de Lucien Gatimel. Depuis près de deux minutes, plus rien ne s’inscrivait sur cette page griffonnée à la va-vite. Cette attente générait en lui la frustration bien connue du lecteur de nouvelles, quand il se trouve confronté au classique mais crispant « À Suivre », à l’issue d’un épisode au suspense haletant.



Pas de réponse ! Soudain, Berthier entendit la même voix caverneuse, s’adressant de nouveau à lui.



Le gnome fit ce qu’on lui demandait. Après tout, il n’avait pas de raison de se méfier de son propre double, non ! Et puis, qu’avait-il à craindre d’un esprit décorporé ?


Félix Berthier ouvrit grand les yeux. Son regard flou dérivait sur les meubles de sa cuisine. Sans ses lunettes, il percevait son intérieur de façon étrangement déformée. Comme un poisson rouge depuis son bocal. Une douleur atroce le transperça soudain.



La brûlure était d’une telle intensité qu’il fut incapable de penser durant quelques instants. Il avait eu l’impression qu’une aiguille chauffée à blanc avait été enfoncée en plein centre de sa pupille… C’était, en première approximation, l’une des pires souffrances qu’il ait jamais éprouvées ! À moitié fou de douleur et presque aveuglé, le nain sauta de sa chaise et s’avança en titubant vers la salle de bain. Il s’approcha à tâtons du grand miroir qui surplombait le lavabo en faïence, et là seulement, il ôta, avec d’infinies précautions, la main de son globe oculaire transpercé. Sa plus grande crainte était de voir s’en échapper toutes les humeurs aqueuses. À son grand soulagement, il constata que le liquide clair qui baignait ses paupières n’était constitué que de larmes. Son œil semblait parfaitement indemne.



Elle était issue du même endroit. Sa fichue caboche.



Ces morpions étaient entrés dans son œil ! Ils étaient quelque part en lui, comme un corps étranger menaçant. Pire que ça ! Un corps étranger doué de conscience, et certainement capable de lui nuire bien au-delà de l’envisageable !



Félix était terrifié.



Berthier n’eut même pas le temps de se poser la question. Une sensation de chaleur intense fusa soudain dans le fond de son orbite. Presque aussitôt, des flashes lumineux envahirent la moitié de son champ visuel, comme si on faisait exploser des fusées éclairantes sous son crâne. La douleur, insoutenable, le fit aussitôt s’évanouir.




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[Jeudi 22 novembre 2007, quatre heures trente-huit] :


Gatimel avait beau être saoul, il n’en conservait pas moins une once de lucidité. Cela valait mieux pour lui, sachant qu’il passait le plus clair de son temps dans cet état. Du moins, quand il arrivait à se fournir en carburant, soit n’importe quelle boisson entrant dans la gamme proprement faramineuse des liquides alcoolisés. Aussi, sa « puciolle » finit malgré tout par lui sembler bizarre.


« Jamais vu c’genre de truc en ville, moi ! Qu’est-ce que c’est donc qu’ce bon dieu d’machin ? » pensa-t-il vaguement, en gratouillant d’un ongle crasseux son front couvert de croûtes.



Avant même qu’il n’ait l’idée de chasser cette bestiole d’un revers de la main, la lueur qui éclairait son visage s’éteignit. Comme si elle n’avait jamais existé…



Son cerveau baignait dans le bourbon. Aussi, cette bizarre lueur mouvante – qui, de surcroît, venait de disparaître - cessa rapidement de focaliser son attention. Il n’avait plus qu’à la classer dans le vaste rayon des hallucinations et autres delirium, qui comptait nombre de spécimens bien plus étranges encore. Gatimel s’assura qu’il ne restait plus la moindre goutte dans la bouteille, avant de la balancer dans le caniveau. Grâce à l’anesthésie bienfaisante du whisky, il ne tarda pas à oublier la morsure du froid. Ce qui lui permit de se laisser aller en toute quiétude à son habituelle torpeur comateuse. Il ne se rendit même pas compte que le livre qu’il gardait toujours avec lui était en train de s’échapper de son anorak entrouvert.



À peine l’ouvrage avait-il chu sur la chaussée que l’étrange lueur se rallumait à nouveau. Avec grâce, celle-ci vint se positionner au-dessus de la couverture du livre. Presque aussitôt l’iridescence de la chose s’accentua, passant d’une pâle note de jaune à une éclatante couleur rubis. Ce rougeoiement, qui pulsait comme le cœur d’un soleil, dégageait quelque chose de profondément maléfique.


