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Temps de lecture estimé : 22 mn
13/04/09
Résumé:  Seul le temps passe, pas les sentiments.
Critères:  fh couple amour cérébral revede photofilm odeurs fmast cunnilingu pénétratio jouet jeu mélo -amourdura
Auteur : Olaf      Envoi mini-message

Série : Sexe, chocolat et autres mésusages

Chapitre 03 / 03
Brocante, caresses et photos numériques

Rappel du chapitre précédent :

Ma deuxième rencontre avec Véronique a été très différente de ce que j’avais prévu. Après avoir frisé la rupture, nous avons fini par partager un moment très intense. Véronique a toutefois posé une condition draconienne à la poursuite de notre relation.




*




Paradoxalement, c’est à partir de ce moment que tout se déglingue dans ma vie. En posant cette exigence, je ne crois pas que Véronique ait voulu m’éloigner définitivement d’elle. Elle me supposait au contraire de taille à réussir. J’essaie d’ailleurs sincèrement. Pour elle, pour moi. Mais plus j’essaie, pire c’est. Cette histoire touche vraisemblablement à une pièce maîtresse de mon édifice personnel. Un truc que je refusais de voir, et qui me saute à la tête comme une bombe à retardement.


Cela ne me retient pas de commencer par le plus simple, en renonçant à passer l’essentiel de mes nuits dans les bars. Au début, cela ne me manque pas trop, tant j’ai de trucs à régler qui attendent depuis des siècles. Mais, progressivement, une sensation insidieuse apparaît, causée par le manque de Véronique, mais aussi par quelque chose de plus profond. Je ressens de plus en plus souvent un mal-être tenace, inquiétant. Confronté à ma propre vacuité, il faudrait que je reparte de zéro pour arriver à chasser mes vieux fantômes. C’est le contraire qui se passe. Je surestime mes forces et finis par me casser la gueule, en réalisant trop tard à quel point je me suis moi-même piégé dans un cercle vicieux insurmontable.


C’est sûrement à cause de cela que les copains commencent à s’éloigner de moi, rebutés par mon attitude injustement agressive et mes réactions erratiques. Je n’en fais pas grand cas. Ça se corse quand je réalise que je ne trouve plus de fille pour réchauffer mon lit. Là, je deviens franchement imbuvable, au point d’être mis en garde au boulot, puis de me faire virer.


Sans activité régulière, sans relations, sans sexe, sans revenus, je perds définitivement confiance en moi. La vie commence à glisser entre mes doigts et je plonge, en dilapidant le peu de tune qui me reste pour me bourrer la gueule. Je n’envisage plus de revoir Véronique dans cet état. Je crains même de la croiser, tellement j’ai honte de mon échec.


Je perds ainsi des années à zoner de petits boulots en expédients. Seuls quelques rares amis me soutiennent encore dans les moments les plus durs, en colmatant les brèches comme ils peuvent. Huit ans plus tard, je touche le fond du fond. Je ne vois rien venir. Rien d’autre qu’un malaise de plus dans un bar, sauf que cette fois, une insupportable douleur abdominale me crucifie. Je termine dans la sciure, roulé en boule sous une table, vomissant tripes et boyaux, un étrange goût de sang dans la bouche. Dans un dernier éclair de conscience, je me dis que je dois m’être pété des dents en tombant.


À mon réveil, à l’hosto, le toubib me prend de haut. Il n’a pas trop apprécié mon arrivée en urgence, imbibé de vomi et de sang, puant et suffocant. Je sens bien que, pour lui, je ne suis rien d’autre qu’une épave qui recommencera à la prochaine occasion. Au moment où je sors des vapes, il tape un grand coup pour mettre d’emblée les choses au point.



J’essaie de sourire pour montrer un peu de bonne volonté. Pas facile avec des tuyaux dans tous les orifices, le cerveau en compote et les boyaux en feu. Cet épisode marque néanmoins le coup d’arrêt de ma descente aux enfers, juste au moment où la porte allait s’entrouvrir et les flammes consumer ma dépouille.


