n° 13336 | Fiche technique | 37412 caractères | 37412Temps de lecture estimé : 22 mn | 19/06/09 corrigé 12/06/21 |
Résumé: L'histoire de Manon et d'Antoine, suite et fin. | ||||
Critères: fh jeunes enceinte campagne amour cunnilingu anulingus 69 pénétratio fsodo mélo | ||||
Auteur : Kirlan (Apprenti écrivain, le croirez-vous ?) |
Épisode précédent | Série : Manon et moi Chapitre 03 / 03 | FIN de la série |
Rappel du premier épisode :
Antoine, garçon timide du lycée, tombe sous le charme de Manon et parvient à la séduire.
Rappel du deuxième épisode :
Deux ans après être tombée amoureuse, Manon est rattrapée par les errances d’Antoine et envisage de le quitter.
C’était quelques jours avant mon anniversaire. Mes 25 ans. C’était aussi quatre mois jour pour jour après que Gayastation ne signe sur un label indépendant basé en banlieue parisienne. Nous étions en pleine période d’enregistrement, sous la coupe d’un producteur anglais prénommé Phil, reconnu dans le monde du rock et de la pop comme l’un des plus exigeants professionnels de la musique. L’un des plus célèbres aussi. Un type capable d’enchaîner trente prises d’une partie de batterie jusqu’à ce Greg ait les bras en compote et des fourmis jusque sous les ongles. Un perfectionniste absolu, qui s’est plusieurs fois royalement engueulé avec Sylvain qui est pourtant notre meilleur musicien, parce que le garçon pouvait, selon lui, faire beaucoup mieux. Un génie, sans doute.
Bref, c’était un jeudi. J’ai jamais aimé les jeudis. Le jeudi, la semaine paraît déjà s’allonger comme jamais et on n’a même pas le plaisir de se dire que le soir venu, on est en week-end. Je sortais de chez mon gynéco, simple examen de routine.
La question semblait innocente, pourtant.
Le gynéco a pincé les lèvres.
Il en a de bonnes, lui. J’ai fini ma dernière plaquette de pilules sans constater de décalage. Il y a bien eu ce dimanche soir où j’ai oublié, mais je suis certaine de l’avoir prise le lendemain, en me réveillant. J’étais en congé, d’ailleurs. Je me suis levée assez tard. D’ailleurs, il était sûrement trop tard…
Enfer et fécondation.
Le temps que je sorte du cabinet, les questions s’entrechoquaient déjà dans ma tête. J’enfourchai mon vélo et me lançai à l’assaut des rues embouteillées. J’hésitai à sortir mon téléphone portable. Inutile, Antoine était en cours. Enfin, il assurait un cours, et si on était jeudi après-midi, il devait faire cours à ses 3es. Pas vraiment des anges. Si le portable d’Antoine était allumé et sonnait, il ne répondrait pas et devrait réclamer le silence pendant cinq minutes avant de reprendre le cours. Pas vraiment l’idée du siècle.
Nous devions jouer le soir même dans la salle de théâtre de la faculté, à l’occasion d’une soirée étudiante. J’imaginais que Mathieu et Sylvain étaient déjà sur place, avec les instruments de tout le groupe, qu’ils étaient venus récupérer chez Antoine et moi la veille au soir. Je pris donc la direction du centre-ville, manquai de me faire renverser par un connard qui confondait sa Kangoo avec une Ferrari, et achetait des beignets à la framboise chez un boulanger. Une coutume récente de notre groupe. Toujours des beignets à la framboise avant de monter sur scène.
En arrivant dans le théâtre, je découvris Mathieu en train de gratouiller sa basse sur le devant de la scène, en pleine discussion avec deux filles que je ne connaissais pas. Quand il me vit arriver, je vis son regard se poser sur le paquet de papier contenant les beignets. Je lui en tendis un en lui faisant la bise.
Les deux filles s’éloignèrent, l’une d’elles venant de décrocher son téléphone pour prendre un appel.
Mathieu se pencha, attrapa la bouteille d’eau posée sur la playlist, scotchée au sol, des morceaux qu’on avait prévus de jouer ce soir. En se relevant, et en mordant dans son beignet, il me regarda en penchant la tête.