Gatimel dormait déjà à poings fermés. Il n’avait rien vu de la scène. D’ailleurs, il ronflait encore, plusieurs heures plus tard, quand un skinhead dénommé Karl se mit à hurler de douleur, à quelques rues de là. Le loubard vociférait comme un damné, une main pressée convulsivement sur son œil droit. Les membres de son gang s’étaient rassemblés autour de lui, bras ballants, ne sachant ni ce qui lui arrivait, ni comment lui porter secours. Après avoir gesticulé en tout sens, le skinhead finit par glisser au sol, où il se recroquevilla, le visage enfoui entre ses mains. Un quart d’heure plus tard, il ne bougeait plus du tout.


Son fidèle lieutenant, Mike, vérifia du bout de sa Doc Martens ferrée que Karl avait bien passé l’arme à gauche. Le chef de leur petit gang fasciste était connu pour ses réactions excessives et imprévisibles. Il ne tenait pas à prendre le moindre risque, dans cette situation pour le moins inédite. Mike sursauta violemment quand la main de Karl s’agrippa à sa cheville, l’enserrant dans une poigne d’acier. Le chef de bande se releva, sans un mot.


Son lieutenant devait se rappeler longtemps du regard qu’il lui jeta. Il n’en parla à personne, de peur de se faire tourner en ridicule. Chez les boneheads - branche marginale mais hautement redoutable du mouvement skinhead - le ridicule peut tuer. Mike avait eu l’impression de se retrouver dans ce vieux film de Schwarzy, confronté au Terminator en personne… Dans les pupilles de Karl, une sorte d’éclat rouge vif avait pulsé quelques instants. Puis l’inquiétante lueur s’était éteinte. Le tout n’avait duré que le temps d’un claquement de doigts.




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[Jeudi 22 novembre 2007, dix heures quinze] :



Lucien Gatimel ne vit pas le premier coup venir. Une méchante droite, qui l’envoya rouler à terre. Il se releva tant bien que mal, s’appuyant autant sur le mur derrière lui que sur ses guiboles flageolantes. Il essuya du dos de la main le sang qui coulait de sa bouche. Les passants, peu nombreux, changeaient prudemment de trottoir, l’air pressé, feignant d’ignorer le petit groupe autour du vagabond. Une jeune femme fluette, habillée d’une gabardine qui avait connu des jours meilleurs, s’arrêta pour téléphoner au commissariat de quartier.


Qu’est-ce que cette bande de dégénérés pouvait bien lui vouloir, se demandait Gatimel, à la fois terrifié et en colère. Ils devaient se gourer de client.



Le type qui lui faisait face était effrayant. Ce barbare au crâne rasé le fusillait du regard, un sourire sadique en coin. Avec lenteur, il tendit la main en direction de Gatimel.



Gatimel entrouvrit son anorak élimé, glissa une main nerveuse à l’intérieur et en ressortit… le restant d’un rouleau de papier toilette. Il le tendit au chef de la bande, sous les regards à la fois incrédules et amusés de ses sbires.



Des rires nerveux s’élevèrent du petit cercle formé par les skins. Karl, les mâchoires soudées, ne répondit rien. Il y eut un claquement sec, aussitôt suivi d’un éclair de métal fendant l’air. Le vagabond hoqueta, tomba à genoux, les deux mains crispées sur sa gorge, essayant futilement d’empêcher la vie de s’enfuir de son corps. Le sang, d’un rouge presque noir, bouillonnait entre ses doigts. Il perdit connaissance et s’affala sur le trottoir gelé. Un silence pesant avait remplacé les rires.


La jeune femme en gabardine se mit à pousser des cris stridents. Sans s’en inquiéter, Karl se baissa pour fouiller Gatimel. Il faisait preuve d’un détachement presque inhumain.



Sans se départir de son calme effrayant, il retourna le vagabond sur le dos. Le corps de Gatimel cachait une sorte de livre de poche, qu’il avait badigeonné de son sang. Karl s’en empara, avec un grognement de satisfaction. Mike lui tendit une main impatiente, l’aidant à se relever. Les deux hommes quittèrent rapidement les lieux, tournèrent au coin de la rue, puis s’élancèrent dans le lacis des ruelles adjacentes.



Karl ne l’avait pas entendu. Toute son attention semblait être captée par le livre, qu’il feuilletait avec une expression ravie. Il releva la tête au dernier moment. Trop tard.