Plusieurs semaines passent avant que se produise la vraie rédemption, grâce à un lointain copain brocanteur qui a découvert que les Suisses, ordrés comme ils sont, déposent leurs déchets encombrants sur les trottoirs des grandes villes, à certaines dates fixes du mois. Il suffit donc de se pointer une fois par semaine vers vingt heures à Lausanne ou à Genève pour faire son marché. D’après lui, ça vaut le déplacement, surtout quand on a comme lui un dépôt dans le deux-cinq. Sauf que des bandes ont commencé à s’organiser pour empêcher les autres de profiter de l’aubaine. Il me propose de l’accompagner pour les tenir à distance pendant qu’il fera le tri. Je n’ai rien de mieux à faire, et cela me force à retrouver un minimum de rythme de vie.


Comme il ne peut pas me payer – ou qu’il préfère ne pas me filer de fric pour éviter une rechute - il me dédommage avec les surplus de sa récolte. Des trucs invendables en brocante que je peux toutefois écouler dans des coffres-ouverts. C’est ainsi que j’entre dans le circuit. Au début, avec de la daube, puis progressivement avec des pièces plus intéressantes, quand les clients commencent à m’appeler pour vider des appartements et des maisons. D’une manière ou d’une autre, je dois inspirer confiance.


Le copain m’enseigne les rudiments du métier. Il s’arrange aussi pour me maintenir loin de la bibine, tout en me redonnant courage au bon moment. Malheureusement, les Suisses en ont rapidement marre des bagarres sous leurs balcons, et changent leur système de ramassage. J’ai quand même le temps de faire quelques affaires et surtout de prendre goût à ce boulot. Au moment de voler de mes propres ailes, je décide de retourner dans mon patelin pour ne pas faire d’ombre à celui qui m’a sorti de l’ornière. C’est en partie à lui que je dois de ne plus avoir touché à l’alcool depuis ma sortie de l’hôpital.



C’est plutôt rare qu’une ado s’intéresse à mes bouquins. Surtout dans une brocante de province comme celle où j’ai planté mon stand ce matin. Elle doit avoir une quinzaine d’années. Mignonne, très mignonne même, avec un sourire craquant.



J’ai à peine le temps de mettre le bouquin dans un sac en plastique, que la maman arrive à mon stand et se met à passer mes cartons de livres en revue, sans me prêter attention. Je la regarde un peu plus attentivement pour évaluer mes chances de vente, et là, mon cœur s’arrête de battre, mes poumons se vident, mes jambes lâchent et je m’effondre à l’arrière de ma camionnette.


Pourquoi maintenant, pourquoi de cette manière ? Je n’y arriverai pas, pas la force, impossible de me présenter à elle sans un minimum de préparation, de décorum. Mon visage et mon corps sont marqués par les années de galère, je ne ressemble à plus rien qu’elle puisse trouver à son goût, je vais lui faire peur. En plus, si j’essaie de parler, je n’arriverai qu’à proférer quelques onomatopées. Cette rencontre, cette unique et toute dernière chance de ma vie, va tourner à la débandade. Dix ans à tenter de sortir du trou, pour en être réduit à tout perdre en une fraction de seconde.


J’ai envie d’aller me cacher au fond de mon vieux Ford. Trop tard ! Elle a fini de fouiller mes cartons et me cherche du regard, un livre à la main. Pour gagner du temps, je continue à faire semblant de m’affairer derrière les portes de mon véhicule.



Je n’ai déjà plus de salive avant d’avoir ouvert la bouche.



Elle rit. Et quel rire ! Immédiatement je retrouve sa confiance dans la vie, sa capacité à faire du moindre événement un moment de plaisir. J’avais oublié tout cela, la douceur de tout cela, la douceur d’être à côté d’elle et de ne plus avoir besoin de rien d’autre.


D’un coup, mon esprit est submergé par les réminiscences. Des images précises de nos rencontres défilent, de violentes émotions resurgissent, accompagnées de bribes de phrases que nous avions échangées à l’époque.