C’est qu’ils en prennent soin de la minette du groupe, mes camarades.
Antoine est arrivé en dernier, comme toujours, mais pas en retard, ce qui est beaucoup plus rare. Je l’attendais sur le parking de la fac, et m’approchai de la 206 pendant qu’il ouvrait la portière. Il me décocha un grand sourire en sortant de la voiture.
Mieux que toi dans quelques secondes, mon chéri, assurément.
Les mots sont sortis tout seuls de ma bouche, je suis surtout restée concentrée sur sa réaction à l’annonce de la grande nouvelle. Ou son absence de réaction, en l’occurrence. Antoine ne dit rien, il continua de me fixer, simplement, sans sourire ni grimacer. Ses yeux ne trahissaient rien.
En vérité, à cette époque, j’étais déjà en train de le perdre. Déjà il s’échappait. Ou alors il m’avait toujours échappé.
Je ne pouvais pas lui en vouloir, je ne savais pas non plus si je devais m’enthousiasmer ou non. Pourtant, le fait qu’il attende de savoir dans quel état me mettait la nouvelle pour décider de sa propre émotion m’exaspéra au plus haut point. Mais ce n’était pas le moment de s’engueuler. Et puis, au moins, il ne m’a pas demandé comment ça avait pu arriver, et comment j’avais pu oublier de prendre ma pilule.
Tout en me parlant, il a posé une main sur mon épaule. Ce contact m’irrita encore davantage que sa réaction.
Alors seulement, il sourit, se pencha vers moi, m’embrassa et claqua la portière de la voiture. Il prit ma main et m’entraîna vers la salle de concert. Je marchais à ses côtés, me pressant tout contre lui, ne pouvant détacher mes yeux de son visage. Il souriait. Cela aurait dû me suffire. Sauf que si ses lèvres esquissaient le plus beau des sourires, ce sourire qui me chavire et me transporte, m’exile et me saborde, m’élève et m’envahit comme les fragrances délicates d’une fleur qui ne fanerait jamais, ses yeux ne souriaient pas, eux. Ils trahissaient cette expression de désarroi absolu qu’Antoine parvenait à dissimuler au monde, même à moi, la plupart du temps.
Grâce à cette grande nouvelle, je venais de nous inventer un avenir.
Antoine venait seulement de constater qu’il ne pourrait plus jamais fuir comme il ne cessait de le faire.
Alors que nous nous changions en coulisse, et qu’Antoine me décochait tellement de sourires que je me demandais s’il ne m’envoyait pas des flèches anesthésiantes pour endormir mon attention à son égard, Greg et Mathieu prenaient des photos, « pour le futur livret de l’album ». Greg faisait tournoyer l’une de ses baguettes entre ses doigts. Sylvain réglait encore le boîtier accroché à sa ceinture qui lui permettait de jouer sans être relié à l’ampli.
Nous montâmes tous sur la scène, à l’exception d’Antoine. Il faisait toujours son entrée après l’intro du premier morceau. « Tu es sûr que ça va ? » lui ai-je demandé encore une fois. Il a hoché la tête, avant de se tourner pour ajuster son nœud de cravate dans le miroir.
Mathieu et Greg lancèrent les bases, batterie et basse liées sur un tempo furieux, Sylvain vint bientôt plaquer son riff à la guitare, la mélodie se noua entre les instruments entrelacés, enveloppant l’espace dans un élan continu, et puis je suis entrée en scène, le projecteur au-dessus de moi s’illumina quand je m’activai sur mes platines, mes doigts se promenant d’un curseur à un autre. J’étais bien. J’aurais dû être excitée, après ce que je venais d’apprendre. Et surtout circonspecte et préoccupée de la réaction étrangement neutre d’Antoine. Mais non, j’étais heureuse, emplie de sérénité.
L’intro se prolongeait, Antoine ne s’avançait toujours pas sur scène. Quand Sylvain a tourné la tête vers moi, enroulant une énième fois son riff autour de la mélodie, j’ai su que je n’étais pas la seule à trouver le temps long. Greg, qui tabassait sa batterie sans relever la tête, et Mathieu, concentré sur sa basse, secouant la tête en rythme, n’avaient semble-t-il rien remarqué pour le moment, du moins c’est que j’ai cru quand j’ai compris que Mathieu ne secouait pas la tête pour accompagner la musique mais pour me signifier son exaspération quant à la nouvelle frasque de son chanteur, qui s’amusait régulièrement à gâcher des opportunités et parfois des concerts.