Parfois, il arrive qu’une certaine routine instille en nous des habitudes paresseuses, un sentiment trompeur de sécurité. Le chauffeur du bus connaissait par cœur sa ligne, la quatre-vingt-quatorze. Néanmoins, il s’écoula un temps anormalement long avant que ce brave fonctionnaire ne saute à pieds joints sur la pédale de frein de son Heuliez GX117, après qu’il eut repéré ce type au crâne rasé, qui s’apprêtait à traverser nonchalamment le boulevard quelques mètres à peine devant son pare-choc. Ce temps de latence excessif était directement lié à l’incrédulité du chauffeur, concernant ce qui allait arriver de plus probable. Soit qu’à six mois de la retraite, il allait renverser son premier piéton, exécutant de façon sommaire une victime innocente à l’aide de son arme de service. Une arme mortellement efficace, en l’occurrence, que cette masse roulante de quinze tonnes, lancée à plein régime.


Le système de freinage du bus était parfaitement efficace et plutôt bien entretenu. La vitesse du véhicule, au moment où il heurta Karl de plein fouet, était donc, somme toute, relativement peu élevée. Après coup, un bataillon d’experts dûment assermentés devait l’estimer à cinquante-six kilomètres/heure. De plus, le skinhead eut beaucoup de chance. Au lieu de passer sous le train roulant de l’autobus et de succomber presque aussitôt à ses blessures, il fut violemment projeté en avant par le choc. Cela dit, sa réception sur le bitume, après un vol plané de dix-huit mètres, l’avait plutôt mis dans un sale état.


Affolé, Mike se précipita vers le chef de son gang. Celui-ci était à peine identifiable. Son visage sanguinolent donnait l’impression d’avoir été laminé par une râpe à fromage particulièrement efficace.



Il en croyait à peine ses oreilles. Bon dieu, même sur le point de crever, il se préoccupe encore de ce foutu bouquin ! Cependant, Mike était un lieutenant discipliné. De plus, il en allait aussi de son intérêt. Ce maudit livre constituait une preuve plutôt gênante, et il n’avait aucune envie d’être lié à une sordide affaire de meurtre. Il repéra rapidement le bouquin ensanglanté, qui avait atterri à quelques mètres de là, et le ramassa. Puis, sans un regard en arrière, il se fondit dans la foule compacte des badauds. Quand l’arrivée des secouristes apporta un regain de tension dramatique au spectacle, il n’était plus là pour partager leur délectation morbide.




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Karl était doté d’une constitution plutôt robuste. Malgré plusieurs fractures de la colonne vertébrale et diverses hémorragies internes, l’équipe de réanimation avait réussi à maintenir le nazillon en vie. Malheureusement pour lui, sa pompe à morphine connut une bien étrange panne durant la nuit du quatre au cinq décembre. Ce qui eut pour conséquence directe d’entraîner son décès - dans d’atroces souffrances, cela va sans dire. Sans la survenue de cet incident rarissime, peut-être aurait-il pu survivre et mener une brillante carrière de voyou quadriplégique.


Finalement, Karl n’avait pas eu tant de chance que ça… Ce soir-là, l’infirmière de garde ignora délibérément les avertissements lumineux, les alarmes ainsi que les appels désespérés provenant de la chambre 1408. Il se trouve qu’elle connaissait bien Karl. Quelques années auparavant, sa sœur cadette avait été victime de celui qu’on appelait depuis « le boucher de Montparnasse ». Affaire classée sans suite, par manque de preuves. Cette infirmière s’appelait Annie Welsik.


Dans la vie, il n’y a pas de hasards. Il n’y a que des rendez-vous.




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La collision frontale avec le bus avait pas mal secoué les consciences. Y compris celles de Berthier et de son compagnon d’infortune, Moustique.



Le visage écorché du skinhead se reflétait dans une flaque, formée par la pluie fine qui s’était mise à tomber… Berthier n’arrivait pas à faire bouger le cou de Karl. Il orienta donc les globes oculaires du voyou afin que Moustique et lui aient une meilleure vision des dégâts qu’il avait subis.





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[Mardi 4 décembre 2007, dix-neuf heures trente] :


Karl avait eu le temps de reprendre ses esprits. Il avait appris la gravité de son état deux jours après son admission à l’hôpital, en écoutant les conversations des médecins qui se succédaient dans sa chambre. Il lui avait fallu gérer seul l’horreur de cette terrible nouvelle : s’il s’en sortait, il allait passer le temps qui lui restait à vivre prostré dans une chaise roulante, à s’alimenter avec une paille. Il avait repris connaissance dans cette chambre stérile, à moitié mort, incapable de bouger ou de prononcer le moindre mot. Depuis que cette horrible douleur avait explosé dans son œil, c’était le flou total. Il ne se souvenait de rien.