Bien sûr, les ans ont passé et nous avons changé. Elle pourrait être différente, avoir été gagnée par la morosité ambiante, vaincue par les difficultés de l’existence. Pourtant, je n’en crois rien. Telle que je la vois devant moi, tel que je viens de recevoir son regard au fond du cœur, je suis persuadé que ni son appétit de vie, ni sa débordante sensualité, ni son enveloppante tendresse ne se sont atténués au cours des ans. Aujourd’hui comme hier, tout en elle rend évidente son envie de profiter de la vie, fût-ce dans ses plus infimes détails. À la voir répondre à sa fille, sourire à ce qui l’entoure, poser ses mains sur les objets de mon stand, aucun doute qu’elle ait gardé intacte sa capacité à dénicher les grands soirs dans la grisaille des jours. C’est trop fondamental chez elle. Et c’est exactement ce que je n’ai jamais réussi à me sortir du cœur depuis son dernier baiser.


Instinctivement, la peur d’être à nouveau dominé par les événements me reprend. J’aimerais pouvoir arrêter le temps, qu’elle me laisse me glisser pas à pas dans cet essentiel sensuel et amoureux qu’elle représente pour moi depuis la première nuit, qu’elle me permette de me couler, sans me brûler cette fois, dans l’absolu et bouillant tourbillon de son amour.


Il faut surtout que je me reprenne. Elle vit certainement une relation heureuse et durable avec un mec formidable. Peut-être même un acupuncteur, si ça se trouve. D’ailleurs, objectivement, rien d’extraordinaire ne vient de se passer. Je suis à mon stand de brocante, un peu calme ce matin, et une petite blonde ravissante me tend le livre qu’elle voudrait acheter. Ceci dit, elle va sérieusement commencer à s’impatienter si je ne me décide pas à lui répondre.


La grille se lève, les trompettes sonnent. Ils sont des milliers à me regarder tituber, assis sur les gradins, le pouce tendu vers le bas. Vae victis, mort au nul, libérez les fauves, que ces pauvres bêtes aient enfin à bouffer.


J’entre dans l’arène…



D’un coup, je suis transposé dans le bar de notre première rencontre. Je me revois après l’avoir bousculée, attendant de sa part une réaction qui ne vient pas. Cette fois encore, elle encaisse le choc sans broncher, se contentant de me regarder intensément, affectueusement même. Où va-t-elle chercher une pareille maîtrise ?



Pris de court, je griffonne une banalité du genre « le désir qui résiste aux vicissitudes quotidiennes plonge ses racines dans une respectueuse admiration », à laquelle j’ajoute mon numéro de mobile. C’est pathétique, mais je n’ai pas assez de ressort pour faire mieux. Elle paie, puis disparaît avec sa fille, sans se retourner, comme à son habitude.


Quelques minutes plus tard, je vois de loin la fille planter sa mère devant un stand, pour venir en catimini chercher le cadeau que j’ai emballé. Elle ne peut se retenir de me demander comment je la connais. J’élude, d’une manière que je voudrais rassurante. Après avoir payé, elle me quitte, à moitié convaincue, en lançant un « Alors, à bientôt peut-être ! » qui ne laisse aucun doute sur sa crainte de me voir débarquer dans leur vie.


En fin d’après-midi, je reçois un texto avec une adresse et quelques mots mystérieux : « Viens, s’il te plaît, mais pas avant vingt-deux heures ». Ce qui me laisse assez de temps pour ranger mon stand et repasser chez moi me préparer. Je ne me sentirai pas plus sûr de moi, mais cela m’occupera l’esprit en attendant.


Comme le veut notre tradition, la porte de son appartement est entrouverte lorsque j’arrive. Cette fois cependant, les lampes sont éteintes. Pour m’aider à me repérer dans ce lieu que je ne connais pas, Véronique a balisé un chemin au moyen des fines bougies qu’on place sur les gâteaux d’anniversaire. Sa fille n’a plus l’âge de ce genre de choses, y aurait-il un autre enfant, plus jeune ?