Je fus soudain prise d’une terreur aussi glaçante que plausible : et si Antoine s’était enfui ? S’il était en train de courir, loin, le plus loin possible de moi et ce fichu théâtre, de ce bébé et de son avenir tout tracé ? S’il s’était engouffré par la dernière porte de sortie, de laquelle avait dû filtrer un courant d’air sentant la liberté ? Et si le groupe allait devoir poursuivre son intro indéfiniment, parce que son chanteur avait disparu avec l’atout numéro un, nous en étions tous conscients, dont nous disposions auprès de notre public ? Je regardais les minettes du premier rang, avec leurs dizaines de bracelets trop grands aux poignets, tremblant d’impatience avant l’entrée de mon ange fuyard, que je n’aurais même pas à partager avec ces dizaines de paires d’yeux aujourd’hui.
Sylvain allait se lancer dans un solo pour meubler, quand Antoine s’est enfin avancé, surgissant de l’ombre derrière moi, m’effleurant le bas du dos et la hanche de la main au passage. Il s’est installé devant le micro, raide comme un piquet, et sa voix s’est élevée au-dessus des hurlements que son apparition avait suscités, si fragile, plus fragile que jamais, tremblante et puissante pourtant. Il dut s’interrompre avant le refrain parce qu’il avait oublié de passer la sangle de sa guitare autour de son cou et puis il commença alors à s’époumoner.
Story is on our side,
Story is on my back.
Could you please…
Il n’est pas allé plus loin. Sa voix s’est éteinte comme une flamme soufflée par un courant d’air. Le courant d’air de la liberté, peut-être. Les notes à la sortie de sa guitare se sont entrechoquées, comme des voitures s’entassant dans un embouteillage monstre ; je l’ai vu trébucher vers l’avant, se rattraper à son micro et se redresser, et puis s’affaisser brusquement vers l’arrière. Bruit strident dans le micro. Sylvain qui se précipite. Greg qui passe à travers ses cymbales et ses caisses. Mathieu qui sort de son état second musical et se penche sur le corps agité de spasmes. Et puis un hurlement. Un cri plaintif, presque un jappement, ridicule. J’aurais pu trouver cela drôle si ce n’était pas mon copain, le futur père de mon enfant qui venait de s’évanouir. Et si ce n’était pas moi qui avais poussé ce hurlement.
Le médecin de garde à l’hôpital n’a rien trouvé de mieux à faire que de me demander six ou sept fois si Antoine était sujet à des crises d’épilepsie, s’il se droguait, s’il avait consommé de l’alcool avant de monter sur scène… Et puis ce con de moustachu (comment un médecin peut-il être autorisé à porter la moustache, il n’y a rien de moins hygiénique que ce nid à miettes de pain) a diagnostiqué une crise de stress, comme l’aurait fait n’importe qui en voyant un chanteur s’écrouler devant 200 personnes.
Sylvain nous avait accompagnés à l’hôpital, avec sa fourgonnette rouillée. Je lui ai répété ce que le médecin venait de dire et lui ai dit qu’il pouvait rentrer, non sans lui avoir précisé de prévenir nos autres musiciens par texto. Il a pincé les lèvres, m’a dit de prendre soin d’Antoine, de ne pas m’en faire pour le concert, et puis il m’a embrassé sur la joue et s’en est allé. Je l’ai suivi du regard, à travers les portes vitrées de l’accueil, je l’ai vu allumer une cigarette et se diriger vers le parking.