À présent, il était aussi fragile qu’un nouveau-né, aussi démuni qu’un grabataire. Il crut qu’il allait devenir fou. Non ! Qu’il était DÉJÀ devenu fou ! Car il entendait… des voix. Deux voix, exactement. Qui s’interpellaient d’un côté à l’autre de sa tête. Sans arrêt ! Il était loin d’être impressionnable. Mais là… il était foncièrement terrifié.


Il était là depuis près de deux semaines et personne n’avait encore été en mesure de l’identifier. Il n’avait pas de papiers sur lui, n’avait reçu aucune visite. Muet et complètement défiguré, Karl était un vrai mystère pour le personnel soignant et l’administration de l’hôpital.


Hier, quand il avait vu entrer Annie Welsik dans sa chambre, il l’avait immédiatement reconnue. À cause d’elle, il avait bien failli finir en taule, il y a trois ans. De sa sœur aussi, il s’en rappelait bien. Bon dieu ! Il avait passé un sacré bon moment avec cette blondasse, avant de la tuer. Que se passerait-il si l’infirmière apprenait que le patient de la chambre 1408 était l’enfant de salaud qui avait torturé et buté sa frangine ? Cette pensée lui filait des sueurs froides…


Et encore, Karl était loin d’imaginer ce qui allait lui arriver, dans moins de cinq minutes.


La porte de la chambre s’entrouvrit lentement. Il devait s’agir d’une erreur. C’était bientôt la fin des visites, et il arrivait parfois qu’un malade ou sa famille se trompe de chambre. En général, quand ils l’apercevaient, immobilisé de la tête aux pieds par des tiges métalliques et branché de partout, ils se barraient sans demander leur reste.


Quelles ne furent pas sa surprise et sa joie quand il reconnut un visage ami. C’était Mike !



Nom de dieu ! Qu’est-ce qui lui arrivait ? C’était les premiers mots qui sortaient de sa bouche depuis son accident, mais ce n’était pas lui qui les avait formulés. On aurait dit un macabre numéro de ventriloque. Mike s’approcha du lit, mal à l’aise. Il ne souriait plus.



Son lieutenant s’assit sur la chaise, à côté de lui. Dans ses yeux, il lut la pitié. Soudain, Karl sut ce qui était en train d’arriver. Les voix ! Les voix, dans sa tête ! C’était elles qui appelaient Mike !



Karl eut envie de lui hurler de ne pas écouter cette supplique retorse, de déguerpir tant qu’il en était encore temps. Mais aucun son ne pouvait franchir le barrage de ses propres lèvres. Comme dans un cauchemar, Mike se pencha sur lui. Le visage de son comparse n’était plus qu’à quinze centimètres du sien, quand son expression changea d’un seul coup. La pitié et le dégoût firent brutalement place à la terreur la plus abjecte. Dans les yeux de Mike, Karl vit se refléter la lueur rougeoyante et diabolique qui émanait de ses propres pupilles. Une déflagration silencieuse emplit son crâne, accompagnée de flashes aveuglants. Cette fois-ci, il ne perçut qu’un lointain écho de douleur, étouffé par l’épais coussin de la morphine qui saturait son cerveau.


Ce n’était pas le cas de Mike. Au même instant, celui-ci poussa un cri sourd en plaquant fébrilement ses deux mains sur le côté droit de son visage. Son lieutenant se mit à trembler de tous ses membres, avant de glisser par terre, comme une marionnette décérébrée. Karl l’entendit marteler faiblement le sol ; derniers soubresauts d’une lutte perdue d’avance. Puis, plus rien.


Les voix étaient parties ! C’était à la fois un soulagement et une inquiétude. Cet ennemi invisible venait d’avoir Mike. Dieu seul savait ce qui allait arriver, à présent… Karl essaya de crier, d’appeler au secours. Il ne put émettre qu’une sorte de gargouillis étranglé. Le signal d’alarme ! Il devait prévenir quelqu’un avant que Mike – ou plutôt, celui qui avait pris sa place - ne se relève… Millimètre par millimètre, il étira son cou vers la petite chaînette qui pendait à portée de ses lèvres. Encore un petit effort, il y était presque ! Il lui fallut dix bonnes minutes avant de voir enfin s’allumer le voyant rouge au-dessus de son lit. L’infirmière de garde allait arriver. Elle donnerait l’alerte. Il allait s’en sortir !


Bordel, mais qu’est-ce qu’elle foutait, cette pétasse !? se demandait-il.



L’infirmière était presque aussi blanche que sa blouse. « Mike » s’en fut, sans rajouter un mot. Inutile. À présent, elle savait.


La soif de vengeance se lisait dans les yeux d’Annie Welsik.



[À suivre…]