La première étape passe par le séjour, où Véronique a construit une sorte de bar au moyen de deux tabourets, d’un drap et de la jeannette qui nous avait séparés lors de notre dernière rencontre. Elle y a placé un verre de jus de fruits. Pendant que je bois son philtre, je découvre en face de moi un miroir sur lequel je distingue, écrits au rouge à lèvres, les mots « sens dessus dessous ». C’est elle que je viens voir, mais c’est moi qu’elle oblige à regarder !


Les bougies arrivent bientôt à leur terme. Il faut que je poursuive mon sentier-découverte si je ne veux pas me retrouver dans le noir. Du séjour, je passe à la cuisine, où gisent les restes d’un billet déchiré, semblable à celui sur lequel je lui avais donné l’adresse de l’acupuncteur. Juste à côté se trouvent quelques objets dont les formes invitent au toucher. J’y laisse courir mes mains. En fermant les yeux, j’imagine mes doigts parcourant son corps. Les souvenirs que j’ai de la douceur de sa peau remontent agréablement en moi.


Je me laisse à nouveau guider par les flammes vacillantes des bougies. Elles conduisent à une petite terrasse. Sans autre précision sur ce que mon hôtesse attend de moi, je prends le temps de profiter du jeu des lumières de la ville en contrebas. Au moment où la dernière bougie s’éteint, Véronique me rejoint enfin. Sans mot dire, elle entoure ma taille de ses bras et se serre contre mon dos. Nous restons longuement enlacés, immobiles, silencieux. Puis elle glisse ma main entre les siennes pour me guider vers sa chambre. Là, elle prend tout son temps pour me déshabiller, avant de se dénuder à son tour et de se coucher sur son lit.


Je m’allonge tout contre elle. Collés l’un à l’autre, nous commençons à nous parcourir du bout des doigts. Suivant le désir de Véronique, nous nous contentons de cet unique moyen de découverte pour trouver des réponses à nos interrogations. Ainsi la main de Véronique s’attarde-t-elle sur la longue cicatrice que m’a laissée ma mésaventure à l’hôpital, pendant que je parcours les méandres de son corps, à la recherche de réticences à apaiser ou d’impatiences à satisfaire.


Ma virilité se manifeste sans réserve dès le début de ce dialogue sensuel. Ce qui représente pour moi une agréable et rassurante sensation, compte tenu des défaillances que les abus de toutes sortes m’ont infligées ces dernières années. Entre les bras de Véronique, je n’éprouve cependant aucune impatience. Ceci d’autant plus, qu’après une aussi longue abstinence, je ne suis pas sûr d’être vraiment maître de mes pulsions. Je ne me prive certes pas, au gré d’une ondulation de son corps, de glisser ma queue raidie entre ses fesses ou contre son ventre. Mais c’est plus en hommage pour le désir qu’elle m’inspire, qu’à la recherche d’un épanchement libérateur.


Nous trouvons d’ailleurs rapidement d’autres manières, toutes aussi sensuelles, de nous pénétrer. Je redécouvre à quel point Véronique est redoutablement habile de ses dix doigts, et me laisse fouiller corps et âme avec délectation. Rassurée sur ma capacité à m’adapter à la lente progression de son envie, elle s’épanouit sous mes caresses. Son esprit, ses sens, son cœur la mettent en désir, de la pointe des seins jusqu’au fond de son ventre. Le besoin d’une autre forme de partage se fait alors progressivement sentir. Nos gestes deviennent plus précis, nos caresses se concentrent sur les plus voluptueux lieux du corps, nous glissons l’un contre l’autre à la recherche de contacts plus étroits.


Enfin, après avoir pris le temps de faire la tendresse, nous nous laissons aller à faire l’amour. C’est Véronique qui me montre le chemin, en basculant son bassin à la rencontre du mien pour m’emprisonner au fond de son ventre. Après quelques mouvements des hanches qui déclenchent des contractions intimes de plus en plus rapprochées, elle ferme les yeux et me laisse la conduire jusqu’à l’orgasme. Un cri de surprise lui échappe au moment où les vagues de plaisir déferlent. Entre deux spasmes, elle ne cesse de couvrir amoureusement mon visage d’une pluie de baisers.