Antoine était pâle comme un linge, il me sourit en s’approchant de moi, dans la salle d’attente. Nous sommes rentrés sans échanger un mot, il s’était replié dans sa coquille. Nous avons fait l’amour en rentrant. Le sexe était sans nul doute le domaine où nous nous accordions le mieux. Parce qu’il se laissait aller, extériorisait enfin. Et aussi parce qu’il était capable de me faire l’amour tendrement ou de me baiser avec folie, selon mes envies, et les siennes. Je m’attendais à ce qu’il s’endorme rapidement, pour fuir une éventuelle discussion qui l’aurait mis mal à l’aise. Mais je venais à peine de me glisser sous les draps, quand j’ai senti sa main froide sur mon ventre. Il s’est tourné vers moi, a passé ses lèvres dans mon cou. Sa main est passée sous l’élastique de mon bas de pyjama. Ses intentions m’ont rassurée, avant de m’exciter. J’ai moi aussi avancé ma main vers son bas-ventre, me suis lancée à l’assaut de son caleçon, ai enfoui ma main sous le tissu avant d’entourer sa queue chaude de mes doigts. Doucement, le plus lentement du monde, j’ai entamé un va-et-vient, alors qu’il se penchait un peu plus vers moi pour m’embrasser. Sa langue contre la mienne m’électrisa encore un peu plus, quelques secondes avant de sentir l’un de ses doigts s’insinuer dans ma chatte pas encore trempée.
Nos caresses se sont intensifiées. Je le branlais maintenant vigoureusement, il respirait bruyamment, mais je ne l’entendais presque pas, parce que je gémissais, transportée par ses doigts experts, il me connaissait si bien, son pouce agaçait mon clitoris, son index et son majeur avaient disparu en moi et s’amusaient à aller et revenir. J’allais atteindre l’orgasme quand il m’a attrapée par la taille, et m’a attirée à lui. Je savais ce qu’il voulait. Je l’ai embrassé encore une fois, avant de pivoter pour me mettre en position de 69. Il baissa mon pantalon de pyjama jusqu’à mes genoux avant de placer mes jambes de part et d’autre de sa tête, pendant que je baissais moi aussi son caleçon. Nous étions coordonnés, unis dans le plaisir, comme toujours. J’ai fait ce que je savais qu’il adorait. J’ai serré sa queue dans ma main, puis j’ai fait tournoyer ma langue quatre ou cinq fois autour de son gland avant de le prendre en bouche. Il n’était pas en reste. Sa bouche était déjà collée à mon sexe, il me dévorait littéralement, sa langue s’agitait en moi, à toute allure, je devais me contrôler et me concentrer pour poursuivre ma fellation, mais il glissa bientôt deux doigts dans ma chatte et dirigea sa langue vers mon clitoris. Absorbée par mon plaisir, je gardais donc la moitié de sa queue dans ma bouche en le branlant le plus rapidement possible. À une époque, nous aimions jouir ainsi. Mais là, je me suis envolée toute seule. J’ai lâché sa bite pour me redresser au-dessus de son visage et me laisser aller, criant allègrement. Je fus secouée par plusieurs montées de plaisir, qui s’interrompirent soudainement, pas parce que Antoine avait arrêté son traitement magique, mais parce que mes tremblements me firent penser aux spasmes qui l’avaient agité quelques heures plus tôt sur scène.
Je ne lui laissai guère le temps de se rendre compte de mon trouble, pivotai de nouveau pour m’asseoir sur sa queue qui s’enfonça d’une traite jusqu’au fond de mon sexe. Il attrapa mes fesses, et nous nous sommes lancés dans une danse qu’il menait avec vigueur, il me baisait à toute allure, m’arrachant des cris de plaisir, je ne pouvais penser à rien d’autre qu’à cette queue qui propageait le plaisir dans tout mon corps, et à ce visage en sueur, plein d’amour, ces yeux emplis de calme malgré l’effort qu’il livrait, savourant le plaisir peint entre mes lèvres et mes propres yeux. Je criais maintenant son nom :
Et il accélérait, je sentis qu’un de ses doigts s’aventurait un peu plus entre mes fesses, il savait que j’adorais qu’il me mette un doigt ici juste avant que je ne jouisse, il souriait toujours, son doigt tournait autour de mon petit trou alors que sa queue allait et venait à une allure folle, sortant presque complètement avant de s’enfoncer à chaque fois au plus profond de moi, les poings serrés sur l’oreille, de chaque côté de sa tête, je me penchais vers lui pour l’embrasser furieusement, cherchant sa langue.