Il n’en faudrait pas beaucoup plus pour que je craque à mon tour. Mais notre relation me semble encore trop incomplète et je me sens très fragile face aux bouleversements qu’elle représente pour moi. Je revois Véronique dix ans plus tôt, les larmes aux yeux, criant son angoisse au cours de notre dernier face à face. « Je suis ravagée à l’idée qu’un mec comme toi, qui me fait mouiller, craquer, pleurer, rire, sortir de ma banalité à la seconde où il me regarde, qu’un mec comme toi, à peine l’aurai-je mis entre mes draps, à peine l’aurai-je présenté à ma fille, puisse cesser de me regarder. Pire, qu’un mec comme toi, dont je sens intimement qu’il va compter, ait une seule fois le regard que tu as jeté tout à l’heure sur moi. Avant même avoir osé profiter pleinement de toi, je suis pétrifiée à l’idée que tu puisses perdre le désir de moi. Cette mort-là, je ne la supporterai pas. À côté de cela, la vie que je mène aujourd’hui, si banale soit-elle, c’est le paradis sur Terre ».


Ce triste souvenir m’aide à me maîtriser jusqu’à ce que les dernières secousses de plaisir s’espacent en elle et la laissent sans force. Revenu à une taille plus raisonnable, mon sexe enduit de ses humeurs de femme glisse hors de son puits d’amour. Elle s’agrippe d’abord à mes hanches pour m’empêcher de m’échapper, mais finit par lâcher prise, le ventre en pagaille, le cœur débordant de tendresse.


Plus de craintes ni d’angoisses entre nous. Seul demeure le désir de nous retrouver et d’en jouir sans fin. Nous prolongeons longuement cet instant de fusion par des caresses et des baisers, rendus de plus en plus chastes par la fatigue et l’émotion. Avant de s’endormir, Véronique dépose un très tendre aveu dans le creux de mon cou.



ooo000ooo


Nous dormons étroitement enlacés jusqu’à l’aube. Au moment où les bruits de la ville s’intensifient, Véronique émerge en premier et me réveille en douceur.



De retour chez moi, je trouve un courriel laconique sur ma messagerie : « J’aime te toucher ! Reviens vendredi soir prochain, même heure. S’il te plaît… ».


La semaine qui suit est très chargée, les marchés se succèdent à un rythme soutenu à cette époque de l’année. Le jour venu, je tourne en rond en attendant l’heure du rendez-vous. Contrairement à mes habitudes, j’ai près de quinze minutes d’avance en arrivant chez elle. Ce qui me laisse le temps de faire le tour de son quartier, et de m’imprégner de l’ambiance dans laquelle elle vit.


La mise en scène ressemble à celle de la semaine dernière, porte entrouverte, lumières éteintes. Sauf qu’il n’y a pas de bougie pour guider mes pas, mais des parfums. Véronique me suppose maintenant capable de m’orienter de mémoire d’une pièce à l’autre, et elle s’est amusée à faire planer une odeur caractéristique dans chaque endroit important de son appartement. À chaque étape, je trouve aussi une friandise, correspondant à l’un de ses plaisirs inavoués. Odorat et goût au menu de cette nuit, cela laisse présager du meilleur !


Dans le séjour flotte le parfum qu’elle portait lors de notre première rencontre. Cette odeur si particulière qui m’avait fait réaliser sa présence à côté de moi dans le bar, et qui était restée longtemps sur la peau de mon bras, à l’endroit où elle avait si légèrement posé sa main. Sur le semblant de bar qu’elle a reconstitué, elle a posé du chocolat noir fourré à la pâte d’amande. Je prends un petit morceau dans lequel elle a déjà croqué et le glisse entre mes lèvres à la manière d’une hostie sacrée. Notre communion intime peut commencer.


Je la soupçonne d’observer mes faits et gestes, cachée quelque part entre sa chambre et la terrasse. Je m’amuse donc à faire durer le plaisir en me dirigeant plutôt vers la cuisine, où je suis accueilli par de nouvelles odeurs et une autre friandise. Je passe ensuite à la salle de bains. Un bouquet subtil et envoûtant m’y attend, fait de discrètes fragrances, qui correspondent sans doute aux essences qu’elle porte à même la peau en temps normal. J’y perçois aussi des senteurs plus capiteuses, dont elle s’enveloppe peut-être lorsqu’elle ne veut pas se dévoiler de manière trop intime. D’un côté les effluves qui la mettent en valeur, de l’autre ceux derrière lesquels elle se cache.


En tâtonnant dans le noir, je prends appui sur le séchoir où elle a étendu le linge dont elle s’est entourée au sortir de la douche. Ce mouvement suffit à dévoiler ses senteurs les plus secrètes. Immédiatement, de délicieuses sensations enfouies dans ma mémoire olfactive réapparaissent et mettent mes sens en émoi. Raide bandé à la seconde même où je retrouve cette trace si caractéristique du langage intime de Véronique, je suis submergé par le désir de m’enrouler autour d’elle pour me gorger de ses parfums, avant de plonger entre ses cuisses.


Nez au vent, je me dirige vers l’endroit d’où semblent provenir les mêmes fragrances que celles découvertes sur le linge. Je trouve Véronique lascivement allongée sur le canapé du séjour, nue, offerte. Sans autre préliminaire, je m’agenouille entre ses jambes, et tout en palpant du bout des doigts les frémissements de son ventre, j’approche ma bouche et mon nez de sa béance pour mieux m’enivrer de son odorante féminité.


Irrésistiblement soumis à une pulsion animale, je me sens prêt à lui imposer la plus vigoureuse saillie. Loin de me retenir, Véronique écarte ses cuisses dès le premier contact, comme pour me signifier son impatience à se sentir transpercée, fouillée, baisée de la plus élémentaire et jouissive manière. Contrairement à la nuit passée, lorsque ma raison avait repris le dessus, je suis cette fois incapable de me retenir. Excité par le goût épicé de sa source de vie et tout ce que je découvre alentour, je rampe sans plus attendre le long de son corps et vais nicher mon nez contre son cou, là où ses cheveux distillent une douce odeur de désir. C’est le coup de grâce. Je tends mon ventre à la rencontre du sien et plonge ma tige au fond de son sexe impatient. Comme elle l’avait fait en dansant contre mon membre gorgé de sève au sortir du bar, elle m’encourage à me lâcher sans plus attendre. Il suffit de quelques coups de reins pour que ma résistance s’effondre et que je l’inonde voluptueusement de ma semence.


J’avais raison de me supposer incapable de me maîtriser. Il a suffi que je retrouve ses parfums intimes pour que je sois terrassé de la plus égoïste manière. Je me sens cependant trop bien entre ses bras pour m’en inquiéter. D’autant que Véronique, peut-être heureuse de l’évidente emprise qu’elle a eue sur moi, me rassure en caressant doucement mes cheveux, jusqu’à ce que je m’apaise. Elle voulait cet abandon, je n’étais pas de taille à résister.


Bercé par le roulis de sa respiration, je me remets lentement du cataclysme qui nous a bousculés. Nos souffles restent quelque temps à l’unisson, puis sa respiration devient plus lente, plus profonde. Quelques minutes plus tard, elle s’endort, blottie contre moi, sa vulve trempée contre ma cuisse. Je ne tarde pas à l’accompagner dans un sommeil sans rêves.


ooo000ooo


Une nouvelle fois, Véronique me réveille du bout des doigts pour que je parte avant le lever du jour. Je respecte son désir sans rechigner. Nous avons déjà partagé ce que le toucher, le goût et l’odorat peuvent offrir d’émotions. Je sais qu’elle me fera découvrir tout son arc-en-ciel sensuel quand elle se sentira prête.


À mon retour chez moi, je reçois à nouveau un résumé de notre nuit sous forme d’un courriel laconique : « J’aime ta manière de me sentir et de me goûter. Reviens samedi prochain, même heure, mêmes dispositions. S’il te plaît… ». Je commence à apprécier ce rythme de retrouvailles hebdomadaires. Même si l’entre-deux me semble bien terne.