Dans un murmure, nos langues entremêlées encore, sa queue qui ne veut plus, qui ne peut plus s’interrompre avant que l’on ne s’exile pour de bon pour une autre dimension, et alors que j’ai les yeux fermés et sa langue entre mes lèvres, je sens son index s’enfoncer doucement en moi, sortir et revenir aussitôt, il doit avoir du mal à gérer à la fois les mouvements de sa bite, de sa langue et de son doigt, alors il me prodigue un simple aller-retour qui me convient parfaitement.
Et avant que je ne termine ma supplication en forme de soupir, je sens son majeur se mêler à la tempête érotique qui fait rage dans notre lit, et alors, sous l’action de ses doigts dans mon anus et de sa queue dans ma chatte, et peut-être aussi de sa langue contre la mienne, je jouis pour de bon.
Et puis il s’active encore quelques instants, accélérant encore l’allure si c’était possible, et il gémit, me prévient :
Sa main glisse sous moi en griffant l’un de mes seins, il attrape sa queue qu’il branle frénétiquement jusqu’à ce que je sente son sperme sur mon dos et sur mes fesses, couler le long de mes hanches et entre mes fesses. Alors qu’il s’abandonne, je plonge encore une fois ma langue dans sa bouche, pour absorber ses gémissements et aussi, j’avoue, cet amour dont j’aimerais me persuader qu’il est issu d’une source intarissable.
Le premier disque de Gayastation allait sortir trois jours après que ce gamin fasse de même de mon ventre, du moins en théorie. Mon gynéco continuait de déclarer à chaque échographie que tout allait pour le mieux. Et c’était vrai. Sylvain, Mathieu et Greg avaient insisté pour qu’on décale de trois mois la tournée consécutive à la sortie de l’album. Les types de la maison de disque avaient été moins diplomates et voulaient qu’on recrute, au moins temporairement, un mec pour s’occuper des samples, ils nous ont même recommandé quelqu’un. Je pourrais prétendre que je n’aurais pas été contre, et que ce sont surtout les garçons qui ont insisté pour ne jouer avec personne d’autre que moi (ce qui était vrai), mais j’aurais eu du mal à supporter de voir le groupe jouer avec un inconnu à ma place. Finalement, le groupe se reformerait sur scène exactement un mois après mon accouchement. Bien assez pour que je sois opérationnelle et en pleine forme.
Tout allait pour le mieux, mon gynéco avait raison. Mes parents et ma sœur s’étaient enthousiasmés de la nouvelle. Les parents d’Antoine avaient été un peu surpris et avaient laissé passer un silence avant de m’assurer de leur bonheur. Passons. Ils avaient le droit de se demander si deux salaires de fonctionnaires en début de carrière suffiraient à créer un foyer confortable pour le nouveau venu, surtout par les temps qui courent.
Tout allait pour le mieux. Ma sœur s’était trouvé un nouveau Jules. Elle sortait avec Sylvain, notre guitariste.
Tout allait pour le mieux.
Tout aurait été pour le mieux, si Antoine n’avait pas été si imperméable à toute tentative de ma part d’envisager notre avenir proche. Il m’avait suivi quelquefois dans les achats pour préparer l’arrivée du bébé. Dans les magasins de jouets, de meubles ou de vêtements pour nouveaux nés, ses yeux passaient d’un article à un autre, cherchant quelque chose de familier à quoi se raccrocher.
Nous assurâmes plusieurs concerts, dans des salles de plus en plus grandes. Nous participâmes même à un festival d’été mondialement célèbre, dans la catégorie « Nouveaux talents ». Relégués sur une petite scène, loin de nos idoles, nous avons attiré pas mal de curieux et nous sommes enthousiasmés que quelques personnes reprennent certains de nos refrains. Mathieu et Greg nageaient dans le bonheur, Sylvain et Émilie passaient de plus en plus de temps ensemble, et parlaient de se dégoter un appart tous les deux. Antoine ne changeait pas. Les autres se satisfaisaient sûrement de ne pas le voir défaillir sur scène ou se lancer dans de nouvelles excentricités. Sauf que je le connaissais trop bien pour ne pas voir que ses réactions étaient trop normales pour être naturelles.
Nous avions cessé de nous disputer. J’ai toujours été d’un tempérament chamailleur, mais Antoine arrondissait désormais les angles, répétant que ce n’était pas bon pour moi de m’énerver, sans jamais toutefois évoquer le bébé. Nous vivions quelque chose d’incroyable, mais nous ne le partagions pas. Antoine m’échappait, inéluctablement. Il rentrait parfois à des heures impossibles et racontait qu’il était parti boire un verre avec Sylvain ou Mathieu ou Greg ou un autre de nos amis. Je me refusais de vérifier ses alibis. Je me refusais de l’espionner. Je savais pouvoir lui faire confiance. Depuis qu’il s’était laissé aller avec une admiratrice quelques années plus tôt, je n’avais aucun doute sur sa fidélité. Ni sur son amour. Ce que je supportais de moins en moins, c’était plutôt d’avoir à mettre à jour moi-même ses sentiments.
C’était le jour de notre dernier concert avant ma période de repos maternel. Trois mois avant l’accouchement, environ. Nous devions jouer sur une petite place municipale, à la demande d’un ami de Greg qui avait organisé un festival des arts de la rue, avec théâtre sur caniveau, poésie avec pignon sur rue et ateliers de jeux de mots. Sylvain s’était arrangé pour que l’on puisse utiliser la salle des fêtes toute proche comme coulisses. C’était un vendredi, je suis arrivée vers 15 heures, pour trouver Greg, Mathieu, Sylvain et ma sœur Émilie vautrés dans des canapés pourris, dans le vestiaire exigu de la salle des fêtes, en train de regarder un porno sur un téléviseur qui avait dû voir défiler au moins plusieurs générations de fêtards. Ils étaient tous les quatre hilares, faisant tourner un joint en regardant une pauvre fille se faire défoncer l’entendement par deux mecs montés comme des poneys. Sylvain se leva pour me faire la bise et pour ouvrir la fenêtre.
Émilie me déposa un baiser au coin des lèvres, elle avait les yeux quasiment désynchronisés. Elle murmura qu’elle allait faire pipi. Je ris en la voyant s’éloigner à petits pas.
Après la fin de leur chef-d’œuvre du septième art, Sylvain, Greg et Mathieu s’en allèrent pour préparer leurs instruments. Je discutais à la terrasse d’un café avec Émilie en face de la place sur laquelle la petite scène était montée, quand la 206 d’Antoine surgit au détour d’une rue pour venir se garer juste devant nous.
Il sortit de la voiture, déjà en costume de scène, jean, chemise blanche, gilet, cravate et veste de costard, chapeau sur la tête, penché vers l’arrière. Il s’assit avec nous et commanda une bière, sans oublier de nous embrasser, moi et ma sœur. Émilie termina son coca et s’éloigna pour voir si Sylvain avait besoin d’aide, elle savait très bien qu’il aimait être tranquille pour bidouiller ses réglages, mais elle aimait encore plus se sentir utile en participant à la préparation du matos, en répétant que ça manquait de retour et que la guitare n’était pas assez mise en avant.
Antoine me regardait sans me voir, semblait absorbé par ses pensées. Il alluma une cigarette, prenant soin de recracher la fumée dans une autre direction que la mienne.
J’avais fait exprès de dire cela, je voulais voir comment il réagirait. Il ne lui restait plus que trois mois pour se faire à l’idée qu’il serait père. Trois mois déjà que je ne pouvais plus avorter. Nous avions bu une coupe de champagne au restaurant et fait l’amour comme des ados en rentrant pour fêter « la naissance inéluctable ».
Il guettait ma réponse d’un œil trop intéressé pour que je ne refuse, même si j’avais déjà mal aux jambes rien que d’imaginer marcher avec ce fardeau délicieux dans le bas ventre.
Il m’a prise par la main, et nous nous sommes enfoncés dans la campagne alentour, suivant les petites routes goudronnées, puis les petits chemins. Nous nous avancions au milieu d’une petite clairière paumée entre les champs, quand il s’est soudain immobilisé. Je me suis retournée vers lui, il avait les yeux levés au ciel.