Le noir intégral est de nouveau de mise lorsque j’arrive chez Véronique. Cette fois, c’est par la musique qu’elle veut me guider. Elle a préparé une série d’enregistrements différents pour chacune des pièces de son appartement. Je dois donc aller d’un lieu à l’autre pour découvrir les messages qu’elle me destine. Je reconnais entre autres la voix mystérieuse de Loreena McKennitt, et des chansons-poèmes d’Yves Jamait. Pour le reste, je me laisse simplement séduire par l’ambiance sonore, révélatrice de l’atmosphère dans laquelle elle passe ses journées et ses nuits.


Je remarque aussi avec amusement que quelques objets personnels ont été abandonnés à mon intention. Des objets dont je dois sans doute comprendre qu’ils sont en passe de devenir obsolètes. C’est en tout cas ce que je veux croire en découvrant un petit canard vibreur, bien en vue sur le bar improvisé du séjour. Histoire de rattraper ma fatale impatience de la semaine dernière, je le prends avec moi au moment de rejoindre Véronique dans son lit. Si c’est la dernière fois que le bec de l’impertinent volatile doit la faire soupirer, que cela soit au moins inoubliable.


Amusée de me retrouver en telle compagnie, elle s’abandonne avec délectation au frôlement de mes doigts et au vibrant hommage du jouet érotique. À deux, nous arrivons facilement à mettre Véronique en transe. Notre habileté à jouer avec les hauts et les bas de son plaisir lui fait rapidement demander grâce. Par pitié, qu’on la laisse enfin jouir ! Nous nous ingénions cependant à n’interrompre notre torture qu’à l’exact instant où elle s’attend à décoller, pour recommencer de plus belle lorsqu’elle s’est un peu calmée. Elle tente en vain de m’arracher le canard des mains pour exécuter elle-même la sentence. Je tiens bon jusqu’à ce qu’enfin une irrésistible lame de fond la tétanise de la tête aux pieds. Son ventre est longuement secoué de spasmes orgasmiques, elle se tord dans tous les sens, malaxe violemment les pointes de ses seins entre son pouce et son index, semble même par moment chercher son souffle. Je ne l’avais jamais sentie jouir aussi intensément. Quelle satisfaction pour moi d’être un peu responsable d’un tel cataclysme…


J’attends qu’elle commence à s’apaiser avant de poser ma tête sur son ventre. Un geste sans préméditation qui fait surgir d’étranges pensées dans mon cœur, telle celle d’un enfant grandissant entre ses reins. Même si ce cadeau est très certainement impossible, cette simple pensée me trouble profondément. Quelque chose de très intense est décidément en train de se passer entre nous.


La musique s’est tue, le calme est revenu dans le corps et dans l’appartement de Véronique. Elle commence alors à se raconter, résumant pêle-mêle les émotions, les sentiments, les coups durs, les joies et les peines de sa vie de femme et de mère. En peu de temps, elle m’offre l’essentiel de ce qu’elle a vécu au cours des dix dernières années. Elle parle de ce qui l’a poussée à préférer la solitude aux compromis, fût-ce avec le père de sa fille, fût-ce avec sa propre famille, parce que les compromis, à la longue ça rabougrit, ça rend petit.


Une fois son tour d’horizon terminé, elle me demande d’en faire autant. Sachant à quel point cet exercice est difficile pour moi, elle attend patiemment que je surmonte mes hésitations et mes réticences. La sentir ainsi tendrement attentive me rassure. Elle met du baume sur mes plaies en accompagnant mes confidences de très tendres caresses. Je finis par me laisser aller à ce partage qui restera certainement unique, tant nous ne voulons ni l’un ni l’autre nous encombrer de souvenirs que nous n’avons pas en commun. Pour moi en tout cas, il est temps de tirer un trait et de commencer une autre vie. Celle que je voudrais inventer avec elle.


Épuisés par les émotions contradictoires que ces aveux font surgir, nous finissons par nous endormir, à nouveau étroitement enlacés, sa tête sur ma poitrine.


ooo000ooo


La lumière du jour baigne la chambre lorsque je me réveille le lendemain matin. Contrairement à son habitude, elle ne m’a pas chassé à l’aube. Intrigué, je m’attends à la voir apparaître d’un instant à l’autre dans l’encadrement de la porte, de préférence nue, avec une tasse de chocolat chaud corsé en main.