Avant qu’il ne répondît, je m’agrippai à son cou et collai mes lèvres aux siennes, en me mettant sur la pointe des pieds. Ses mains entourèrent mes hanches, je les agrippai pour les poser sur mes fesses.
Je me reculai pour le regarder dans les yeux pour lui répondre…
Nous nous allongeâmes dans l’herbe, Antoine enleva sa veste et la disposa de façon à ce que je puisse m’allonger dessus. Au-dessus de moi, il continua de m’embrasser et je sentis ses doigts se faufiler sous ma robe, remontant jusqu’à ma culotte le plus lentement du monde, trop lentement. Mon ventre m’empêchait d’accéder aisément à son sexe, alors je perdis mes doigts dans ses cheveux, réclamant du plaisir. Ses doigts conquirent encore quelques centimètres et glissèrent sous ma culotte. J’écartai au maximum les jambes pour sentir ses doigts courir sur ma peau, pour savourer leur cavalcade sans répit sur mes cuisses, pour profiter de leur agilité sur chaque centimètre carré de mon épiderme, pour jouir de leur intrusion dans ma chatte détrempée. Antoine disparut de mon champ de vision. Il s’allongea entre mes jambes et approcha son visage de mon sexe, mes mains toujours enfouies dans ses cheveux ébouriffés. Le contact de sa langue sur mon clitoris, aussi soudain que délicieusement précoce, me fit me cambrer, et ses mains posées sur mes cuisses affermirent leur emprise sur mes jambes. Il enfonça directement sa langue aussi profondément qu’il le put, l’agita de haut en bas, me pénétra plus encore et revint agacer mon clitoris, qu’il mordilla avant de l’aspirer et de léchouiller, et de recommencer dans le désordre. J’aimais cet enthousiasme sans retenue, cette précipitation qu’il avait à bouffer ma chatte, il n’y avait pas d’autres mots pour le dire.
Et puis sa langue s’aventura plus bas, alors que l’un de ses doigts s’invitait dans mon sexe qui en réclamait déjà plus. Il lécha d’abord la peau entre mon vagin et mon anus, et je constatai une fois encore que cette partie de mon épiderme était l’une des plus érogènes de mon corps. Puis sa langue commença à tournoyer autour de mon petit trou. J’attrapai mes jambes sous mes genoux et les ramenai vers moi le plus possible. Il fallait que j’en profite. Vu la façon dont mon ventre s’arrondissait, je ne pourrais bientôt plus faire ça, pendant un bon moment. Les fesses relevées vers son visage, Antoine avait donc vue et accès sur ma chatte et surtout mon cul, qu’il se mit à pénétrer de sa langue tout en faisant aller et venir deux doigts dans mon vagin. Le double traitement m’emporta comme une vague emporte l’écume pour l’emmener vers d’autres rivages. J’accostai en terre de plaisir. Mes cris l’encourageaient, je serrai de plus en plus fort les doigts sous mes genoux, jusqu’à m’en faire mal.
Il obéit aussitôt, se pencha vers moi pour m’embrasser, me permettant ainsi de goûter à mon sexe et à mon cul, et, tout en fourrant sa langue dans ma bouche, il trouva le chemin de ma chatte et s’y enfonça. Mes jambes sur ses épaules, il pouvait s’enfoncer le plus profondément possible en moi, et il ne me ménageait pas, il savait quand j’avais besoin d’un peu plus que de tendresse, il me pénétrait avec vigueur, et même si l’angle n’était pas vraiment idéal, je sentais sa queue comme jamais disparaître en moi, notre rapport était si intense que nous étions en train de glisser, nous n’étions plus sur la veste d’Antoine. J’étais sur le point de jouir, quand je lâchai l’une de mes jambes pour agripper sa bite trempée de ma liqueur. Il se retira pour savourer la caresse, je le branlai pendant une ou deux minutes et, alors qu’il commençait à grogner de plaisir, j’interrompis mon traitement pour diriger son gland vers mon petit trou du cul. Il me remercia en m’embrassant, mes jambes repliées de part et d’autre de mon ventre, sous son poids, me faisaient mal, beaucoup plus que de sentir sa queue s’enfoncer dans mes fesses, mais je m’en foutais, ce baiser me semblait essentiel. Il prit tout son temps pour s’introduire à fond, et quand il se recula, je sentais déjà qu’il était entièrement en moi. Il commença alors ses allers-retours, figure imposée toujours réinventée, un mouvement presque vain qui se suffisait pourtant et trouvait sa seule justification dans le plaisir. Je me caressai d’abord le clitoris avant de lécher deux de mes doigts et de les glisser dans mon vagin, alors qu’Antoine me baisait maintenant de plus en plus vite par le cul.
Nous avions l’habitude de pratiquer de plus en plus la sodomie depuis mon quatrième mois de grossesse, Antoine ne parvenant à s’ôter de l’esprit que la place qu’il investissait avec vigueur lors d’une pénétration « normale » était le nid douillet d’un être fragile.
Il m’encule avec passion, son regard plongé dans le mien, comme toujours, Dieu que j’aimais ça. Moi, je m’abandonne, ferme les yeux et penche la tête en arrière, gémissant, de plus en…
Moi qui ne respire plus, moi transportée vers un ailleurs uniforme, les couleurs du ciel au-dessus de ma tête et de l’herbe tout autour de nous explosent en tempête, moi qui ne contrôle plus rien, moi qui jouis comme si c’était la première fois, aimant à redécouvrir les contrées du plaisir, aimant voir le visage d’Antoine déformé dans un superbe effort, aimant ses yeux fermés, son front et ses paupières froncées dans une perte de soi qui pourrait tout aussi bien exprimer la douleur que le plaisir, aimant enfin sentir sa queue parcourue de spasmes presque imperceptibles, juste avant de sentir son sperme, ce quelque chose de chaud qui m’envahit le ventre, finissant de me faire jouir. Antoine s’allonge près de moi, repu.
Ce soir-là, il n’est pas venu sur scène. Nous étions tous les quatre en train de nous concentrer sur les accords compliqués de notre nouvelle intro, et nous avons mis un bon bout de temps à nous rendre compte qu’Antoine aurait dû faire son entrée il y a un moment déjà. Nous avons laissé le temps à Sylvain de meubler en déroulant un solo d’anthologie avant de nous affoler pour de bon. Mathieu et moi avons quitté la scène, nous sommes précipités dans les coulisses pour constater qu’elles étaient vides. Mathieu est sorti quelques secondes, puis est revenu l’air défait, les mains sur les hanches :
Les larmes coulaient sur mes joues.
Chloé est née un jeudi. Neuf mois jour pour jour après cet oubli de pilule. Je n’ai pas la moindre nouvelle d’Antoine, resté muet auprès de ses amis et de sa famille, disparu pour de bon, fuyant un avenir radieux sur tous les plans, parce qu’il n’avait jamais supporté autre chose que des promesses. Promesses d’une vie qui aurait pris forme sous les contours d’une famille et d’une célébrité musicale dont il n’avait jamais rêvé.
Je ne fais plus de musique. Le disque de Gayastation a fait un carton sur le plan régional, mais est resté assez confidentiel sur le plan national. Sans possibilité d’en assurer la promotion par des concerts et autres apparitions, nous avons constaté, impuissants, qu’il n’aurait pas l’accueil qu’il aurait mérité.
J’ai cessé de parcourir les journaux à la pensée frémissante de lire quelque chose à propos d’un garçon retrouvé pendu dans un hôtel minable à des centaines de kilomètres d’un foyer auquel Antoine avait renoncé. Il n’avait pas laissé de lettre d’adieu, ni le moindre espoir de ressurgir un jour pour retrouver le bonheur que nous lui promettions.
Après avoir pleuré, et pleuré encore, m’être accusée d’être responsable de cette disparition et de la pensée de vouloir noyer Chloé dans mes larmes, j’ai commencé à me construire une nouvelle vie sur les ruines de mon amour enfui.
Rien n’a changé, en fin de compte, tout est resté en l’état, aux yeux des autres seulement, qui ont joué les surpris. Je suis demeurée forte, parce que je l’ai toujours été. Au milieu de cette petite vie que nous avions façonnée avec rage.
Rien n’a changé. Et pourtant, Antoine a tout emporté.