Je dois rapidement déchanter. Elle a disparu sans me laisser la contempler. Elle ne s’est en revanche pas privée de m’observer pendant mon sommeil. Les murs de sa chambre sont en effet tapissés de photos de moi, tel qu’elle m’a découvert ce matin, encore endormi. Les premières images sont sombres, laissant juste émerger quelques plages de peau claire, qui évoquent plus qu’elles ne montrent les parties de mon corps qui ont attiré son attention. Au dos de chaque photo, se trouve un petit commentaire écrit à la hâte, comme en prise directe sur l’émotion de l’instant : « complicité silencieuse, offrande volée, furtive trace de désir, nudité de mon âme face à ton sexe dévoilé, émouvante impudeur sous mes yeux en désir, me désaltérer du frisson remontant entre tes reins ».


Je me dirige vers le séjour en suivant l’accrochage prévu par Véronique. Les photographies deviennent progressivement plus lumineuses. Elles donnent aussi une idée de plus en plus précise de ce qui l’a troublée, et de sa manière de me percevoir à travers l’objectif. Je ne suis pas habitué à lire de telles émotions sur des photos, mais je suis très touché de découvrir à quel point ses sentiments à mon égard semblent rejoindre ce que je ressens pour elle.


Même si sa disparition ne m’étonne pas vraiment, je suis un peu déçu de ne pouvoir la serrer entre mes bras. Elle a dû s’en douter au moment de sortir, au point de tenter de se rattraper en laissant sur la table du séjour une superbe photo d’elle, nue, le visage illuminé par un sourire épanoui, le corps dévoilé dans une attitude de troublante féminité et d’offrande amoureuse. Difficile d’imaginer comment elle est arrivée à prendre cette image d’elle, mais je ne doute pas qu’elle l’ait fait juste avant de partir, émue de ce qu’elle ressentait pour moi, encore troublée par ce que nous avions partagé pendant la nuit. Elle a même pris le temps d’écrire un touchant commentaire au dos : « j’ai appris à m’aimer un peu, pour que tu puisses enfin m’aimer beaucoup ».



Je reste quelque temps dans l’espace de vie de Véronique, à faire le plein d’images, de sensations, d’odeurs, de sons, de tout ce qui me parlera d’elle encore longtemps. Puis je retourne chez moi, impatient de découvrir le message rituel qui me donnera la clef de ses perceptions. Il est assez court, mais je n’en demandais pas plus : « j’aime te toucher, j’aime te sentir, j’aime te goûter, j’aime t’entendre, j’aime te voir… Je crois que je t’aime tout court. Reviens à la prochaine pleine lune, s’il te plaît… ».


Ce ne sera que dans quinze jours. Si ce délai est le prix à payer pour aller enfin voyager sur son arc-en-ciel sensuel, je tiendrai le coup. Pour la seconde fois de ma vie, cette femme m’est devenue indispensable. Sauf qu’aujourd’hui, je n’ai plus peur de le lui faire savoir, et elle ne semble plus craindre de l’entendre. J’ai retrouvé par moi-même un semblant d’équilibre, dont nous pouvons profiter tous les deux. Le reste n’a pas vraiment d’importance.


Avec le recul, je me dis que, dès le début, le plus caractéristique de ma relation avec Véronique fut sa banalité. Mais si la banalité de la vie a ce goût, ce parfum, ces frémissements de plaisir, ces déferlements de tendresse, alors je me veux à jamais banal entre ses bras, entre ses cuisses, sur la pointe de son cœur ou en tout autre endroit qu’elle voudra bien me faire découvrir.


Pour mériter une fille comme Véronique, c’est sûr qu’il fallait de la patience. Malgré les cicatrices, je ne regrette pas le long périple, jalonné de tempêtes et d’écueils. Un jour, peut-être, je comprendrai comment j’ai toujours su que j’allais la retrouver. Un jour, peut-être, je découvrirai ce qui en elle faisait partie de moi depuis le début.